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27/09/2022 | FRANCE | N°20/00004

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 27 septembre 2022, 20/00004


27 SEPTEMBRE 2022



Arrêt n°

CHR/NB/NS



Dossier N° RG 20/00004 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FK5L



S.A.S. LUXFER GAS CYLINDERS



/



[C] [I]

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats

et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé



ENTRE :



S.A.S. LUXFER GAS CYLINDERS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège soci...

27 SEPTEMBRE 2022

Arrêt n°

CHR/NB/NS

Dossier N° RG 20/00004 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FK5L

S.A.S. LUXFER GAS CYLINDERS

/

[C] [I]

Arrêt rendu ce VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et de Mme Nadia BELAROUI, greffier lors du prononcé

ENTRE :

S.A.S. LUXFER GAS CYLINDERS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Séverine FOURVEL de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [C] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant à l'audience, assisté de Me Jean-Louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président et Mme DALLE, Conseiller,

après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 20 juin 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [C] [I], né le 20 novembre 1977, a été embauché en qualité d'ouvrier par la SAS LUXFER GAS CYLINDERS le 1er juillet 2002.

Monsieur [C] [I] a été placé en arrêt du travail de mars 2016 à juin 2018. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Puy-de-Dôme lui a notifié sa prise en charge au titre de la maladie professionnelle inscrite au n°98 du tableau des maladies professionnelles le 7 juillet 2016. Des préconisations médicales ont été émises par le médecin du travail lors d'une visite en date du 10 janvier 2018. Une étude de poste a été effectuée le 24 janvier 2018.

Par lettre du 19 mars 2018, la société LUXFER GAS CYLINDERS a indiqué au médecin du travail que les restrictions émises rendaient impossible le reclassement de Monsieur [I].

Par lettre du 16 mai 2018, la société LUXFER GAS CYLINDERS s'est opposée à une reprise à temps partiel thérapeutique.

Suite à la visite de reprise du 4 juin 2018 et compte tenu de l'avis émis par le médecin du travail, la société LUXFER GAS CYLINDERS a informé Monsieur [I] par lettre du 15 juin 2018, qu'aucune solution de reclassement ne pouvait être envisagée à son profit. Le même jour, la société LUXFER GAS CYLINDERS a consulté la délégation unique du personnel (DUP) sur cette procédure. La DUP s'est déclarée non favorable au licenciement de Monsieur [I].

Monsieur [I] a été convoqué à un entretien préalable par lettre en date du 18 juin 2018.

Par lettre datée du 23 juin 2018 Monsieur [I] a contesté le fait qu'il n'y avait aucune possibilité de reclassement pour lui.

Le contrat de travail de Monsieur [I] a été rompu par lettre du 2 juillet 2018.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

' Monsieur,

Comme suite à l'entretien préalable que nous avons eu le mercredi 27 juin 2018 à 16h00, au cours duquel vous étiez accompagné par Monsieur [G] [T], Délégué Syndical CFDT,

nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement.

Votre contrat de travail sera rompu dès première présentation de cette lettre à votre domicile.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de 1'entretien précité du 27 juin 2018, à savoir votre inaptitude à l'emp1oi préalablement occupé d'agent de production à l'atelier contrôle et à tout poste comportant des manutentions manuelles de charges lourdes, en limitant votre aptitude restante à l'exercice de menues tâches administratives avec siège ergonomique adapté ou à la réalisation de petits travaux respectant les restrictions ainsi que tout autre poste respectant les réserves notifiées (pas de manutentions manuelles répétées de charges supérieures à 3kgs, pas de posture prolongée en flexion ou torsion du tronc, pas de poste exposant de façon continue aux vibrations transmises au rachis, pas de contact avec les résines époxy) excluant ainsi tout poste dans les ateliers au sein de la société LUXFER.

En effet, après une étude de poste et des conditions de travail le 30 mai 2018 puis à la suite d'échanges que nous avons eu avec le médecin du travail sur votre situation, ce dernier a conclu à l'occasion de la visite de reprise du 4 Juin 2018 à votre inaptitude au poste d`Agent de production à l'atelier contrôle.

