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05/07/2022 | FRANCE | N°18/02549

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 18/02549


05 JUILLET 2022



Arrêt n°

KV/SB/NS



Dossier N° RG 18/02549 - N° Portalis DBVU-V-B7C-FDVZ



[E] [N]

/

[I]

[D],

S.A.S

AUTHENTICITE

MONTLUCONNAISE,

L'UNEDIC,

Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],

Association

déclarée,

Arrêt rendu ce CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Karine VALLEE, Conseiller





Mme Claude VICARD, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Mme [E] [N]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-lou...

05 JUILLET 2022

Arrêt n°

KV/SB/NS

Dossier N° RG 18/02549 - N° Portalis DBVU-V-B7C-FDVZ

[E] [N]

/

[I]

[D],

S.A.S

AUTHENTICITE

MONTLUCONNAISE,

L'UNEDIC,

Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7],

Association

déclarée,

Arrêt rendu ce CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Claude VICARD, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [E] [N]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-louis BAFFELEUF, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [I] [D], mandataire liquidateur de la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE 'LA PAPATERIE'

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND suppléant Me Regis SENET, avocat au barreau de MOULINS

S.A.S. AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Non comparante, ni représentée

L'UNEDIC, Délégation AGS, CGEA d'[Localité 7], Association déclarée, représentée par son Directeur, Monsieur [Y] [G], domicilié es qualité [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Emilie PANEFIEU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMES

Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 13 Juin 2022, tenue en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 janvier 2012, Mme [E] [N], née le 6 juin 1983, a été embauchée en qualité de serveuse par la SAS L'AUTHENTICITÉ MONLUÇONNAISE exploitant sous l'enseigne la PATATERIE un fonds de commerce de restauration.

Le 26 août 2012 Mme [N] a été victime d'un accident du travail, qui ne sera pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels que le 6 décembre 20212.

Au terme d'une visite médicale de reprise organisée le 1er avril 2014, Mme [N] a été déclarée par le médecin du travail inapte à son poste de travail en ces termes : 'Inapte au poste, apte à un autre. Inapte à la station debout prolongée et au port de charges lourdes.'

Par avis du 29 avril 2014 rendu au terme d'une seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [N] à tous les postes de travail.

Par lettre datée du 31 mai 2014, la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a notifié à Mme [N] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant le bien fondé de cette mesure, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON par requête reçue le 8 juillet 2014 aux fins de :

-voir dire irrégulière la procédure de licenciement ;

-voir déclarer son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

- obtenir le paiement des sommes dues au titre du licenciement;

- obtenir des dommages et intérêts pour différents manquements de l'employeur à ses obligations ;

- voir condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaires sur heures supplémentaires.

Selon jugement contradictoire en date du 15 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :

- dit que l'action de Madame [N] est régulière dans la forme et recevable ;

- dit que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est infondée ;

- dit que la demande sur les heures supplémentaires est injustifiée ;

- condamné la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE, en la personne de son représentant légal, à porter et payer à Mme [N] les sommes suivantes :

* 3.468,92 euros au titre du rappel des congés payés ;

* 1.445,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 144,54 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents ;

* 673,57 euros au titre du rappel de l'indemnité spéciale de licenciement ;

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour non déclaration de l'accident ;

* 1.445,42 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

* 750 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de retard dans la remise des documents ;

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE en la personne de son représentant légal, à remettre à Mme [N] une attestation Pole Emploi « avec inaptitude professionnelle mentionnée », le solde de tout compte conformes à la décision, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document à compter de 15 jours après la notification de la présente décision et jusqu'à délivrance complète des documents, le conseil se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte sur simple demande de Mme [N],

- ordonné l'exécution provisoire de droit ;

- dit que la moyenne des derniers mois de salaire est de 1.445,42 euros ;

- mis les dépens de la l'instance à la charge de la défenderesse.

Le 17 octobre 2015, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 25 septembre 2015.

Le 17 octobre 2015, la SAS L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a interjeté appel partiel de ce jugement notifié à sa personne morale le 30 septembre 2015, sauf en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [N] comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.

Par jugement du tribunal de commerce de MONTLUÇON en date du 16 septembre 2016, la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a été placée en redressement judiciaire, Maître [I] [D] ayant été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance en date du 13 mars 2017, le président de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom chargé de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire.

