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27/09/2022 | FRANCE | N°19/01698

France | France, Cour d'appel de Riom, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 19/01698


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE







Du 27 septembre 2022

N° RG 19/01698 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FIX2

-DA- Arrêt n° 438



SCI FAMILLE [W] / [O] [D], [G] [Z] épouse [D]



Jugement au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux d'AURILLAC, décision attaquée en date du 19 Juillet 2019, enregistrée sous le n° 51-12-00001



Arrêt rendu le MARDI VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philip

pe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller



En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 27 septembre 2022

N° RG 19/01698 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FIX2

-DA- Arrêt n° 438

SCI FAMILLE [W] / [O] [D], [G] [Z] épouse [D]

Jugement au fond, origine Tribunal paritaire des baux ruraux d'AURILLAC, décision attaquée en date du 19 Juillet 2019, enregistrée sous le n° 51-12-00001

Arrêt rendu le MARDI VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

SCI FAMILLE [W]

[Adresse 6]

[Localité 1]

assistée de Maître Marc PETITJEAN, avocat au barreau D'AURILLAC

APPELANTE

ET :

M. [O] [D]

et Mme [G] [Z] épouse [D]

[Localité 8]

[Localité 10]

assistés de Maître Géraud MERAL de la SELARL AURIJURIS, avocat au barreau D'AURILLAC

INTIMES

DÉBATS : A l'audience publique du 27 juin 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte d'huissier du 19 septembre 2011, la SCI Famille [W] a fait délivrer congé à M. et Mme [D], fermiers, de l'ensemble de la propriété agricole située lieudit [Localité 8], commune de [Localité 10] (Cantal), comprenant des bâtiments d'habitation et d'exploitation d'une contenance de 118 ha 95 a 55 ca, ainsi que de la montagne herbagère avec buron et védelas située lieu dit [Localité 9], commune de [Localité 13] d'une contenance de 65 ha 84 a 69 ca et de la montagne herbagère avec buron et védelat située lieu dit [Localité 11], commune de [Localité 12] (Cantal), d'une contenance de 42 ha 13 a 32 ca ; le tout correspondant à une contenance louée de 226 ha 93 a 56 ca avec cheptel de recette louée selon bail du 15 mars 1996 renouvelé le 25 mars 2004 pour venir à échéance le 25 mars 2013.

Le congé était donné par les bailleurs pour les motifs suivants : agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment dégradation des bâtiments et ouvrages loués, malgré sommation du 4 janvier 2011, et non respect des dispositions en matière de contrôle des structures.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2011, M. et Mme [D] ont saisi le tribunal paritaire d'Aurillac afin de contester ce congé.

Par jugement du 23 mai 2013, le tribunal a ordonné une expertise dont il a confié la mission à Mme [C] [P] qui a déposé son rapport le 22 juin 2015.

À l'issue des débats le tribunal paritaire a statué comme suit par jugement du 19 juillet 2019 :

« Le Tribunal, statuant par jugement public, contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition,

- Annule le congé délivré le 19 septembre 2011 par la SCI FAMILLE [W] à Monsieur et Madame [D],

- Déboute la SCI FAMILLE [W] de toutes ses demandes,

- Condamne la SCI FAMILLE [W] à :

' Faire réaliser une installation permettant un chauffage normal de l'habitation, adaptée aux caractéristiques du logement loué,

' Faire réaliser les travaux d'isolation de la toiture de la maison d'habitation,

' Faire remettre en état l'escalier menant au fournil,

' Faire réaliser les travaux de reprise du mur de la loge aux cochons,

- Dit que ces travaux devront être réalisés dans un délai de trois mois s'agissant de l'isolation et du chauffage, et de huit mois pour le reste, à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 1000 euros par mois de retard pendant une durée de six mois,

- Autorise Monsieur et Madame [D] à associer leur fils [N] [D] au bail en qualité de copreneur,

- Déclare irrecevable la demande d'autorisation de construction d'un bâtiment,

- Désigne Monsieur [X], expert inscrit sur la liste de la Cour de RIOM, avec pour mission de :

' se rendre sur les lieux en présence des parties ou celles-ci régulièrement appelées,

' visiter la maison d'habitation,

' dire si elle présente des phénomènes d'humidité anormaux, les décrire et en déterminer les causes,

' dire quels sont les travaux propres à y remédier et en chiffrer précisément le coût,

- Dit que Monsieur et Madame [D] consigneront la somme de 1000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 30 août 2019,

- Dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de quatre mois à compter de la date de consignation après avoir adressé aux parties un pré-rapport et avoir répondu à leurs dires,

- Sursoit à statuer sur la demande relative à l'humidité du logement,

- Déboute Monsieur et Madame [D] du surplus de leurs demandes,

- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les travaux d'isolation et de chauffage de la maison d'habitation,

- Condamne la SCI FAMILLE [W] aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise [P],

- Sursoit cependant à statuer sur les dépens afférents à la demande relative à l'humidité. »

La SCI Famille [W] a fait appel de ce jugement par lettre du 14 août 2019 parvenue à la cour le 19 août.

Cet appel a été enregistré à la cour sous le numéro 19/1698.

***

Par jugement ensuite du 5 août 2019, au visa de l'article 462 du code de procédure civile et au motif d'une « erreur purement matérielle », le tribunal paritaire a statué comme suit :

« Le Tribunal, statuant par jugement public, réputé contradictoire en premier ressort, par mise à disposition,

- rectifie le jugement rendu le 19 juillet 2019 dans l'affaire nº 51-12-00001 opposant Monsieur et Madame [D] à la SCI Famille [W] en ce qu'il est ajouté au dispositif de ce jugement le § suivant :

''- condamne la SCI Famille [W] à payer à Monsieur et Madame [D] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile' »

La SCI Famille [W] a fait appel de ce jugement par lettre du 16 août 2019 parvenue à la cour le 19 août. Dans sa lettre l'appelante confirme « de surcroît » son appel contre le jugement du 19 juillet 2019.

Cet appel a été enregistré à la cour sous le numéro 19/1699.

***

Dans ses « Deuxièmes CONCLUSIONS (en complément des 1res conclusions du 29 mai 2020 suite à la décision JEX d'AURILLAC du 4 février 2022) », sur papier et RPVA (dans le dossier 19/1699) le 12 juin 2022 la SCI Famille [W] demande à la cour de :

« En vertu notamment des articles L. 411-53 et L. 411-31 Code Rural,

Il est sollicité de la Cour d'Appel de RIOM de :

1/ Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Paritaire des baux ruraux d'AURILLAC le 19/07/2019 ( RG Nº 51-12-00001).

2/ Annuler, voir écarter totalement des débats le rapport d'expertise judiciaire de Mme [P] rédigé le 22 juin 2015, (soit plus de 22 mois après son déplacement sur les lieux), ce rapport, ne respectant pas la mission ordonnée, violant le contradictoire à défaut de pré-rapport et de dires) et faisant état d'éléments incomplets et inexactes, ce qui porte gravement préjudice à la SCI FAMILLE [W] et à la défense de leur droit.