Nous avons, alors en concertation avec le médecin du travail, CAP EMPLOI ainsi que les délégués du personnel, recherché des solutions de reclassement, mais nous n'avons identifié aucun poste disponible susceptible de vous être proposé et compatible avec vos compétences.

Dans ces conditions, compte tenu de votre inaptitude et de l'impossibilité de procéder à votre reclassement, nous sommes contraints de mettre un terme à notre collaboration.

Par ailleurs vous bénéficierez de la portabilité de vos droits en matière de prévoyance, et de frais de santé.

Nous vous adresserons le solde de votre compte, votre certificat de travail et votre attestation POLE EMPLOI.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. '

Le 17 juillet 2018 Monsieur [I] s'est vu notifier un taux d'incapacité permanente de 5 %.

Le 8 novembre 2018, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 5 décembre 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 13 novembre 2018 ), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 12 décembre 2019 (audience du 19 septembre 2019), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamné la société LUXFER GAS CYLINDERS prise en la personne de son représentant légal, à lui payer et porter les sommes suivantes :

* 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

* 47 000 euros au titre de l'indemnité supra légale,

* 9 500 euros au titre du budget formation,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision pour les condamnations qui ne le sont pas de plein droit;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société LUXFER GAS CYLINDERS aux entiers dépens.

Le 27 décembre 2019, la société LUXFER GAS CYLINDERS a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 16 décembre 2019.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 11 septembre 2020 par la société LUXFER GAS CYLINDERS,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 mars 2022 par Monsieur [I],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 mai 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société LUXFER GAS CYLINDERS demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND en ce qu'elle a été condamnée aux sommes suivantes :

* 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

* 47 000 euros au titre de l'indemnité supra légale,

* 9 500 euros au titre du budget formation,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- débouter Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- considérer que le licenciement de Monsieur [I] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LUXFER GAS CYLINDERS explique qu'elle appartient à un groupe d'envergure internationale mais qu'elle est la seule société du groupe présente sur le territoire national. Dès lors, elle considère qu'elle n'avait pas à rechercher de solutions de reclassement au sein des autres sociétés du groupe.

Concernant la consultation des délégués du personnel, elle indique qu'elle les a convoqués le 7 juin 2018 pour une réunion fixée au 15 juin 2018 afin qu'ils se prononcent sur la situation de Monsieur [I] et les solutions de reclassement le concernant, et qu'à cette réunion il a été exposé l'absence de postes disponibles au travers des suggestions des délégués du personnel. Elle précise que l'un des délégués, Monsieur [K], n'a pas assisté à la réunion puisqu'il était en congé et que cela a été confirmé par le premier juge.

La société LUXFER GAS CYLINDERS relève que l'avis médical rendu sur l'inaptitude, devenu définitif, ne permettait pas que soient envisagées les propositions identifiées par le salarié. Dès lors, elle soutient que le licenciement de Monsieur [I] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Elle soutient à titre subsidiaire que le requérant ne peut solliciter des dommages et intérêts à hauteur de 45.000 euros, et affirme que l'indemnisation devra se faire dans le cadre du plafonnement légalement prévu. Elle fait valoir qu'aucun préjudice spécifique, indemnisable indépendamment de l'indemnité plafonnée, n'est invoqué par Monsieur [I], que le salarié n'apporte aucun élément permettant de démontrer que, dans son cas, et à raison d'un préjudice particulier qui ne serait pas indemnisable par ailleurs, sur un autre fondement, il serait privé, du fait du plafonnement, d'une réparation adéquate.

Concernant l'indemnité supra-légale et le budget de formation, l'appelante conclut au débouté de Monsieur [I] de cette demande. Elle souligne également que Monsieur [I] ne peut prétendre bénéficier des dispositions issues du plan de sauvegarde de l'emploi qui a été mis en oeuvre plus de 8 mois après son licenciement.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [I] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement à la somme de 18 000 euros et demande à la cour, y ajoutant, de :

- le réformer sur ce seul point et statuant à nouveau :

- condamner la société LUXFER GAS CYLINDERS à lui porter et payer la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêt de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales;

- y ajoutant, condamner la société LUXFER GAS CYLINDERS à lui payer et porter la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société LUXFER GAS CYLINDERS de toutes ses demandes, fins et

conclusions.

