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27/09/2022 | FRANCE | N°20/00423

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 27 septembre 2022, 20/00423


27 SEPTEMBRE 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 20/00423 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMDO



[O] [K]



/



Fédération ADMR DU PUY DE DOME

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY g

reffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé



ENTRE :



Mme [O] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOM...

27 SEPTEMBRE 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 20/00423 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FMDO

[O] [K]

/

Fédération ADMR DU PUY DE DOME

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé

ENTRE :

Mme [O] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick ROESCH de la SELARL JURIDOME, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Fédération ADMR DU PUY DE DOME

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Anaïs MASDUPUY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

M.RUIN, Président et Mme DALLE, Conseiller après avoir entendu, Mme DALLE, Conseiller en son rapport, à l'audience publique du 20 juin 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [O] [K] a été embauchée par l'association fédération départementale ADMR du Puy-De-Dôme dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi conclu pour une durée de 6 mois à compter du 2 janvier 2007.

Suivant contrat à durée indéterminée du 3 mai 2007, dans le cadre d'un contrat 'jeunes en entreprise', elle a été embauchée en qualité d'employée de bureau, puis par avenant du 29 avril 2011, elle a occupé le poste d'accompagnant de proximité à compter du 1er mai 2011.

Dans un courrier daté du 22 janvier 2019 et reçu le 24 janvier, adressé à la fédération, à l'attention du directeur de l'association, M. [C], Mme [K] a dénoncé une situation de harcèlement moral confiée à son médecin traitant et également à la DIRRECTE.

Par courriers datés du 11 février 2019, M. [C] et le président de la fédération, M. [L], lui ont répondu, le premier en contestant les faits reprochés et lui indiquant être à sa disposition pour s'entretenir avec elle 'pour repartir sur une collaboration saine, véritable, de confiance et durable basée sur la communication', le second s'étonnant de ses propos puisqu'elle ne lui avait jamais fait part de problèmes d'organisation ni d'hyperactivité et encore moins de harcèlement à son égard malgré ses visites régulières et fréquentes au sein des locaux de la fédération, et n'a pas non plus, à sa connaissance, saisi la médecine du travail.

Mme [K] a été placée en arrêt maladie à compter du 22 janvier 2019, à la suite d'un certificat médical mentionnant : « Harcèlement moral au travail avec répercussion psychique importante », et ce jusqu'à son départ de l'entreprise suivant son licenciement pour inaptitude médicale, par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 septembre 2019.

Entre temps, le 20 février 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et d'obtenir diverses sommes à titre indemnitaire, notamment en réparation des préjudices physiologiques et moraux subis du fait d'un harcèlement dont elle aurait été victime.

Par jugement contradictoire du 17 février 2020, le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand a :

- dit et jugé recevables mais non fondées les demandes de Mme [K] à l'encontre de l'Association ADMR du Puy-De-Dôme ;

- dit et jugé que l'existence d'un harcèlement moral de Mme [K] n'est pas établie ;

- dit et jugé qu`il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail entre Mme [K] et l'Association ADMR du Puy-De-Dôme ;

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude médicale de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- donné acte à Mme [K] qu'elle ne maintient pas sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement, celle-ci lui ayant été réglée ;

- débouté en conséquence Mme [K] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté l'Association ADMR du Puy-De-Dôme de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [K] aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 3 mars 2020, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 19 février 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 26 août 2020 par Mme [K],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 14 mars 2022 par l'Association ADMR du PUY-DE-DÔME,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures de réformation, Mme [K] demande à la cour de :

- juger qu'elle est bien fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec toutes conséquences que de droit ;

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur à la date du 26 septembre 2019 ;

A titre principal :

- constater l'existence d'une situation de harcèlement moral avérée dont elle a été victime et s'étant manifestée par les éléments suivants (sic) ;

- juger la rupture de son contrat de travail avec l'Association ADMR du Puy-De-Dôme nulle ;

En conséquence :

- condamner la dite association à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 4.497,68 euros à titre de préavis, outre 449,76 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 53.952 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul,

* 15.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation des préjudices physiologiques et moraux subis du fait du harcèlement ;

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de l'article L 1252-4 du Code du Travail ;

A titre subsidiaire :

- juger que l'Association ADMR du Puy-De-Dôme a commis des manquements graves justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