3/ VALIDER le congé, refus de renouvellement délivré par la SCI FAMILLE [W] aux preneurs Mr et Mme [O] [D] le 19/9/2011 du fait des nombreux manquements des preneurs [D] ci-dessus énoncés.

4/ ORDONNER l'expulsion des fermiers Mr et Mme [O] [D] dans les deux mois de la décision à intervenir, voir par impossible au 31 décembre 2022.

ORDONNER qu'à cette date, les preneurs, devront avoir libéré tous les lieux loués, voir tous occupants de leur chef, à peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard,

5/ ORDONNER une expertise judiciaire pour dresser l'état des lieux de sortie et établir tous comptes entre les parties.

6/ Si la Cour s'estime insuffisamment informée,

ORDONNER une expertise judiciaire contradictoire permettant de décrire les désordres et manquements invoqués par la SCI FAMILLE [W] à l'encontre des preneurs et concernant notamment :

la dégradation du captage du GOUL et des rigoles ,

l'atteinte aux divers éléments : menuiseries , portes , volets etc'

l'arrachage de planchers etc'

l'installation d'une cuve à eau dans la propriété de la SCI , la transformation d'un hangar de stockage en stabulation libre avec bovins (le tout, bien évidement sans information ni accord des bailleurs)

la destruction d'une partie d'un bois de la SCI par la création d'une piste, coupe avec captation des bois et déplacement des clôtures des consorts [D] pour intégrer une partie des ces bois dans la partie louée.

l'incendie ayant frappé l'immeuble d'habitation (dater approximativement cet incendie ayant atteint la structure supérieure de l'immeuble d'habitation, décrire sa cause, les structures touchées et rechercher l'entreprise à l'origine de ces réfections.)

7/ Réformer le jugement paritaire et ordonner que les bailleurs n'étaient pas tenus légalement d'effectuer l'isolation , ni la pose d'une chaudière neuve dans ce logement ancien (même si les bailleresses (SCI) ont réalisé les travaux en respect de l'exécution provisoire ),

8/ DÉBOUTER les consorts [D] de toutes leurs demandes qui sont irrecevables voire mal fondées, consistant notamment :

a/ En des travaux déjà réalisés par la SCI bailleresse (menuiseries, toitures, escalier du fournil, mur loge à cochons, maçonnerie buron [Localité 9]) ,

b/ En des travaux gui ne peuvent mises à la charge de la bailleresse ( isolation de toiture, pose chaudière, radiateur couloir, reprise locative des crèches , changement des planchers ou d'un ventail de porte détruit par les fermiers). (Travaux qui ont toutefois été réalisé au titre de l'exécution provisoire du jugement paritaire ( pièces 1, 12, 13 JEX + jugement JEX )

9/ Sur les travaux concernant l'humidité :

Réformer le jugement paritaire qui ordonne une expertise sur ce point, alors que les demandeurs [D] n'expliquent pas ni ne justifient pas où se trouverait l'humidité prétendue.

ORDONNER cette demande d'expertise comme irrecevable , voir mal fondée à défaut "d'intérêt légitime" et en vertu de l'article 146 CPC .

10°/ Sur la "remise en état "de l'escalier menant au fournil " :

Réformer le jugement du Tribunal Paritaire qui ordonne la restauration de ce vieil escalier

alors que la SCI FAMILLE [W] a fait réaliser les travaux, la aussi, avant ce curieux jugement du 19/07/2019 (voir pièce 105).

11°/ Sur la "reprise du mur de la loge aux cochons" :

Réformer le jugement du Tribunal Paritaire qui ordonne la reprise du mur de la loge aux cochons , alors que la SCI FAMILLE [W] a fait réaliser les travaux bien avant le jugement du 19/07/2019. (voir pièce 106)

Dans l'hypothèse, d'un rejet du refus de renouvellement :

12°/ Réformer le jugement paritaire et Rejeter la demande de cession "sous forme d'association en qualité de co-preneur" du fils [N] en jugeant que :

la cession du bail au profit d'un enfant du preneur est une faveur, que cette faveur est réservée au preneur de bonne foi qui s'était constamment acquitté avec diligence de ses obligations.

- que les divers agissements des preneurs démontrés par les bailleresses sont de nature à s'opposer à une cession de bail (sous forme d'association en qualité de "co-preneur".)

- que ce refus d'association du fils en qualité de co-preneur se fonde de plus fort :

en raison du défaut d'autorisation d'exploiter et d'absence de capacités justifiées du prétendant à l'association comme "co-preneur", notamment en application des articles

L. 411-58 et suivants Code Rural.

Mais encore, Rejeter cette cession en raison de la violation par les co-preneurs de l'article

L. 411-35 Code Rural Alinéa 3 et le défaut d'information auprès de la SCI [W] du départ du co-preneur [O] [D],

- qu'il est de surcroît démontré que cette cession de 223 ha nuit aux intérêts légitimes du bailleur.

13°/ Confirmer le jugement du Tribunal Paritaire du 19/07/2019 en ce qu'il a :

Rejeter les demandes de travaux réclamés par les preneurs [D] concernant :

- les crèches, le plancher du vedelat, la porte de la grange aux vaches , la porte du vedelat,

Ces demandes de réfections étant manifestement sans fondements !...

et de même, en ce qui concerne le buron de [Localité 9] : constater que les bailleresses justifient avoir réalisé 6 804 € de travaux (facture du 13/11/2018 pièce 111)

14°/ De la même façon, CONFIRMER le jugement paritaire et Rejeter les demandes des preneurs en remboursement de leur cuve à eau et chaudière comme irrecevables juridiquement.

15°/ CONFIRMER le jugement paritaire du 19/07/2019 et ORDONNER comme irrecevable, voir mal fondée la demande des preneurs de construire un bâtiment d'exploitation (pour 80-90 bovins) sur la parcelle de la SCI FAMILLE [W] cadastrée B [Cadastre 2] Commune de [Localité 10] :

Cette demande s'avérant irrecevable et infondée en vertu de l'article L. 411 -73 et suivants, R. 411 -20 et suivants Code Rural .

- que de plus, la SCI FAMILLE [W] ne saurait voir sa propriété grevée de la construction d'un bâtiment d'exploitation sur ses terres :

(Ce qui l'obligerait à rembourser la partie non amortie dudit bâtiment), alors même que les preneurs sont à la veille de la retraite !

16°/ CONFIRMER le jugement paritaire et ORDONNER qu'il n'y a pas lieu de "restituer" les parcelles B [Cadastre 7] (bois) et AO ou B [Cadastre 4]-[Cadastre 5] (Maison des Gardes et dépendances B [Cadastre 3] : le fond devenu) qui n'ont jamais été loués aux preneurs [D] et qui ont fait l'objet d'un accord confirmatif signé devant expert en 2004 (pièce 67).

17°/ DÉBOUTER les preneurs [D] de tous demandes contraires aux présentes demandes de la SCI FAMILLE [W].

18°/ CONDAMNER les consorts [D] à verser à la SCI [W] une somme de 15 000 € de dommages-intérêts pour lui avoir fait subir de nombreux soucis et pertes de temps en raison de cette procédure inutile et mal fondée.