Par requête en date du 30 mars 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON de demandes tendant à la liquidation de l'astreinte ordonnée par cette même juridiction le 15 septembre 2015 , au prononcé d' une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir pour une durée de six mois et à l'indemnisation de son préjudice résultant de l'inexécution de la décision judiciaire.

Par jugement en date du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :

- débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la SAS l'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE de ses demandes ;

- mis hors de cause Laître [D] en qualité de mandataire judiciaire;

- mis hors de cause l'AGS CGEA d'[Localité 7] ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 7 décembre 2018, Mme [N] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 16 novembre 2018.

Par jugement en date du 3 juin 2019 du tribunal de commerce de Montluçon, la SAS L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a été placée en liquidation judiciaire, et Maître [I] [D] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par arrêt du 14 septembre 2021, la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur les conséquences de la décision de péremption en date du 20 juillet 2021 ayant constaté l'extinction de l'instance d'appel introduite par déclaration du 17 octobre 2015 sur la demande en liquidation d'astreinte formée par Mme [N] et renvoyé l'affaire à l'audience du 13 juin 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières écritures notifiées le 7 mars 2019, Mme

[N] conclut à la réformation partielle du jugement et demande à la cour de :

- valider l'astreinte par référence au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON en date du 15 septembre 2015, sur la base de 20 euros par jour de retard depuis le 15 octobre 2015 et jusqu'à l'arrêt à intervenir, au titre de la non remise du solde de tout compte ;

- condamner la SAS L'AUTHENTICITE MONLUCONNAISE au paiement de celle-ci;

- condamner SAS L'AUTHENTICITE MONLUCONNAISE à lui payer les sommes de:

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Mme [N] argue de l'absence de règlement par l'employeur de la condamnation assortie de l'exécution provisoire, prononcée par le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON le 15 septembre 2015, à lui régler une somme de 10.227,87 euros. Elle précise qu'une telle condamnation implique un règlement intégral de la part de l'employeur de sorte que celui-ci ne peut se prévaloir d'une proposition de règlement échelonné pour considérer comme exécutée ladite condamnation judiciaire. Elle ajoute que les organes de la procédure collective ne lui ont pas plus réglé ce qui lui était dû au titre de ce chef de condamnation.

S'agissant de la demande indemnitaire, elle rappelle le caractère cumulatif de l'astreinte, qui a vocation à sanctionner un débiteur qui n'exécute pas une décision judiciaire, et des dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice subi du fait de l'inexécution ou de l'exécution tardive de ses obligations par la partie ayant judiciairement succombé. Elle fait valoir à cet égard que la résistance abusive de l'employeur est parfaitement caractérisée dès lors que celui-ci ne pouvait légitimement ignorer sa condamnation sous astreinte.

Par ses dernières écritures notifiées le 5 juin 2020, la SELARL MJ DE L'ALLIER, en qualité de liquidateur de la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE, demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [N], outre aux entiers dépens, à lui payer, en qualité de mandataire liquidateur de la société l'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE, les sommes de :

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

- fixer l'astreinte à hauteur de 80 euros ;

- débouter Mme [N] du surplus de ses demandes ;

- ordonner le partage des dépens ;

A titre infiniment subsidiaire :

- déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-1 et suivants, D. 3253-5 du code du travail et du décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003.

La SELARL MJ DE L'ALLIER fait tout d'abord valoir que Mme [N] n'a jamais fait signifier le jugement du conseil de prud'hommes, alors qu'une telle diligence constitue le point de départ à partir duquel l'astreinte commence à courir, la notification effectuée par le greffe de la juridiction ne suffisant pas à conférer à ladite décision un caractère exécutoire.

Elle expose qu'en tout état de cause l'employeur a satisfait à cette condamnation, étant expliqué qu'en application des règles de computation des délais résultant des dispositions combinées des articles 640 à 642 du code de procédure civile, et au regard de la notification du jugement effectuée par le greffe le vendredi 2 octobre, l'employeur disposait d'un délai courant jusqu'au 19 octobre suivant pour s'exécuter, ce qu'il a fait en l'espèce le 21 octobre 2015 en lui communiquant ses documents de fin de contrat. En outre, elle objecte que seule la condamnation à la remise des documents de fin de contrat rectifiés était assortie de l'exécution provisoire, et non les condamnations portant sur des sommes à caractère salarial.

