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14/06/2022 | FRANCE | N°19/00761

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 14 juin 2022, 19/00761


14 JUIN 2022



Arrêt n°

CHR/SB/NS



Dossier N° RG 19/00761 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FGFR



SAS LE COUCOU

/



[U] [J]

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé



E

NTRE :



SAS LE COUCOU Agissant en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat a...

14 JUIN 2022

Arrêt n°

CHR/SB/NS

Dossier N° RG 19/00761 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FGFR

SAS LE COUCOU

/

[U] [J]

Arrêt rendu ce QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

SAS LE COUCOU Agissant en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Christine BAYET, avocat au barreau de LYON

APPELANTE

ET :

Mme [U] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller, après avoir entendu Mr RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 11 Avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [U] [J], née le 11 août 1959, a été embauchée par la société PATHÉ CINEMA le 13 octobre 1981, selon contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent d'accueil. Le contrat de travail a ensuite été transféré à la SAS LE COUCOU.

Le 20 mai 1998, Madame [U] [J] a été promue au poste de responsable d'exploitation clientèle, dénommée ensuite assistant directeur, classée cadre.

Le 10 juin 2014, Madame [U] [J] a été placée en arrêt du travail.

Le 1er octobre 2014, Madame [U] [J] a été reconnue travailleuse handicapée.

Pour la période du 5 février 2015 au 27 juillet 2016, sur préconisation du médecin du travail et après différents échanges entre ce dernier, la salariée et l'employeur, un accord par avenant renouvelé a porté sur les conditions de travail du poste que devait occuper désormais Madame [J] en fonction de son état de santé. Dans ce cadre, Madame [J] a travaillé en double poste : 8 heures en caisse et 4 heures d'assistant directeur. Le taux horaire de salaire commun aux deux postes est celui du taux horaire d'assistant directeur en vigueur avant les arrêts maladie (16,79 euros).

Le 21 juillet 2016, l'employeur a remis en cause l'avis du médecin du travail au motif que cet avis aurait dû porter sur l'adéquation entre l'état de santé de Madame [J] et son poste initial d'assistant directeur et non avec son poste aménagé pendant la période de temps partiel thérapeutique, occupation temporaire.

La société LE COUCOU a demandé alors au médecin du travail de transformer son précédent avis médical en avis d'inaptitude définitive pour le poste d'assistant directeur à temps plein, mais d'aptitude au double poste d'assistant directeur à raison de 4 heures par semaine avec un taux horaire de salaire de 16,79 euros et de caissière à raison de 8 heures par semaine avec un taux horaire de salaire de 9,81 euros.

Le 10 octobre 2016, Madame [J] a refusé cette offre au motif qu'elle réduisait le taux horaire moyen de son salaire.

Le 12 octobre 2016, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de Madame [J] au poste d'assistant directeur à temps plein.

Le 30 novembre 2016, la société LE COUCOU a adressé une proposition de reclassement à l'employée sous forme de deux propositions:

- proposition 1 : le double poste qu'occupait jusqu'à présent Madame [J] avec deux taux horaires différents de salaire.

- proposition 2 : agent d'accueil à [Localité 5] avec un taux horaire unique de 10,33 euros.

Madame [J] a rejeté ces deux offres de reclassement.

Par courrier daté du 16 janvier 2017, la société LE COUCOU a notifié à Madame [J] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 14 septembre 2017, Madame [J] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 13 novembre 2017 (convocation notifiée au défendeur le 16 septembre 2017) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 25 mars 2019 (audience du 10 décembre 2018), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit que le licenciement de Madame [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société LE COUCOU, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [J] les sommes suivantes :

* 6009,14 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 600,91 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents;

* 17117,26 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement ;

* 30000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- dit que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaire (indemnité de préavis et congés payés afférents) porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation en justice valant mise en demeure, soit le 16 septembre 2017 et que celles accordées à titre indemnitaires (complément d'indemnité de licenciement et dommages et intérêts) produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, et ce avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- dit, pour satisfaire aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, que le salaire de référence de Madame [J] s'établit à la somme de 2997,80euros ;

