COUR D'APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 14 juin 2022
N° RG 20/01265 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FOTT
-DA- Arrêt n° 310
COMMUNE D'[Localité 2] / COMMUNE DE [Localité 4]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 18 Septembre 2020, enregistrée sous le n° 18/01360
Arrêt rendu le MARDI QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
COMMUNE D'[Localité 2]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Chloé MAISONNEUVE - GATINIOL de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
COMMUNE DE [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Maître Christophe GALAND de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Michaël KARPENSCHIF de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 mai 2022, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE :
La commune d'[Localité 2] et la commune de Saint-Nectaire sont en litige à propos de l'utilisation de l'eau de la source de la Monne. Par courrier du 8 février 2018, le maire de la commune de [Localité 4] a notifié à la commune d'[Localité 2] des titres de perception concernant la consommation d'eau pour les années 2014 à 2017.
Par exploit du 4 avril 2018 la commune d'[Localité 2] a assigné la commune de Saint-Nectaire devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de voir juger que la source de la Monne est une eau publique ne pouvant être détournée, que la commune d'[Localité 2] et ses habitants en ont prescrit l'usage, et annuler en conséquence les titres émis par le maire de Saint-Nectaire.
À l'issue des débats, par jugement du 18 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a statué comme suit :
« Le Tribunal, statuant sans audience selon une procédure exclusivement écrite, sur la base des écritures et des pièces communiquées par les parties, contradictoirement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE la commune d'[Localité 2] de l'ensemble de ses demandes
CONDAMNE la commune d'[Localité 2] à verser à la commune de [Localité 4] la somme de 2.500 € (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la commune d'[Localité 2] aux dépens de l'instance. »
Au soutien de sa décision le premier juge a considéré que les caractéristiques d'une eau de source « publique et courante » n'étaient pas réunies concernant la source de la Monne, de sorte que la commune d'[Localité 2] ne pouvait être considérée comme un usager inférieur au sens de l'article 643 du code civil. Le tribunal a par ailleurs jugé que la commune d'[Localité 2] « ne justifie pas d'une possession continue, paisible, publique, non interrompue, non équivoque et à titre de propriétaire de l'usage de l'eau jaillissant de la source. »
***
La commune de Saint-Nectaire a fait appel de ce jugement le 5 octobre 2020, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : L'appel tend à obtenir la nullité ou, à tout le moins la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a : - débouté la Commune d'[Localité 2] de l'ensemble de ses demandes - condamné la Commune d'[Localité 2] à verser à la Commune de Saint-Nectaire la somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC - condamné la Commune d'[Localité 2] aux dépens de l'instance. »
Dans ses conclusions nº 2 ensuite du 2 février 2022 la commune d'[Localité 2] demande à la cour de :
« Vu les dispositions des articles 641 suivants du code civil,
Vu les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales,
RÉFORMER le jugement du Tribunal Judiciaire du 18 septembre 2020.
DIRE ET JUGER que l'eau de source de Monne constitue une eau de source publique et courante ne pouvant être détournée en application de l'article 643 du code civil.
ORDONNER avant dire droit une mesure d'expertise judiciaire avec mission d'usage.
DIRE ET JUGER que la commune d'[Localité 2] et les habitants de la commune ont prescrit l'usage de l'eau des sources de la Monne.
ANNULER les titres de recette émis par le maire de [Localité 4] :
- le titre nº 2 bordereau 1 émis le 2 février 2018 d'un montant de 1 300,06 € au titre de la ressource en eau/agence de l'eau
- le titre nº 1 bordereau 1 émis le 7 février 2018 pour un montant de 87 429,22 € au titre de la facturation eau 2017
- le titre nº 2 bordereau 1 émis le 5 février 2018 pour un montant TTC de 9 294,85 € au titre de la redevance agence de l'eau
- le titre nº 1 bordereau 1 émis le 5 février 2018 pour un montant TTC de 320 742,82 € au titre de la consommation eau 2014/2015/2016/2017
- le titre nº 1 bordereau 1 émis le 7 février 2018 pour un montant de 100 197,55 € au titre de l'eau facturation 2016
- le titre nº 1 bordereau 1 émis le 7 février 2018 pour un montant de 43 763,58 € au titre de l'eau facturation 2014
- le titre nº 1 bordereau 1 émis le 7 février 2018 pour un montant de 89 352,47 € au titre de l'eau facturation 2015
- le titre nº 2 bordereau 1 émis le 2 février 2018 pour un montant de 2 892,35 € au titre de la facturation 2016 ressource en eau agence
- le titre nº 2 bordereau 1 émis le 2 février 2018 pour un montant de 2 485,89 € au titre de la facturation 2017 ressource en eau agence
- le titre nº 2 bordereau 1 émis le 2 février 2018 d'un montant de 2 616,55 € au titre de la facturation 2015 ressource en eau agence.