- juger la rupture de son contrat de travail avec l'Association ADMR du Puy-De-Dôme produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

- condamner l'Association ADMR du Puy-De-Dôme à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 4.497,68 euros à titre de préavis, outre 449,76 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 24.737,24 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation des préjudices physiologiques et moraux subis du fait du harcèlement ;

En tout état de cause :

- dire et juger que l'Association ADMR du Puy-De-Dôme devra lui remettre des documents de fin de contrat rectifiés ;

- la condamner en outre à lui payer et porter une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [K] s'estime bien fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail compte tenu du comportement gravement fautif de son employeur et de ses manquements de nature a empêcher la poursuite de la relation de travail.

Elle indique avoir subi des faits de harcèlement de la part de M. [C], directeur de l'Association ADMR du Puy-De-Dôme, en précisant que :

- elle a subi une réorganisation du travail de l'équipe, au détriment de sa personne, dont les fonctions devaient être redéfinies par le directeur M. [C] ;

- à la suite de cela, ce dernier a eu un comportement inacceptable à son égard, ne lui adressant notamment plus la parole et la mettant à l'écart ;

- elle a vu également son travail critiqué de manière infondée ;

- elle a été victime de discrimination par l'absence de versement de prime, par le refus de certains jours de congés et de remboursement de frais d'essence, tout en supportant un surcroît d'activité ;

- l'employeur n'a mis en place aucune action de formation à son bénéfice malgré le fait qu'elle a vu ses missions et tâches se multiplier.

Elle affirme ainsi démontrer l'existence de faits précis et répétés permettant de présumer la réalité d'un harcèlement moral, et rapporter dès lors la preuve que la rupture de son contrat de travail est en lien direct avec le harcèlement dont elle a été victime, estimant en conséquence que la dite rupture doit être qualifiée de nulle.

Elle explique en outre que plusieurs médecins ont estimé que les difficultés rencontrées au travail étaient en lien avec son état de santé, tout comme l'attestent différents témoignages de proches.

A titre subsidiaire, elle soutient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail, résiliation qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, elle argue que l'employeur ne justifie d'aucune mesure de prévention propre à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, et ne justifie pas plus de la mise en 'uvre d'action de formation ou d'information permettant de prévenir les risques psychosociaux.

Sur les dommages et intérêts en réparation des préjudices physiologiques et moraux subis du fait de la rupture du contrat de travail, Mme [K] indique que la rupture du contrat de travail doit s'analyser comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison du comportement gravement fautif de I'employeur.

Elle considère donc pouvoir prétendre a une indemnité non enfermée dans le plafond de l'article L.1235-3 du code du travail, invoquant également l'article L. 1152-3 du code du travail qui prévoit la nullité de toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de l'article L 1252-4 du code du travail, Mme [K] indique que le harcèlement constitue un manquement à l'obligation générale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont l'employeur doit assurer l'effectivité.

Selon la salariée, elle aurait subi un préjudice distinct du harcèlement par les manquements de son employeur à son obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Dans ses dernières écritures de confirmation au principal, l'association ADMR du Puy-De-Dôme demande à la cour de :

- juger que l'existence d'un harcèlement moral de Mme [K] n'est pas établie ;

- juger qu'elle a bénéficié de formations professionnelles;

- la débouter par voie de conséquence de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires subséquentes, et de ses demandes subsidiaires pour licenciement nul ;

- juger qu'ayant été licenciée pour inaptitude médicale, l'employeur n'a pas à lui payer la période de préavis ;

En conséquence :

- la débouter de sa demande au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents ;

- juger que le calcul de son indemnité de licenciement est erroné ;

- juger que l'indemnité de licenciement lui a d'ores et déjà été réglée ;

En conséquence :

- la débouter de ses demandes ;

- juger que son licenciement, prononcé à la suite de son inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- juger que ses demandes indemnitaires ne sont pas conformes à l'article L 1235-3 ayant instauré un barème pour les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- la condamner aux dépens ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce que l'Association ADMR du Puy-De-Dôme a été déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en conséquence, condamner Mme [K] à lui payer la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association ADMR du Puy-De-Dôme fait essentiellement valoir que:

- M. [C] n'a jamais fait preuve de harcèlement sur la personne de Mme [K], laquelle ne rapporte aucune preuve de harcèlement de la part de ce dernier entraînant une dégradation de ses conditions de travail ;

- M. [C] a répondu point par point aux griefs allégués par Mme [K] à l'appui du harcèlement dans un courrier daté du 11 février 2019, de manière objective dans l'analyse des faits et sans agressivité ;

- parallèlement, M. [D] [L], le président de l'association, a adressé à Mme [K] un courrier afin qu'elle se présente à un rendez-vous pour évoquer le harcèlement dont elle indique avoir fait l'objet, qu'elle n'a pas honoré ;

- les règles applicables au sein de l'association l'étaient à l'égard de tous les salariés et non pas seulement de Mme [K] ;

- dans ces conditions, aucun des éléments évoqués par Mme [K] ne relève du harcèlement ;

- de plus, la salariée n'a jamais informé qui que ce soit de ce qu'elle avait des difficultés sur son lieu de travail ;

- il est démontré qu'elle a bénéficié de formations professionnelles ;

- par conséquent, le harcèlement moral n'est pas avéré et les faits reprochés à l'employeur ne justifient pas la résiliation judiciaire du contrat de travail, le doute profitant à l'employeur en matière de résiliation.

En outre, sur les demandes de dommages et intérêts, Mme [K] ne s'explique pas sur les préjudices dont elle indique avoir été la victime.

Mme [K] a également été informée le 3 septembre 2019 par courrier de l'impossibilité de procéder à son reclassement au sein de l'association, suite à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail le 30 août 2019. Dès lors, le licenciement pour inaptitude médicale est justifié.

L'association ADMR du Puy-De-Dôme demande enfin à la cour de prendre acte de ce que la salariée ne formule aucune demande au titre du licenciement et conclut au débouté de Mme [K] de sa demande au titre du préavis, celle-ci étant dans l'incapacité physique d'effectuer son préavis.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la rupture du contrat de travail -

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement comme en l'espèce pour inaptitude médicale, il y a lieu de rechercher d'abord si la demande de résiliation judiciaire du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il convient le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le harcèlement fait partie des manquements graves de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

L'article L. 1152 ' 1 du code du travail dispose :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»

En application de l'article L.1154-1 du même code lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 L. 1153-4, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral doit établir les faits laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement, à charge ensuite pour l'employeur de démontrer que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Ainsi, il appartient au juge, d'une part, de rechercher si le salarié rapporte la preuve de faits qu'il dénonce au soutien de son allégation, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, d'autre part, dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, peu important que les agissements soient ou non de même nature et/ou qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps.

Enfin, lorsque des agissements de harcèlement imputables à l'employeur sont à l'origine ou l'une des causes de la rupture du contrat de travail, cette rupture produit les effets d'un licenciement nul.

En l'espèce, Mme [K] expose que ses conditions de travail se sont subitement détériorées avec la nomination de M. [C] au poste de directeur. En effet, sa belle-mère, Mme [H] était directrice de l'association jusqu'à son départ à la retraite en février 2016 alors que M. [R] en était président et M. [C], comptable salarié.

M. [R] a ensuite profité de ses fonctions associatives pour gonfler ses notes de frais, et suite à une lettre de dénonciation, il a été reconnu coupable d'abus de confiance. M. [C] a alors été nommé au poste de directeur, mettant en place une organisation différente, privilégiant certains membres du personnel à son détriment et souhaitant même que ses fonctions soient redéfinies. C'est ainsi qu'à la fin de l'année 2018, les conditions de travail de la salariée se sont encore plus détériorées.

Elle explique ainsi que M.[C] n'a pas hésité à :

- changer subitement d'attitude à son égard par exemple en ne l'appelant plus par son prénom, mais désormais Madame ou en ne lui disant plus bonjour ni au revoir ;

- ne plus lui adresser la parole et lui donner indirectement toutes les instructions ;

- critiquer son travail de façon injustifiée ;

- la placardiser en certaines occasions et l'effacer purement et simplement;

- lui faire subir des discriminations : absence de versement de prime ou refus de certains jours de congés... ;

- ne plus lui rembourser ses notes d'essence ;

- organiser son activité en lui confiant des tâches annexes ;

- lui faire supporter systématiquement un surcroît d'activité dès l'instant où elle osait manifester un désaccord sur une instruction qu'elle ne pouvait pourtant pas effectuer pour des raisons tout à fait légitimes.