19°/ CONDAMNER les consorts [D] à verser à la SCI FAMILLE [W] 10 000€ en application de l'article 700 CPC pour lui avoir fait supporter d'injustes frais irrépétibles.

20°/ CONDAMNER les mêmes en tous les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire [P]. »

***

En défense, dans des conclusions nº 2 du 27 juin 2022 (dans les dossiers 19/1698 et 19/1699) M. [O] [D] et son épouse Mme [G] [D] demandent pour leur part à la cour de :

« Débouter la SCI Famille [W] de son appel,

Le Déclarer mal fondé.

Confirmer le jugement du Tribunal paritaire d'Aurillac du 19.07.2019 en ce qu'il a :

' Annulé le congé délivré le 19.09.2011 par la SCI FAMILLE [W] à Monsieur et Madame [D],

' Débouté la SCI FAMILLE [W] de toutes ses demandes,

' Condamné la SCI FAMILLE [W] à :

' Faire réaliser une installation permettant le chauffage normal de l'habitation adaptée aux caractéristiques du logement loué,

' Faire réaliser les travaux d'isolation de la toiture de la maison d'habitation,

' Faire remettre en état l'escalier menant au fournil,

' Faire réaliser les travaux de reprise du mur de la loge aux cochons,

' Autorisé Monsieur et Madame [D] à associer leur fils [N] [D] au bail en qualité de co-preneur,

' Dit que ces travaux devront être réalisés dans un délai de trois mois s'agissant de l'isolation et du chauffage et de huit mois pour le reste, à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 1.000 € par mois de retard pendant une durée de 6 mois,

' Déclaré irrecevable la demande d'autorisation de construction d'un bâtiment,

' Désigné Monsieur [X], expert avec pour mission :

' Se rendre sur les lieux en présence des parties ou celles-ci régulièrement appelées,

' Visiter la maison d'habitation,

' Dire si elle présente des phénomènes d'humidité anormaux, les décrire et en déterminer les causes,

' Dire quels sont les travaux propres à y remédier et en chiffrer précisément le coût,

' Dit que Monsieur et Madame [D] consigneront la somme de 1.000 € à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 30.08.2019,

' Dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de 4 mois à compter de la date de consignation après avoir adressé aux parties un pré-rapport et avoir répondu à leurs dires,

' Sursis à statuer sur la demande relative à l'humidité du logement,

' Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en ce qui concerne les travaux d'isolation et de chauffage de la maison d'habitation,

' Condamné la SCI FAMILLE [W] aux dépens qui comprendront le coût de l'expertise [P],

' Sursis à statuer sur les dépens afférents à la demande relative à l'humidité.

Le réformer en ce qu'il a débouté les concluants du surplus de leurs demandes.

Statuant à nouveau sur ce point.

Condamner la SCI FAMILLE [W] à :

' Refaire l'intégralité des crèches de l'étable des vaches, en état de vétusté avancée,

' Refaire le plancher du védelat,

' Reprendre l'intégralité des portes des bâtiments loués,

Confirmer le jugement du Tribunal paritaire de l'arrondissement d'Aurillac du 05.08.2019 portant décision rectificative d'erreur matérielle en ce qu'il a rectifié le jugement rendu le 19.07.2019 et condamné la SCI Famille [W] à payer et porter à Monsieur et Madame [D] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant.

Constater que l'isolation de la toiture n'est toujours pas intégralement réalisée

Condamner la SCI Famille [W] à la réalisation desdits travaux d'isolation, sous astreinte définitive de 500 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Ordonner la restitution au preneur de la libre disposition des parcelles numéro [Cadastre 7] section B, et [Cadastre 4]-[Cadastre 5] section AO, et de la maison des gardes, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Condamner la SCI Famille [W] à leur payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des procédures abusives ainsi engagées,

Condamner la SCI Famille [W] à leur payer la somme de 3253,01 € en remboursement du coût de la cuve à eau outre, pour mémoire, le coût des matériaux utilisés ainsi que la facture d'acquisition et d'installation provisoire de la chaudière qu'ils ont dus acquitter pour un montant de 1833 €.

Condamner la SCI Famille [W] à leur payer la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamner la SCI Famille [W] aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du PV de constat de Me [F] du 04.08.2006 et du compte rendu de visite de Mr [U], expert, et des PV de constat de Me [R] des 13.12.2016 et 11.07.2017.

Débouter la SCI famille [W] de l'intégralité de ses prétentions contraires aux présentes. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

L'affaire est venue devant la cour une première fois le lundi 28 juin 2021.

À la demande des parties elle a été renvoyée et entendue à l'audience du lundi 27 juin 2022.

MOTIFS :

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile elle « ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de « constater », « donner acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.

Sur la procédure, cette affaire intéresse deux appels qui ont été formés distinctement, l'un contre le jugement de fond rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac le 19 juillet 2019, l'autre par le jugement rectificatif d'erreur matérielle rendu par la même juridiction le 5 août 2019.

Devant la cour deux appels distincts ont été enregistrés, l'un sous le numéro 19/1698 concernant le jugement de fond, l'autre sous le numéro 19/1699 concernant le jugement de rectification d'erreur matérielle. En conséquence, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice il convient de joindre ces deux affaires sous le numéro le plus ancien à savoir 19/1698.

Ceci étant précisé, il convient d'aborder maintenant le fond du dossier. Étant donné la complexité de l'affaire et les écritures longues et détaillées de chaque partie, la méthode la plus cohérente et la plus appropriée consiste donc à examiner d'abord les demandes des appelants dans l'ordre où elles sont présentées dans leurs écritures. En suivant, la cour tranchera les demandes formées par les époux [D], dans l'ordre également où ceux-ci les présentent.

A. SUR LES DEMANDES DE LA SCI FAMILLE [W], BAILLEUR

I. Sur la demande d'infirmation du jugement

Cette réclamation d'ordre général dépend de la réponse que la cour donnera aux demandes suivantes. En outre cette demande est contradictoire avec nombre d'autres contenues dans le dispositif où la confirmation du jugement est parfois sollicitée (13° page 73, 14°, 15° et 16° page 74).

II. Sur la demande d'annulation « voire écarter totalement des débats » le rapport d'expertise fait par Mme [P] le 22 juin 2015

La SCI Famille [W] reproche à l'expert judiciaire Mme [C] [P] d'avoir effectué des constatations incomplètes et inexactes, ce qui en réalité relève du fond du dossier et de l'analyse que la cour en fera au regard des très nombreuses pièces qui sont produites, mais ne constitue nullement en soi une cause d'annulation de l'expertise.

Il est reproché également à Mme [P] de n'avoir déposé aucun pré-rapport, ce qui est exact. Cependant, cette critique doit être examinée dans le contexte très particulier de cette expertise dont il convient de rappeler qu'elle porte sur plus de 220 ha de terres et bâtiments loués et que les bailleurs soulevaient devant l'expert une importante quantité d'éléments de discussion.