- condamné d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, la société LE COUCOU, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à POLE EMPLOI le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à Madame [J], du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, et ce dans la limite de six mois ;

- débouté la société LE COUCOU de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Le 12 avril 2019, la société LE COUCOU a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 27 mars 2019.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 13 mars 2022 par Madame [J],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 mars 2022 par la société LE COUCOU,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société LE COUCOU demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de Madame [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société LE COUCOU, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [J] les sommes suivantes :

* 6009,14 euros à titre d'indemnité de préavis ;

* 600,91 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents;

* 17117,26 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement ;

* 30000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- dit que les sommes allouées à titre de salaires et accessoires de salaire (indemnité de préavis et congés payés afférents) porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation en justice valant mise en demeure, soit le 16 septembre 2017 et que celles accordées à titre indemnitaires (complément d'indemnité de licenciement et dommages et intérêts) produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, et ce avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- dit, pour satisfaire aux dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, que le salaire de référence de Madame [J] s'établit à la somme de 2997,80euros ;

- condamné d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, la société LE COUCOU, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à POLE EMPLOI le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à Madame [J], du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, et ce dans la limite de six mois ;

- débouté la société LE COUCOU de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

- et plus généralement toutes dispositions faisant grief à l'appelante ;

- constater la société LE COUCOU a procédé à une recherche sérieuse de reclassement ;

En conséquence :

- dire et juger que le licenciement de Madame [J] est intervenu légitimement pour cause réelle et sérieuse ;

- débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, tant infondées qu'injustifiées ;

- condamner Madame [J] à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Madame [J] aux entiers dépens.

La société LE COUCOU soutient tout d'abord qu'elle a aménagé le poste de travail de Madame [J] partiellement sur un poste en caisse, selon les préconisations du médecin du travail et tout en lui conservant son salaire d'assistant directeur. La société LE COUCOU considère donc s'être parfaitement acquittée de ses obligations d'aménagement de poste envers Madame [J] pendant la durée de son temps partiel thérapeutique.

Sur la révision de l'avis initial du médecin du travail, la société LE COUCOU affirme que ledit avis n'a pas été pas rendu sur l'emploi qu'occupait précédemment Madame [J], soit celui d'assistant directeur, mais sur le poste aménagé pendant son temps partiel thérapeutique. La société LE COUCOU s'est donc justement trouvée contrainte de refuser la décision du médecin du travail. Elle indique ensuite que Madame [J] a été déclarée inapte à son poste le 12 octobre 2016 par le médecin du travail qui a rectifié son avis. Dès lors, elle réfute avoir extorqué l'avis d'inaptitude au médecin du travail, puisque cet avis a été rendu en toute connaissance de cause par ce dernier après de simples échanges.

La société LE COUCOU soutient qu'à la suite de l'avis du médecin du travail déclarant Madame [J] inapte à son poste d'assistant directeur à temps plein mais apte au même poste à temps partiel et à celui d'agent d'accueil, également à temps partiel, elle a recherché une solution de reclassement et non plus d'aménagement de poste. Or, l'employeur fait valoir que s'agissant d'un poste de reclassement, destiné à être occupé durablement par Madame [J], et non plus d'un aménagement de son poste dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, les conditions salariales du poste proposé devaient être en adéquation avec celles des salariés affectés à des postes similaires. Elle rappelle que le principe 'à travail égal salaire égal', consacré par le droit du travail, oblige l'employeur à assurer la même rémunération aux salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale dans l'entreprise. En outre, elle indique que l'inaptitude au travail ne constitue pas un motif objectif et pertinent autorisant la violation du principe 'à travail égal salaire égal'.

Dès lors, la salariée ne peut se prétendre victime d'une discrimination. En effet, Madame [J] ne pouvait plus occuper son poste car son état de santé ne le lui permettait plus et non en raison d'une prétendue décision discriminatoire de l'employeur.

