COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 21 juin 2022
N° RG 20/01780 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FP6B
-DA- Arrêt n° 328
[T] [I] / DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 23 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00200
Arrêt rendu le MARDI VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [T] [I]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et Maître Camille GARNIER de la SELASU ESTRAMON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 9]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 mai 2022, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE et Mme BEDOS, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Suivant acte authentique du 10 décembre 2012, M. [T] [I] a acquis de la SARL BF un appartement à [Localité 3] pour le prix de 750'000 EUR dans le cadre d'une vente à réméré selon l'article 1659 du code civil.
La vente a été publiée au service de la publicité foncière de [Localité 3] le 21 janvier 2013.
Suivant proposition de rectification du 20 octobre 2014, l'administration fiscale a opéré un redressement sur le montant des droits d'enregistrement acquittés par l'acquéreur, considérant que les droits devaient être calculés sur la valeur vénale du bien, diminuée de 10 % compte tenu de la faculté de rachat du vendeur, et non sur le prix indiqué dans l'acte.
M. [I] a contesté le redressement mais s'est acquitté des sommes dues, soit 43'801 EUR. Sa réclamation n'ayant pas abouti, il a saisi du litige le tribunal judiciaire d'Aurillac qui, par jugement du 23 novembre 2020, l'a débouté comme suit :
« Le tribunal statuant, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort ;
Déboute M. [T] [I] de l'ensemble de ses demandes visant la direction générale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
Rejette le surplus des demandes des parties,
Condamne M. [T] [I] aux dépens. »
Dans les motifs de sa décision le tribunal judiciaire a considéré que les fonctionnaires ayant procédé au redressement avaient compétence pour ce faire et, sur le fond, il a validé le redressement opéré par l'administration fiscale sur la base de termes de comparaison qu'il a estimés suffisamment probants.
***
M. [T] [I] a fait appel de ce jugement le 10 mars 2022, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : Le présent appel tend à obtenir la nullité ou à tout le moins la réformation de la décision susvisée, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu'elle a : - débouté M. [I] de sa demande de voir déclarer incompétent l'agent contrôleur des impôts de la [8] pour procéder au rehaussement des droits d'enregistrement portant sur l'acquisition de l'immeuble sis [Adresse 5] ; - débouté M. [I] de sa demande d'irrégularité de la procédure ; - jugés suffisants les termes de comparaison retenus ; - jugé suffisant le quantum de l'abattement de 10 % ; - débouté M. [I] de sa demande d'annulation de l'AMR nº 1500100 2 02862 en date du 15 décembre 2017 et l'imposition réclamée, - débouté M. [I] de sa demande de le voir décharger de l'imposition due au titre des droits d'enregistrement et intérêts de retard soit 43 801 € mis en recouvrement par l'AMR nº 1500100202862 en date du 15 décembre 2017, - débouté M. [I] de sa demande de condamnation de l'Administration fiscale à lui rembourser la somme totale de 43 801 € outre les intérêts moratoires à compter du versement des sommes par le contribuable, - débouté M. [I] de sa demande de condamnation de l'Administration fiscale à payer à lui la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes visant la direction générale des finances publiques de PACA, - condamné M. [I] aux dépens. L'appel porte également sur les demandes sur lesquelles il n'a pas été statué et plus généralement toutes dispositions faisant grief à l'appelant. »
Dans ses conclusions ensuite du 24 février 2021 il demande à la cour de :
« Vu l'article R. 202-1 du LPF
Vu les articles 350 terdecies, IV annexe III au CGI, L. 17 du LPF, R. 202-1 du LPF, L. 80 CA du LPF et 683 du CGI
Vu les pièces versées aux débats,
Vu l'absence de contestation sérieuse
Il est demandé à votre Cour de :
- Réformer l'ensemble des dispositions du jugement attaqué ;
- Débouter La Direction générale des finances publiques de l'ensemble de ses demandes, dires et prétentions ;
- Condamner La Direction générale des finances publiques à porter et payer à Monsieur [I] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la même aux entiers dépens. »
M. [I] conteste la compétence des agents de la direction de contrôle fiscal (DIRCOFI) Centre-Est ayant procédé au redressement, et il estime par ailleurs que la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée.
***
En défense, dans des conclusions du 4 mai 2021, la direction générale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur demande pour sa part à la cour de :
« Vu le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'Aurillac du 23 novembre 2020 (RG nº 19/00200) ;
Confirmer la décision de rejet de la réclamation formulée par Monsieur [T] [I] ;
Débouter Monsieur [T] [I] de l'ensemble de ses prétentions et déclarer l'imposition fondée ;
Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire d'Aurillac rendu le 23 novembre 2020 ;
Dire et juger que les frais entraînés par la constitution de ses avocats resteront à sa charge ;
Condamner Monsieur [T] [I] aux entiers dépens de l'instance ;
Rejeter la demande fondée sur l'article 700 du C.P.C. »
La DGFP plaide que la compétence des agents ayant procédé au redressement n'est pas contestable au regard des textes applicables en la matière, et que sur le fond les éléments de comparaison qu'elle verse au dossier, consistant en des ventes de biens similaires intervenues à des dates proches mais antérieures au fait générateur, démontrent la pertinence du redressement, alors que M. [I] de son côté ne prouve pas le contraire.