Ceci étant précisé, il résulte du dossier que l'expertise a été confiée à Mme [P] par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac suivant jugement du 23 mai 2013, lui donnant un délai de trois mois à partir de la consignation pour la réaliser, ce qui apparaît d'emblée insuffisant. C'est pourquoi sans doute par ordonnance du 2 avril 2014 le président du tribunal paritaire a accordé à Mme [P] un nouveau délai jusqu'au 30 juin 2014.

Par lettre du 15 juin 2015 l'actuel conseil de la SCI Famille [W], succédant au précédent, écrit au président du tribunal paritaire : La SCI Famille [W] m'indique qu'elle ne sera [sic] pas en possession du rapport de l'expert. Compte tenu de l'ancienneté de ce contentieux, vous comprendrez qu'à défaut de recevoir ce rapport dans un délai de 15 jours, je sollicite que votre juridiction procède au remplacement de l'expert.

Ensuite, répondant au conseil des époux [D], le président du tribunal paritaire lui écrit par lettre du 17 juin 2015 qu'il a enjoint à Mme [P] « d'adresser son pré-rapport aux parties le 22 juin 2015 au plus tard ».

De son côté, le conseil de la SCI Famille [W] écrit directement à l'expert les 18 juin 2015 en ces termes : Dans le dossier référencé, je vous informe que le magistrat a indiqué à l'audience paritaire de ce matin que si votre rapport n'était pas déposé lundi 22 juin 2015, une décision de dessaisissement sera rendue. Je tenais à vous en informer pour éviter toute équivoque.

Finalement, Mme [P] a déposé son rapport définitif le 22 juin 2015, et il n'y a jamais eu de pré-rapport

Il est constant cependant que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure, moyennant quoi l'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du code de procédure civile, ayant un caractère substantiel, n'entraîne la nullité de l'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (cf. Com. 18 février 1992, nº 89-19.330, Bull. 1992, IV, nº 79 ; 2e Civ., 29 novembre 2012, nº 11-10.805, Bull. 2012, II, nº 192 ; 1re Civ., 30 avril 2014, nº 13-13.579 et 13-14.234, Bull. 2014, I, nº 74 ; 2e Civ., 26 septembre 2019, nº 18-18.054).

Or dans le cas présent, même si Mme [P], pressée par la juridiction et les conseils des deux parties, a déposé d'emblée un rapport définitif, le 22 juin 2015, il convient de constater que cela lui était expressément réclamé par le conseil de la SCI Famille [W] dans sa lettre du 18 juin 2015, dont les termes sont ci-dessus rappelés. Par ailleurs, si ce n'est des critiques de fond, la SCI Famille [W] ne démontre nullement l'existence d'un grief dont elle aurait souffert au regard du défaut de ce pré-rapport. Au contraire, la cour constate qu'au soutien de ses argumentations l'appelante fait elle-même référence au rapport de Mme [P], par exemple dans ses écritures page 11, et en fait de manière générale une analyse critique et abondante (pages 14 et suivantes).

Enfin, la cour rappelle qu'une juridiction n'est jamais tenue à la lettre d'un rapport d'expertise, et que notamment dans le cas présent l'importante quantité de pièces produites de part et d'autre (318 au total), ainsi que les abondantes écritures des parties, constituent ensemble autant d'éléments d'appréciation que la cour prendra en considération dans la mesure de leur pertinence.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler l'expertise faite par Mme [P] ni de l'écarter des débats, et il n'est pas nécessaire de procéder à une nouvelle expertise.

III. Sur le congé délivré aux époux [D] au motif de « nombreux manquements des preneurs »

La SCI Famille [W] soutient essentiellement que les fermiers ont manqué à leurs obligations d'entretien de la propriété, développant plusieurs griefs au fil de ses écritures, auxquels le tribunal paritaire a répondu point par point, et dont les époux [D] se défendent de leur côté. Il convient donc d'examiner ces griefs successivement, en suivant ici encore leur présentation dans les écritures de l'appelante.

1. Sur la perte d'un droit d'eau

Le bailleur reproche aux fermiers de n'avoir exploité « que les bons terrains » et délaissé toute une partie des terres louées, et de même « abandonné au fur et à mesure le captage des eaux de la rivière du Goul et l'entretien des rigoles qu'ils ont laissées s'embourber. »

Après avoir pris les renseignements nécessaires auprès du service compétent de la préfecture (DDT), Mme [P] précise que le droit d'eau dont il est question devrait normalement résulter d'une autorisation administrative qui ne lui a pas été produite. Quoi qu'il en soit, elle considère qu'il ne s'agit pas d'une dégradation imputable au fermier « mais simplement de la reprise du cours d'eau normal de la rivière ». Elle précise par ailleurs que ce dispositif n'est plus utilisé ni en état d'utilisation « depuis de nombreuses années » et que de toute manière « il est obsolète dans une agriculture moderne d'élevage et non de culture. » Des photographies illustrant son rapport montrent que « la sortie d'eau depuis la rivière est condamnée de façon naturelle » (rapport pages 10, 15 et 18).

Une précédente procédure judiciaire concernant les mêmes parties avait déjà donné lieu à un rapport d'expertise réalisé cette fois-ci par M. [A] [M] le 8 novembre 2004, où celui-ci exposait à ce propos que le seuil de la rivière avait été dégradé par des crues, ce à quoi le fermier avait tenté de remédier au moyen d'un poteau en béton placé en renfort de la chaussée. Il concluait qu'il ne pouvait être reproché au preneur d'être à l'origine de la dégradation et que le défaut de curage d'une rigole n'avait que très peu d'incidence dans la mesure où la parcelle concernée était une « prairie naturelle suffisamment humide car de niveau avec le lit du Goul » (page 16).

Les crues ayant bouleversé le cours de la rivière étaient donc déjà constatées par M.[M] plus de dix années avant le rapport de Mme [P]. À cette évidence naturelle la SCI Famille [W] oppose un rapport privé réalisé par un autre expert à la demande de M. [L] [W], mais devant la concordance des deux expertises judiciaires concluant de la même manière sur une longue période de temps, cet élément d'appréciation est de peu de portée.

Enfin, les époux [D] versent au dossier un procès-verbal qu'ils ont fait dresser par huissier le 13 décembre 2016, montrant à hauteur de la rivière Le Goul, l'existence d'une rigole récente et de joncs qui poussent sur la partie humide, confirmant ce que disait l'expert M. [M] à propos de l'humidité naturelle dont bénéficie cette parcelle.

En conséquence, ce grief ne peut être retenu.

2. Sur le bâtiment du Moulin de la Mote

Les critiques du bailleur concernent ici un branchement d'eau et un plancher supprimés par le fermier.

