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14/06/2022 | FRANCE | N°19/01204

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 14 juin 2022, 19/01204


14 juin 2022



Arrêt n°

CHR/SB/NS



Dossier N° RG 19/01204 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FHMI



S.A.R.L.

DOMPIERRE AMBULANCES



/



[B] [C] divorcée [I]

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des d

ébats et du prononcé



ENTRE :



S.A.R.L. DOMPIERRE AMBULANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 2]
...

14 juin 2022

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 19/01204 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FHMI

S.A.R.L.

DOMPIERRE AMBULANCES

/

[B] [C] divorcée [I]

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

S.A.R.L. DOMPIERRE AMBULANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me David BREUIL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

Mme [B] [C] divorcée [I]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me William HILLAIRAUD de la SCP D'AVOCATS W. HILLAIRAUD - A. JAUVAT, avocat au barreau de MOULINS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/007824 du 09/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller, après avoir entendu Mr RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 11 Avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [B] [C], née le 29 septembre 1989, a été embauchée par la SARL DOMPIERRE AMBULANCES à compter du 19 avril 2002, selon un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel, en qualité de chauffeur BNS - pompes Funèbres.

Trois avenants au contrat de travail ont été régularisés entre les parties entre avril 2004 et mai 2008, afin, successivement, d'accroître le nombre d'heures de travail de la salariée et prendre en compte l'obtention par celle-ci de son certificat capacité taxi.

Au dernier état de la relation contractuelle, la durée de travail de Madame [C] était fixée à 130 heures mensuelles et elle exerçait les fonctions de chauffeur BNS et conducteur de taxi.

Les 2 février 2017 et 3 juillet 2017, Madame [C] s'est vue notifier un avertissement pour avoir utilisé son téléphone portable en conduisant.

Le 6 février 2018, la salariée s'est vue notifier une mise à pied conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 février suivant.

Madame [C] s'est ensuite vue notifier son licenciement pour faute grave suivant un courrier en date du 21 février 2018.

Le 9 avril 2018, Madame [C] a saisi le conseil de prud'hommes de MOULINS aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir le paiement de diverses sommes.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 10 septembre 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement de départage rendu en date du 17 mai 2019, le conseil de prud'hommes de MOULINS a :

- dit que le licenciement de Madame [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société DOMPIERRE AMBULANCES à payer à Madame [C] les sommes suivantes * 8.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 5.688,95 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 2.560,46 euros net au titre du préavis, outre 256,05 euros au titre des congés payés afférents ;

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes nettes s'entendent -net- de toutes cotisations sociales ;

- condamné l'employeur aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 17 juin 2019, la société DOMPIERRE AMBULANCES a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 24 mai 2019.

Par ordonnance du 8 septembre 2020, le magistrat de la mise en état a rejeté la demande présentée par Madame [B] [C] aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions déposées par la SARL DOMPIERRE AMBULANCES le 13 septembre 2019 et voir déclarer caduque la déclaration d'appel du 17 juin 2019.

L'affaire a été renvoyée en raison de la crise sanitaire puis fixée finalement à l'audience du 11 avril 2022.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 13 septembre 2019 par la société DOMPIERRE AMBULANCES,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 9 décembre 2019 par Madame [C],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société DOMPIERRE AMBULANCES demande à la cour de :

- dire et juger la société DOMPIERRE AMBULANCES recevable et bien fondée en son appel, ses fins et conclusions ;

- par conséquent, la Cour devra :

- purement et simplement réformer l'entier jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de MOULINS en ce qu'il a, d'une part, requalifier le licenciement pour faute grave de Madame [C] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'autre part, en ce qu'il a condamné cette dernière à payer à Madame [C] les sommes de :

* 2 560,46 euros bruts au titre de I'indemnité compensatrice de préavis ;

* 256,05 euros bruts au titre de I'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 5 688,95 euros nets au titre de I'indemnité de licenciement;

* 8 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 800 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- statuant à nouveau, devra purement et simplement débouter Madame [C] de l'intégralité de ses demandes et devra ainsi valider le licenciement pour faute grave de Madame [C] ;

