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14/06/2022 | FRANCE | N°19/02242

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 14 juin 2022, 19/02242


14 JUIN 2022



Arrêt n°

CHR/SB/NS



Dossier N° RG 19/02242 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKOL



[D]

[I]



/



S.A.R.L. THE SCOTT RESTO

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du p

rononcé



ENTRE :



M. [D] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric NURY suppléant Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéfic...

14 JUIN 2022

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 19/02242 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKOL

[D]

[I]

/

S.A.R.L. THE SCOTT RESTO

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [D] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Eric NURY suppléant Me Sophie GIRAUD de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001082 du 31/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

S.A.R.L. THE SCOTT RESTO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me David BREUIL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller, après avoir entendu Mr RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 11 Avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à

disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL THE SCOTT RESTO, dont le gérant était à l'époque considérée Monsieur [F] [N], exploite un fonds de commerce de restauration situé [Adresse 4] à [Localité 1] (03). Elle applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Monsieur [D] [I], né le 30 avril 1996, a préparé le diplôme de CAP (Certificat d'Aptitude Professionnelle) spécialité restaurant (serveur) en 2013 au sein de l'académie de [Localité 8] (centre de [Localité 6]. Il a échoué à la session de juin 2013.

Un contrat d'apprentissage a été signé en date du 8 octobre 2013 entre Monsieur [D] [I] et la SARL THE SCOTT RESTO pour la période du 1er décembre 2013 au 31 juillet 2014 (rémunération prévue : 37% du SMIC de décembre 2013 à avril 2014 inclus ; 49% du SMIC de mai 2014 à juillet 2014 inclus / maître d'apprentissage : Madame [Y] [T] / établissement de formation responsable : IFI 03 à [Localité 5]).

Le 29 juillet 2016, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON aux fins notamment de voir juger irrégulière et abusive la rupture de son contrat d'apprentissage, d'obtenir la règlement des salaires dus pour la période du 7 mars 2014 au 31 juillet 2014 ainsi que des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 15 novembre 2016 (convocation au défendeur distribuée le 26 août 2016) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Le 12 mars 2019 , le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de MONTLUCON a ordonné le retrait du rôle de l'affaire. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 18 mars 2019 sur demande de Monsieur [I].

Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2019 (audience du 28 mai 2019), le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :

- dit que l'action de Monsieur [I] est régulière dans la forme et recevable ;

- débouté la société THE SCOTT RESTO, en la personne de son représentant légal, de sa demande de production de documents ;

- débouté Monsieur [I] de sa demande sur la rupture du contrat d'apprentissage ;

- débouté Monsieur [I] des demandes suivantes :

* 3 103,76 euros au titre des salaires dus du 8 mars 2014 au 31 juillet 2014 ;

* 310,37 euros au titre des congés pavés afférents ;

* 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture anticipée ;

- débouté les parties de leur demande au titre de l`article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens de la présente instance a la charge de la partie demanderesse.

Le 30 novembre 2019, Monsieur [I] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 15 novembre 2019.

Le 31 janvier 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Monsieur [I].

L'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2022 de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 5 février 2020 par Monsieur [I],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 10 avril 2020 par la société THE SCOTT RESTO,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [I] conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :

- dire et juger irrégulière et abusive la rupture du contrat d'apprentissage de Monsieur [I] ;

- condamner la société THE SCOTT RESTO à lui verser les sommes suivantes :

* 3103,76 euros au titre des salaires dus du 8 mars 2014 au 31 juillet 2014, outre 310,37 au titre des congés payés afférents,

* 5000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture anticipée,

* 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de la Procédure Civile ;

- débouter la société SCOTT RESTO de toutes ses demandes ;

- condamner la société THE SCOTT RESTO aux dépens de première instance et d'appel.