La société LE COUCOU fait ensuite valoir qu'elle a bien respecté l'obligation de recherches d'autres postes de reclassement,. Elle indique avoir procédé à plusieurs propositions de postes à Madame [J] en conformité avec les recommandations du Docteur [Y] et qui permettaient à Madame [J] de conserver sa classification correspondant à son poste d'assistant directeur. Madame [J] a refusé toutes les propositions. Or, aucun autre poste compatible n'était disponible, dès lors elle considère avoir procédé à une recherche sérieuse de reclassement et n'avoir pas eu d'autre choix que de licencier Madame [J]

La société LE COUCOU conclut, au regard de tous ces éléments, que le licenciement de Madame [J] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société LE COUCOU soutient ensuite que c'est à juste titre qu'elle a retenu comme salaire de référence le salaire perçu par Madame [J] au titre du temps partiel thérapeutique sur la période de référence.

Sur les autres demandes de Madame [J], l'employeur demande à la cour de la débouter de ses demandes d'indemnités de préavis et de congés payés afférents au motif que le salarié licencié en raison d'une impossibilité de reclassement ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi.

Dans ses dernières écritures, Madame [J] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30.000 euros et demande à la cour, y ajoutant, de :

- le réformant sur ce seul point et statuant à nouveau :

- condamner la société LE COUCOU à porter et payer à Madame [J] la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêt de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales;

- condamner la société LE COUCOU à payer et porter à Madame [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- débouter la société LE COUCOU de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Madame [J] soutient, sur le licenciement, que l'avis d'inaptitude a été extorqué par la société LE COUCOU alors même qu'un avis d'aptitude avec aménagement avait été émis. Elle affirme que l'employeur aurait dû contester l'avis devant l'inspecteur du travail en cas de désaccord et qu'à défaut d'un tel recours, ledit avis s'imposait.

Madame [J] fait ensuite valoir qu'il n'y a pas eu de recherche de reclassement réelle et sérieuse de la part de la société LE COUCOU. Elle indique que la différence de salaire constituait une différence de traitement et s'expliquait par son état de santé dégradé. Elle affirme que l'employeur ne démontre jamais en quoi elle n'aurait pu être reclassée sur le double poste qu'elle occupait depuis le 5 février 2015 et selon les mêmes modalités. Elle indique que dès lors, les propositions de l'employeur n'étaient pas sérieuses. Elle ajoute que l'employeur n'a effectué aucune recherche de poste au sein du groupe auquel il appartient.

Madame [J] conclut, au regard de tous ces éléments, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [J] sollicite ensuite les conséquences indemnitaires de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle affirme, concernant l'indemnité de licenciement, que celle-ci ne saurait être diminuée en raison de son état de santé ayant justifié le mi-temps thérapeutique et considère que dès lors, les salaires à prendre en compte pour le calcul du salaire mensuel moyen brut sont les 12 derniers mois précédant son arrêt maladie.

Elle expose en outre avoir subi un préjudice moral et financier important, ayant beaucoup souffert de la manière dont elle a été traitée par son employeur et n'ayant pu retrouver d'emploi depuis son licenciement et ce jusqu'à sa retraite.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la rupture du contrat de travail -

Lorsque le médecin du travail déclare le salarié inapte à reprendre son poste, l'employeur doit chercher à reclasser le salarié dans un autre emploi adapté à ses nouvelles capacités, sauf dispense expresse du médecin du travail. L'employeur doit solliciter, au préalable, l'avis des représentants du personnel. Si le reclassement est impossible, il doit le notifier par écrit au salarié.

L'employeur, non dispensé de son obligation de reclassement, doit interroger le médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié, notamment sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et, le cas échéant, sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'employeur doit consulter les délégués du personnel ou le comité social et économique, à compter de sa mise en place, sur les possibilités de reclassement du salarié.

