COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 28 juin 2022
N° RG 20/00933 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNTV
-LB- Arrêt n°
[C] [Z], [U] [Z], E.A.R.L. [Z] / [M] [S]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CUSSET, décision attaquée en date du 08 Juin 2020, enregistrée sous le n° 18/00236
Arrêt rendu le MARDI VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [C] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 10]
et
M. [U] [Z]
[Adresse 8]
[Localité 10]
et
E.A.R.L. [Z]
[Adresse 2]
[Localité 10]
Tous représentés par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Frédéric DELAHAYE, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
M. [M] [S]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représenté par Maître Fabien PURSEIGLE de la SELARL ABSIDE AVOCATS, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
Timbre fiscal acquitté
INTIME
DÉBATS : A l'audience publique du 16 mai 2022
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
[Y] [I], veuve de [W] [S] est décédée le 19 juin 2001, laissant pour lui succéder ses enfants, Mme [L] [S] veuve [G], M. [M] [S] et M. [P] [S].
Suivant acte authentique de liquidation partage en date du 23 juillet 2014, M. [M] [S] s'est vu attribuer plusieurs parcelles situées sur la commune de [Localité 10] (63), et notamment les parcelles cadastrées XE n°[Cadastre 6] (antérieurement cadastrée section XA n°[Cadastre 3]), lieu-dit « [Localité 13] », et YZ n°[Cadastre 7] et XA n°[Cadastre 4], lieu-dit « [Localité 11] ».
Au moment du partage, et sans qu'un contrat de bail écrit n'ait été régularisé, ces parcelles étaient exploitées par l' Entreprise Argricole à Responsabilité Limitée (EARL) [Z], dont M. [U] [Z] était associé exploitant agricole unique, qui avait elle-même pris la suite de M. [B] [T] en 2011. En 2014, à l'occasion de l'installation en qualité de chef d'exploitation de M.[C] [Z], fils de M.[U] [Z], l'EARL [Z] a dans un premier temps été transformée en GAEC [Z], étant précisé que l'exploitation a repris ultérieurement la forme juridique d'une EARL.
Par courrier du [Cadastre 1] novembre 2015, MM. [U] et [C] [Z], au nom du GAEC [Z], ont adressé à M. [M] [S] la somme de 732,14 euros en règlement du fermage de l'année écoulée et lui ont proposé de régulariser un bail écrit.
Par courrier du 7 décembre 2015, M. [M] [S] a refusé d'encaisser le chèque et de régulariser le bail, soulignant qu'aucun de ses coïndivisaires n'était titulaire d'un mandat spécial susceptible d'avoir permis la conclusion d'un tel contrat.
Nonobstant le désaccord de M. [M] [S], le GAEC [Z] a poursuivi l'exploitation des parcelles agricoles litigieuses, en invoquant l'existence d'un contrat de bail rural verbal antérieur au partage successoral.
Le 24 juin 2016, M. [C] [Z] a déposé plainte du chef de détérioration et dégradation du bien d'autrui par un moyen dangereux, suite à l'incendie de quatorze ballots de foin se trouvant sur une des parcelles en litige. M. [M] [S] a reconnu être l'auteur de cet incendie, expliquant dans le cadre de l'enquête de gendarmerie qu'il avait été mécontent de constater que l'herbe sur sa parcelle avait été fauchée une nouvelle fois et que, considérant être propriétaire des bottes de foin, il avait préféré qu'elles ne 'profitent à personne'. Poursuivi pénalement pour ces faits, M. [M] [S] a été relaxé par jugement du tribunal correctionnel de Cusset en date du 7 février 2017.
Par acte d'huissier en date du 6 février 2018, M. [M] [S] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Cusset M. [C] [Z], M. [U] [Z] et le GAEC [Z], devenu l'EARL [Z], pour qu'il soit jugé que ces derniers occupaient les parcelles litigieuses sans aucun droit et obtenir leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Cusset a statué en ces termes :
-Déclare inopposable à M. [M] [S] le contrat de bail rural verbal conclu entre d'une part M. [P] [S], d'autre part l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] sur les parcelles suivantes :
-la parcelle cadastrée XE n°[Cadastre 6] au lieu-dit « [Localité 13] » ;
-la parcelle cadastrée YZ n°[Cadastre 7] au lieu-dit « [Localité 11] » ;
-la parcelle cadastrée XA n°[Cadastre 4] au lieu-dit « [Localité 11] » ;
-Condamne solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] à payer et porter à M. [M] [S] des sommes de :
-7500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel ;
-1000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
-Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;
-Condamne solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] aux dépens ;
-Dit que conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, maître Fabien Purseigle pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
-Condamne solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] à payer à M. [M] [S] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Déboute M. [M] [S] du surplus de ses demandes ;
-Déboute l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] de leur demande reconventionnelle.