A titre subsidiaire, en cas de liquidation de l'astreinte, elle sollicite que soient prises en compte les diligences effectuées par l'employeur pour limiter le montant de l'astreinte à 80 euros net.

Elle soutient que la demande indemnitaire formulée par la salariée est mal fondée, cette dernière ayant été destinataire de ses documents de fin de contrat en temps utile. S'agissant de la somme assortie de l'exécution provisoire, elle lui a adressé un règlement par chèque bancaire d'un montant de 500 euros et une proposition de paiement échelonné lui a été transmise par courrier du 30 décembre 2015, étant souligné l'absence d'encaissement dudit chèque et d'acceptation de ladite proposition. Elle relève au demeurant l'absence d'introduction d'action par la voie d'un huissier instrumentaire aux fins d'exécution forcée. Elle souligne qu'en tout état de cause, la salariée ne justifie ni du principe, ni du quantum du préjudice qu'elle allègue.

Par ses dernières écritures notifiées le 3 juin 2020, le CGEA d'[Localité 7], en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS et le CGEA d'[Localité 7] s'agissant des créances exclues de sa garantie et en présence d'une société en plan de redressement ;

A titre subsidiaire :

- voir déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'A.G.S et au C.G.E.A. d'[Localité 7] en qualité de gestionnaire de l'A.G.S, dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants (article L.3253-8), D.3253-5 du code du travail et du décret n° 2003-684 du 24 juillet 2003 ;

- voir constater que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, au plafond défini à l'article D.3253-5 du code du travail ;

- voir constater les limites de leur garantie ;

- voir dire et juger que l'arrêt à intervenir ne saurait prononcer une quelconque condamnation à leur encontre ;

- voir dire et juger que l'A.G.S ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-1 et suivants du code du travail (article L.3253-8 du code du travail) que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-1 et suivants du code du travail (article L.3253-8 du code du travail);

- voir dire et juger que l'obligation du C.G.E.A de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafonds applicables, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire ;

- voir dire et juger que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux (article L.622-28 et suivants du code de commerce).

Le CGEA d'[Localité 7] fait valoir pour l'essentiel que la garantie de l'AGS n'a pas vocation à s'appliquer aux astreintes prononcées judiciairement, ni à la demande indemnitaire pour résistance abusive dès lors qu'elles ne résultent pas de l'exécution du contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

- Sur la demande de liquidation d'astreinte :

Il sera observé à titre liminaire qu'aucune des parties n'a déposé de nouvelles écritures en suite de l'arrêt du 14 septembre 2021 ordonnant la réouverture des débats. Le principe du contradictoire ayant été respecté, il sera donc statué au vu des dernières conclusions, notifiées antérieurement à cet arrêt.

Selon l'article L131-2 du code des procédures civiles d'exécution, 'l'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.'

L'article L131-4 du même code dispose que 'le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.'

En l'espèce, le conseil de prud'hommes n'ayant pas spécifié que l'astreinte qu'il a prononcée revêtait un caractère définitif, il y a lieu de qualifier de provisoire l'astreinte litigieuse.

Comme la cour l'a relevé aux termes son arrêt du 14 septembre 20201, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé de la motivation adoptée, la SELARL MJ DE L'ALLIER n'établit pas comme elle en a la charge que la SAS L'AUTHENCITE MONTLUCONNAISE a remis à l'appelante le solde de tout compte au sens de l'article L1234-20 du code du travail, conforme au jugement prononcé le 15 septembre 2015 par la juridiction prud'homale. Il a donc été conclu que Mme [N] arguait à juste titre de l'inobservation de cette obligation de faire.

