La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2022 | FRANCE | N°19/02364

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 07 juin 2022, 19/02364


07 JUIN 2022



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 19/02364 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKZL



SAS LABORATOIRE ICARE



/



[H] [Y]

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du pr

ononcé



ENTRE :



SAS LABORATOIRE ICARE Immatriculée sous le N° 402 946 917 du RCS de CLERMONT-FERRAND prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit...

07 JUIN 2022

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 19/02364 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKZL

SAS LABORATOIRE ICARE

/

[H] [Y]

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

SAS LABORATOIRE ICARE Immatriculée sous le N° 402 946 917 du RCS de CLERMONT-FERRAND prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Ladislas MAZUR CHAMPANHAC, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTE

ET :

Mme [H] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne-Claire MALARD, avcoat de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Monsieur RUIN, Président et Mme VICARD, Conseiller après avoir entendu, Mme RUIN, Président en son rapport, à l'audience publique du 04 avril 2022, tenue par ces deux magistrats, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS LABORATOIRE ICARE, dont le siège social est situé à [Localité 4] (63), a pour activité les recherches, études, analyses, conseils, expertises, audits formations dans tous types de domaine et notamment de recherche, fabrication, stérilisation à façon et contrôle de la qualité de produits de santé, de médicaments à usage humain et vétérinaire ainsi que de médicaments à usage humain et vétérinaire soumis à essais cliniques, les essais cliniques et les essais précliniques.

Après une période de travail du 15 janvier 2001 au 31 octobre 2001 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, Madame [H] [Y], née le 29 mars 1979, a été embauchée par la SAS LABORATOIRE ICARE à compter du 1er novembre 2001 selon contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de technicienne de laboratoire

À compter du 1er avril 2016, Madame [Y] a exercé les fonctions de chargée d'études techniques (statut technicien non cadre), à temps complet.

Par courrier daté du 29 janvier 2018 (remis en main propre à la salariée), l'employeur a convoqué Madame [H] [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 février 2018 et lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Par courrier recommandé daté du 9 février 2018, la société LABORATOIRE ICARE a notifié à Madame [Y] son licenciement pour faute grave.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Madame,

Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 6 février 2018.

Rappel des faits :

A travers les pièces qui nous ont été communiquées le 21 décembre 2017 dans le cadre d'une procédure pénale, nous avons constaté les faits suivants :

- Vous avez fait sortir de l'entreprise des notes que vous aviez prises pendant une réunion interne du personnel en les remettant directement à monsieur [O] qui ne faisait plus partie du personnel de l'entreprise ; or, l'un des sujets de cette réunion était précisément de fournir des explications au personnel sur la procédure judiciaire en cours concernant monsieur [O].

- Vous avez participé à une réunion avec Madame [Z], qui de fait ne travaillait plus pour notre entreprise, et avec Monsieur [O] (qui ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise) au cours de laquelle vous les-avez informés du contenu détaillé d'une réunion interne dont un des sujets était de présenter les raisons qui ont conduit l'entreprise à porter plainte pour vol et escroquerie.

- Vous avez divulgué des informations confidentielles à notre ancienne salariée madame [Z] alors qu'elle était en mise à pied conservatoire. Ce qui signifie qu'elle était sous le coup d'une procédure disciplinaire pour faute grave de nature à faire cesser le travail jusqu'à notification d'un éventuel licenciement.

Ces faits constituent une violation de votre contrat de travail ainsi que du règlement intérieur de l'entreprise sur les points suivants :

- Obligation de loyauté et de réserve du salarié

- Clauses de secret professionnel du contrat de travail et de son troisième avenant

- Article 31 du règlement intérieur, discrétion professionnelle

Par ailleurs ces faits nous amènent à ne plus pouvoir entretenir avec vous une relation de confiance nécessaire à la bonne exécution de votre contrat de travail.

Les explications recueillies ne nous ont pas permis de revoir notre positionnement, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnités de préavis, ni de licenciement.

Nous vous communiquerons votre certificat de travail, votre attestation Pôle emploi et votre solde de tout compte.

