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13/09/2022 | FRANCE | N°20/00258

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 13 septembre 2022, 20/00258


13 SEPTEMBRE 2022



Arrêt n°

CV/SB/NS



Dossier N° RG 20/00258 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FLU4



Etablissement Public DE COOPERATION CULTURELLE CENTRE NATIONAL DU COSTUME DE SCENE ET DE LA SCENOGRAPHIE



/



[X] [G]

Arrêt rendu ce TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DAL

LE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Etablissement Public DE COOPERATION CULTURELLE CENTRE NATIONA...

13 SEPTEMBRE 2022

Arrêt n°

CV/SB/NS

Dossier N° RG 20/00258 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FLU4

Etablissement Public DE COOPERATION CULTURELLE CENTRE NATIONAL DU COSTUME DE SCENE ET DE LA SCENOGRAPHIE

/

[X] [G]

Arrêt rendu ce TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Etablissement Public DE COOPERATION CULTURELLE CENTRE NATIONAL DU COSTUME DE SCENE ET DE LA SCENOGRAPHIE

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représenté par Me David BREUIL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANT

ET :

M. [X] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Martine GONCALVES de la SELAS ELEXIA ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS

INTIME

Après avoir entendu, Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 09 Mai 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [X] [G] a été engagé à compter du 02 juin 2009 en qualité de responsable des publics, statut cadre, Groupe 7, coefficient 400, par l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie (ci- après CNCS), sous contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective de l'animation.

Dans le cadre de ses fonctions, il était demandé à M. [G] de concevoir et mettre en oeuvre la politique d'accueil des publics et de développer leur fréquentation, notamment en proposant une stratégie annuelle de développement et de fidélisation de ceux- ci.

M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 décembre 2017.

Par courrier recommandé daté du 29 décembre 2017, non distribué, puis par un second courrier expédié le 04 janvier 2018, le Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie a notifié à M. [G] son licenciement pour insuffisance professionnelle, une absence de développement des publics et des carences managériales lui étant reprochées.

Par courrier du 20 mars 2018, M. [G], estimant son licenciement nul pour discrimination en raison de ses engagements politiques, a sollicité sa réintégration au sein du CNCS, qui n'a pas donné de suite favorable.

Par requête datée du 28 décembre 2018 et réceptionnée le 2 janvier 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Moulins en annulation, ou à titre subsidiaire, en contestation de son licenciement et indemnisation afférente.

Par jugement du 27 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Moulins a:

- dit que l'action en justice introduite par M. [G] le 28 décembre 2018 n'était pas prescrite et rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription;

- écarté des débats les pièces n° 43 à 63 produites par l'employeur;

- dit que le licenciement notifié à M. [G] le 4 janvier 2018 était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

* 25.094,80 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 15.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

- ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [G], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et dit qu'une copie certifiée conforme du jugement sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail;

- condamné l'employeur à payer à M. [G] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes nettes s'entendent - net - de toutes cotisations sociales;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné l'employeur aux dépens de l'instance.

Le 7 février 2020, l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 30 janvier 2020.

La procédure d'appel a été clôturée le 11 avril 2022 et l'affaire appelée à l'audience de la chambre sociale du 09 mai 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses écritures notifiées le 07 mai 2020, le Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie demande à la cour de:

* Avant dire droit:

- ordonner le rejet de la pièce n°19 de M. [G] ne contenant pas l'intégralité des mentions d'un mail : absence d'adresse de l'émetteur, absence d'adresse du destinataire, absence de date et d'heure d'envoi dudit mail;

- ordonner le rejet de la pièce adverse n°28, à savoir l'attestation de la société PRESTA RH, dont on ignore l'identité et la signature du rédacteur et qui aurait pu être établie par n'importe qui ;

- décider d'une mission de conseiller- rapporteur, avec pour objet d'entendre Mme [P] [W] sur les relations professionnelles et les difficultés managériales rencontrées au cours de sa collaboration avec M. [G] ;

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande en annulation de son licenciement pour discrimination et des conséquences pécuniaires en découlant ;

* A titre liminaire et avant tout débat au fond :

- constater la prescription de l'action de M. [G] en contestation de son licenciement au visa de l'article L.1471-1 du code du travail ;

- déclarer l'action de M. [G] irrecevable ;

- condamner M. [G] au paiement de la somme de 3.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens;

A titre subsidiaire :

- débouter M. [G] de sa demande en annulation de son licenciement pour discrimination politique;

- débouter M. [G] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes pécuniaires;

- condamner M. [G] à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et ce, en sus des entiers dépens.

Le Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie soutient tout d'abord que l'action de M. [G] est prescrite pour avoir été introduite plus d'un an après la notification de son licenciement.

Il conteste ensuite, s'agissant du bien- fondé du licenciement, une quelconque volonté de sanctionner le salarié pour son engagement politique, celui- ci s'étant engagé auprès du parti politique LREM, soit un parti opposé au maire de [Localité 6]; que le salarié n'apporte aucun élément matériel de preuve ni même aucun élément de fait pouvant laisser supposer l'existence d'une discrimination politique. Il ajoute que M. [G] n'a pas évoqué cette prétendue discrimination lors de l'entretien préalable à licenciement ni déposé de plainte pénale; qu'en outre, la structure du conseil d'administration, qui compte 16 membres dont deux seulement sont des représentants de la ville de [Localité 6], et le fonctionnement de l'établissement ne permettent en aucun cas au maire de [Localité 6] de diligenter et d'orchestrer le licenciement de M. [G] en sa qualité d'opposant politique; que le salarié ne produit aucun témoignage probant évoquant l'existence ou le début d'une quelconque parole ou d'un quelconque acte discriminatoire.