PRONONCER la déchéance desdites sommes.
CONDAMNER la commune de [Localité 4] à lui payer la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
***
En défense, dans des conclusions nº 2 du 9 février 2022 la commune de Saint-Nectaire demande pour sa part à la cour de :
« Vu les articles 641, 642, 643 et 1303 du Code civil,
Vu l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales.
Vu les pièces produites,
La commune de SAINT-NECTAIRE sollicite la Cour d'appel de Riom aux fins de :
DIRE ET JUGER que la requête d'appel de la commune d'[Localité 2] est mal fondée ;
Par conséquent, REJETER LES DEMANDES de la commune d'[Localité 2] tendant à :
' ce que le jugement du Tribunal judiciaire du 18 septembre 2020 soit réformé ;
' ce qu'il soit dit et jugé que l'eau de source de la Monne constitue une eau de source publique et courante ;
' ce qu'il soit dit et jugé que les habitants de la commune d'[Localité 2] ont prescrit l'usage de l'eau de source de la Monne ;
' l'annulation des titres de recettes émis par la commune de SAINT-NECTAIRE en vue du recouvrement des sommes dues par la commune d'[Localité 2] au titre de ses consommations d'eau pour Tannée 2019 ;
' ce qu'il soit ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise avec mission d'usage ;
CONDAMNER la commune d'[Localité 2] à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
Une ordonnance du 7 avril 2022 clôture la procédure.
MOTIFS :
Dans un souci de cohérence et de clarté de la démonstration la cour tranchera les points litigieux dans l'ordre où ils sont présentés par l'appelante.
1. Sur l'application de l'article 643 du code civil
L'article 643 du code civil dispose :
Si, dès la sortie du fonds où elles surgissent, les eaux de source forment un cours d'eau offrant le caractère d'eaux publiques et courantes, le propriétaire ne peut les détourner de leurs cours naturel au préjudice des usagers inférieurs.
L'article L. 215-7-1 du code de l'environnement précise :
Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année.
L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales.
La commune d'[Localité 2] plaide que « la Monne est un ruisseau de sorte que les dispositions de l'article 643 trouvent à s'appliquer », ce qui doit entraîner l'infirmation du jugement.
L'appelante fonde son argumentation de ce chef sur un rapport d'expertise qu'elle a fait réaliser non contradictoirement par M. [H] [G]. Il doit être rappelé que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties (Chambre Mixte, 28 septembre 2012, nº 11-18.710, Bull. Ch. Mixte 2012, nº 2 ; 2e Civ., 7 septembre 2017, nº 16-15.531, Bull. 2017, II, nº 168 ; 2e Civ., 13 septembre 2018, nº 17-20.099). Or en l'espèce, mis à part ce rapport, l'appelante ne produit dans son dossier aucune autre documentation technique de nature à conforter les explications de M. [G].
Quoi qu'il en soit, la commune de Saint-Nectaire, bien que déplorant de n'avoir pas été appelée à cette expertise privée, en critique les conclusions dans ses écritures, disant notamment qu'il manque de précision. Elle oppose par ailleurs ce rapport à l'appelante elle-même concernant l'existence d'un compteur (cf. conclusion de l'intimée pages 12 et 30). Dans la mesure où la commune de [Localité 4] ne soulève donc pas formellement l'irrecevabilité de l'expertise produite par l'appelante, et qu'elle s'en prévaut même pour une partie de sa défense, la cour examinera cette expertise.
Cet examen cependant ne révèle rien de déterminant au bénéfice de la commune d'[Localité 2]. On rappelle que l'article 643 du code civil impose l'existence d'un cours d'eau naturel qui bénéficierait aux usagers inférieurs. Or il n'est pas possible de trouver sur le site une situation aussi nette et précise que celle exigée par ce texte. M. [G] expose en effet que la rivière Monne est alimentée en réalité par plusieurs sources « car l'examen du terrain montre la présence de nombreux écoulement d'eau tout autour du cirque qui contribuent à la création de plusieurs zones sourceuses donnant naissance à la Monne. La principale zone sourceuse est constituée d'un glacis de plantes basses hygrophiles gorgé d'eau ['] » (rapport page 4).