- condamner Madame [C] à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société DOMPIERRE AMBULANCES soutient que le licenciement pour faute grave de Madame [C] est justifié et bien fondé. En effet, elle affirme qu'en l'espèce, la faute grave de la salariée est constituée étant donné la gravité des agissements de celle-ci et du fait qu'elle a réitéré, au minimum 3 fois son attitude fautive, qu'elle a déjà été sanctionnée par deux avertissements disciplinaires les 2 février 2017 et 3 juillet 2017 pour des faits similaires, qu'elle n'a émis aucune contestation quand à ces avertissements préalables, qu'elle a fait preuve d'une volonté délibérée de se soustraire aux règles élémentaires de conduite et que la salariée a toujours été sanctionnée de manière rapide suite à ses agissements fautifs, tant concernant les avertissements que le licenciement.

Elle fait valoir que la salariée a ainsi eu un comportement fautif car elle a violé ses obligations contractuelles et a commis une infraction pénalement répressible au regard du code de la route mais également et surtout faisant courir un risque non négligeable aux personnes transportées et aux autres usagers de la route. Elle précise que la faute de Madame [C] est prouvée par de nombreuses attestations et que la lettre de la cliente en date du 10 janvier 2018, sur laquelle elle fonde le licenciement, est probante.

Elle ajoute qu'elle a envoyé le courrier de convocation à entretien préalable valant également courrier de mise à pied conservatoire dans le délai de prescription des faits fautifs tel que prévu par les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail. Sur la mise à pied conservatoire, elle affirme en outre qu'elle était donc en bon droit de convoquer à cette date ci Madame [C], qu'elle avait encore la possibilité de la sanctionner eu égard à son attitude fautive et dangereuse et que cette mise à pied est parfaitement justifiée par le comportement de la salariée.

Elle soutient ensuite que Madame [C] ne prouve jamais ses allégations, à savoir qu'elle aurait été victime de pression et que si elle a été licenciée ce n'est qu'en conséquence d'un refus de signer une rupture conventionnelle proposée par son employeur.

Sur le non-respect du contradictoire pendant l'entretien préalable, elle indique que c'est en principe lors de l'entretien que l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et qu'il recueille les explications du salarié. C'est alors ici qu'un débat contradictoire peut être mené. Elle soutient ainsi que le contradictoire a été respecté et que la salariée a pu s'expliquer lors de l'entretien préalable et ajoute que Madame [C] n'apporte aucun élément permettant d'attribuer à la société DOMPIERRE AMBULANCES une faute mettant en cause le principe du contradictoire.

En outre, l'employeur expose n'avoir nullement eu l'obligation, lors de l'entretien préalable du 22 février 2018, de remettre à Madame [C] ou son conseiller une quelconque copie de la lettre de Madame [D] du 10 janvier 2018. Dès lors, elle conclut qu'en aucun cas le licenciement ne peut être requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non respect du principe du contradictoire. Elle ajoute que bien que le conseil de prud'hommes de MOULINS ait retenu que l'entretien préalable n'a pas eu lieu dans des conditions respectant le principe du contradictoire il ne pouvait en aucun cas requalifier le licenciement pour faute grave de Madame [C] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à ce titre dans la mesure où il ne s'agit là que d'une erreur de procédure qui n'entache pas la validité du licenciement.

La société DOMPIERRE conclut, au regard de tous ces éléments, que le licenciement de Madame [C] est justifié et qu'en conséquence, celle-ci verra l'intégralité de ses demandes être rejetées.

Dans ses dernières écritures, Madame [C] demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de MOULINS le 17 mai 2019 en ce qu'il a dit le licenciement de MADAME [C], dépourvu de causes réelles et sérieuses.