En cas de manquement de l'employeur à son obligation de consultation des représentants du personnel en matière de reclassement, le licenciement pour inaptitude du salarié est sans cause réelle et sérieuse.

Pour être valable, la consultation des représentants du personnel doit intervenir après la constatation de l'inaptitude et avant proposition au salarié d'un poste de reclassement ou avant l'engagement de la procédure de licenciement. Il est admis que l'employeur, ayant proposé un reclassement à un salarié sans avoir recueilli préalablement l'avis des représentants du personnel, puisse régulariser la procédure en faisant une nouvelle offre de reclassement, après avoir consulté les représentants du personnel et avant la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

L'employeur doit fournir aux représentants du personnel toutes les informations nécessaires sur le reclassement, telles que, par exemple, les conclusions du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un emploi dans l'entreprise.

L'employeur doit proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des dernières indications en date que celui-ci formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et sa capacité à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

En cas d'avis successifs du médecin du travail, l'employeur doit se conformer au dernier avis émis, que celui-ci ait été donné à l'issue d'une nouvelle suspension du contrat de travail ou non.

L'emploi de reclassement doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, aménagement, adaptation ou transformation de postes existants, ou aménagement du temps de travail. Il ne doit en principe entraîner aucune modification du contrat de travail du salarié inapte. Toutefois, si le seul poste disponible emporte une modification du contrat de travail, il doit être proposé au salarié déclaré inapte.

Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles, y compris ceux pourvus par voie de contrat à durée déterminée.

Lorsque l'entreprise qui emploie le salarié appartient à un groupe, la recherche de reclassement doit s'effectuer au sein des entreprises du groupe situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. En cas de litige sur la consistance ou le périmètre du groupe de reclassement, le juge forme sa conviction au vu de l'ensemble des éléments fournis par les deux parties.

Si l'employeur conclut à l'impossibilité de reclassement, soit parce qu'aucun poste conforme n'est disponible, soit parce que le salarié a refusé le ou les postes proposés, il doit faire connaître à ce dernier, par écrit, les motifs s'opposant à son reclassement avant d'engager la procédure de rupture du contrat à durée indéterminée ou du contrat à durée déterminée.

Le principe de non-discrimination (ou interdiction des discriminations) est un sous-ensemble de l'égalité professionnelle ou de traitement. La discrimination c'est une différence de traitement fondé sur un motif illicite. Le principe d'égalité de rémunération ou 'à travail égal, salaire égal' est également un sous-ensemble de l'égalité professionnelle ou de traitement.

Le principe 'à travail égal salaire égal' oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de rémunération entre des salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage considéré.

Le principe d'égalité de rémunération (ou de traitement) s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Le principe d'égalité de rémunération (ou de traitement) s'applique dans la mesure où les salariés sont placés dans une situation identique ou équivalente.

L'égalité de rémunération suppose que les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale, c'est à dire qu'ils soient dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail. Sont considérés comme tels les travaux qui, sans être strictement identiques, exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Si l'employeur peut librement fixer des rémunérations différentes en fonction des compétences de chacun de ses salariés, il est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique. À défaut, il doit pouvoir justifier toute disparité de rémunération. Les décisions de l'employeur en matière de rémunération ne peuvent donc être discrétionnaires et toute différence de rémunération entre des salariés accomplissant le même travail pourra être contestée et devra alors être justifiée par l'employeur par des éléments objectifs et vérifiables dont le juge appréciera la pertinence.

Il est possible de réserver l'octroi d'un avantage à certains salariés si tous ceux placés dans une situation identique au regard de cet avantage en bénéficient.

De façon plus générale, les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination. Le code du travail admet explicitement que le principe d'égalité ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

Lorsque survient un litige, le salarié (ou demandeur) doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une inégalité de traitement et, au vu de ces éléments, il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve des éléments objectifs qui justifient cette différence de traitement.