En outre, rien dans le dossier ne démontre, ni cette expertise ni aucune autre pièce, que la commune d'[Localité 2] bénéficierait de manière naturelle et directe des eaux de la Monne sur son territoire. Il est manifeste en effet que seul le captage réalisé autrefois par la commune de [Localité 4] permet le recueil des eaux en un point précis puis leur distribution alentour.
D'évidence par conséquent l'article 643 du code civil n'est pas applicable dans le cas d'espèce.
2. Sur la prescription acquisitive
La commune d'[Localité 2] tire argument ici de l'article 642 du code civil qui dispose :
Celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage.
Le propriétaire d'une source ne peut plus en user au préjudice des propriétaires des fonds inférieurs qui, depuis plus de trente ans, ont fait et terminé, sur le fonds où jaillit la source, des ouvrages apparents et permanents destinés à utiliser les eaux ou à en faciliter le passage dans leur propriété.
Il ne peut pas non plus en user de manière à enlever aux habitants d'une commune, village ou hameau, l'eau qui leur est nécessaire ; mais si les habitants n'en n'ont pas acquis ou prescrit l'usage, le propriétaire peut réclamer une indemnité, laquelle est réglée par experts.
Sur le fondement de ce texte et d'un arrêté préfectoral du 5 mai 1954, elle plaide avoir prescrit l'usage gratuit de l'eau de la Monne. En réponse, la commune de Saint-Nectaire argumente sur « le caractère imprescriptible des eaux captées à raison de leur appartenance au domaine public » et considère qu'en toute hypothèse l'appelante ne justifie d'aucune prescription valable.
Quoi qu'il en soit du caractère prescriptible ou non des eaux dont il est question, l'examen du dossier montre que les conditions d'application de la prescription acquisitive ne sont de toute manière pas réunies.
La possession n'est utile en effet que si elle est continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire (article 2261 du code civil). Or tel n'est pas le cas en l'espèce.
S'il est exact en effet que par arrêté préfectoral du 5 mai 1954 la commune d'[Localité 2] a été autorisée à prélever par gravité l'eau des sources de la Monne à hauteur de 2 litres par seconde, ce document ne dit nullement que ce prélèvement est gratuit. On ne saurait en outre négliger que cet arrêté préfectoral s'inscrit dans la continuité de plusieurs autres décisions de même nature tendant à organiser la distribution de l'eau à partir du captage réalisé par la commune de [Localité 4] afin de recueillir l'eau des sources de la Monne.
Il convient de rappeler en effet que le 3 février 1942 la commune de [Localité 4], a acquis 296 hectares de « montagne » sur la commune de [Localité 6], et qu'ensuite, par arrêté préfectoral du 26 mai 1953, elle a été autorisée « à dériver une partie des sources de la Monne situées sur le territoire de la commune de [Localité 6] », sans excéder 3 litres par seconde. Il n'est donc pas contestable que l'acquisition de 1942 s'inscrivait dans le contexte plus vaste d'un projet consistant à recueillir les eaux nécessaires à l'alimentation non seulement de la ville de [Localité 4] mais aussi de la ville d'[Localité 2] ainsi que cela résulte de l'arrêté préfectoral du 5 mai 1954. Et il résulte de cet arrêté que l'autorisation accordée à la commune d'[Localité 2] de dériver une partie des sources de la Monne pour y prélever 2 litres d'eau par seconde n'est que la conséquence de l'acquisition antérieurement par la commune de [Localité 4] en 1942 de la « montagne » à partir de laquelle le captage premier a été installé non pas par la commune d'[Localité 2] mais bien par la commune de [Localité 4] maître d'ouvrage des travaux comme le dit exactement le premier juge. Dans ces conditions la commune d'[Localité 2] ne peut pas sérieusement soutenir qu'elle bénéficie de l'eau de la Monne depuis cette époque « à titre de propriétaire ».
Et quoi qu'il en soit, l'entier dossier démontre que les deux communes sont entrées en négociation depuis plusieurs années sur le prix de l'eau distribuée à la commune d'[Localité 2], comme cela résulte par exemple d'un compte rendu du conseil municipal de celle-ci en date du 11 janvier 2017 lors duquel un projet de convention avec la commune de [Localité 4] relative à la fourniture et au prix de l'eau fixé à 1,24 EUR le mètre cube a été approuvé par sept voix pour, trois contre et une abstention, moyennant quoi il est décidé que : « La convention sera donc signée et sa mise en oeuvre engagée. »
Il est exact que quelques semaines plus tard, lors d'un conseil municipal qui s'est tenu le 8 mars 2017, par huit voix pour et deux abstentions, la convention approuvée le 11 janvier précédent a été purement et simplement abandonnée étant précisé : « Suite à la pétition et à l'action de l'association '' Eaux Lois '' le maire propose l'abandon de la convention avec la commune de [Localité 4] concernant l'alimentation en eau de la commune votée en conseil municipal du 11 janvier 2017. »
Quoi qu'il en soit, cette situation entache à tout le moins d'équivoque la possession dont se prévaut la commune d'[Localité 2] qui ne peut donc valablement revendiquer aucune prescription acquisitive à son bénéfice.