Il souligne que M. [G] a fait preuve d'une attitude déloyale dans la conduite de son action prud'homale; qu'en effet, le salarié a lui-même dicté les attestations versées aux débats; que ces attestations, peu crédibles, doivent être examinées avec circonspection.

Il soutient que son insuffisance professionnelle dans le cadre de son emploi de responsable des publics est évidente et établie.

Il souligne enfin que le salarié ne démontre aucunement une exécution déloyale de sa part du contrat de travail; que la juridiction prud'homale n'a pas caractérisé l'existence d'une faute, ni d'un préjudice, ni d'un lien de causalité entre les deux; que dès lors, le défaut de motivation du jugement sur ce point est évident.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 août 2021, M. [G] demande à la cour de :

*A titre principal :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté l'existence d'une discrimination;

- en conséquence, juger nul son licenciement notifié par courrier recommandé avec avis de réception en date du 29 décembre 2017 ;

- condamner le CNCS à lui payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- confirmer le jugement rendu pour le surplus ;

* A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à porter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35.000 euros compte tenu de l'importance du préjudice subi;

* En tout état de cause :

- débouter le CNCS de toutes ses demandes;

- condamner le CNCS à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.

M. [G] soutient tout d'abord que son action prud'homale n'est pas irrecevable pour ne pas être prescrite au moment où elle était engagée.

Il avance ensuite que son licenciement est nul en raison de la discrimination politique dont il a été victime de la part de l'employeur, en raison de ses engagements. Il argue qu'il existe des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, à savoir :

- le caractère soudain de son licenciement pour insuffisance professionnelle, sans aucun signe avant coureur et alors même que le dernier entretien annuel ne faisait état d'aucun grief à ce titre;

- la demande soudaine et urgente, par lettre de mission, de présentation d'un document stratégique de développement des publics le 12 juin 2017, soit au lendemain même de l'éviction aux législatives de l'un des membres de droit du Conseil d'administration de l'employeur;

- l'absence de réaction ou remarque ou grief de la part de la direction pendant quatre mois sur le document stratégique présenté, qui constitue pourtant le socle de la mesure de licenciement;

- l'entretien informel qui s'est tenu le 24 octobre 2017, soit seulement une semaine après qu'il soit devenu référent LREM du département de l'Allier, au cours duquel Mme [WG] lui a expressément déclaré que, compte-tenu de ses nouvelles fonctions politiques, il devrait se diriger vers d'autres projets, en lui indiquant à différentes reprises que leur collaboration ne pourrait se poursuivre, et en l'invitant en définitive, après plus de deux heures d'entretien, à régulariser une rupture conventionnelle;

- la crainte de l'employeur à voir produire aux débats un éventuel enregistrement de cet entretien;

- l'absence d'urgence à l'établissement d'un prétendu document stratégique sur le développement des publics nécessitant d'être réalisé en un temps record (un mois), son successeur n'ayant pas reçu de demande en ce sens;

- la similitude de comportement de l'employeur pour se débarrasser à tout prix d'un collaborateur (affaire [WO]).

Il affirme que le caractère discriminatoire de son licenciement est d'autant plus établi, que l'employeur échoue à démontrer que le licenciement reposerait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

M. [G] soutient que son licenciement est en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse; que l'insuffisance professionnelle évoquée par l'employeur n'est aucunement caractérisée; qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre critique sur la qualité de son travail, en huit ans d'ancienneté.

Concernant le premier grief invoqué, il objecte que l'érosion de la fréquentation et l'absence de développement des publics reprochées ne sauraient nullement lui être imputables. Il souligne qu'il n'a pas été alerté sur l'érosion de la fréquentation par son employeur et que le contexte de fréquentation était dégradé sur le plan national. Il rappelle en outre que l'objectif d'accroissement de la fréquentation a été atteint en 2016 et qu'en réalité aucune baisse de celle- ci depuis 2013 n'apparaît caractérisée.

Concernant les carences managériales alléguées par l'employeur, il rétorque que ce grief est là aussi injustifié et ne saurait fonder un licenciement. Il indique produire de nombreuses attestations démontrant qu'il ne rencontrait aucun problème de management, ni aucune difficulté relationnelle avec les autres salariés.

M. [G] s'estime enfin fondé à solliciter l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral spécifique subi. Il souligne que son licenciement a été particulièrement brutal et qu'il a été victime de la part de son employeur d'un comportement parfaitement déloyal, visant uniquement à le contraindre à partir.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°- Sur les demandes avant- dire droit :

Le CNCS demande à la cour, avant- dire droit, d'écarter les pièces n° 19 et 28 produites aux débats par M. [G].