Monsieur [I] expose que la procédure de consultation des délégués du personnel est irrégulière puisque Monsieur [K], délégué titulaire, n'a pas été convoqué. Compte tenu de l'irrégularité de la procédure, il considère qu'il est en droit de prétendre au versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Monsieur [I] soutient que son employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne procédant pas à une recherche réelle et sérieuse, alors qu'il a identifié différents postes existants et compatibles avec les restrictions formulées par le médecin du travail. Il relève que la société LUXFER GAS CYLINDERS n'apporte pas la preuve qu'elle a effectué des recherches de reclassement au sein du groupe, qui est présent dans plusieurs pays, ce qui constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que la société LUXFER GAS CYLINDERS a bouclé la recherche de reclassement en une semaine puisque dans son courrier de reclassement en date du 7 juin 2018, elle sollicitait une réponse de ses interlocuteurs avant le 15 juin 2018. Il précise que l'employeur ne justifie pas de démarches effectuées entre le 15 juin et le 2 juillet, date d'envoi de la lettre de licenciement.

Monsieur [I] considère que l'employeur avait connaissance de la fermeture du site et qu'il a anticipé en procédant à son licenciement. Il indique enfin que l'employeur ne voulait pas le reclasser du fait de la fermeture qui était annoncée quelques mois plus tard et que de ce fait il n'avait pas pu bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi, à savoir une indemnité supra légale et un budget formation.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur le licenciement -

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable :

'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce'.

En application de l'article L. 1226-12 du même code, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Il résulte de ces textes que l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé. L'employeur doit prouver avoir tout mis en oeuvre pour remplir son obligation et démontrer que le reclassement est réellement impossible. Il n'est pas tenu de mettre en oeuvre une formation destinée à faire changer le salarié de catégorie professionnelle mais l'article L. 1226-10 lui impose de rechercher toutes les possibilités de mutations, de transformations de postes ou d'aménagement du temps de travail. La présomption instituée par l'article L. 1226-12 ne peut jouer que si l'employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, alors que l'article L. 1226-10 du code du travail impose à l'employeur de solliciter l'avis des délégués du personnel ou, le cas échéant, du comité économique et social avant de proposer au salarié inapte un poste de reclassement, Monsieur [I] se plaint de ce que l'un des délégués du personnel, M. [K], n'a pas été convoqué à la réunion de consultation ayant eu lieu le 15 juin 2018 et il verse aux débats l'attestation de ce délégué du personnel qui confirme ne pas avoir été convoqué. Il convient toutefois de relever que, selon le procès-verbal de la réunion, 6 des 7 délégués du personnel étaient présents et que M. [K] était absent pour cause de congés du 11 au 16 juin 2018, ainsi qu'en justifie l'employeur. Dans ces conditions, eu égard à la présence de la totalité des autres délégués du personnel titulaires et au motif légitime d'absence de M. [K], aucune irrégularité ne saurait être reprochée à l'employeur qui a valablement pu consulter les délégués du personnel présents au sein de l'entreprise dans le temps limité qui lui était imparti après l'avis du médecin du travail pour formuler ses propositions de reclassement.

Alors que Monsieur [I] était en arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle depuis le mois de janvier 2016, le médecin du travail, suite à une étude de poste, réalisée le 30 mai 2018, n'a pas retenu, dans son avis du 4 juin 2018, que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ni que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il a estimé Monsieur [I] : 'Inapte au poste préalablement occupé d'agent de production à l'atelier contrôle. Inapte à tout poste comportant des manutentions manuelles de charges lourdes ainsi que des manutentions manuelles répétées de charges supérieures à 3 kgs / pas de posture prolongée en flexion ou torsion du tronc / pas de poste exposant de façon continue aux vibrations transmises au rachis / pas de contact avec les résines époxy. Pourrait occuper un poste de type administratif avec siège ergonomique adapté, pourrait occuper un poste d'agent d'entretien sur des petits travaux respectant les restrictions ci-dessus ainsi que tout autre poste respectant les réserves notifiées. Peut suivre toute formation respectant les réserves médicales'.