Monsieur [I] fait valoir qu'il était mineur au moment où son contrat d'apprentissage a été rompu parce qu'il fut mis dehors de son lieu de travail par son employeur le 7 mars 2014 avec interdiction définitive de s'y représenter. Il n'y a pas eu d'accord des parties sur la rupture du contrat d'apprentissage. L'employeur n'a engagé aucune action judiciaire relativement à la rupture du contrat d'apprentissage ou pour inviter l'apprenti à reprendre son travail. La société THE SCOTT RESTO a mis prématurément un terme au contrat d'apprentissage, de façon irrégulière et abusive, et il s'estime par conséquent fondé en sa demande en rappel de salaires pour la période du 8 mars 2014 au 31 juillet 2014. Il demande également des dommages-intérêts en affirmant avoir subi un préjudice financier important.

Dans ses dernières écritures, la société THE SCOTT RESTO conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :

- la dire recevable et bien fondée en son argumentation ;

- débouter Monsieur [I] de toutes ses demandes ;

- condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code Procédure Civile.

La société THE SCOTT RESTO soutient que Monsieur [I] n'apporte pas la preuve avoir subi une agression du 7 mars 2014, ni d'élément justifiant de sa non reprise du travail après le 7 mars. Elle ajoute que Monsieur [I] ne prouve pas non plus avoir travaillé à compter du 8 mars 2014 jusqu'au terme de son contrat. Elle soutient que l'employeur n'a jamais interdit à Monsieur [I] de venir travailler et que Monsieur [N] a simplement demandé à Monsieur [I] de quitter l'établissement le 7 mars 2014 dans la mesure où celui-ci, d'une part, ne souhaitait pas travailler et d'autre part, contrevenait aux instructions les plus élémentaires à savoir ne pas manger sur le bar face au client.

Elle ajoute que Monsieur [I] a travaillé pour le compte d'un autre employeur, à minima du 10 juin au 31 août 2014. Elle rappelle que ce dernier d'ailleurs obtenu son diplôme, par conséquent celui-ci a obligatoirement travaillé pour le compte d'un autre employeur.

La société SCOTT RESTO indique avoir adressé à Monsieur [I] un certificat de travail le 31 juillet 2014 en raison de la survenance du terme du contrat d'apprentissage dont la durée d'exécution était celle allant du 1er décembre 2013 au 31 juillet 2014. Elle ajoute qu'elle n'avait pas l'obligation de demander à Monsieur [I] de reprendre le travail, ni d'entamer une procédure de résiliation judiciaire, étant précisé que le terme du contrat d'apprentissage est arrivée avant qu'elle ne puisse dans tous les cas, entamer une telle procédure.

L'intimée soutient qu'eu égard à l'absence non justifiée de Monsieur [I] à son poste à compter du 8 mars 2014, à la reprise d'un nouveau poste chez un autre employeur lui permettant de valider son diplôme, à l'absence d'obligation pour l'employeur d'initier une rupture d'un contrat d'apprentissage, la Cour devra constater la faute grave de Monsieur [I] et reconnaîtra comme non abusive l'expiration du contrat d'apprentissage de ce dernier sans rupture de la part de la société THE SCOTT RESTO. Par conséquent, la demande en requalification de la rupture de son contrat d'apprentissage formulée par Monsieur [I] sera rejetée.

La société THE SCOTT RESTO relève que Monsieur [I] ne justifie pas d'un quelconque préjudice pouvant donner lieu à condamnation à dommages-intérêts. La période entre le 8 mars 2014 et le 31 juillet 2014 n'a pas été rémunérée non pas car le contrat d'apprentissage aurait été rompu de manière anticipée mais uniquement en raison de l'absence injustifiée de Monsieur [I] qui avait préféré aller travailler pour le compte d'un autre employeur. En outre, ce dernier ne justifie d'aucun préjudice. En effet, il ne prouve pas avoir subi des difficultés économiques, étant précisé qu'il a travaillé pour le compte d'un autre employeur.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la rupture du contrat d'apprentissage -

Passé l'échéances des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise, la résiliation du contrat d'apprentissage pendant le cycle de formation ne peut intervenir en principe que sur accord écrit signé des deux parties ou à, à défaut, selon des conditions différentes selon que le contrat d'apprentissage a été conclu avant ou depuis le 1er janvier 2019.