Selon elle, ce comportement de M. [C] à son égard a eu d'importantes répercussions sur sa santé psychique et, n'en pouvant plus physiquement et moralement, elle a décidé de lui adresser un courrier du 22 janvier 2019, ses alertes orales ayant été ignorées.

Au soutien de ses demandes, Mme [K] produit les éléments de preuve suivants:

- plusieurs courriels en date du 28 décembre 2018, du 3 janvier 2019 et du 15 janvier 2019 où le directeur, M. [C] s'adresse alternativement à elle soit par son prénom, soit en l'appelant 'Madame' ;

- des attestations émanant notamment de l'ancienne directrice de l'association, sa belle-mère, et de son mari ;

- un courrier dont il ressort que le directeur lui a refusé de prendre une unique journée de congé le 31 mai 2019 ;

- des éléments établissant qu'elle a subi un retard important de paiement de ses frais de remboursement d'essence pour une demande présentée le 17 janvier 2019.

Elle verse également un courriel adressé le 14 janvier 2019 par M. [C] à Mme [A] rédigé ainsi qu'il suit :

'[G],

Je vous joins copie de l'ER D'ABRI à ce jour, faisant apparaître (surligné en jaune) quelques écritures qui me paraissent 'farfelues'

Merci de bien vouloir, avec la personne à l'origine de ces mouvements les corriger (en dates et en valeurs) et me faire pour chacune d'elles, la liste exhaustive des erreurs commises.'

Mme [K] fait état d'un autre mail du 17 janvier 2019, émanant de M. [B] qui lui écrit :

'BONJOUR,

RAPPEL JE SOUHAITERAIS (comme convenu il y a quelques mois) QUE TOUTES LES INFORMATIONS CONCERNANT CPAM AG2R FORMATION ME SOIENT COMMUNIQUES DIRECTEMENT A MOI ET A MOI SEUL...JE N4AI PAS BESOIN DE LA SECRETAIRE POUR FAIRE MA COMPTA ET TOUT CA POUR SIMPLIFICATION

MON DERNIER POINTAGE FAIT RESSORTIR DEUX SOMMES SANS AFFECTATION (...)

MERCI D'EN PRENDRE NOTE

SANS CETTE ATTENTE .. JE VOUS SOUHAITE UNE BONNE JOURNEE

BIEN CORDIALEMENT.'

Mme [K] verse sa réponse à ce mail dont, dit-elle, le ton employé, les majuscules et les points de suspension ne sont manifestement pas appropriées à un contexte de travail apaisé, le même jour :

'Bonjour M. [B],

Veuillez m'excuser pour le dernier envoi en doublon. En effet, assurant cette fonction seulement depuis fin décembre 2018, je n'avais pas encore eu cette précision.

Je vous adresse ce jour, les dernières IJ reçues en Fédération...'

Enfin, Mme [K] produit deux courriels rédigés par M. [C] lui demandant de remplacer une collègue à un poste de secrétariat et de mettre à jour la comptabilité des associations, en parallèle avec ses autres tâches, en raison de l'arrêt de travail pour maladie de deux collègues.

En réponse, l'employeur produit des courriels d'échanges avec la salariée qui établissent que le directeur continuait à appeler Mme [K] par son prénom postérieurement aux mails produits par la salariée et s'employait à l'appeler ponctuellement 'Madame' lors de la réitération d'une demande déjà adressée.

L'association fait également valoir que pour la répartition du temps de travail, les missions principales de la salariée était effectivement distribuées par Mme [X], ce que Mme [K] reconnaît au demeurant dans son courrier en réponse daté du 6 mars 2019.

S'agissant des courriels produits par la salariée tendant à critiquer son travail de façon prétendument injustifiée, l'employeur relève que l'un des courriels a été rédigé par M. [B] et non par M. [C] et que ce dernier a relevé des insuffisances professionnelles avérées qu'il a précisées dans le courrier en date du 11 février 2019:

' Vous n'avez repris l'enregistrement comptable des indemnités CPAM et AG2R qu'à partie du 20 décembre environ, et j'ai constaté de nombreuses erreurs qui dénotent de lourdes insuffisances de votre part, j'ai relevé des manquements dans les :

* enregistrements des documents tous à la même date alors que chacun porte une date différente

*enregistrements d'écritures d'une association sur une autre association

* erreurs sur les salariés crédités de leurs indemnités

* enregistrements et classement de bordereaux CPAM erronés (indemnités payées plusieurs fois pour une même période et pur la même salariée, sans même prévenir le responsable).