- en conséquence, condamner la société DOMPIERRE AMBULANCES à payer et porter à MADAME [C] :

* la somme de 19600 euros nette à titre de dommages et intérêts ;

* la somme de 5688,95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;

* la somme de 2560,46 euros nette au titre du préavis et la somme de 256,05 euros nette au titre des congés payés sur préavis ;

- condamner la société DOMPIERRE AMBULANCES à payer et porter à Madame [C] par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une somme de 2.000 euros ;

- condamner la société DOMPIERRE AMBULANCE en tous les dépens.

Madame [C] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet, elle affirme qu'aucune faute ne peut lui être reprochée puisque l'employeur indique dans la lettre de licenciement avoir eu connaissance de la faute par lettre d'une cliente en date du 10 janvier 2018. Or, la lettre lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire avec sa convocation à l'entretien préalable, est datée du 06 février 2018 soit près d'un mois après les faits. MADAME [C] a d'ailleurs continué à travailler jusqu'au 7 février 2018 sans aucune remontrance de son employeur.

Elle fait en outre valoir que l'employeur, malgré sa demande, ne lui a pas donné de précisions concernant les motifs de licenciement qu'elle entendait contester, dès lors elle soutient que l'employeur n'a pas respecté le contradictoire lors de la procédure de licenciement et ne lui a pas permis de s'expliquer.

Elle ajoute que la lettre de licenciement contient des erreurs factuelles et que les faits reprochées sont tous sauf précis, objectifs et vérifiables. Dès lors, l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une faute, étant donné que les dires de la cliente ne sont pas probants et que l'employeur n'étaient pas sur les lieux lors de la prétendue faute.

Madame [C] indique en outre verser des attestations qui démontrent son professionnalisme.

Elle fait valoir que c'est en raison du fait qu'elle a refusé une rupture conventionnelle, qu'elle a en réalité été licenciée et qu'il est manifeste que ce licenciement a été monté de toute pièce sur la base d'un prétendu témoignage de clients que l'employeur a sollicités

Madame [C] conclut, au regard de tous ces éléments, que ce licenciement est manifestement abusif.

Madame [C] sollicite enfin les conséquences indemnitaires de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la rupture du contrat de travail -

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis.

Il incombe à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il invoque. Le doute doit profiter au salarié.

En cas de faute grave, la mise en ouvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire.

En l'espèce, Madame [C] a été avertie à deux reprises par l'employeur à la suite de réclamation de deux clients qui indiquaient, pour le premier, que Madame [C] avait utilisé son téléphone portable le 5 janvier 2017 en conduisant pour envoyer un SMS et, pour le second, que Madame [C] avait encore utilisé son téléphone notamment pour envoyer des SMS tout en conduisant lors d'un transport en date du 15 mai 2017. Madame [C] n'a pas contesté ces deux sanctions qui sont donc acquises.

Le 6 février 2018, la salariée s'est vue notifier une mise à pied conservatoire ainsi que sa convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 février suivant.

Madame [C] s'est ensuite vue notifier son licenciement pour faute grave suivant un courrier en date du 21 février 2018.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

' Madame,

Nous faisons suite a l'entretien préalable en date du 16 février 2018 auquel vous étiez présente (et assistée par Monsieur [M] [W]) et vous informons par la présente que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants :

Vous êtes employée par notre Société depuis le 19 avril 2002 en qualité de Chauffeur BNS - Taxi et à ce titre, vous devez conduire des patients à leur rendez-vous médicaux et/ou assurer divers transports de personnes, dans le respect des règles d'hygiène, de sécurité et de discipline applicable au sein de notre Société.

Mais une nouvelle fois, vous avez contrevenu à l'ensemble de ces règles élémentaires, et ce malgré nos précédents avertissements.

En effet, le 6 janvier 2018, alors que vous conduisiez une patiente à un rendez-vous médical, vous avez adopté une conduite rapide et dangereuse alors que les conditions météorologiques nécessitaient une conduite adaptée et prudente.

Mécontente, la patiente, par courrier en date du 10 janvier 2018, nous a informés de votre conduite imprudente et nous a également indiqué que vous n'aviez pas pris la peine de descendre du véhicule pour l'aider à s'installer ou récupérer ses affaires.