L'EARL [Z], M. [C] [Z] et M. [U] [Z] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 28 juillet 2020.
Par ordonnance du 8 avril 2021, le magistrat chargé de la mise en état a débouté M. [M] [S] de sa demande de radiation de l'affaire pour inexécution du jugement, eu égard au règlement intervenu depuis l'introduction de l'incident, mais condamné M. [U] [Z], M. [C] [Z] et l'EARL [Z] à lui payer la somme totale de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 10 mars 2022.
Vu les conclusions en date du 5 avril 2021 aux termes desquelles l'EARL [Z], venant aux droits du GAEC [Z], M. [C] [Z] et M. [U] [Z] demandent à la cour d'infirmer la décision entreprise et, en conséquence de :
-Dire que l'EARL [Z] bénéficie d'un bail rural soumis au statut du fermage portant sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 10] section XA n°[Cadastre 4] (0ha 74a [Cadastre 4] ca), XE n°[Cadastre 6] (4ha 05a 29ca) et YZ n°[Cadastre 7] (2ha 16a 50) d'une superficie totale de 6 ha, 96ca 09 ca appartenant à M. [M] [S] ;
-Le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
-Le condamner à leur payer une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre une somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions en date du 4 janvier 2021 aux termes desquelles M. [M] [S] demande à la cour de :
-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cusset en date du 8 juin 2020 sauf en ce qu'il :
-l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre de son préjudice financier ;
-a limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 1000 euros et à 1500 euros l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur ces points,
-Condamner solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] à lui payer les sommes de :
-1813 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;
-10'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
-Condamner solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] à lui payer la somme de 4054,63 euros au titre des frais de justice exposés en première instance, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Subsidiairement à l'indemnisation du préjudice matériel, condamner solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] à M. [C] [Z] à lui payer une indemnité d'occupation d'un montant de 2196,42 euros ;
En tout état de cause,
-Condamner solidairement l'EARL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] à lui payer la somme de 3600 euros au titre des frais de justice exposés devant la cour d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner solidairement l'EURL [Z], M. [U] [Z] et M. [C] [Z] aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, maître Fabien Purseigle pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les demandes de « constater que... » ou de « dire et juger que...», ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
-Sur l'existence d'un bail verbal soumis au statut du fermage :
En application de l'article L. 411-1du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du titre du code relatif au statut du fermage, sous les réserves prévues à l'article L. 411-2 qui énumèrent les exceptions. Cette disposition est d'ordre public.
Si aux termes de l'article L. 411-4 alinéa 1 du code rural, les contrats de baux ruraux doivent être écrits, le bail verbal est valable, comme cela résulte de l'alinéa 2 du même article qui précise que « A défaut d'écrit enregistré avant le 13 juillet 1946, les baux conclus verbalement avant ou après cette date sont censés faits pour neuf ans aux clauses et conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux. ».
La preuve du bail fait sans écrit peut être rapportée par tous moyens.
En l'espèce, les appelants communiquent à l'appui de leurs prétentions les éléments suivants :
- le bulletin de mutation des terres établi pour la MSA le 23 novembre 2010, entre M. [B] [T] et l'EARL [Z],
- des attestations de règlement des fermages par l'EARL [Z] puis par le GAEC [Z] et de reçu de règlement par M. [P] [S], de 2012 à 2014,
- la demande d'autorisation d'exploiter les parcelles en litige déposée par l'EARL [Z] auprès de la direction départementale des territoires de l'Allier en mai 2011,
- deux attestations circonstanciées de M. [P] [S] qui confirme notamment avoir donné les parcelles à bail à l'EARL [Z] et avoir reçu règlement des fermages.
Il ressort de l'analyse de ces éléments d'une part que les parcelles en litige, exploitées jusqu'à fin 2010 par la famille [T], l'ont été à partir de 2011 par l'EARL [Z], représentée par M. [U] [Z] et à laquelle a ensuite été associé M. [C] [Z], d'autre part que cette mise à disposition des parcelles en faveur de l'EARL [Z] a été réalisée à titre onéreux.
Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimé, l'existence même du bail verbal conclu entre son frère, M. [P] [S], et l'EARL [Z] est caractérisée, peu important qu'aucun écrit n'ait été régularisé et qu'aucun état des lieux n'ait été effectué. Il sera précisé encore qu'il ne peut être tiré aucune conclusion de l'absence de toute mention de cette situation juridique dans l'acte de partage du 23 juillet 2014, qui ne fait pas davantage état du contrat de bail verbal existant, et non contesté, conclu au profit de M. [O] sur une parcelle cadastrée section XA n° [Cadastre 1], qui a également été attribuée à M. [M] [S].
-Sur l'opposabilité du bail verbal à M. [M] [S] :
-Sur l'existence d'un mandat donné à M. [M] [S] pour conclure le bail :
L'article 815-3 du code civil dispose que :
« Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
Il est constant qu'en application de ces dispositions, d'une part la conclusion d'un bail relève d' une décision qui ne peut être prise qu'à l'unanimité des indivisaires, d'autre part un mandat spécial est nécessaire pour la conclusion de tels actes qui ne peuvent être couverts par un mandat tacite.
Un contrat de bail conclu en dehors des conditions prévues par l'article 815-3 du code civil n'est pas nul et reste opposable à l'indivisaire qui s'est engagé, dans l'hypothèse où le bien lui est attribué dans le cadre du partage. Il est en revanche inopposable aux autres indivisaires.
En l'espèce, les appelants, qui soutiennent que M. [P] [S] était mandaté pour conclure le bail litigieux, comme d'autres baux au profit d'autres exploitants, ne justifient pas que celui-ci était titulaire d'un mandat spécial à cette fin, de sorte que le bail ne peut être déclaré opposable à M. [M] [S] sur le fondement du mandat.
-Sur la gestion d'affaires :
Aux termes de l'article 815-4 alinéa 2 du code civil, «A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un indivisaire en représentation d'un autre ont effet à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires ».
La situation litigieuse est soumise aux règles de la gestion d'affaires prévues par les articles 1372 et suivants anciens du code civil, étant précisé que les nouvelles dispositions, à savoir les articles 1301 et suivants de ce code, ont entériné la jurisprudence qui s'était dégagée antérieurement.
L'article 1372 ancien du code civil, applicable à la cause, dispose que :
« Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire. »
Aux termes de l'article 1375 du même code :
« Le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l'indemniser de tous les engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites. »
Pour que la gestion d'affaires puisse être caractérisée, deux conditions doivent être réunies, étant précisé que celle-ci peut relever, par exemple dans le cadre d'une indivision, d'une gestion dans l'intérêt commun :
- L'absence d'opposition du maître ;
-L'utilité de la gestion.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que depuis le décès de sa mère, M. [P] [S], seul enfant resté dans la région, a toujours géré seul les affaires de l'indivision pour le compte de celle-ci, puisque sa s'ur était établie dans l'Aveyron tandis que son frère, [M], était installé à [Localité 12].
La réalité de cette situation résulte notamment de deux attestations circonstanciées établies par M. [P] [S] et d'une attestation émanant de sa s'ur, qui indique être « surprise de la réclamation de [son] frère [M] [S] », expliquant « En mai 1961 j'ai quitté les miens pour travailler à [Localité 12], [M] a fait de même en 1964. Notre jeune frère [P] est resté près de notre mère jusqu'à son mariage en 1971. En 1985 notre mère a été malade (diabète), [P] l'a prise chez lui malgré ses amputations (pieds puis jambes) jusqu'à son décès en 2001. Absence d'[M] aux obsèques. Mon frère [P] s'est occupé de la succession, je lui en ai donné quitus, il a préservé l'intégrité du domaine jusqu'à la sortie d'indivision en 2015 ».
Le rôle de gérant d'affaires de M. [P] [S], dans l'intérêt de l'indivision, est encore démontré par les déclarations devant les gendarmes en 2018 de M. [O], exploitant agricole et bénéficiaire d'un bail verbal conclu dans les mêmes conditions, et non contesté par M. [M] [S]. M. [O] a ainsi expliqué : « Je n'avais eu à faire qu'à son frère [P] [S] car à l'époque, quand ils m'ont loué la parcelle, c'était en indivision et c'est [P] qui s'occupait de cela. Cela doit déjà faire trois ou quatre ans. L'indivision a été réglée il y a une bonne année (') ». M.[O] indique encore dans une attestation en date du 25 mai 2018 : « J'atteste qu'à la cessation d'activité de M. [B] [T], M. [P] [S], qui s'occupait des terrains de la famille m'a proposé de louer une parcelle cadastrée XA n°[Cadastre 1] (') j'ai donc payé chaque année à M. [P] [S] pour lui et sa famille un fermage jusqu'en 2015. Parce qu'après, mon père a reçu la visite de M. [M] [S] qu'il l'a informé que maintenant c'était lui le nouveau propriétaire après le partage. J'ai donc versé mon loyer les années d'après en 2015, en 2016 et en 2017 à M. [M] [S] qui les a encaissés chaque année, continuant donc le bail verbal que M. [P] [S] avait conclu pour le compte de la famille (') ».