Aux termes de l'article L. 6222-18 du code du travail en ses dispositions applicables à l'époque considérée : 'Le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage. Passé ce délai, la rupture du contrat, pendant le cycle de formation, ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties. A défaut, la rupture du contrat conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés, en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.'.

La résiliation amiable du contrat d'apprentissage, conclu avant ou depuis le 1er janvier 2019, doit être constatée par un écrit signé par les parties au contrat d'apprentissage et notifiée au directeur du CFA ou au responsable d'établissement dans le cas d'une section d'apprentissage et à la chambre consulaire ayant enregistré le contrat d'apprentissage qui transmet l'information à la Direccte. À défaut, la rupture du contrat d'apprentissage est prononcée aux torts de l'employeur. Le consentement de l'apprenti ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte de l'employeur et doit être exempt de tout vice (dol, violence ou erreur). La résiliation du contrat d'apprentissage par accord des parties ne peut pas résulter de la démission de l'apprenti acceptée par l'employeur ni être déduite du comportement du jeune travailleur.

Pour les contrats d'apprentissage conclus avant le 1er janvier 2019, au-delà de la période de 45 jours et à défaut de résiliation amiable, la rupture du contrat d'apprentissage conclu pour une durée limitée ou, pendant la période d'apprentissage, du contrat conclu pour une durée indéterminée, ne peut être prononcée que par le conseil de prud'hommes, statuant en la forme des référés (ou selon la procédure accélérée au fond), en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.

Le juge prud'homal peut fixer la date de résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage soit au jour où l'une des parties a manqué à ses obligations, soit au jour où la demande de résiliation a été formée, soit, quand l'employeur a envoyé à l'apprenti une lettre indiquant les manquements de celui-ci, à la date de cet envoi.

L'apprenti ne pouvant pas démissionner, l'employeur doit, à défaut d'accord pour une résiliation amiable, saisir impérativement le juge prud'homal pour demander la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage lorsque l'apprenti n'exécute pas ou plus ses obligations contractuelles (par exemple, en cas d'abandon de poste).

En cas de manquements graves de l'employeur, l'apprenti doit saisir le juge prud'homal pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage mais il est autorisé à quitter l'entreprise dans ce cas avant même de saisir le juge.

L'employeur, quel que soit le bien-fondé des motifs invoqués, commet une faute en rompant unilatéralement le contrat d'apprentissage. Si la gravité des fautes commises par l'apprenti le justifie, l'employeur peut toutefois prononcer la mise à pied à titre conservatoire de l'apprenti dans l'attente de la décision judiciaire sur sa demande de résiliation du contrat d'apprentissage.

En cas de résiliation unilatérale du contrat d'apprentissage par l'employeur, ou de résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur (non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de conditions de travail, de formation etc.), l'apprenti a droit, même s'il a été mis à pied, aux salaires perdus jusqu'à la date de résiliation fixée par le juge, ou jusqu'au terme du contrat d'apprentissage s'il a déjà pris fin.

En outre, le juge qui constate l'irrégularité de la rupture du contrat par l'employeur doit le condamner à payer une indemnité réparant le préjudice subi par l'apprenti du fait de la rupture anticipée de son contrat (dommages-intérêts).

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [I] a cessé de travailler au sein du restaurant de la SARL THE SCOTT RESTO à compter du 7 mars 2014.

Monsieur [I] soutient qu'il a été agressé en date du 7 mars 2014 par le gérant de la société qui l'a mis dehors de son lieu de travail et lui a ainsi notifié la rupture du contrat d'apprentissage en lui interdisant définitivement de venir travailler.

L'employeur prétend que l'apprenti n'a pas voulu travailler entre le 8 mars et le 31 juillet 2014 (abandon de poste), qu'il n'a jamais empêché Monsieur [I] de revenir travailler, qu'il n'a donc pas mis fin au contrat d'apprentissage avant l'échéance du terme au 31 juillet 2014.

Monsieur [I] a déposé plainte contre Monsieur [N] pour des faits de violence. Une enquête, confiée au commissariat de police de [Localité 1], a été diligentée.