Non seulement les excès de vitesses constituent une infraction pénale, mais plus grave encore, vous avez mis en danger votre vie, celle de votre passagère mais également celles des autres conducteurs.

Ce manque de vigilance aurait pu avoir des conséquences dramatiques et constitue un manquement grave au vos obligations professionnelles et au Code de la Route.

En outre, et comme nous cessons de vous le répéter, vous êtes en contact permanent avec la patientèle de notre entreprise et, a ce titre, vous représentez notre Société en termes d'image et de réputation.

Nous mettons un point d'honneur à la relation de nos salariés avec les personnes transportées.

Or, il s'avère que de nombreux patients nous ont fait part, oralement, de votre manque d'amabi1ité et d'aide. Nous vous rappelons que votre contrat de travail prévoit que, dans le cadre de vos fonctions, vous devez assurer l'entretien de votre véhicule et que vous devrez être courtoise avec la clientèle et ponctuelle. L'aide à l'installation des personnes, les échanges avec les patients sont des tâches inhérentes à votre poste de travail. Votre négligence professionnelle ainsi que votre manque de courtoisie sont des comportements que nous ne pouvons tolérer.

Votre attitude et votre conduite de véhicule ne sont pas ceux attendus par nos clients, ni ceux que nous attendons de votre part.

Ce comportement est d'autant plus inadmissible que nous avons déjà été amenés a vous sanctionner pour des faits identiques à deux reprises par des avertissements notifiés les 2 février et 3 juillet 2017. Il apparaît donc que vous n'avez pas jugé utile de prendre acte de la gravité de votre comportement et du risque que vous faites courir à vos passagers. De plus, ces manquements à vos obligations contractuelles ne font que ternir l'image de notre Société. Plusieurs patients nous ont expressément indiqués ne plus souhaiter que vous soyez leur conductrice, et que si tel était le cas, ils n'hésiteraient pas à faire appel aux entreprises concurrentes.

De tels faits persistants sont inacceptables et préjudiciables au bon fonctionnement de notre Société et à notre organisation interne.

Lors de votre entretien préalable du 16 février dernier, vous nous avez indiqué que vous ne compreniez pas les faits qui vous étaient reprochés et que vous estimiez avoir toujours bien réalisé votre travail.

Cependant, vos explications recueillies lors de votre entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis et ne nous permet pas non plus de revenir sur notre décision de mise à pied a titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 7 février 2018 et qui ne vous sera pas payée.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-dessus invoqués.

La rupture de votre contrat de travail prend effet à la date d'envoi de la présente notification, sans qu'aucun préavis, ni indemnité de rupture ne vous soient dus.

Votre solde de tout compte (comprenant notamment le paiement de vos salaires et indemnités compensatrice de congés payés), votre certificat de travail et votre attestation pôle emploi seront à votre disposition dans les plus brefs délais.

En application de l'article L. 9111-8 du code de la sécurité sociale, vous avez la possibilité de continuer à bénéficier à la date de la cessation de votre contrat de travail et à titre gratuit, des régimes collectifs de remboursement de frais de santé et de prévoyance mis en place au sein de la société.

Au terme de la période de maintien de ces droits, vous aurez la possibilité de bénéficier du dispositif de portabilité issu De la Loi Evian du 31 décembre 1989. Pour bénéficier de cette garantie, vous devrez en faire la demande expresse auprès de l'organisme gérant le régime de remboursement des frais de santé, dans les 6 mois suivant la cessation de votre contrat de travail on dans les 6 mois suivant la date de fin du maintien de vos garanties au titre de l'article L.9l l -8 du Code de la Sécurité sociale.

Un courrier complémentaire vous présentant les conditions et modalités de mise en oeuvre de vos droits portabilité vous sera adressé avec votre solde de tout compte.

Nous vous demanderons de nous remettre dès réception de la présente, tout matériel en votre possession appartenant à notre société.