La cour, constatant que la pièce n° 19 ne contient pas l'intégralité des mentions d'un courrier électronique (absence d'adresse de l'émetteur, absence d'adresse du destinataire, absence de date et d'heure d'envoi du message) et que la pièce n° 28, ne mentionne pas l'identité et la signature du rédacteur de l'attestation, fait droit à la demande de rejet de ces pièces.

S'agissant de l'audition de Mme [P] [W] sur ses difficultés relationnelles avec M. [G] dans le cadre d'une mission de conseiller- rapporteur, le CNCS n'explique en rien l'intérêt et la pertinence d'une telle mesure d'instruction. Elle sera dans ces conditions purement et simplement rejetée.

2°- Sur l'action en nullité du licenciement et la demande subséquente en paiement de dommages et intérêts:

* Sur la recevabilité de l'action :

L'article L.1134- 5 du code du travail dispose que 'l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination'.

En l'espèce, il est constant que M. [G] a introduit son action en nullité du licenciement pour cause de discrimination moins de cinq ans après son prononcé.

Son action doit donc être déclarée non prescrite et recevable.

* Sur le bien- fondé de l'action :

La discrimination en droit du travail est prohibée par l'article L.1132-1 qui énonce, dans sa rédaction applicable au litige, 'qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (...) en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.'

L'article L. 1132- 4 du code du travail sanctionne par la nullité toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1132-1 et suivants.

La preuve de la discrimination est régie par l'article L. 1134-1 du même code, selon lequel: 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Il résulte ainsi de ces dispositions légales que :

- le salarié doit présenter des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte,

- il appartient alors au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination,

- dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, à l'appui de ses allégations de discrimination en raison de ses opinions politiques, M. [G] expose les faits suivants:

- il a participé à la campagne de la candidate La République En Marche (LREM) aux élections législatives de juin 2017, laquelle a battu au premier tour M. [ST], maire de [Localité 6] et membre de droit du conseil d'administration du CNCS;

- le 12 juin 2017, soit le lendemain même du premier tour des élections législatives, Mme [WG], directrice du CNCS, lui a soudainement demandé, par le biais non usité d'une lettre de mission, d'établir un document stratégique complet sur le développement des publics au CNCS avant le 20 juillet 2017;

- ont été remis à la directrice un premier jet du document le 21 juillet 2017, puis le document final le 03 septembre 2017;

- le document stratégique ainsi présenté, constituant le socle de la mesure de licenciement ensuite prise à son encontre, n'a suscité aucune réaction, remarque ou grief de la part de la direction avant la fin du mois d'octobre 2017;

- il a été nommé référent territorial LREM pour le département de l'Allier au mois d'octobre 2017;

- un entretien informel s'est tenu le 24 octobre 2017, soit seulement une semaine après qu'il soit devenu référent LREM, au cours duquel Mme [WG] lui a expressément déclaré que, compte-tenu de ses nouvelles fonctions politiques, il avait certainement d'autres perspectives professionnelles, et lui a indiqué à différentes reprises que leur collaboration ne pourrait se poursuivre, l'invitant enfin, après plus de deux heures d'entretien, à régulariser une rupture conventionnelle;

- le caractère soudain de son licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé le 29 décembre 2017, sans aucun signe avant- coureur et alors même que le dernier entretien annuel ne faisait état d'aucun grief à ce titre;

- la crainte de l'employeur de voir produire aux débats un éventuel enregistrement de cet entretien du 24 octobre 2017;

- l'absence d'urgence à établir en un temps record un prétendu document stratégique sur le développement des publics, son successeur n'ayant été saisi d'aucune demande en ce sens;

- la similitude de comportement de Mme [WG] qui, pour licencier en décembre 2006 son prédécesseur Mme [WO], avait sollicité en août 2006 l'établissement urgent d'un 'plan d'action pour la recherche de publics', et s'était prévalue de la non remise de ce document par la salariée pour la congédier pour faute grave.

M. [G] verse aux débats de nombreuses pièces établissant la matérialité des éléments de fait invoqués, notamment :

- la lettre de mission du 12 juin 2017

- le document stratégique remis dans sa version définitive le 03 septembre 2017

- les décisions de justice ayant requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [WO] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour relève par ailleurs que la tenue d'un entretien informel le 24 octobre 2017 n'est pas contestée par la partie adverse, pas plus que l'existence de mises en garde sur une action pénale en cas de production aux débats d'un éventuel enregistrement clandestin de cet entretien.

La concomitance entre les événements professionnels décrits (demande d'établissement en urgence d'un document stratégique le 12 juin 2017, entretien informel sur la qualité insuffisante de ce document en octobre 2017) et les engagements politiques de M. [G] (délégué de campagne aux législatives de juin 2017, puis désignation comme référent territorial de LREM en octobre 2017), la soudaineté du licenciement pour insuffisance professionnelle en l'absence de tout reproche similaire antérieur, les similitudes dans la mise en oeuvre des procédures de licenciement de Mme [WO] et de M. [G], constituent des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, sont susceptibles de caractériser l'existence d'un licenciement discriminatoire du salarié en raison de ses opinions politiques.

Pour combattre l'allégation de discrimination ainsi avancée, le CNCS dément en premier lieu vigoureusement les propos prêtés à Mme [WG] sur les engagements politiques de M. [G] au cours de leur entretien du 24 octobre 2017.