Le 30 mars 2015, Monsieur [K] [X], éducateur spécialisé ayant suivi Monsieur [I] à l'époque considérée, a été entendu par les policiers. Il se rappelait avoir accompagné le 7 mars 2014 Monsieur [I], qui voulait parler à Monsieur [N], au restaurant 'SCOTT', mais il n'avait alors rien constaté car il était resté à l'extérieur et l'apprenti ne lui avait rien raconté ni signalé. Le 17 mars 2014, il a rencontré Monsieur [N] qui lui a indiqué ne plus vouloir de Monsieur [I] dans son restaurant car l'apprenti avait un comportement inadapté et faisait preuve d'insubordination. Le témoin précisait que, connaissant le caractère de Monsieur [I], il n'avait pas été étonné des observations de Monsieur [N]. Le témoin ajoutait que Monsieur [I] lui avait indiqué par la suite que Monsieur [N] 'l'avait pris au col' mais rien de plus. Le témoin considérait que Monsieur [I] 's'était fait jeter' et que cela ne lui avait pas plus.

Le 7 avril 2015, Monsieur [N] a été entendu par les policiers. Il a indiqué que Monsieur [I], employé comme apprenti serveur dans son restaurant, avait un comportement totalement inadapté, insultant et menaçant la responsable de salle, se faisant enfermer dans le restaurant. Il a déclaré que 'début 2014", il avait reçu un appel téléphonique de la responsable de salle lui exposant que Monsieur [I] refusait de servir et était en train de manger devant les clients. Il s'était alors rendu au restaurant, avait constaté le comportement totalement inadapté de l'apprenti ('faisait la comédie en cuisine') et avait enjoint à Monsieur [I] de quitter les lieux. Monsieur [I] avait fini par obtempérer. Il n'y avait pas eu de violence. Monsieur [I] n'était pas revenu au restaurant. Monsieur [N] précisait qu'il avait vu ensuite l'éducateur de l'apprenti pour envisager une rupture conventionnelle du contrat d'apprentissage mais Monsieur [I] avait finalement refusé de signer la convention de rupture conventionnelle. Il avait appris que Monsieur [I] travaillait dans un autre restaurant de [Localité 7] (03) mais le patron n'avait pas pu le garder.

Le 14 avril 2015, Monsieur [I] a été entendu par les policiers. Il exposait que pendant l'exécution du contrat d'apprentissage Monsieur [N] l'avait insulté et menacé à plusieurs reprises, et lui mettait des mauvaises notes. Il indiquait que le 7 mars 2014 il avait refusé la demande de Monsieur [N] de le rejoindre sur un stand de la foire de [Localité 1] et avait effectué son service dans le restaurant. Monsieur [N] était venu au restaurant à la fin du service, il l'avait empoigné par le col et collé contre un mur, lui avait crié dessus, avait menacé de le frapper puis l'avait mis physiquement dehors en lui ordonnant de ne plus revenir dans le restaurant. Monsieur [I] précisait qu'il n'avait pas consulté de médecin mais décidé de porter plainte environ trois mois après les faits. Il ajoutait avoir obtenu son CAP par la suite grâce à un autre employeur.

Le 18 mai 2015, Madame [Y] [T] était entendue par les policiers. Elle indiquait être employée au sein du restaurant 'THE SCOTT RESTO'depuis le 13 avril 2013 et avoir exercé la fonction de responsable de salle. Le 7 mars 2014, l'apprenti avait refusé d'effectuer le service de midi en salle, il avait rejeté ses directives et voulait faire comme il lui plaisait. Elle avait demandé alors à Monsieur [I] de quitter le restaurant mais celui-ci avait refusé d'obtempérer et s'était assis sur un tabouret derrière le bar. L'apprenti avait également refusé de quitter les lieux sur demande du cuisinier, Monsieur [K] [E]. Elle avait avisé téléphoniquement Monsieur [N] de la situation. Monsieur [N] avait demandé à parler à Monsieur [I] au téléphone mais ce dernier avait refusé. Monsieur [N] était arrivé en début d'après-midi alors que les clients étaient partis. Le ton était monté entre le patron et l'apprenti. Monsieur [N] avait demandé à Monsieur [I] de quitter les lieux, ce que ce dernier avait fait. Monsieur [N] n'avait commis aucune violence mais avait précisé à Monsieur [I] qu'il ne voulait plus le voir dans son restaurant. Madame [Y] [T] ajoutait qu'un soir (date non précisée), avant les faits du 7 mars 2014, Monsieur [I], qui avait refusé ses directives et la saoulait de paroles, l'avait empêchée physiquement de quitter et de fermer le restaurant ; elle avait paniqué et s'était énervée jusqu'à ce que l'apprenti la laisse sortir