Elle ajoute que « l'administration permet aux contribuables de procéder eux-mêmes à des recherches de termes de comparaison sur la même base que celle qu'elle utilise » grâce à une application disponible sur le site www.impôts.gouv.fr.
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
Une ordonnance du 10 mars 2022 clôture la procédure.
II. Motifs
Concernant l'aspect purement factuel du dossier, il doit être rappelé que par acte authentique du 10 décembre 2012 M. [T] [I], domicilié à [Localité 2], a acquis de la SARL BF un immeuble situé dans le [Localité 3], constitué, selon la description figurant sur la réclamation contentieuse du 10 octobre 2018, d'un appartement de 189,40 m2, deux chambres de service, deux débarras, une cave et un box.
L'ensemble a été vendu à M. [T] [I] pour le prix de 750 000 EUR, sous condition de rachat suivant une clause de réméré insérée dans l'acte. Il convient de préciser que ce même bien avait été précédemment acquis par la SARL BF le 4 décembre 2002 pour le prix de 1 219 592 EUR, ce qui n'est pas contesté.
L'administration fiscale a estimé le bien objet du litige à la valeur réelle de 1 715 396 EUR, montant duquel elle a retiré 10 % d'abattement afin de tenir compte de la clause de réméré. Le redressement qui s'en est suivi a été mis en recouvrement le 15 décembre 2017 pour un montant principal de 40 407 EUR outre 3 394 EUR d'intérêts de retard.
Le 30 janvier 2019 l'administration fiscale a rejeté la contestation du redressement présentée par M. [T] [I], lequel a donc porté l'affaire au contentieux devant le tribunal judiciaire d'Aurillac.
Ceci étant précisé, M. [T] [I] soulève en premier lieu l'irrégularité de la procédure de redressement au motif de l'incompétence des agents de l'administration fiscale y ayant procédé et plaide par ailleurs que la proposition de rectification est insuffisamment motivée.
Il convient donc d'examiner les demandes dans l'ordre où elles sont présentées par M. [T] [I] en sa qualité d'appelant.
1. Sur la compétence des agents ayant procédé au contrôle et au redressement
Il est exact que M. [T] [I] est domicilié à [Localité 6] alors que la procédure de redressement porte sur un bien immobilier qui est situé à [Localité 3] 16e arrondissement, et que c'est la [8] qui a rectifié le prix de l'immeuble afin de rehausser les droits d'enregistrement.
Or l'article 350 terdecies, annexe 3 du code général des impôts énonce très clairement dans ses dispositions applicables au cas présent :
« I. ' Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. [']
III. ' Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances. »
Ce texte parfaitement explicite ne souffre aucune interprétation, et la fusion des formalités de l'enregistrement et de la publicité foncière, alléguée par M. [I] au soutien de sa contestation sur le fondement des articles 647 et 657 du code général des impôts, n'y change strictement rien dans le cas présent.
C'est à juste titre par conséquent que le premier juge a débouté M. [I] de sa contestation au titre de la compétence des agents ayant procédé au contrôle et au redressement.
2. Sur la motivation de la décision de redressement de l'administration fiscale
L'administration fiscale propose des termes de comparaison. Il est évident que ces éléments ne peuvent être qu'approchants au regard des faits de la cause, dans la mesure où il est naturellement impossible de trouver une situation exactement identique à celle concernant l'acquisition de M. [I].
Néanmoins, les termes de comparaison proposés par l'administration fiscale apparaissent comme tout à fait pertinents.
Il convient de rappeler que la vente SARL BF/[I] a été passée par acte authentique le 10 décembre 2012 concernant un bien immobilier situé dans le [Localité 3], d'une surface de 189,40 m2 pour le seul appartement.
L'administration fiscale a trouvé dans le [Localité 3] trois biens différents vendus entre avril et juin 2012, pour des surfaces proches de celle de l'appartement acquis par M. [I], soit : 157,58 m², 201,40 m² et 190,02 m². Il résulte de ces ventes en 2012 une valeur moyenne du mètre carré de 9057 EUR. Cette valeur, appliquée au seul appartement de M. [I], sans tenir compte des annexes, représente un prix de : 189,40 × 9057 = 1'715'396 EUR (arrondi) comme exactement retenu par l'administration fiscale, laquelle a pertinemment appliqué ensuite un abattement de 10 % étant donné les modalités particulières de cette vente conclue sous le régime du réméré.
Il est facile de comprendre que des transactions de cette importance sur des biens aussi particuliers et rares situés en un lieu précis ne sont pas très nombreuses, d'autant moins sur une période limitée à l'année 2012, moyennant quoi on ne peut pas sérieusement reprocher à l'administration fiscale de n'avoir présenté que trois termes de comparaison. Et quoi qu'il en soit, M. [I] ne produit pour sa part aucun autre élément de comparaison pertinent intéressant l'année 2012 pour un bien similaire à celui qu'il a acquis.
Les motifs ci-dessus conduisent nécessairement à la confirmation du jugement.
Il n'est pas inéquitable que M. [T] [I] supporte ses frais irrépétibles, l'administration fiscale ne formant aucune demande pour elle-même à ce titre.
M. [T] [I] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne M. [T] [I] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président