Concernant le branchement de l'eau, la canalisation et la conduite existent toujours avec une arrivée à la porte du bâtiment, dont Mme [P] précise qu'il est éloigné du corps de ferme, peu utilisé par les fermiers en raison d'un accès difficile par un chemin de terre « plus ou moins carrossable », et surtout que la protection hivernale du compteur d'eau est une contrainte si celui-ci n'est pas utilisé de manière permanente. Il s'agit désormais d'un bâtiment secondaire destiné au stockage de bottes de foin qui sont installées sur des palettes si nécessaire, ce pourquoi le plancher en bois a été enlevé par le preneur. À ce propos Mme [P] précise que « bon nombre de bâtiments traditionnels se voient supprimer la partie plancher pour usage plus optimum de la grange » (rapport p. 9 et 18).

Dans ces conditions, la modification réalisée par les fermiers ne peut être considérée comme une dégradation, dans la mesure où d'une part il est inutile de maintenir un branchement d'eau qui n'est plus utilisé dans le bâtiment et qui risque de geler chaque hiver, d'autre part on ne saurait leur reprocher d'optimiser l'usage de cet immeuble en fonction de l'évolution des modes de culture et des nécessités de stockage.

En outre, le branchement de l'eau à l'intérieur du bâtiment pourra être réalisé sans difficulté si nécessaire, de même que la remise en place de solives afin de reconstituer le plancher supprimé.

Il n'est pas démontré par la SCI Famille [W] que cette nouvelle utilisation du bâtiment, plus conforme aux nécessités du fermier et d'une agriculture contemporaine, engendrerait d'une manière ou d'une autre un possible danger pour l'immeuble lui-même. Si elle affirme dans ses conclusions avoir contacté une entreprise afin de procéder à des réparations, rien ne démontre que celles-ci ne sont pas dues plutôt à l'ancienneté manifeste du bien qui souffre surtout de l'épreuve du temps.

3. Sur l'appentis de l'étable des boeufs

Cet appentis était étayé de manière provisoire avec une branche d'arbre. Mme [P] constate que cette réparation de fortune a été supprimée et remplacée par un confortement solide et durable. Elle précise que cet appentis a été transformé avec des cornadis, ce qui d'après l'expert judiciaire constitue « une adaptation nécessaire à une agriculture plus moderne » (cf. rapport pages 8 et 17).

L'expertise judiciaire faite précédemment par M. [M] le 8 novembre 2004 montre que le cornadis avait été installé en 1998 et qu'il n'entraîne aucune dégradation significative de l'appentis. Par ailleurs, dans une lettre du 24 septembre 2008, M. [V] [S], intervenant pour le bailleur, signifiait aux époux [D] qu'ils n'avaient pas été autorisés à modifier cet appentis, sans toutefois en tirer des conclusions au regard du bail qui s'est poursuivi par conséquent sans difficulté nonobstant cette transformation qui datait déjà de dix années.

Quoi qu'il en soit, l'on ne peut qu'approuver les conclusions de Mme [P] lorsqu'elle considère que la remise en état de l'appentis est légitime en ce qu'elle traduit une adaptation nécessaire à une agriculture plus moderne, étant rappelé par la cour que le bail d'origine date de 1959 et que nécessairement depuis cette date les conditions d'exercice du métier d'agriculteur ont profondément changé.

Par ailleurs, tous les travaux de charpente relèvent du gros oeuvre qui est à la charge du bailleur.

Aucune critique par conséquent ne peut être valablement soutenue de ce chef contre les époux [D].

4. Sur « l'écoulement de la montagne de la Tullière »

Ici encore la SCI Famille [W] reproche aux époux [D] une « perte d'approvisionnement en eau ».

Dans son rapport du 8 novembre 2004 page 31 l'expert M. [M] notait déjà que les parcelles en question sont alimentées par trois points d'eau permanents et deux points d'eau semi-permanents, soit cinq ensemble, ce qui était selon lui suffisant, lesdits points d'eau ayant été entretenus ou réactivés de façon normale par le fermier.

Dans son rapport du 22 juin 2015 Mme [P] note de la même manière la présence de trois points d'eau permanents et de deux points d'eau au rendement plus aléatoire, de sorte que la situation n'a pas changé depuis 2004. Elle ajoute que les points d'eau ne sont pas perdus.

La SCI Famille [W] soutient que l'état des lieux en 1960 montre l'existence de quatre abreuvoirs. Or actuellement il en existe cinq, ce qui ne saurait être reproché aux fermiers, surtout si l'on considère qu'ils exploitent ces terres depuis plus d'un demi-siècle et que nécessairement durant tout ce temps des adaptations, des modifications et des améliorations ont dû être réalisées ne serait-ce que pour pallier le vieillissement des installations d'origine. Mme [P] conclut d'ailleurs sur ce point que « la montagne ne manque pas d'eau » et que la dérivation de l'écoulement initial n'est pas du fait du fermier (cf. rapport p. 19).

Les bailleurs soutiennent encore qu'ils ont constaté le 25 mai 2016 l'enlèvement d'un unique abreuvoir et renvoient la cour à la lecture de la « pièce jointe » (conclusions page 26 in fine). Or la cour observe que les appelants versent à leur dossier au total 237 pièces regroupées en plusieurs sous parties (A à E ; F1 à F67, G à S ; 1 à 99 et 100 à 121, la pièce 118 en comprenant elle-même 30 autres') de sorte qu'il est impossible d'y retrouver, sans plus de précision quant à sa numérotation ou son indexation, la « pièce jointe » dont il est question dans cette partie des écritures.

Quoi qu'il en soit, les expertises judiciaires sont suffisamment probantes pour permettre de juger que l'alimentation en eau de cette partie de la propriété louée est maintenue par le fermier de manière suffisante, et que par conséquent ce grief ne saurait valablement prospérer.

5. Sur la réparation de l'angle de la couverture métallique d'un buron sur la montagne du [Localité 14] et réalisation d'une protection autour du buron

Mme [P] note dans son rapport qu'un coin de la toiture du bâtiment, constitué par une tôle pliée, est à reprendre mais que ce désordre « est insignifiant », ce que confirme la photographie page 13. Par ailleurs, elle constate qu'il existe une clôture tout autour de ce buron.

La SCI Famille [W] ne démontre pas le contraire, et ne saurait d'ailleurs valablement contester ce que l'expert judiciaire elle-même a vu sur le terrain.

Ce grief n'est donc pas de nature à démontrer le mauvais entretien reproché aux fermiers qui par ailleurs ont correctement clôturé les lieux et démontrent en outre, au moyen d'une photographie versée dans leur dossier, qu'ils ont réparé la porte du buron. L'entretien du bâtiment est donc assuré au quotidien.

6. Sur la dégradation d'une partie d'une forêt

Les époux [D] contestent avoir retiré du bois dans une forêt appartenant au bailleur, et versent dans leur dossier le classement sans suite d'une plainte pénale qui avait été déposée par celui-ci. À cette occasion, M. [O] [D] avait expliqué aux enquêteurs qu'au cours du mois d'août 2018 avec une mini pelle il avait élargi un chemin déjà existant dans le bois mais en aucun cas il n'avait abattu des arbres, se contentant de retirer ceux qui étaient tombés sur la clôture. L'huissier mandaté sur place par la SCI Famille [W] constate de la même manière l'existence d'une piste récente qui traverse le bois, sans que l'on puisse en déduire la « dégradation d'une partie de la forêt » appartenant à la SCI.