S'agissant de la crainte alléguée de voir produire un enregistrement clandestin de cet entretien qui viendrait corroborer l'existence de ces propos, l'employeur objecte à juste titre que le simple rappel du caractère illégal d'un tel procédé ne saurait constituer un quelconque aveu des propos discriminatoires prêtés à la directrice du CNCS.

En définitive, la cour retient qu'aucun élément du dossier ne permet effectivement d'établir la matérialité des propos invoqués.

L'employeur soutient ensuite que la structuration même du conseil d'administration du CNCS ne permettait en aucun cas à M. [ST], membre de droit et candidat malheureux aux élections législatives de juin 2017, d'orchestrer le licenciement de M. [G] pour des raisons politiques.

Il ressort en effet des statuts du CNCS produits aux débats que la composition du conseil d'administration, présidé par un conseiller d'Etat et au sein duquel les représentants de la ville de [Localité 6] ne disposent que de deux voix délibérantes sur 24, exclut toute possibilité d'une intervention de M. [ST] pour diligenter le licenciement d'un 'opposant politique', étant sur ce point rappelé que M. [G] n'était pas candidat à la députation mais un simple soutien de la rivale du maire de [Localité 6].

En cause d'appel, M. [G] indique n'avoir jamais soutenu que M. [ST] avait commandité son licenciement mais que la directrice l'avait licencié pour éviter toute dégradation des relations du CNCS avec la ville de [Localité 6], son deuxième contributeur.

La cour relève toutefois que les statuts du CNCS prévoient et fixent le montant de la contribution financière de la mairie de [Localité 6], de sorte que l'argument tiré des craintes de Mme [WG] sur les éventuelles conséquences économiques de l'engagement de M. [G] en politique dans un parti opposé à celui du maire de [Localité 6] apparaît infondé, étant en outre souligné que le Ministère de la culture, alors dirigé par un membre de la LREM au moment du licenciement de M. [G], est le principal contributeur du CNCS (80% de son socle de financement).

S'agissant de la demande subite de rédaction d'un rapport stratégique sur le développement des publics au lendemain du 1er tour des élections législatives, il ressort tout d'abord de la lettre de mission du 12 juin 2017 que Mme [WG] avait formulé cette demande lors d'un entretien du 06 juin 2017, soit avant cette échéance électorale.

L'employeur rappelle ensuite pertinemment que le rapport sollicité relevait totalement du champ de compétences de M. [G], chargé aux termes de sa fiche de poste signée le 02 mai 2016, 'de développer la fréquentation des publics et les relations avec les partenaires notamment'.

Il souligne également à juste titre que l'intéressé n'a émis aucune objection quant au délai accordé pour rédiger ce rapport ni écrit à sa direction pour demander un délai plus important ou expliquer les difficultés dans lesquelles il était placé du fait même de ce délai d'un mois et demi qui lui était imparti.

S'agissant de la pertinence de la demande, le CNCS produit un extrait du registre de délibération du conseil d'administration du 23 novembre 2016, dont il ressort que le président du conseil d'administration avait suggéré la réalisation d'un 'travail de réflexion, après 10 années d'ouverture, avec un élargissement des thématiques traitées par le CNCS avec la scénographie, l'itinérance d'expositions et la fréquentation des publics'. (pièce appelant n° 41).

Lors du conseil d'administration du 04 mai 2017, Mme [WG], soutenant sa candidature pour un nouveau mandat de directrice, a présenté les axes de son mandat comme suit :

'Il me semble indispensable, au- delà du fonctionnement quotidien de l'établissement, de définir en liaison étroite avec le conseil d'administration, les dossiers majeurs que nous aurons ensemble à piloter et à gérer. A ce stade, cinq priorités émergent:

- la réalisation du projet d'extension

- l'organisation d'expositions temporaires associant un travail scientifique et un accès au plus grand nombre de visiteurs

- la fréquentation du public, un enjeu clef!

- l'adaptation des moyens humains et budgétaires du musée

- la résolution des problèmes rencontrés dans le bâtiment des réserves.' (Pièce appelant n° 42).

Développant l'axe sur 'la fréquentation du public: un enjeu vital', elle souligne que 'la fréquentation reste un enjeu vital pour l'établissement, pour son positionnement, son rayonnement mais aussi pour le bon équilibre de son budget.

Ainsi, la fréquentation du CNCS s'est établie sur les trois dernières années:

- 2014: 67.333 visiteurs

- 2015: 60.488 visiteurs

- 2016: 72.898 visiteurs.

(...)

Pour les années futures, l'ouverture de nouveaux espaces au public, la qualité des expositions présentées, ainsi que le développement indispensable de nouveaux partenariats, constituent des leviers de développement essentiels. Le Centre d'interprétation sur la scénographie doit permettre de se fixer l'objectif d'atteindre une fréquentation de 100.000 visiteurs par an. (...) Les moyens mobilisés sont importants et nécessitent une vision et une stratégie plus opérationnelle pour les atteindre.'