Le 22 mai 2015, Monsieur [K] [E] était entendu par les policiers. Il indiquait qu'il était cuisinier (depuis 2008) au sein du restaurant 'THE SCOTT RESTO'. Il déclarait que Monsieur [I] refusait habituellement de travailler. Il précisait que le 7 mars 2014, Monsieur [I] était arrivé vers 11 heures et avait refusé de travailler pour le service de midi. La responsable de salle, [Y] [T], et lui-même avaient essayé de raisonner l'apprenti, qui restait derrière le bar et grignotait devant les clients, mais en vain. Monsieur [I] refusait même de quitter les lieux. Madame [Y] [T] avait prévenu Monsieur [N] par téléphone. Monsieur [N] était arrivé en début d'après-midi alors que les clients étaient partis. Le ton était monté entre le patron et l'apprenti. Monsieur [N] avait alors demandé à Monsieur [I] de quitter les lieux, ce que ce dernier avait fait en déclarant qu'il n'en resterait pas là. Le témoin précisait que le ton était vif mais qu'il n'avait constaté aucune violence ni entendu aucune insulte.

Il est versé aux débats des bulletins de paie établis par la société THE SCOTT RESTO concernant l'apprenti pour la période de décembre 2013 à mars 2014 inclus, mais il n'est pas justifié que l'employeur aurait établi des bulletins de paie concernant Monsieur [I] pour la période de avril 2014 à juillet 2014.

Pour la période du 1er décembre 2013 au 6 mars 2014 inclus, l'employeur a réglé à l'apprenti un salaire mensuel brut correspondant à 37% du SMIC, soit 534,80 euros. L'employeur n'a plus payé de salaire à Monsieur [D] [I] à compter du 7 mars 2014 en ne mentionnant sur le bulletin de paie de mars 2014 que des heures d'absence pour la période du 7 au 31 mars 2014.

L'employeur a établi en date du 31 juillet 2014 un certificat de travail mentionnant que Monsieur [D] [I] a travaillé comme 'apprenti serveur' au sein de la société THE SCOTT RESTO du 1er décembre 2013 au 31 juillet 2014.

Au regard des éléments d'appréciation précités, la cour considère que Monsieur [D] [I] a eu un comportement inadapté au travail, notamment en date du 7 mars 2014, mais qu'il n'a jamais rompu unilatéralement son contrat d'apprentissage ni commis un abandon de poste ni accepté une résiliation amiable du contrat d'apprentissage.

Au regard des éléments d'appréciation précités, la cour considère que Monsieur [N], en qualité de gérant de la société THE SCOTT RESTO, a enjoint le 7 mars 2014 à l'apprenti de quitter définitivement son lieu de travail, en écartant toute possibilité que Monsieur [D] [I] puisse continuer à exécuter le contrat d'apprentissage conclu entre les parties, et a refusé de verser la moindre rémunération à l'apprenti au-delà du 7 mars 2014. L'employeur a donc rompu unilatéralement le contrat d'apprentissage en date du 7 mars 2014 sans notification d'une mise à pied conservatoire ni daigner saisir le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage. L'employeur, pour tenter d'échapper à sa responsabilité contractuelle, a ensuite, de mauvaise foi, fait comme si l'apprenti avait commis un abandon de poste et a, de façon purement formelle, établi un document de fin de contrat mentionnant une fin du contrat d'apprentissage à l'échéance du terme (31 juillet 2014).