Cette conclusion vaut toujours dans la mesure où la SELARL MJ de L'ALLIERn'a pas justifié depuis l'arrêt ordonnant la réouverture des débats de la remise à Mme [N] d'un solde de tout compte conforme aux condamnations prononcées à la charge de la SAS L'AUTHENCITE MONTLUCONNAISE par le jugement du 15 septembre 2015 du conseil de prud'hommes de MONTLUCON. Il sera observé à cet égard que l'argument selon lequel le solde de tout compte dont la remise a été imposée à l'employeur ne saurait être confondu avec le reçu pour solde de tout compte apparaît spécieux. L'obligation fixée par la juridiction prud'homale porte sur la remise par l'employeur du solde de tout compte, dont le salarié donne reçu lorsqu'il lui est remis, si bien qu'il ne peut être ordonné à l'employeur de fournir au salarié un reçu pour solde de tout compte. Dès lors, le fait que le conseil de prud'hommes n'ait pas obligé la SAS L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE à remettre à Mme [N] un reçu pour solde de tout compte est parfaitement cohérent et ne peut avoir aucune incidence sur la solution du litige relatif à la liquidation d'astreinte.

La cour a également relevé que la condamnation au paiement des sommes à caractère indemnitaire visant la SAS L'AUTHENCITE MONTLUCONNAISE n'étaient pas revêtues de l'exécution provisoire et qu'en conséquence, seule l'extinction de l'instance d'appel, suspensive d'exécution, engagée le 17 octobre 2015 contre le jugement du 15 septembre 2015 prononçant l'astreinte litigieuse a conféré à la condamnation en règlement de ces sommes un caractère exécutoire.

Ce n'est donc qu'à compter de la date de l'extinction de la procédure d'appel engagée le 17 octobre 2015 que peut être fixé le point de départ du délai de l'astreinte prononcée par le jugement du 15 septembre 2015 au titre de l'obligation de remise du solde de tout compte impartie à la SAS L'AUTHENCITE MONTLUCONNAISE, étant rappelé que selon l'article L1234-20 susvisé du code du code du travail, cette remise postule le versement préalable au salarié créancier des sommes énumérées au dispositif du jugement portant condamnation à leur paiement.

Par ordonnance du 20 juillet 2021du magistrat chargé de l'instruction de l'affaire, la péremption de l'instance d'appel introduite contre le jugement du 15 septembre 2015 du conseil de prud'hommes de MONTLUCON, et partant l'extinction subséquente de cette instance, ont été constatées.

Cette ordonnance n'ayant pas été frappée de recours, la condamnation imposant à la SAS L'AUTHENCITE MONTLUCONNAISE de remettre sous astreinte à Mme [N] un solde de tout compte conforme aux dispositions du jugement a acquis un caractère exécutoire le 20 juillet 2021 , cette date marquant, au vu des observations qui précèdent, le point de départ du délai au cours duquel l'astreinte a couru.

Il en résulte que Mme [N] est mal fondée à réclamer que l'astreinte soit liquidée sur la base de 20 euros par jour dès le 15 octobre 2015.

L'instance en liquidation ne mettant pas fin à la poursuite du cours de l'astreinte si l'injonction n'a pas été exécutée, l'astreinte prononcée sans limitation de durée par le conseil de prud'hommes le 15 septembre 2015 a continué à courir depuis le 20 juillet 2021.

Cette astreinte sera donc liquidée pour la période comprise entre le 20 juillet 2021 et le 13 juin 2022, date de clôture des débats de l'instance d'appel en liquidation.

L'article L131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que ' le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.'

Il ressort des explications des parties que la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a adressé une proposition de paiement partiel échelonné sur huit mois, accompagnée d'un premier chèque d'un montant de 500 euros daté du 22 décembre 2015, à Mme [N] qui n' y a pas donné suite. Ces éléments établissent de la part de la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE une démarche en vue de l'exécution, fût-elle partielle, des condamnations prononcées à son encontre, dont il convient de tenir compte au titre du critère d'appréciation tenant au comportement du débiteur.

Il y a lieu en outre d'observer que par jugement du 16 septembre 2016, la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE a été placée en redressement judiciaire.

L'ouverture de cette procédure de redressement judiciaire, qui est subordonnée à la caractérisation d'un état de cessation des paiements, permet d'inférer, chez cette société, l'existence de difficultés financières sur la période antérieure à la date du 16 septembre 2016 au cours de laquelle l'astreinte a été prononcée.

Ces considérations, à l'inverse de la passivité reprochée à la salariée créancière qui ne constitue pas un élément d'appréciation du montant à liquider, méritent d'être prises en considération dans la fixation du montant de la liquidation de l'astreinte.