Compte tenu de cet avis, il incombait à l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement dans des postes compatibles avec l'état de santé du salarié.

Monsieur [I] ne saurait reprocher à l'employeur de ne pas avoir effectué de recherches au sein du groupe auquel elle appartient en se prévalant d'un courrier adressé à une compagnie d'assurance à laquelle il affirmait avoir accompli des démarches 'tant au niveau de l'entreprise que du groupe'. S'il est vrai que la recherche doit se faire, en principe, au niveau du groupe d'entreprise auquel l'employeur appartient et que celui-ci ne conteste pas avoir limité ses recherches à la société LUXFER de GERZAT (63) dans laquelle était employé M. [I], il reste que le périmètre de la recherche de reclassement est limité au territoire français par l'article L. 1226-10 précité. Or, en l'espèce, il est constant que le groupe auquel appartient la société LUXFER ne dispose que d'une seule société en France, à savoir la société LUXFER de GERZAT. L'employeur peut, certes, valablement s'engager à effectuer des recherches de reclassement au-delà du périmètre prescrit légalement mais il ne résulte nullement de la lettre invoquée qu'en l'espèce, un tel engagement aurait été pris auprès de Monsieur [I].

Pour justifier de ses recherches au sein de la société, l'employeur se borne à verser aux débats les 7 courriels qu'il a adressés, le 7 juin 2018, aux responsables des différents services auxquels il a été répondu, de manière lapidaire, entre le 8 et le 15 juin suivant, qu'il n'y avait 'pas de poste'. L'employeur a ensuite informé le médecin du travail, le 15 juin 2018, qu'il n'avait pas été en mesure d'identifier un poste de reclassement en précisant qu'il n'avait 'pas de poste sédentaire de nature commerciale ou administrative compatible avec les compétences' de Monsieur [I] et que, dès lors, devait être engagée la procédure de licenciement.

Il convient, cependant, de relever qu'à l'occasion de la consultation des délégués du personnel, ces derniers avaient suggéré un reclassement soit sur un poste d'accueil, soit au magasin, soit sur un poste d'encodage de bons. L'employeur a, certes, répondu et il maintient dans ses écritures que le poste d'accueil était déjà occupé, qu'il n'y avait pas de poste existant au magasin et que le poste d'encodage, créé pour un salarié devant partir en préretraite, n'existe pas. Il doit être néanmoins observé qu'au-delà de ses affirmations, l'employeur n'apporte aucun élément d'appréciation de nature à permettre d'attester de ses recherches et de confirmer que le reclassement de Monsieur [I] n'aurait pas été possible sur l'un ou l'autre de ces postes.

S'agissant, plus précisément, du poste au magasin, l'employeur affirme qu'il s'agit d'un poste qui a été supprimé après le départ en retraite de son titulaire en raison de l'automatisation mise en place, mais il ne conteste pas que ce poste a été occupé, certes temporairement, par un autre salarié à compter du mois d'octobre 2018 dans l'attente de l'aménagement de son propre poste. Or, il n'est pas justifié de l'automatisation alléguée et, en l'état des pièces produites, rien ne permet de vérifier la réalité de la suppression de ce poste. En outre, alors que, selon l'employeur, Monsieur [I] n'aurait pu occuper le poste en raison de son allergie à la résine époxy, il est versé aux débats les attestations de deux salariés déclarant que ce composant était livré dans des composants étanches et ne transitait pas par le magasin. En tout état de cause, il y a lieu de constater que l'employeur ne justifie pas d'une quelconque recherche ni de l'impossibilité de reclassement de Monsieur [I] à ce poste.