Il s'évince de ce qui précède que les préoccupations du CNCS quant à la fréquentation du musée sont antérieures à l'engagement en politique de M. [G] et que la demande de rédaction d'un rapport sur la stratégie de développement des publics, s'inscrivant dans la droite ligne du projet présenté par Mme [WG] devant le conseil d'administration début mai 2017, est ainsi justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il peut en outre être raisonnablement admis que du fait des congés d'été, de l'échéance du terme d'une exposition au cours du mois de septembre 2017 et de la mise en place d'une nouvelle exposition à compter de mi- octobre 2017, le délai pris par la direction du CNCS entre le dépôt du rapport final remis par M. [G] début septembre et la date de son licenciement ne revêt aucun caractère anormal et ne saurait constituer un élément objectif de preuve de discrimination.

S'agissant enfin de la similitude de mise en oeuvre des licenciements de Mme [WO] et de M. [G], l'employeur explique que le licenciement de cette salariée, prononcé sept mois seulement après son recrutement, est intervenu dans un contexte bien différent de celui de l'intimé, cette employée étant alors seule dans son service alors que M. [G] disposait d'une équipe de plus d'une dizaine de collaborateurs.

Ainsi que le souligne en outre pertinemment l'employeur, le fait qu'il ait succombé dans un procès prud'homal l'ayant opposé plus de dix ans auparavant à Mme [WO], ne démontre en rien l'existence d'une discrimination politique du CNCS à l'égard de M. [G].

La cour relève en tout dernier lieu que sur les 35 attestations produites aux débats par celui- ci, aucune ne rapporte l'existence ou le début d'une quelconque parole ou acte discriminatoire à son encontre.

L'employeur ayant suffisamment démontré que sa décision de licencier M. [G] était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour confirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de son action en nullité de son licenciement pour discrimination et de sa demande subséquente en paiement de dommages et intérêts.

3°- Sur le bien- fondé du licenciement :

* Sur la recevabilité de la contestation:

L'article L. 1471- 1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que 'toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture'.

Selon une jurisprudence ancienne et constante, la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est- à- dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture.

En l'espèce, il est constant que le CNCS a notifié à M. [G] son licenciement par une lettre datée du 29 décembre 2017, expédiée une première fois à une date ignorée. L'accusé de réception dont se prévaut l'employeur dans ses écritures n'a pas été joint à la pièce n° 10 invoquée (cette pièce ne contient que la lettre de licenciement) et n'a donc pas été produit aux débats.

Il est tout aussi constant que cette première correspondance, revenue avec la mention 'N'habite pas à l'adresse indiquée', a de nouveau été expédiée à M. [G] le 04 janvier 2018.

Dès lors que le premier courrier, expédié à une date ignorée, n'a pas été distribué à M. [G], la notification ne peut être considérée comme effective qu'à la date du 04 janvier 2018, date d'expédition du second courrier.

M. [G] a saisi la juridiction prud'homale par requête datée du 28 décembre 2018, expédiée à une date ignorée mais réceptionnée le 02 janvier 2019, soit moins d'un an après la notification de son licenciement.

Il s'ensuit que son action en contestation du bien- fondé de son licenciement doit être déclarée non prescrite et par conséquent recevable.

* Sur le bien- fondé de la contestation :

Aux termes des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235- 1 du code du travail, l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

En vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut décider de licencier un salarié, selon les règles de droit commun, pour des faits relevant d'une insuffisance professionnelle.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à accomplir, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés.

L'insuffisance professionnelle doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme purement conjoncturelle, et être directement imputable au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [G] le 04 janvier 2018, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit:

'Monsieur,

Nous avons le regret, par la présente, de vous notifier votre licenciement pour inadéquation de l'exercice de vos fonctions aux exigences du poste.

En effet comme nous nous en sommes expliqués au cours de l'entretien préalable du 22 décembre dernier, la fonction de responsable du département des publics que vous occupez est déterminante pour le Centre national du costume de scène.

C'est la raison pour laquelle, confrontés à une érosion de la fréquentation et à une absence de développement, il nous est apparu absolument nécessaire d'évaluer la politique des publics suivie jusqu'alors et de formuler des axes stratégiques de développement pour les années à venir illustrés par des propositions d'actions pertinentes avec des objectifs de fréquentation. C'est le travail d'analyse et de prospective que nous vous avons demandé lors de notre entretien du 6 juin dernier dont les termes ont été confirmés par notre courrier du 12 juin.

Force est, malheureusement, de constater que vous ne répondez pas aux tournants, aux enjeux d'un poste clé et stratégique du CNCS : le développement des publics, un sujet sur lequel cela fait plus de deux ans que nous vous sensibilisons.

Vous avez produit avec retard un document inadapté aux responsabilités qui vous incombent et à nos enjeux.

Vous vous appesantissez sur des facteurs négatifs et exogènes, la météo, la concurrence, opérant par ailleurs divers constats sans aucunement formuler quelles opérations concrètes devraient être mises en oeuvre pour ne pas avoir à réitérer les mêmes constats ultérieurement. Ainsi notamment vous évoquez la fréquentation familiale trop faible, le volet numérique et la fidélisation du public groupe qui reste à améliorer, sans aucune proposition correspondante.

Les perspectives qui devaient constituer le volet majeur de votre réflexion sont malheureusement inexistantes.

Vous n'évoquez à aucun moment le marketing alors que nous disposons d'un poste à temps plein dédié et que tout développement implique en premier lieu une approche marketing, c'est incompréhensible.