Une différence de traitement peut se justifier par l'application d'une disposition légale ou d'une décision de justice. Il existe des règles spécifiques en matière de preuve pour les différences de traitement opérées par voie de convention ou d'accords collectifs. En revanche, si la différence de traitement découle d'une décision unilatérale de l'employeur, celui-ci doit nécessairement la justifier. L'employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire popur se soustraire à son obligation de justifier une inégalité de rémunération ou de traitement par des critères objectifs et pertinents.

En l'espèce, depuis le 20 mai 1998, Madame [U] [J] occupait un poste de responsable d'exploitation clientèle, dénommée ensuite assistant directeur, emploi de cadre. Le 10 juin 2014, Madame [U] [J] a été placée en arrêt du travail. Le 1er octobre 2014, Madame [U] [J] a été reconnue travailleuse handicapée.

En date du 21 janvier 2015, le médecin du travail (Docteur [Y]) a rendu l'avis suivant : 'Votre salariée Madame [J] [U] va prochainement reprendre son travail à temps partiel thérapeutique. Dans un premier temps, je souhaiterai qu'elle soit affectée à un poste assise, en caisse par exemple, avec des journées de travail de 4 heures maximum, les après-midi de préférence, dans la mesure du possible. Les déplacements, les stations debout prolongées et les manutentions sont à proscrire dans l'immédiat. Je la reverrai pour sa visite de reprise et par la suite je la suivrai pour m'assurer de sa bonne réadaptation à son poste de travail.'

Pendant la période d'exécution du contrat de travail à temps partiel thérapeutique, soit du 5 février 2015 au 27 juillet 2016, la salariée et l'employeur ont trouvé un accord sur les conditions de travail de Madame [J] en fonction de son état de santé. Cet accord prévoyait que Madame [J] travaillait, à temps partiel, en double poste comme suit : 8 heures en qualité d'agent de caisse et 4 heures en qualité d'assistant directeur. Le taux horaire de salaire pour cette période, commun aux deux postes, était fixé au taux horaire d'assistant directeur de 16,79 euros, en vigueur avant les arrêts maladie, afin d'assurer un maintien du niveau de rémunération contractuelle.

Le 8 février 2016, le médecin du travail indiquait, au sujet de l'état de santé de la salariée : 'apte avec aménagement de poste. L'aptitude en invalidité selon les modalités d'organisation et d'aménagement du poste pendant le temps partiel thérapeutique précédent soit 12 heures par semaine.'

Un nouvel avenant au contrat de travail de Madame [J] était conclu pour une durée déterminée du 1er février 2016 au 30 avril 2016, selon les mêmes modalités que le précédent, cet avenant étant prolongé ensuite sur une période du 1er mai 2016 au 27 juillet 2016.

De nombreux échanges se sont ensuite déroulés entre le médecin du travail et la société LE COUCOU, dont il ressort principalement que l'employeur était embarrassé par la solution intermédiaire proposée par le médecin et consistant à placer la salarié aussi bien sur un poste d'hôtesse de caisse que sur un poste d'assistant directeur, alors que ce dernier poste devait être occupé à temps plein.

Par courrier daté du 8 août 2016, assez révélateur de l'état de tension existant entre le médecin du travail et l'employeur, le Docteur [K] [Y] précisait les éléments suivants à la société LE COUCOU :

'Monsieur le Directeur,

J'ai bien reçu votre courrier concernant votre salariée Mme [J] qui remet en cause mon avis d'aptitude du 8 février 2016. Toutefois n'y figurait pas l'avenant auquel vous faites allusion. Mon avis porte bien sur l'adéquation entre son état de santé et les tâches qui composent son poste d'assistant directeur. Elle assure ces tâches comme vous le dites dans votre courrier de 19h30 à 23h30 les jeudis. Par ailleurs elle assure également des tâches de caisse.

Suite à son examen, j'ai conclus à sa parfaite aptitude physique et mentale à effectuer ces tâches. Aussi je vous ai demandé un aménagement de son temps de travail sous la forme d'une réduction de ce temps, le temps partiel constituant un aménagement de poste.