Ce grief ne peut donc être retenu à charge des époux [D].

7. Sur la dégradation des huisseries

Aucune faute n'est ici non plus démontrée contre les fermiers. Il résulte en réalité d'une lettre rédigée le 16 mars 2021 par l'entreprise qui avait réalisé des travaux d'huisseries en 1992 à la demande de la SCI Famille [W], que par mesure d'économie les doubles volets intérieurs n'avaient pas été faits. Aucune preuve de dégradation des huisseries n'est manifestement imputable aux fermiers.

8. Sur la réfection de la porte de la grange des vaches, commune de [Localité 10]

La SCI Famille [W] soutient que cette porte en très mauvais est voilée, et que les époux [D] lors de l'expertise de Mme [P] ont tenté de la tromper en laissant la grange ouverte. Rien ne démontre une telle accusation. Le bailleur affirme encore qu'il n'a pas à réparer cette porte dont la détérioration incombe aux preneurs. Or ceux-ci produisent au dossier une photographie montrant la porte neuve qui remplace l'ancienne, et affirment qu'elle a été refaite et posée à la diligence du bailleur qui en a assumé les frais. De cette situation un peu confuse il ne ressort en tout cas aucune faute à charge des époux [D].

9. Sur le premier buron de la montagne du [Localité 14], commune de [Localité 12]

Ce buron est à usage de tri des animaux. Mme [P] le photographie et le décrit dans son rapport, disant que la couverture est en bon état et que seule une « légère maçonnerie » est à prévoir sur les deux pignons. La SCI Famille [W] ne démontre nullement le contraire.

10. Sur les désordres affectant le gros oeuvre de 3 bâtiments

La SCI Famille [W] semble reprocher ici aux fermiers de ne pas l'avoir suffisamment tenue informée de la dégradation des bâtiments loués, et de s'en plaindre maintenant. D'aucune manière quoi qu'il en soit ce grief ne saurait constituer un manquement du fermier à son obligation générale d'entretien des lieux loués.

11. Sur l'installation d'une chaudière à bois

La SCI Famille [W] ne reproche pas aux époux [D] d'avoir fait installer une chaudière mieux adaptée à leurs besoins de chauffage, mais de l'avoir fait réaliser « de façon non conforme aux règles de sécurité » ce qui a eu pour effet de « provoquer un incendie partiel de l'habitation. »

Or d'aucune manière, ni le rapport ANGELIER produit aux débats par la SCI Famille [W], ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de dater un incendie qui a sans doute eu lieu dans les combles de la maison d'habitation mais dont seules subsistent quelques traces éparses puisque des réparations ont ensuite été réalisées pour remettre en état la toiture, les poutres et le plancher. Il est peu vraisemblable en tout cas que la SCI Famille [W] n'ait pas été informée d'un tel sinistre, et l'on ne sait rien de l'intervention éventuelle d'un assureur, ce qui permet de supposer que cet incendie a pu se produire dans des temps assez lointains.

Quoi qu'il en soit, aucune relation ne peut être sérieusement soutenue entre la présence d'une chaudière à bois dans l'habitation des époux [D] et cet incendie dont l'on ne sait en réalité quasiment rien.

Rien non plus, contrairement à ce que plaide l'appelante, ne permet de dire que les preneurs ont volontairement dissimulé le sinistre, alors que des travaux très importants et sans doute coûteux ont eu lieu ensuite pour réparer le bâtiment.

Enfin, les époux [D] produisent au dossier le certificat d'une entreprise disant qu'elle réalise le ramonage annuel de deux cheminées depuis l'année 2010.

Aucun grief par conséquent ne résulte de ces éléments à charge des époux [D].

En conclusion aucun des griefs que la SCI Famille [W] reproche aux époux [D] concernant l'entretien des lieux loués ne peut prospérer.

Mme [P] déclare d'ailleurs dans son rapport qu'à aucun moment elle n'a constaté des agissements du fermier de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds (page 16).

La demande de résiliation du bail sur ce fondement dans le congé rural du 19 septembre 2011 ne peut donc qu'être rejetée.

B. SUR LES DEMANDES DES ÉPOUX [D], PRENEURS

Les époux [D] soutiennent que plusieurs travaux à charge du bailleur doivent être réalisés. Il convient donc d'examiner ces demandes dans l'ordre où elles sont présentées dans leurs écritures, étant précisé que la cour ne tranchera que les points demeurés litigieux, dans la mesure où certaines réparations qui étaient demandées par les fermiers ont été réalisées par le bailleur.

Par conséquent, les points ci-après non litigieux d'après les conclusions des époux [D] ne seront pas examinés par la cour :

- les fenêtres de l'habitation vétustes et laissant passer les courants d'air ont été réparées (conclusions [D] page 22) ;

- les Vélux de toit vétustes ont été changés (idem page 22) ;

- des radiateurs ont été installés dans le couloir (idem page 25) ;

- un système de chauffage conforme et adapté a été installé par le bailleur (idem page 26) ;

- l'escalier menant au fournil a été réparé (idem page 26) ;

- la porte de la grange des vaches a été réparée par les preneurs (idem page 27) ;

- les propriétaires « semblent avoir effectué » le remplacement de la porte du védelat (idem page 27) ;

- dans leurs écritures à la cour les époux [D] renoncent à leur demande d'autorisation de construction d'un nouveau bâtiment destiné à héberger des animaux (idem page 31).

Seuls restent donc en litige les éléments ci-après.

1. Le défaut d'isolation de la toiture (conclusions [D] page 22)

Les époux [D] se plaignent de ce que la toiture de leur habitation n'est pas isolée. Ils produisent à ce sujet un procès-verbal de constat dressé par huissier le 11 juillet 2017, montrant dans le grenier deux fenêtres de toit qui ont été récemment changées, et une plaque de Plexiglass qui ferme la toiture à un endroit.

On observe cependant, outre le changement récent des fenêtres de toit, que les désordres allégués par les époux [D] ne sont pas formellement démontrés par ce constat, et que de toute manière l'isolation des combles se fait plutôt par le plancher que par la toiture elle-même dont il n'est dans le cas présent nullement démontré qu'elle présenterait des fuites et des perméabilités à l'eau et à l'air.

Quoi qu'il en soit, la SCI Famille [W] justifie par pièce produite ( sous-pièce nº 28 intégrée à la pièce principale nº 118) avoir fait réaliser suivant facture GONTHIER du 4 juillet 2021, c'est-à-dire après la décision du tribunal paritaire d'Aurillac, l'isolation des combles perdus de la maison par soufflage de ouate de cellulose, pour la somme de 3614,96 EUR TTC. Cette facture montre également la réalisation d'autres travaux : pose de lambourdes dans les combles et pose de plaques sur ces lambourdes, et pose de lambourdes également dans la cage d'escalier pour retenir la ouate.

Pour autant, les époux [D] ne sont toujours pas satisfaits et afin de prouver le bien-fondé de leur mécontentement persistant, ils versent au dossier plusieurs photographies à vrai dire peu explicites, montrant semble-t-il les combles du grenier. Ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier la condamnation de la SCI Famille [W] à procéder à de nouveaux travaux dont d'ailleurs la cour aurait bien de la peine à définir le contour exact.