Nous cherchons vainement vos propositions, vous avez formulé nombre de généralités 'la venue des familles au musée...apparaît d'emblée comme une priorité. L'enquête de 2015 a montré une réelle attente en matière d'application numérique à usage individuel in situ, la progression de la venue du public scolaire... suppose au vu des chiffres de s'interroger sur un éventuel retour à l'ancien calendrier d'exposition, une marge de progression de la fréquentation en été est sans doute possible en élargissant l'offre, une autre piste pourrait consister à transformer la place d'arme en lieu d'exposition, installer une boîte à idées...'

La commande était de formuler des axes stratégiques de développement des publics individuels et groupes incluant le projet d'extension du musée, or de projet d`extension il n'est nullement question et en ce qui concerne la proposition d'actions pertinentes et priorisées, aucune n'est proposée.

Vos propos sont très orientés vers le local, rien n'est évoqué pour développer la fréquentation des grandes métropoles, [Localité 8], [Localité 5], mais aussi [Localité 3], [Localité 4], aucun outil marketing n'est mobilisé pour le développement des publics et particulièrement des groupes, scolaires et non scolaires.

Pis encore, vous dressez une proposition dite d'opérations budgétisées que vous dotez pour certaines de montants considérables, 114100€, 60000€, 100000 € avec simplement des objectifs non quantifiés et surtout sans qu'il soit fait état avec précision des actions concrètes qui vous conduisent à adopter un tel chiffrage.

Votre approche n'est pas construite, c'est un catalogue non opérationnel de dépenses soutenues par aucune action identifiée, le ' souffle ' indispensable à la relance du CNCS fait défaut.

Vous connaissez à l'évidence des difficultés à prioriser, à rendre claire une stratégie comme cela avait déjà été le cas avec le PSC.

Malheureusement les derniers chiffres de fréquentation confirment la tendance baissière sur laquelle nous vous alertions depuis des mois.

De plus, et malgré cette situation qui s`aggrave, depuis la remise de ce document force est de constater votre absence totale d'initiative pour préciser vos positions et vos propositions.

Il a fallu que nous vous relancions par courriel du 30 novembre pour que vous répondiez le 2 décembre de nouveau sans une action marketing construite. Nous manquons donc totalement de faculté d'anticipation et d'action à court terme comme de perspectives et de projets à moyen et long terme.

Alors que cela constitue un axe primordial de votre fiche de poste nous déplorons l'absence de conception d'outils de prospection et de fidélisation des publics. Ainsi notamment la feuille de route ' actions commerciales et marketing' a nécessité beaucoup de temps pour en fixer le contenu et n'a été suivie que de très peu d'effets dans son suivi et son application. Nous avons connu pareille difficulté dans la mise en place des partenariats avec l'Opéra de [Localité 8] de même qu'avec la Maison de la Culture de [Localité 7].

En outre vous connaissez des difficultés de communication en particulier avec vos équipes, celles-ci, malgré le soutien dont nous avons fait preuve envers vous, perdurent ce qui notamment génère des problèmes de management dont il résulte, de votre part, une carence d'animation, d'impulsion, de conduite de projets et de suivi du personnel dont vous avez la charge.

Cette fonction managériale est tout aussi primordiale, définir des projets et motiver vos équipes pour les porter avec détermination et enthousiasme implique un leadership qui vous fait défaut. Or rien ne pourra être entrepris sans l'adhésion et l'implication des salariés dont vous avez la charge.

Une telle situation demeure inchangée malgré l'accompagnement qui vous a été prodigué, le soutien de la direction et les actions mises en 'uvre avec notamment la démarche RH conduite par un consultant, les actions GPEC, les formations.

Nous connaissons beaucoup de départs dans le service et les entretiens individuels menés en 2017 viennent encore confirmer cette ambiance détériorée avec l'expression par les collaborateurs de souffrances au travail que nous ne pouvons ignorer. Rien à ce jour ne permet sérieusement d'espérer qu'un travail collectif dynamisé soit mobilisé au soutien d'un projet.

Dans le cadre d'une situation dégradée et d'un budget contraint nous devons faire preuve de réactivité, de créativité, de rigueur.

Faute de perspective d'amélioration, cette situation est extrêmement préjudiciable pour le Centre qui se doit de mettre en 'uvre une action résolue de développement des publics que malheureusement vous n'apparaissez pas pouvoir ni définir, ni mener dans le contexte difficile qui est déjà le nôtre et qui a conduit nos tutelles à douter de notre crédibilité à développer nos publics.

Cette inadéquation professionnelle ne permet plus de poursuivre notre collaboration.

Par conséquent, votre préavis d'une durée de trois mois débutera dès première présentation de ce courrier. Nous vous en dispensons de l'exécution à compter du 2 janvier 2018 à 17 heures, il vous sera rémunéré à chaque échéance habituelle.(...)'

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, articule ainsi deux principaux griefs d'insuffisance professionnelle à l'encontre de M. [G], à qui il est reproché:

- un non développement des publics d'une part

- des carences managériales d'autre part, malgré l'intervention d'un prestataire Ressources Humaines extérieur à l'entreprise.