Il convient de relever que [Y] [I], veuve de [W] [S], est décédée le 19 juin 2001et que le partage de l'indivision est intervenu seulement en 2014. Or, il n'est produit aucun élément démontrant qu'à un moment quelconque M. [M] [S] se soit opposé aux actes accomplis par son frère avant le partage dans l'intérêt commun, étant précisé que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la condition tenant à l'absence d'opposition du maître ne peut être considérée comme faisant défaut au motif qu'il ne serait pas démontré que M. [M] [S] avait connaissance du contrat de bail litigieux.
En effet, il résulte au contraire des termes de l'article 1372 du code civil que la gestion d'affaires peut être retenue « soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore », étant observé que cette solution n'a pas été écartée par l'article 1301 nouveau du code civil qui vise expressément l'absence d'opposition du maître de l'affaire, ce qui doit être interprété comme signifiant que la condition d'absence d'opposition est remplie, soit que le maître ne s'oppose pas car il ignore la gestion, soit qu'il ne s'y oppose pas en connaissance de cause : dans les deux cas le gérant peut invoquer le régime de la gestion d'affaires, pourvu que les autres conditions soient réunies.
En l'occurrence, l'utilité de la gestion dans l'intérêt commun résulte du fait que la conclusion des baux, dont le bail litigieux, a permis la mise en valeur des parcelles et leur bon entretien. S'il est exact qu'il n'est pas prouvé par les pièces communiquées que le montant des fermages ait bien été reversé par M. [P] [S] à ses frère et s'ur, ni davantage que celui-ci leur ait rendu compte de sa gestion, ces éléments factuels ne relèvent pas du débat quant à l'analyse de la réunion des conditions permettant de caractériser l'existence d'une gestion d'affaires, mais d'une discussion sur une éventuelle faute du gérant.
Il ressort en définitive de l'examen de l'ensemble des pièces du dossier que si M. [P] [S] n'a pas reçu mandat spécial pour conclure un bail rural avec le GAEC [Z], pour autant M. [M] [S] est engagé, dans le cadre de la gestion d'affaires, par ce contrat conclu par son frère.
En conséquence, le jugement qui a déclaré le contrat de bail inopposable à M. [M] [S] sera infirmé sur ce point, ainsi que sur les chefs du jugement ayant alloué à ce dernier certaines sommes à titre de dommages et intérêts.
M. [M] [S] sera débouté de toutes ses demandes, et la demande tendant à la reconnaissance au profit de l'EARL [Z] d'un bail soumis au statut du fermage sera en revanche accueillie.
-Sur la demande reconventionnelle :
Les appelants démontrent que dans le cadre de l'indemnisation du sinistre déclaré auprès de l'assureur du GAEC [Z] en 2016, une franchise de 300 euros est restée à la charge de celui-ci.
Si le tribunal correctionnel a relaxé M. [M] [S] pour les faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes par jugement du 16 février 2017, en l'absence de réunion des éléments constitutifs de l'infraction, l'intimé a pourtant reconnu être l'auteur de l'incendie.
Dès lors que l'existence d'un bail rural est reconnu, il est responsable du préjudice subi et sera condamné à payer à l'EARL [Z], et non pas à MM. [U] et [C] [Z], la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera infirmé sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile. M. [M] [S] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement à l'EARL [Z], à M. [C] [Z] et à M. [U] [Z], pris ensemble, de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Déboute M. [M] [S] de l'intégralité de ses prétentions ;
Dit que l'EARL [Z] bénéficie d'un bail rural soumis au statut du fermage portant sur les parcelles cadastrées commune de [Localité 10] section XA n°[Cadastre 4] (0ha 74a [Cadastre 4] ca), XE n°[Cadastre 6] (4ha 05a 29ca) et YZ n°[Cadastre 7] (2ha 16a 50) d'une superficie totale de 6 ha, 96ca 09 ca, appartenant à M. [M] [S] ;
Condamne M. [M] [S] à payer à l'EARL [Z], prise en la personne de son représentant, la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;
Condamne M. [M] [S] aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne M. [M] [S] à payer à l'EARL [Z], M. [C] [Z] et M. [U] [Z], la somme globale de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Le greffier Le président