Enfin, vous pouvez demander des précisions concernant les motifs énoncés dans la présente lettre de licenciement , dans les 15 jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de cette demande. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

Nous vous prions de recevoir, Madame, nos salutations distinguées. '

Il résulte ainsi de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur reproche à Madame [C] des faits rapportés par un courrier de réclamation en date du 10 janvier 2018 rédigé par une cliente de l'entreprise qui indique que la salariée aurait conduit à une vitesse excessive, compte tenu des conditions météorologiques, et ne l'aurait pas aidée à charger et décharger ses affaires dans le coffre. L'employeur reproche également un manque de courtoisie plus général de la salariée vis-à-vis des clients de la société.

Le contenu du courrier en question, rédigé par Madame [D] le 10 janvier 2018 est le suivant :

'Par le présent courrier, je vous fais part de mon mécontentement.

En effet, le samedi 6 janvier 2018, nous avons été transportés mon fils [P] [N] et moi-même, vers l'hôpital CHU [6] à [Localité 5], par une ambulancière nommée [B].

Dans un premier temps, j'ai remarqué que la conductrice roulait vite malgré le mauvais temps (pluie) et de plus aucune amabilité de la part de cette ambulancière, j'ai dû récupérer mes affaires dans le coffre seule.

Veuillez prendre en compte ma réclamation pour que ce genre de comportement ne se reproduise plus. De ce faite si mes prochains voyages devaient être assurés par cette ambulancière, je refuserai.'

S'agissant du courrier de Madame [D] en date du 10 janvier 2018, il convient de relever qu'il ne fait pas état d'un comportement identique à celui qui était à l'origine des deux sanctions disciplinaires préalables dont a fait l'objet la salariée, à savoir l'utilisation d'un téléphone portable alors qu'elle conduisait.

De surcroît, les faits décrits sont également très subjectifs et imprécis, l'existence de conditions météorologiques particulièrement dégradées n'étant pas établie par ailleurs par l'employeur, la conduite à une vitesse excessive résultant de la seule perception de la cliente sans être quantifiée et la nécessité pour la salariée de devoir aider la cliente à récupérer 'des affaires' dans le coffre n'étant pas davantage avérée.

L'employeur verse également plusieurs attestations de clients témoignant du fait que la salariée était peu amiable ou courtoise. Cependant, la salariée verse de son côté des attestations au contenu totalement contraire, ce qui ne permet pas de caractériser une absence de courtoisie avérée dans le cadre de ses fonctions professionnelles.

De surcroît d'autres attestations versées par l'employeur font état de faits fautifs, tels une conduite dangereuse ou l'utilisation du téléphone portable en conduisant, mais ces griefs ne figurent pas dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Enfin, la salariée ne semble pas avoir été mise en mesure de s'expliquer sur les fautes reprochées lors de l'entretien préalable au licenciement puisqu'il ressort aussi bien du courrier rédigé par la salariée le 5 mars 2018 que du compte-rendu de l'entretien signé par Monsieur [W], lequel assistait la salariée en qualité de conseiller, que l'employeur a refusé de donner la date et l'identité de l'auteur du courrier et n'a fourni aucune précision factuelle sur la faute reprochée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'employeur n'établit pas que les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont réels.

Le jugement déféré sera confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement de Madame [B] [C] était dénué de cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail -

Au moment du licenciement, Madame [B] [C], était âgée de 44 ans, bénéficiait d'une ancienneté de 15 ans et 10 mois et percevait un salaire moyen de 1.280,23 euros

Au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, les premiers juges ont justement apprécié les circonstances de la cause ainsi que les droits et obligations des parties en condamnant la société DOMPIERRE AMBULANCES à payer à Madame [B] [C] les sommes de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 5.688,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 2.560,46 euros au titre du préavis, outre 256,05 euros au titre des congés payés sur préavis.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces dispositions.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

La SARL DOMPIERRE AMBULANCES, qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à Madame [B] [C] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré

- Y ajoutant, condamne la SARL DOMPIERRE AMBULANCES à payer à Madame [B] [C] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la SARL DOMPIERRE AMBULANCES au dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01204
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.01204 ?
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