Ces erreurs ont été corrigées par Mme [A].'

Concernant le retard de remboursement des frais d'essence, l'association verse aux débats des demandes de remboursements de frais de déplacements de Mme [K] dans lesquelles apparaît un tampon 'bon à payer' portant les initiales 'BD' de M. [L] [T], trésorier adjoint de la fédération, démontrant ainsi que ce n'est pas M. [C] qui est responsable du paiement des frais. En outre, cette note de frais date de 5 jours seulement avant la lettre faisant état de harcèlement et de l'arrêt maladie du 22 janvier et aucun autre incident du même ordre n'est établi par la salariée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de relever que si Mme [K] a vu sa charge de travail alourdie, elle ne démontre nullement que cette surcharge serait une réponse à ses désaccords sur des instructions données. Au demeurant, cette charge de travail plus importante n'était que ponctuelle et justifiée par une baisse momentanée des effectifs.

La salariée ne justifie pas davantage avoir avisé M. [C] ou le président de la fédération, ni quiconque, de difficultés avant d'adresser à M. [C] le courriel du 21 janvier puis du lendemain 22 janvier avec son arrêt de travail, ce qui ne pouvait permettre à M. [C] ou à sa hiérarchie d'intervenir autrement qu'en proposant une rencontre, ce qui a été fait, sans que Mme [K] ne réponde à cette proposition, en notant que son certificat initial du 22 janvier ne prévoyait un arrêt de travail que jusqu'au 5 février 2019.

Mme [K] ne justifie pas plus que d'autres salariés auraient eu à pâtir du comportement de M. [C] alors que les attestations de sa belle-mère, Mme [H], et de son conjoint, n'établissent nullement le harcèlement invoqué et ne font que rapporter des propos tenus par Mme [K].

Les attestations de M. [U] et de Mme [M] ne donnent par ailleurs aucune information sur la relation de Mme [K] et de M. [C] après 2016.

De plus, les pièces médicales produites ne permettent pas de déceler des éléments autres que ceux rapportés aux praticiens par Mme [K] elle-même, et s'il n'est pas douteux qu'elle ait été en souffrance psychologique, rien ne permet d'en imputer la cause à un harcèlement dans le cadre de ses fonctions professionnelles.

Encore, Mme [K] a bien bénéficié de formations professionnelles adaptées aux fonctions occupées, la dernière en mai 2018, sans avoir elle-même sollicité d'autres formations par la suite.

En conséquence de tout ce qui précède, Mme [K] ne justifie pas suffisamment de faits précis, ni d'agissements répétés de son employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte suffisamment de l'analyse faite plus haut des griefs invoqués par Mme [K] que son employeur n'a pas failli à ses obligations envers elle, en rappelant que l'intéressée n'a jamais alerté quiconque, avant son arrêt de travail, d'une situation pouvant lui porter préjudice sur son lieu de travail et qu'il n'y avait donc pas lui de faire cesser une éventuelle situation jusqu'alors jamais dénoncée.

Le harcèlement n'étant pas établi, Mme [K] ne peut arguer de l'absence de mesures de prévention ayant pu lui faire grief.

C'est ainsi à juste titre que le jugement critiqué a débouté Mme [K] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera également confirmé en toutes ses autres dispositions relatives au fond, le licenciement de Mme [K] pour inaptitude non professionnelle reposant bien ainsi sur une cause réelle et sérieuse.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles -

Mme [K], succombant en son recours sera condamnée aux dépens d'appel et a justement été condamnée aux dépens de première instance.

Concernant les frais irrépétibles, c'est à juste titre que les premiers juges n'avaient pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Mme [K].

Devant la cour il y a cependant lieu de la condamner à un indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme [O] [K] à payer à l'Asssociation Fédération Départementale ADMR la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [O] [K] au paiement des dépens d'appel ;

DEBOUTE chacune des parties de ses conclusions plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00423
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.00423 ?
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