Il doit être considéré par conséquent que la facture GONTHIER du 4 juillet 2021 règle cette question.

2. L'humidité dans l'habitation « laissant supposer une situation sanitaire non conforme » (conclusions [D] page 24)

Pour preuve d'une « humidité généralisée », les époux [D] produisent au dossier un procès-verbal de constat dressé le 13 décembre 2016 illustré de photographies qui à vrai dire ne sont guère éclairantes au regard des désordres qu'elles sont supposées montrer.

Ces photographies ont été prises uniquement dans la cuisine de l'habitation. On y voit une partie basse de lambris en mauvais état et une partie de mur dont le crépi d'après l'huissier gonfle par endroits et se détache. Il est bien difficile d'en déduire une humidité généralisée de l'habitation. Les époux [D] produisent par ailleurs des photographies montrant de l'eau sur le sol, dont on ne peut en l'état connaître ni les circonstances ni la date où elles ont été prises.

Il convient aussi d'observer que les constatations de l'huissier ont été faites avant que le propriétaire ne fasse poser des radiateurs dans le couloir de la cuisine.

D'évidence ces éléments sont insuffisants pour apporter la démonstration irréfutable d'une humidité « laissant supposer une situation sanitaire non conforme » de l'habitation, et justifier sur ce point l'organisation d'une expertise.

3. La crèche de l'étable des vaches en état de vétusté avancée (conclusions [D] page 26)

Il est certain que ces crèches, ou du moins une partie d'entre elles, ne sont pas en bon état, bien qu'il ne soit pas démontré qu'elles sont totalement inaptes à leur usage quotidien.

Cependant, si le constat dressé par huissier le 11 juillet 2017 met en évidence cette situation, il ne permet pas d'en connaître les causes, étant souligné que d'après le rapport de M. [M] (page 12) les crèches dont il est question avaient été refaites en partie par le preneur en 1998.

En l'état des preuves produites à la cour, cette demande ne peut donc pas prospérer.

4. Le plancher du védelat (conclusions [D] page 27)

D'après le constat d'huissier du 11 juillet 2017 et les photographies qui sur ce point l'illustrent, il ne s'agit manifestement pas d'un plancher mais d'un plafond, lequel au passage aurait besoin d'un bon nettoyage (présence de nombreuses toiles d'araignées) qui d'évidence n'incombe pas au bailleur.

Quoi qu'il en soit, cette demande ambiguë et peu documentée ne peut être satisfaite.

5. « En réalité l'intégralité des portes des bâtiments est à reprendre » (conclusions [D] page 27)

Il n'est pas possible de répondre favorablement à cette demande trop générale, fondée en outre uniquement sur les photographies de diverses portes de la maison et des bâtiments d'exploitation.

6. Gouttières de l'appentis de la grange des vaches (conclusions [D] page 28)

Ici encore la demande des époux [D] est ambiguë. Ils se plaignent en effet de ces gouttières mais disent également que des travaux « furent réalisés à minima et récemment » par le bailleur. Faute de meilleurs éléments il n'est pas possible de faire droit à cette réclamation qui demeure trop incertaine.

7. Travaux de reprise du mur de la loge aux cochons (conclusions [D] page 32)

Au titre des « travaux à la charge du bailleur » dans leurs conclusions pages 22 à 28, les époux [D] ne réclament rien à propos de ce bâtiment' mais ils demandent néanmoins la confirmation du jugement de ce chef dans le dispositif de leurs écritures page 32.

Outre que la cour n'est pas tenue de répondre à des demandes dans le dispositif qui ne sont pas soutenues par des explications dans la discussion des écritures des parties, il résulte du dossier que la SCI Famille [W] suivant facture du 13 novembre 2018 a fait réaliser des travaux au sujet desquels les époux [D] n'élèvent aucune contestation.

Cette demande ne peut donc être satisfaite.

8. Sur l'exclusion du bail des parcelles numéro [Cadastre 7] section B et [Cadastre 4] - [Cadastre 5] section AO (conclusions [D] page 28)

Le bail initial du 24 décembre 1959 a été renouvelé le 8 juillet 1996. Il s'agit bien d'un renouvellement et non d'une modification du bail.

L'acte du 8 juillet 1996 mentionne la parcelle B [Cadastre 7] comme faisant partie de la propriété rurale louée sur la commune de [Localité 10] (Cantal), étant précisé toutefois que « tous les bois » sont exclus de cette location, soit 31 ha 65 a et 70 ca.

La partie boisée de la parcelle B [Cadastre 7] est donc exclue du bail, et par conséquent les époux [D] bénéficient seulement au titre de leur fermage de la partie non boisée de cette parcelle, dont ils ne démontrent pas que l'accès leur en est interdit par le bailleur.

Concernant les parcelles AO [Cadastre 4] et [Cadastre 5], il n'est pas discuté qu'il s'agit de la « maison des gardes » qui est expressément exclue du bail initial du 24 décembre 1959 en ces termes :

Sont exclus de la location et expressément réservés par les bailleurs :

['] - La maison des gardes, le jardin qui lui est contigu avec la prolongation de ce jardin jusqu'à la route, en suivant la grande rigole et du côté de la grange des boeufs le monticule sur la largeur de la grange en suivant la rigole jusqu'à la route, qui sera clôturé par les bailleurs.

Cette exclusion contractuelle est suffisamment explicite et par conséquent les époux [D] ne peuvent rien revendiquer au titre de ces deux parcelles.

Lors d'une précédente instance diligentée déjà devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac afin d'évaluer la valeur locative de la propriété de la SCI Famille [W], exploitée par les époux [D], ladite juridiction avait écrit dans le dispositif de sa décision du 16 février 2006 :

Dit n'y avoir lieu à constater l'accord des parties pour exclure du bail les parcelles cadastrées section B Nº [Cadastre 7] et section AO Nº [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

D'évidence, cette mention dans le dispositif du jugement du 16 février 2006 n'a nullement valeur d'autorité de chose jugée, et il serait d'ailleurs bien difficile de savoir ce qui a été ici jugé. Par ailleurs, cette phrase n'est pas de nature à permettre de déterminer un quelconque droit pour l'une ou l'autre partie.

Les demandes des époux [D] telles que formulées au titre de l'intégralité de ces parcelles ne peuvent donc qu'être rejetées.

Seule la partie non boisée de la parcelle B [Cadastre 7] leur est louée.

9. Sur la demande d'association de l'enfant [N] [D] (conclusions [D] page 29)

Selon le premier alinéa de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime :

Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

C'est sur le fondement de ce texte que les époux [D] demandent l'association au bail de leur fils [N]. La lettre qu'ils ont adressée en ce sens à la SCI Famille [W] le 16 août 2017 n'ayant pas reçu une réponse favorable, ils sollicitent donc l'autorisation de la juridiction paritaire.

Dans sa décision dont appel du 19 juillet 2019 le tribunal a fait droit à la demande des époux [D].