3. Sur le défaut de motivation des titres de recettes
Il convient de rappeler ici que l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales, créé par la loi nº 2006-1772 du 30 décembre 2006, prévoit dans sa plus récente version :
Toute fourniture d'eau potable, quel qu'en soit le bénéficiaire, fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante, les ménages, occupants d'immeubles à usage principal d'habitation, pouvant constituer une catégorie d'usagers. Les collectivités mentionnées à l'article L. 2224-12 sont tenues de mettre fin, avant le 1er janvier 2008, à toute disposition ou stipulation contraire. Le présent article n'est pas applicable aux consommations d'eau des bouches et poteaux d'incendie placés sur le domaine public.
À partir de la mise en application de ce texte le 1er janvier 2008 par conséquent la fourniture de l'eau potable ne pouvait plus être gratuite. Un comptage de la distribution s'imposait donc dans un premier temps, ce pourquoi dans une lettre du 25 juin 2014 le maire de la commune d'[Localité 2] écrit à son collègue de [Localité 4] : « Suite à notre rencontre du 26/06/2014 nous vous informons que la commune d'[Localité 2] accepte la pose d'un compteur de marque ZENNER, sur la conduite d'adduction d'eau située entre le répartiteur des Amats et le château d'eau d'[Localité 2]. »
Au cours de l'année 2017 (soit près de dix années après l'entrée en vigueur de la loi nº 2006-1772 du 30 décembre 2006, et plus de deux années après la pose du compteur ZENNER) la commune d'[Localité 2] et la commune de [Localité 4] sont entrées en négociations concernant le prix de l'eau distribuée à [Localité 2] à partir du captage initial des sources de la Monne. Des difficultés se sont élevées à [Localité 2], dont témoigne le revirement de la position du conseil municipal entre sa délibération du 11 janvier 2017 et celle du 8 mars 2017. Une médiation menée sous l'égide de la préfecture n'a manifestement rien donné, ainsi que le regrette le préfet du Puy-de-Dôme dans une lettre qu'il adresse au maire d'[Localité 2] le 21 décembre 2017. Quoi qu'il en soit, le conseil municipal de la commune d'[Localité 2], lors de la délibération de janvier était parfaitement informé du prix de la distribution de l'eau, soit 1,24 EUR le mètre cube. Dans une lettre du 8 octobre 2017 le maire de [Localité 4] rappelle à son collègue d'[Localité 2] que le prix de 1,24 EUR le mètre cube avait été convenu « après trois ans de négociations », et déplore que malgré le temps passé « rien n'est réglé ».
Dans ces conditions, la commune d'[Localité 2] ne peut pas sérieusement soutenir qu'elle ignorait les motifs des titres émis contre elle au sujet de l'eau distribuée à son profit, alors en outre que par courrier du 8 février 2018 le maire de [Localité 4] lui rappelle le tarif appliqué de 1,24 EUR le mètre cube. Quoi qu'il en soit, les titres versés au dossier mentionnent clairement les références nécessaires à leur compréhension si besoin était : « redevance prélèvement ressource en eau », « abonnement compteur industriel », « consommation ».
Au sujet de la décision rendue par la chambre régionale des comptes, elle est seulement partiellement reproduite dans les conclusions de l'appelante pages 21. Sa pièce nº 29 intitulée sur le bordereau « avis de la chambre régionale des comptes du 18 juin 2021 » consiste en réalité en un avis de sommes à payer qui n'a manifestement rien à voir. Quoi qu'il en soit, en l'état de la reproduction dans les conclusions de l'appelante, la cour ne peut que relever que la chambre régionale des comptes refuse de se prononcer sur le bien-fondé de la contestation « qui relève de l'appréciation souveraine du juge du fond compétent pour en connaître. »
L'argument de l'appelante concernant le défaut de motivation des titres n'est donc pas fondé.