S'agissant du poste d'encodage au service SAP, il résulte des explications fournies par l'employeur qu'il s'agirait d'un poste qui avait été initialement créé en 2017 pour un salarié (M. [P]) suite à un avis du médecin du travail, dans l'attente de son départ en retraite en août 2018 mais que, depuis lors, ses missions auraient été réparties entre d'autres salariés de sorte que ce poste n'aurait plus d'existence. Pourtant, selon le compte rendu de la réunion du CHSCT du 8 décembre 2017, la directrice des ressources humaines a indiqué que ce poste avait été proposé à M. [P], qu'il s'agissait de 'réaliser le pointage de production sur le logiciel SAP' et que, suite à un nouvel arrêt pour maladie de M. [P], 'le poste est toujours libre', sans préciser que ce poste serait voué à disparaître. En l'absence de tout autre élément, notamment, en ce qui concerne la prétendue absence de pérennité de ce poste, il apparaît que ce poste était vacant dans les premiers mois de l'année 2018 alors que les premières préconisations du médecin du travail concernant Monsieur [I] datent du mois de janvier 2018. Monsieur [I] est, dès lors, bien fondé à reprocher à l'employeur d'avoir indiqué au médecin du travail, le 19 mars 2018, qu'il n'avait aucune solution de reclassement alors que M. [P] a quitté l'entreprise le 15 juin 2018. Si l'employeur soutient, à juste titre, qu'il n'avait aucune obligation de créer un poste pour permettre le reclassement de Monsieur [I], il apparaît, en l'espèce, que le poste litigieux était déjà existant.

Il y a lieu, par ailleurs, de relever, ainsi que le souligne, à juste titre, le salarié, qu'à la lecture du registre des entrées et des sorties du personnel, des postes disponibles existaient : un poste de technicien de maintenance, un poste d'opérateur régleur et un poste d'auditeur interne. L'employeur fait valoir que Monsieur [I] n'avait pas les qualifications professionnelles pour occuper les postes de technicien de maintenance et d'auditeur et il soutient que le poste d'opérateur aurait été, en réalité, un poste de responsable technique usinage qui suppose une compétence de haute technicité dont ne disposait pas Monsieur [I]. Cependant, la pièce justificative qu'il produit ne concerne que le poste de technicien de maintenance qui n'est donc pas de nature à justifier que le poste de régleur aurait été en réalité un poste de responsable ne pouvant être proposé au reclassement.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les recherches opérées par l'employeur apparaissent insuffisantes, toutes les possibilités de reclassement n'ayant pas été explorées, de sorte que rien ne permet de vérifier qu'il n'aurait pas existé, au sein de l'entreprise un poste disponible pouvant correspondre avec les aptitudes et les compétences de Monsieur [I].

Dès lors, il n'est pas démontré que le reclassement de Monsieur [I] au sein de l'entreprise aurait été impossible et le licenciement se trouve, dans ces conditions, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de Monsieur [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse -

Suite à son licenciement, Monsieur [I] a perçu une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement.

Monsieur [I] sollicite une indemnité complémentaire de 47 000 euros, correspondant à l'indemnité supra légale obtenue pour chacun des salariés de l'entreprise dans le cadre de la fermeture de l'usine en 2019 ainsi que la somme de 9 500 euros également obtenue par les salariés dans le même cadre au titre d'un budget formation. Il soutient que s'il n'avait pas été injustement licencié, il aurait pu bénéficier des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi conclu le 28 mars 2019. Il estime que l'employeur doit l'indemniser de la perte de chances de bénéficier de ces mesures.

En principe, pour être indemnisé un préjudice doit être certain et direct, et non pas hypothétique. La perte d'une chance d'obtenir un avantage n'est indemnisable que s'il est justifié de la privation d'une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable.

En l'espèce, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir engagé la procédure de licenciement alors que la fermeture de l'entreprise devait intervenir quelques mois plus tard. Dans la mesure où Monsieur [I] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, l'employeur avait l'obligation de mettre en oeuvre la procédure prévue par les articles L. 1226-10 et suivants du code du travail, dans les délais prévus par la loi, et, par conséquent, de prononcer le licenciement en l'absence de possibilité de reclassement. Dès lors, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ne peut être liée à la fermeture de l'usine intervenue 8 mois plus tard. En revanche, ce licenciement se trouvant dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de recherche suffisante de reclassement, Monsieur [I] peut légitimement soutenir que si l'employeur avait procédé à son reclassement, il aurait eu une chance d'être présent dans l'entreprise au moment de la fermeture de celle-ci et de bénéficier des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi.