S'agissant du premier grief invoqué, la cour relève tout d'abord que les pièces produites aux débats (compte- rendus du conseil d'administration et rapports annuels d'activité notamment) ne démontrent pas une chute importante et continue de la fréquentation du musée, mais tout au plus une stagnation de cette fréquentation à 70.000 visiteurs par an, si l'on se réfère notamment aux deux dernières années 2016 et 2017.

Si l'année 2015 a effectivement été mauvaise en terme de fréquentations, l'employeur reconnaît lui- même, ainsi que cela ressort notamment des comptes rendus du conseil d'administration, que cette baisse a concerné tout le territoire national et résulté de plusieurs facteurs exogènes (attentats, canicule...).

En tout état de cause, l'érosion du taux de fréquentation du musée, que rien ne permet de rattacher exclusivement et majoritairement à une mauvaise qualité du travail fourni par M. [G], ne saurait à elle seule suffire à démontrer une mauvaise exécution chronique et prolongée par celui- ci des tâches qui lui étaient confiées.

L'employeur excipe également du non respect par l'intimé du délai fixé dans la lettre de mission pour remettre le rapport, communiqué dans sa

version définitive le 03 septembre 2017 au lieu du 20 juillet 2017.

Un retard de quelques semaines, en pleine période estivale, ne peut toutefois revêtir un caractère fautif, d'autant qu'il n'est pas démontré ni même allégué que M. [G] était coutumier du fait.

Quant à l'insuffisance de forme et de fond du document stratégique remis, les pièces produites aux débats par les parties ne permettent pas de mettre en évidence la viduité et l'inconsistance des propositions de développement faites.

Les critiques de l'employeur quant à la qualité de ce document sont utilement contredites par des attestations produites aux débats par M. [G] et émanant de professionnels de politique des publics et de marketing.

Ainsi, M. [S], adjoint au chef du département de la politique des publics au sein de la direction générale des patrimoines du Ministère de la culture, estime que le document d'orientation stratégique 'Développement des publics' rédigé par M. [G] 'est dans son ensemble très complet et l'analyse assez objective, même si parfois un peu appuyée sur le plan de la concurrence'. (Pièce intimé n° 19 bis).

M. [D] [Z], enseignant à l'IUT d'Allier et spécialiste de marketing, indique pour sa part que 'le contenu de ce document est cohérent sur le plan du développement commercial et du marketing eu égard au contexte et aux cibles choisies'. (Pièce intimé n° 15).

En tout état de cause, même à la supposer établie, la médiocrité de ce rapport et le léger retard pris dans son rendu ne peuvent constituer, compte tenu du caractère ponctuel de ces carences et de l'absence totale de reproche antérieur sur la qualité du travail fourni, une faute suffisamment grave pour caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il s'ensuit que le premier grief, dont la matérialité est insuffisamment démontrée, sera écarté.

S'agissant du second grief invoqué, la cour relève tout d'abord le caractère général de sa formulation, aucun fait précis, circonstancié et daté, n'étant mentionné.

Dans ses écritures, l'employeur se réfère aux difficultés relationnelles de M. [G] avec Mmes [W], [V] et [Y].

Concernant cette dernière salariée, le CNCS fait état du comportement harcelant et désobligeant dont s'était plaint l'intéressée à l'encontre de M. [G]. Toutefois, les faits incriminés se seraient produits en 2011 et ne peuvent, au regard de leur ancienneté, être utilement invoqués au soutien d'un licenciement prononcé en 2017.

L'employeur se prévaut ensuite des conclusions d'un rapport de diagnostic Ressources Humaines établi en septembre 2014 par la société RH PARTNERS, ainsi que d'une note confidentielle établie à la suite d'une seconde mission RH confiée en début d'année 2017 au Cabinet Stratégies et Trajectoires, représenté par M. [T].

Outre son ancienneté, le rapport de 2014 faisant état sans plus de développement 'd'un management de certains cadres blâmant et autoritaire' et 'd'une absence de coordination dans le département des publics', ne cite personne nommément et ne permet pas d'établir la matérialité de carences managériales imputables à M. [G].

S'agissant de cet audit réalisé en 2014, l'employeur produit aux débats l'attestation de Mme [VP] [L], consultante psychologue au sein du cabinet RH PARTNERS, qui vient indiquer en septembre 2019 'que les salariés interviewés se sont plaints d'un mode de management blâmant et autoritaire' de M. [G]. De par son caractère imprécis et tardif, ce témoignage ne se révèle guère plus probant que le contenu du rapport précité.

De même, la note confidentielle de janvier 2017, établie par M. [T], ne contient que des témoignages anonymes rapportant en des termes généraux 'le malaise et le désappointement' ressentis par les salariés du service département des publics dans leur collaboration avec M. [G].

Quant à Mme [W], l'employeur produit le compte rendu de son entretien annuel d'évaluation réalisé en juillet 2017, dans lequel cette dernière fait état 'd'une communication difficile avec son N + 1", soit M. [G].

Elle atteste également en septembre 2019, sans mentionner de faits précis, 'des difficultés managériales' de M. [G].

Enfin, est également produit aux débats le témoignage de Mme [M] [V], chargée de mission au sein du CNCS, attestant 'du caractère colérique, asservissant et dominateur' de M. [G] qui 'a installé un sentiment de malaise, méfiance au sein de son équipe utilisant la méthode de 'diviser pour mieux régner'. (...) Je pense sincèrement que M. [G] était non seulement un imposteur au poste qu'il occupait mais aussi une personne nuisible et malsaine pour l'entreprise et ses collaborateurs'.