L'opposition du bailleur à ce projet, au motif de multiples manquements des fermiers à leurs obligations de bonne exploitation et d'entretien des terres et bâtiments affermés, n'est pas recevable dans la mesure où précisément la cour juge ci-dessus que les reproches formulés de ce chef par la SCI Famille [W] contre les époux [D] ne sont pas fondés.

La SCI Famille [W] soutient encore que M. [N] [D] « ne justifie d'aucune capacité sérieuse ni de l'autorisation administrative d'exploiter ».

Les époux [D] démontrent au contraire que leur fils, née le 8 mars 1985, dispose d'un diplôme de brevet d'études professionnelles agricoles délivré le 18 août 2003 et a travaillé déjà sur diverses exploitations en qualité de salarié agricole. En outre, la préfecture du Cantal, lui a délivré le 4 octobre 2006 un certificat de stage préalable à l'installation des jeunes agriculteurs. Des certificats de travail, un contrat de travail à durée indéterminée, des bulletins des salaires, tous relatifs à des emplois dans le secteur agricole sont également produits par les intimés pour justifier des capacités professionnelles de leur fils, dont on peut donc dire qu'elles sont largement et suffisamment démontrées.

Par ailleurs, la SCI Famille [W] n'explique pas en quoi dans les conditions du présent dossier où l'exploitation est déjà assurée par les parents du nouveau candidat, celui-ci aurait besoin à titre personnel d'une autorisation administrative d'exploiter en application de l'article L. 331-2 du code rural, alors que ceci n'est pas une condition posée par l'article L. 411-35 du code rural et surtout qu'il présente par ailleurs toutes les garanties nécessaires quant à ses capacités professionnelles.

En dernier lieu, la SCI Famille [W] fait valoir qu'elle vient de découvrir que le copreneur M. [O] [D], père de [N], avait quitté l'exploitation pour prendre sa retraite le 1er juillet 2019 « en le dissimulant à ses bailleurs » (conclusions page 58), et soutient que ce faisant les preneurs ont commis une infraction manifeste aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 411-35 du code rural, d'ordre public, selon lesquels :

Lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

À peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur.

L'appelante en tire pour conséquence que les fermiers, en commettant cette dissimulation, ont commis un manquement majeur à leurs obligations contractuelles, ayant pour conséquence de les priver de la faculté de céder le bail un de leurs descendants.

Les époux [D] confirment que M. [O] [D] a quitté l'exploitation pour prendre sa retraite le 1er juillet 2019, ce qui résulte également de l'assemblée générale du GAEC de [Localité 8] en date du 19 juillet 2019 versée au dossier par l'appelante, et il n'est pas contesté que le bailleur n'a jamais été officiellement informé de cette nouvelle situation.

Mais ils allèguent à leur bénéfice l'application de l'article L. 411-46 du code rural qui dispose qu'en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.

Or précisément les sanctions de l'article L. 411-35 du code rural ne sont pas encourues lorsqu'il est fait application des dispositions plus protectrices de l'article L. 411-46, alinéa 2, ce qui est le cas en l'espèce. Et dans cette situation, le preneur demeuré en place est seulement tenu de satisfaire, lors de l'expiration du bail, aux obligations prévues par l'article L. 411-59 du même code pour bénéficier du renouvellement.

En conséquence, il ne peut être considéré que les époux [D] ont commis une faute de nature à les priver du droit d'associer leur fils [N] au bail rural.

Aucune faute d'aucune nature ne pouvant être retenue contre les fermiers, leur fils

[N] présentant toutes les qualités nécessaires pour pouvoir être associé au bail en cours, aucune raison ni de fait ni de droit ne justifie de le refuser.

10. Sur la demande de condamnation des bailleurs à payer la somme de 3253,01 EUR « en remboursement du coût de la cuve à eau (dispositif des conclusions [D], page 33)

Cette réclamation n'est formée de manière chiffrée que dans le dispositif des écritures des époux [D] page 33, et elle n'est pas soutenue par une démonstration pertinente dans la discussion des mêmes écritures.

En effet, dans la discussion de ses écritures page 28, concernant la maçonnerie et le plancher du château d'eau, le preneur dit qu'il les a réparés avec installation d'une cuve de 10'000 litres. Il se comprend, bien que cela ne soit pas explicitement exposé, que la somme de 3253,01 EUR concerne la dépense réalisée pour la mise en place de cette cuve.

Or dans leurs conclusions page 28, les époux [D] écrivent que le tribunal paritaire considère « qu'il y aurait lieu à indemnisation en fin de bail ; dont acte ». En réalité, analysant la situation, le tribunal paritaire a jugé dans les motifs de sa décision du 19 juillet 2019, page 8 : « Il n'y a donc pas lieu à remboursement, sauf éventuelle indemnité en sortie de bail », et cette formule n'est de toute manière pas reprise dans le dispositif du jugement.

Dans ces conditions plus qu'incertaines, le « dont acte » des époux [D] dans leurs écritures page 28 n'est pas une demande suffisamment précise et en tout cas susceptible de soutenir la réclamation indemnitaire qu'ils semblent former au même titre dans leur dispositif, auquel seul la cour est tenue de répondre, moyennant quoi il ne peut y être fait droit.

Conséquences de ce qui précède

Le jugement du 19 juillet 2019, rectifié d'une erreur matérielle le 5 août 2019, après jonction par la cour, sera confirmé uniquement en ce que le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac annule le congé délivré le 19 septembre 2011 par la SCI Famille [W] à M. [O] [D] et son épouse Mme [G] [D], et autorise les époux [D] à associer leur fils [N] [D] au bail en qualité de copreneur.

Les autres dispositions du jugement seront infirmées.

En conséquence de la décision de la cour, chaque partie gagne et perd sur l'une ou l'autre de ses nombreuses demandes, de sorte que :

- les demandes indemnitaires pour procédure inutile ou abusive seront rejetées ;

- l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, ni en première instance ni en appel ;

- chaque partie supportera ses dépens de première instance et d'appel.

Enfin, les frais de l'expertise judiciaire de Mme [C] [P] seront supportés par moitié par la SCI Famille [W] d'une part et les époux [D] ensemble d'autre part.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Joint les affaires 19/1698 et 19/1699 sous le numéro unique 19/1698 ;

Confirme le jugement du 19 juillet 2019 (51-12-00001), rectifié d'une erreur matérielle le 5 août 2019 (51-19-000015), uniquement en ce que le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aurillac annule le congé délivré le 19 septembre 2011 par la SCI Famille [W] à M. [O] [D] et son épouse Mme [G] [D], et autorise les époux [D] à associer leur fils [N] [D] au bail en qualité de copreneur ;

Infirme le jugement pour le reste ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;

Dit que chaque partie gardera ses dépens de première instance et d'appel ;

Dit que les frais de l'expertise judiciaire faite par Mme [C] [P] le 22 juin 2015 seront partagés par moitié entre la SCI Famille [W] d'une part et les époux [D] ensemble d'autres part.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/01698
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;19.01698 ?
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