La rupture anticipée du contrat d'apprentissage, intervenue en date du 7 mars 2014 sur décision unilatérale de l'employeur, est irrégulière.

La rupture par l'employeur d'un contrat d'apprentissage hors des cas prévus par l'article L. 6222-18 du code du travail est sans effet. Dès lors, l'employeur est tenu, sauf en cas de mise à pied justifiée, de payer les salaires jusqu'au jour où le juge, saisi par l'une des parties, statue sur la résiliation ou, s'il est parvenu à expiration, jusqu'au terme du contrat.

En exécution du contrat d'apprentissage, l'employeur était redevable vis-à-vis de l'apprenti d'un salaire mensuel brut de 534,80 euros pour la période du 1er décembre 2013 au 30 avril 2014 et d'un salaire mensuel brut de 708,23 euros pour la période du 1er mai 2014 au 31 juillet 2014.

La SARL THE SCOTT RESTO sera condamnée à verser à Monsieur [D] [I] une somme de 3.103,76 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 8 mars 2014 au 31 juillet 2014, outre la somme de 310,37 euros au titre des congés payés afférents.

Le juge qui constate l'irrégularité de la rupture du contrat par l'employeur doit le condamner à payer une indemnité réparant le préjudice subi par l'apprenti du fait de la rupture anticipée de son contrat.

Monsieur [I] a poursuivi sa formation d'apprenti et a obtenu son CAP à la session de juin 2014. Il a signé un contrat de travail à durée déterminée saisonnier avec la société ID DU VIEUX MOULIN (restaurant à [Localité 7]) et a occupé dans ce cadre le poste d'employé polyvalent du 10 juin 2004 au 31 août 2014.

Monsieur [I] ne justifie pas d'un préjudice économique particulier, hors le rappel de salaires précité et les dispositions légales sur les intérêts, mais il a subi un préjudice moral du fait d'une rupture anticipée et irrégulière de son contrat d'apprentissage qui l'a contraint à trouver en urgence un nouveau lieu de travail pour achever sa formation et pouvoir se présenter à l'examen du CAP.

La SARL THE SCOTT RESTO sera condamnée à verser à Monsieur [D] [I] une somme de 1.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture anticipée et irrégulière du contrat d'apprentissage.

- Sur les intérêts -

En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil (ancien article 1153) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées, dont le principe et le montant résultent de la loi, d'un accord collectif ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur ou du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et, lorsqu'il est directement saisi, devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, valant citation et mise en demeure, ce qui est applicable en l'espèce au rappel de salaires qui produira intérêts au taux légal à compter du 26 août 2016.

Par contre, les sommes fixées judiciairement à titre de dommages-intérêts produiront intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du présent arrêt.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

La SARL THE SCOTT RESTO sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SARL THE SCOTT RESTO sera condamnée à payer à Monsieur [D] [I] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré sauf en ce que l'action de Monsieur [I] a été déclarée régulière dans la forme et recevable, en ce que la société THE SCOTT RESTO a été déboutée de sa demande de production de documents et en ce que les parties ont été déboutées de leur demande au titre de l`article 700 du code de procédure civile en première instance ;

- Statuant à nouveau,

- Dit que la rupture anticipée du contrat d'apprentissage, intervenue en date du 7 mars 2014 sur décision unilatérale de l'employeur, est irrégulière ;

- Condamne la SARL THE SCOTT RESTO à verser à Monsieur [D] [I] une somme de 3.103,76 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 8 mars 2014 au 31 juillet 2014, outre la somme de 310,37 euros au titre des congés payés afférents, et dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2016 ;

- Condamne la SARL THE SCOTT RESTO à verser à Monsieur [D] [I] une somme de 1.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture anticipée et irrégulière du contrat d'apprentissage, et dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du présent arrêt ;

- Y ajoutant, condamne la SARL THE SCOTT RESTO à verser à Monsieur [D] [I] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SARL THE SCOTT RESTO aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02242
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.02242 ?
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