Cette attestation, ne mentionnant aucun fait précis ni daté et livrant essentiellement un jugement de valeur sur la personnalité de M. [G], est contredite par les témoignages concordants de Mmes [B] [VY], guide conférencière au CNCS depuis 2016, [N] [A], agent administratif depuis 2011, [I] [TJ], chargée de médiation de 2009 à 2012, [R] [C], chargée de médiation de 2011 à 2013, [K] [O], guide conférencière en 2014 et 2015, [E] [H], guide conférencière en 2016 et 2017, [F] [U], agent

d'accueil, lesquels ayant tous travaillé dans le service et/ ou sous la direction de l'intimé, louent son sens de l'écoute et sa bienveillance.

M. [XF] [AZ], délégué du personnel, atteste par ailleurs que 'sur le plan des ressources humaines, en tant que délégué du personnel, je n'ai jamais évoqué avec la direction un quelconque comportement inapproprié de M. [G] envers un ou plusieurs membres de son service. Cela n'a jamais fait l'objet d'une question ou d'un point lors de nos réunions mensuelles DP, réunions lors desquelles d'autres cas relevant des ressources humaines ont pu être évoqués en toute transparence afin d'être traités et résolus'. (Pièce intimé n° 93).

Mme [J] [AR] confirme également que lorsqu'elle était représentante du personnel du CNCS au conseil d'administration, 'personne ne m'a signalé de problème personnel avec M. [G].' (Pièce intimé n° 97).

De tout ce qui précède, il ressort que la matérialité du second grief invoqué, de par l'absence de démonstration de faits précis et vérifiables, ne peut être considérée comme établie.

Aussi, la preuve d'insuffisances professionnelles graves et réitérées étant insuffisamment rapportée, la cour, confirmant le jugement entrepris, dit que le licenciement de M. [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

L'article L. 1235-3 du code du travail prévoit, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Le nouvel article L. 1235-3 du code du travail définit des montant minimaux et maximaux d'indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l'ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise. Ainsi, dans les entreprises de plus de 11 salariés, l'article L. 1235-3 prévoit que l'indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l'ancienneté dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [X] [G], âgé de 46 ans au moment de son licenciement, comptait 8 ans et 10 mois d'ancienneté au sein du CNCS et percevait un salaire mensuel moyen brut de 3.136,85 euros.

Il n'est pas discuté que le CNCS employait plus de onze salariés au moment du licenciement.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, M. [G] peut prétendre à une indemnité de licenciement dont le montant est compris entre 3 et 8 mois de salaire mensuel brut, soit entre 9.410,55 euros bruts et 25.094,80 euros bruts.

Compte tenu de son âge, de son ancienneté dans l'établissement au moment de son licenciement, et de ses difficultés, après une période de chômage de trois ans, à retrouver un emploi stable lui offrant des conditions de rémunération équivalentes à celles perçues au sein du CNCS, la cour, estimant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi, confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 25.094,80 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4°- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

A l'appui de ce chef de demande, M. [G] invoque un manque de reconnaissance par la direction de l'établissement de son investissement professionnel à l'origine de souffrances au travail et le caractère brutal de son licenciement lui ayant occasionné un préjudice moral distinct de la simple perte de son emploi.

Force est toutefois de constater que les éléments médicaux produits aux débats par M. [G], notamment son dossier médical et l'attestation du médecin du travail, ne rapportent que ses seuls dires et ne peuvent dès lors être considérés comme probants.

En outre, le fait que les propositions d'améliorations faites par M. [G] n'aient pas toujours été entendues par l'employeur ne saurait suffire à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par celui- ci.

M. [G] invoque également la violence de l'entretien informel du 24 octobre 2017 et les pressions exercées par la direction pour obtenir son départ, notamment par la voie d'une rupture conventionnelle.

Sur ce point, il produit l'attestation de Mme [ZU], cadre ressources humaines, qui n'a pas assisté à cet entretien et rapporte uniquement les dires de l'intimé, lesquels sont vigoureusement démentis par l'employeur.

Aussi, la preuve d'une inexécution déloyale par l'employeur du contrat de travail et d'un préjudice en ayant résulté n'étant pas rapportée, la cour, infirmant le jugement entrepris, déboute M. [G] de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

5°- Sur les frais irrépétibles et dépens :

Les dispositions du jugement déféré, relatives aux frais irrépétibles et dépens, seront confirmées.

Le CNCS, partie qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera débouté de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamné à payer à M. [G] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code précité et ce, en sus de la charge des entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Ecarte avant- dire droit les pièces n° 19 et 28 produites aux débats par M. [X] [G];

Rejette la demande d'audition de Mme [P] [W] sur ses difficultés relationnelles avec M. [G] dans le cadre d'une mission de conseiller- rapporteur;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie à payer à M. [G] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Déboute M. [G] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

Y ajoutant,

Déboute l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles;

Condamne l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie à payer à M. [G] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne l'établissement public de coopération culturelle Centre National du Costume de Scène et de la Scénographie aux entiers dépens d'appel;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00258
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;20.00258 ?
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