Il semble que vous ne puissiez faire aujourd'hui cet aménagement, déjà en place depuis plusieurs mois pour cette dame. Dame pour laquelle en tant que salariée handicapée protégée vous avez, me semble-t-il des obligations renforcées dans ce domaine.

Pouvez-vous me confirmer votre incapacité à procéder aujourd'hui à l'aménagement du poste selon les modalités que vous avez acceptées pour le temps partiel thérapeutique '

Dans l'attente de votre réponse, je vous adresse Monsieur le Directeur mes meilleures salutations.'

Un nouvel avenant au contrat de travail de Madame [J] était ensuite proposé à la salariée pour une durée indéterminée à compter du 1er octobre 2016, avenant que la salariée refusait de signer en raison de la modification prévue de sa rémunération contractuelle.

Par avis médical en date du 12 octobre 2016, le Docteur [Y] faisait état, aux termes d'une fiche d'aptitude médicale, du fait que la salariée était 'inapte à son poste d'assistant directeur à temps plein. Apte au poste d'assistant directeur à temps partiel et au poste d'agent d'accueil (...).'

Il résulte des échanges entre l'employeur et la salariée que la société LE COUCOU a indiqué à plusieurs reprises à Madame [J] les éléments suivants : 'Contrairement à ce que vous écrivez, vous n'êtes pas rétrogradée. L'avenant qui vous a été proposé ne modifie pas votre coefficient, niveau et échelon. Vous bénéficierez toujours du coefficient 240 - niveau 2 - échelon 1. Par contre, pour des raisons d'équité vis-à-vis de vos collègues, l'avenant proposé tend à vous rémunérer au taux horaire des fonctions d'agent d'accueil. Il ne s'agit donc pas d'une sanction à votre encontre.'

Madame [J] persistant à refuser cette diminution de salaire, l'employeur lui offrait deux postes de reclassement, l'un consistant dans celui exposé par avenant à compter du 1er octobre 2016 avec une diminution de salaire en adéquation avec le salaire perçu par ses collègues du niveau du poste d'agent d'accueil et l'autre poste consistant en celui d'agent d'accueil à [Localité 5]. La salariée refusait ces deux propositions de reclassement.

Il s'ensuit de l'ensemble de ces éléments que malgré l'existence d'une relation à l'évidence particulièrement tendue entre la médecine du travail et l'employeur, que la salariée a, au mieux, tenté d'exploiter, voire créée, l'employeur a sérieusement et réellement rempli ses obligations envers cette dernière. En effet, l'employeur ne pouvait pas, sans contrevenir au principe du traitement égal pour salaire égal, continuer à rémunérer Madame [J] dans les conditions d'un temps plein en qualité d'assistant directeur alors qu'elle n'occupait ces fonctions que partiellement, la plus grande partie de son temps de travail étant liée aux fonctions d'agent d'accueil. En outre, l'employeur lui a fait parvenir plusieurs possibilités de reclassement, en ce sens ou sur un territoire géographique, certes différent, mais pas non plus extrêmement éloigné, sans qu'il n'apparaisse l'existence d'autres possibilités de postes de reclassement au niveau de la société ou d'un éventuel groupe.

C'est pourquoi, au vu de ces éléments et des principes de droit susvisés, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame [U] [J] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, sur ce fondement, a condamné la SAS LE COUCOU à payer à Madame [U] [J] les sommes de 6.009,14 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 600,91 euros bruts à titre de congés payés afférents, de 17.117,26 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement et de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau, la cour dit que le licenciement de Madame [U] [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de toutes ses demandes subséquentes.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel. En équité, il échet de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause de première instance comme d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, dit que le licenciement de Madame [U] [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, et déboute Madame [U] [J] de toutes ses demandes en rapport avec la rupture de son contrat de travail ;

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00761
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.00761 ?
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