4. Sur « l'erreur de droit »
L'appelante soutient encore que la commune de [Localité 4] ne fournit pas l'eau potable aux habitants d'[Localité 2], et que celle-ci dispose de son propre service d'eau potable. Cette argumentation est toutefois inopérante dans la mesure où en amont c'est à partir de la « montagne » acquise par la commune de [Localité 4] le 3 février 1942 que l'eau a pu être captée et distribuée ensuite aussi bien à [Localité 4] qu'à [Localité 2]. Comme déjà exposé ci-dessus, l'arrêté préfectoral du 5 mai 1954 autorisant la commune d'[Localité 2] à prélever 2 litres d'eau par seconde ne dit nullement que cette fourniture doit par principe être gratuite, et d'ailleurs à partir de la mise en application le 1er janvier 2008 de l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales une telle gratuité n'était plus possible, ce pourquoi d'ailleurs par lettre du 25 juin 2014 la commune d'[Localité 2] a approuvé la pose d'un compteur divisionnaire.
Ce moyen ne saurait donc prospérer.
5. Sur le défaut de délibération approuvant le tarif et la question de la non rétroactivité des actes administratifs
Dans sa délibération du 28 septembre 2017 le conseil municipal de la commune de [Localité 4] a parfaitement établi et validé à l'unanimité des votants le tarif de 1,24 EUR TTC le mètre cube appliqué aux consommations facturées aux communes d'[Localité 2] et de [Localité 1]. D'ailleurs, lors de sa réunion le 11 janvier 2017, le conseil municipal de la commune d'[Localité 2] était déjà parfaitement informé de ce tarif qu'il a validé avant de se rétracter quelques semaines plus tard. On ne peut donc rien reprocher à l'intimée de ce chef.
Concernant la non rétroactivité des actes administratifs, il convient de rappeler que les facturations dont il est question remontent à l'année 2014, précisément lors de laquelle la commune d'[Localité 2] a accepté la pose d'un compteur divisionnaire sur le réseau de distribution qui lui était dédié, afin de pouvoir calculer exactement sa consommation. De longues et difficiles négociations ont ensuite eu lieu concernant l'établissement du prix du mètre cube de l'eau, mais n'ont pas abouti bien que le prix de 1,24 EUR ait été dans un premier temps approuvé par la commune d'[Localité 2]. Dès lors, la rétroactivité de la demande de la commune de Saint-Nectaire se justifie par la nécessité d'assurer la continuité du service à partir du moment où le comptage de la consommation de la commune d'[Localité 2] a pu être effectué.
Il n'est pas possible dans ces conditions de faire droit à la demande de ce chef de l'appelante.
6. Sur la preuve des volumes consommés
Dans sa lettre du 25 juin 2014, ci-dessus rappelée, le maire d'[Localité 2] écrit à son collègue de [Localité 4] qu'à la suite d'une rencontre qui a eu lieu la veille, la commune d'[Localité 2] « accepte la pose d'un compteur de marque ZENNER, sur la conduite d'adduction d'eau située entre le répartiteur des Amats et le château d'eau d'[Localité 2]. »
C'est à partir des informations fournies par ce compteur que les factures d'eau ont été établies. La commune de Saint-Nectaire produit deux constats faits par huissier les 28 décembre 2017 et 3 décembre 2019, montrant l'emplacement du compteur ainsi que les chiffres qui y sont indiqués, étant précisé qu'en 2017 le regard abritant le compteur a été ouvert en présence d'un conseiller municipal d'[Localité 2], tandis qu'en 2019 le maire de ladite commune, convoqué par l'huissier par lettre RAR, ne s'est pas déplacé.
Quoi qu'il en soit, il résulte de ces constats que les compteurs sont accessibles sous un simple regard en bordure de route et que les élus ou les agents techniques de la commune d'[Localité 2] avaient loisir de les examiner à tout moment.
Cette contestation est donc vouée à l'échec.
7. Sur le mode de calcul du tarif
Il a été déjà été largement exposé ci-dessus que le prix de 1,24 EUR le mètre cube d'eau avait été dans un premier temps approuvé par le conseil municipal de la commune d'[Localité 2] lors de sa réunion du 11 janvier 2017. Même si cette décision a ensuite été abandonnée lors de la réunion du 8 mars 2017, il n'en demeure pas moins que ce tarif avait été négocié avec la commune de [Localité 4] sous l'égide de la préfecture, et quoi qu'il en soit d'aucune manière la commune d'[Localité 2] ne démontre en quoi il serait critiquable.
8. Sur la demande d'expertise
Les éléments et motifs ci-dessus développés suffisent à trancher le litige, moyennant quoi il n'y a pas lieu à expertise.
9. Conclusions
Le jugement sera intégralement confirmé.
3 500 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile.
La commune d'[Localité 2] supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement ;
Condamne la commune d'[Localité 2] à payer à la commune de Saint-Nectaire la somme de 3500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la commune d'[Localité 2] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président