Toutefois, Monsieur [I] n'est pas fondé à prétendre à l'intégralité des sommes prévues par ce plan. Même s'il apparaît que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en ne procédant pas à une recherche suffisante de reclassement, il n'est nullement certain que des recherches plus approfondies auraient pu aboutir à un reclassement effectif du salarié, compte tenu des restrictions imposées par le médecin du travail et de ses préconisations. En outre, il n'est pas davantage assuré que Monsieur [I] aurait été encore présent au sein de l'entreprise 8 mois plus tard au moment de la conclusion du plan de sauvegarde de l'emploi, une telle présence présentant un caractère nécessairement aléatoire. Dans ces conditions, compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, Monsieur [I] a seulement perdu une chance de bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi dans une proportion qui peut être estimée à environ 10% de sorte que cette perte de chance ne peut justifier qu'une indemnisation à hauteur de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Par ailleurs, alors que Monsieur [I] sollicite une somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rappeler que, s'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse notifié postérieurement au 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Le nouvel article L. 1235-3 du code du travail définit des montants minimaux et maximaux d'indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l'ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise. Ainsi, dans les entreprises d'au moins 11 salariés, l'article L. 1235-3 prévoit que l'indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l'ancienneté dans l'entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

Monsieur [I], né en 1977, a vu son contrat de travail rompu après 16 ans d'ancienneté au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés, à l'âge de 40 ans. Il percevait un salaire de 1.832,72 euros brut.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, M. [I] peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 13,5 mois de salaire mensuel brut, soit entre 5.498,16 euros et 24.741,72 euros.

M. [I] soutient que la réparation de l'intégralité de son préjudice économique et moral justifierait une indemnisation à hauteur de 45.000 euros.

Cependant, alors que le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail a fait l'objet de recours devant le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation et qu'il a été déclaré conforme aux textes européens et internationaux, rien ne permet de vérifier qu'en l'espèce, il ne permettrait pas une réparation adéquate et intégrale du préjudice de M. [I].

Celui-ci explique qu'il n'a retrouvé à titre d'activité que des missions d'intérim. Il justifie s'être inscrit en qualité de demandeur d'emploi en 2018 et il verse aux débats ses bulletins de salaire de janvier 2019 à mars 2020 en tant qu'intérimaire.

Compte tenu des éléments versés aux débats, la cour ne dispose, s'agissant de la situation particulière de ce salarié, dont le contrat de travail a été rompu aux torts de l'employeur, que des critères d'appréciation habituels que constituent le montant de son salaire mensuel brut, son ancienneté et son âge au jour de la rupture.

Or, il ne ressort pas de ces éléments que l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail porterait une atteinte disproportionnée aux droits de M. [I], notamment à son droit d'obtenir une réparation adéquate, appropriée ou intégrale du préjudice par lui subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

Compte tenu des éléments versés aux débats et, notamment du montant du salaire mensuel brut de l'intéressé, de son ancienneté et de son âge au jour de la rupture, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [I] la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

- Sur les intérêts -

Les sommes fixées judiciairement à titre de dommages-intérêts produisent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré pour les montants confirmés ou réduits, ou à compter de la date de prononcé de l'arrêt pour la part d'indemnisation ajoutée en cas de réformation.

Les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La SAS LUXFER GAS CYLINDERS, qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [C] [I] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement sauf en ce qu'il a alloué à Monsieur [C] [I] la somme de 47.000 euros au titre de l'indemnité supra légale et celle de 9.500 euros au titre du budget formation, et statuant à nouveau de ces chefs, condamne la société LUXFER GAS CYLINDERS à payer à Monsieur [C] [I] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d'obtenir les sommes prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi au titre de l'indemnité supra légale et du budget formation ;

- Dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts produiront intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019, date du jugement du conseil de prud'hommes, et que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- Y ajoutant, condamne la société LUXFER GAS CYLINDERS à payer à Monsieur [C] [I] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la société LUXFER GAS CYLINDERS aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00004
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.00004 ?
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