En l'espèce, au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, le montant de la liquidation de l'astreinte sera arrêté à la somme 800 euros, qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande en liquidation d'astreinte.

- Sur la demande indemnitaire :

Mme [N] présente une demande en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros au motif que la résistance abusive à l'exécution des condamnations à paiement manifestée pendant quatre années par la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE lui a causé un préjudice.

Outre qu'au regard des considérations qui précèdent, le caractère abusif du défaut d'exécution des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes ne ressort pas indiscutablement des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il y a lieu de relever que Mme [N] ne justifie en aucune façon de l'existence d'un préjudice distinct à celui né du retard dans le paiement des sommes dues, réparé par les intérêts moratoires de droit.

Par motifs substitués, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée par Mme [N].

- Sur les demandes de l'AGS- CGEA d'[Localité 7] :

Les prétentions élevées par Mme [N] ne portent pas sur l'exécution d'un contrat de travail puisque la demande en liquidation d'astreinte est motivée par le défaut d'exécution d'une décision de justice, tandis que la demande indemnitaire vise à la réparation d'un préjudice consécutif à cette carence.

C'est dès lors à bon droit que l'AGS-CGEA D'[Localité 7] fait valoir qu'elle ne peut être tenue à garantie du paiement des sommes qui seraient mises de ces chefs à la charge de l'employeur.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a mise hors de cause.

- Sur la demande en dommages et intérêts de la SELARL MJ DE L'ALLIER:

Au motif que Mme [N] aurait agi avec une mauvaise foi affligeante et une légèreté blâmable, la SELARL MJ DE L'ALLIER argue d'un abus de droit caractérisé justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Elle fait valoir au soutien de cette demande que Mme [N] a agi sans rapporter la moindre preuve de ses allégations, qui au demeurant sont inexactes en ce qui concerne l'inobservation de l'obligation de remise des documents de fin de contrat rectifiés conformément au jugement du 15 septembre 2015.

Les éléments qu'avance la SELARL MJ DE L'ALLIER pour étayer sa prétention indemnitaire sont pourtant inopérants.

Outre que la SAS AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE puis la SELARL MJ DE L'ALLIER désignée en qualité de liquidateur judiciaire n'ont à aucun moment justifié du respect de l'obligation de remise du solde de tout compte conforme aux dispositions du jugement du 15 septembre 2015, de sorte que la particulière mauvaise foi ou la légèreté blâmable de la salariée dans son action en liquidation d'astreinte ne peut évidemment pas être retenue, le seul fait que la demande en dommages et intérêts soit rejetée comme mal fondée ne saurait la faire dégénérer en abus indemnisable.

Par motifs substitués, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande indemnitaire.

- Sur les dépens et les frais de l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de l'issue de l'action en liquidation d'astreinte, les dépens des procédures de première instance et d'appel seront supportés par la SELARL MJ DE L'ALLIER es qualité de liquidateur judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande que le liquidateur judiciaire forme au titre de ses frais irrépétibles. La disposition du jugement entrepris qui a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens sera infirmée.

Le jugement déféré sera également infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Es-qualité de liquidateur judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE, la SELARL MJ DE L'ALLIER sera condamnée à payer à Mme [N] la somme de 1.500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour assurer la défense de ses intérêts tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [E] [N] de sa demande en liquidation d'astreinte et statuant à nouveau de ce chef :

- Ordonne la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du conseil de prud'hommes de MONTLUCON du 15 septembre 2015 à hauteur de la somme de 800 euros ;

- Fixe cette somme de 800 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE ;

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et statuant à nouveau sur ce point, condamne la SELARL MJ DE L'ALLIER es qualité de liquidateur judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE aux dépens de première instance ;

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée par Mme [E] [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

- Condamne la SELARL MJ DE L'ALLIER es qualité de liquidateur judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE à payer à Mme [E] [N] la somme de 1.500 euros au titre des frais, de première instance et d'appel, visés à l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SELARL MJ DE L'ALLIER es qualité de liquidateur judiciaire de la société L'AUTHENTICITE MONTLUCONNAISE aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/02549
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;18.02549 ?
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