Si vous le souhaitez, vous pouvez conserver le bénéfice des frais de santé en vigueur au sein de notre entreprise. Pour cela, merci de nous retourner sous 10 jours, le formulaire complété (parties surlignées) afin que nous les transmettions a l'organisme correspondant.

Veuillez agréer, Madame, nos salutations distinguées. '

Le 3 janvier 2019, Madame [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 4 février 2019 (convocation notifiée au défendeur le 7 janvier 2019) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 2 décembre 2019 (audience du 30 septembre 2019), le conseil de prud'hommes de CLERMONT-FERRAND a :

- dit et jugé que le licenciement de Madame [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence la société LABORATOIRE ICARE, prise en la personne de son représentant légal, à payer et porter à Madame [Y] les sommes de :

* 6.724,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

* 672,42 euros au titre des congés payés afférents ;

* 865,22 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire ;

* 86,52 euros au titre des congés payés afférents ;

* 10.833,53euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

* 13.448,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 750,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes allouées par le présent jugement à titre de salaires et accessoires de salaire porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation en justice de l'employeur valant mise en demeure, soit le 07 janvier 2019 et que celles accordées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, et ce avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales ;

- débouté Madame [Y] du surplus de ses demandes ;

- ordonné d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, à la société LABORATOIRE ICARE, prise en la personne de son représentant légal, de rembourser à POLE EMPLOI le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à Madame [Y], du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent jugement, et ce dans la limite de un mois d'indemnités ;

- débouté la société LABORATOIRE ICARE de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens.

Le 20 décembre 2019, la société LABORATOIRE ICARE a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 3 décembre 2019.

L'affaire a été fixée à l'audience du 4 avril 2022 de la chambre sociale de la cour d'appel de Riom.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 janvier 2022 par la société LABORATOIRE ICARE,

Vu les conclusions notifiées à la cour le14 avril 2020 par Madame [Y],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 mars 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société LABORATOIRE ICARE demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de débouter Madame [Y] de ses demandes et de condamner celle-ci aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LABORATOIRE ICARE soutient tout d'abord que les faits pour lesquels la salariée a été licenciée sont distincts de ceux cités dans l'ordonnance de renvoi et ne sont dès lors pas prescrits. Elle affirme que seule la connaissance du procès-verbal d'audition de Madame [Y] et de Madame [Z], transmis à la société LABORATOIRE ICARE par son conseil sous pli du 21 décembre 2017, a permis à l'employeur d'avoir la connaissance exacte et complète des faits reprochés qui, seule, fait courir le délai de l'article L. 1332-4 du code du travail.

Elle soutient ensuite que les faits reprochés à Madame [Y] dans la lettre de licenciement étaient suffisamment importants pour justifier d'un licenciement pour faute grave.

Elle indique ainsi que, selon les dispositions du règlement intérieur de l'entreprise, est fautif le fait d'emporter sans autorisation des documents appartenant à l'établissement. Elle ajoute que ce règlement intérieur fixe en outre une obligation générale de discrétion professionnelle à ses salariés. Dès lors, elle fait valoir que Madame [Y] a commis une faute en faisant sortir des documents internes à l'entreprise, à savoir notamment des notes prises lors d'une réunion du 16 juin 2015 et une copie écran de la convocation à ladite réunion.

Elle ajoute que Madame [Y] reconnaît avoir révélé à des personnes extérieures à l'entreprise des informations concernant la société LABORATOIRE ICARE. Elle conclut que ce manquement justifie en soi le licenciement pour faute grave.

Elle expose en outre que Madame [Y] a remis des notes à une salariée en mise à pied conservatoire et a un ex-salarié qui a déposé plainte contre le représentant légal de l'entreprise. Dès lors, ce manquement justifiait le licenciement de la salariée pour faute grave.

Dans ses dernières écritures, Madame [Y] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à porter à 28.700 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, y ajoutant, à condamner la société LABORATOIRE ICARE à lui payer à Madame [Y] une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [Y] soutient tout d'abord que la procédure de licenciement engagée le 29 janvier 2018 et donnant lieu à la lettre de licenciement du 9 février 2018 repose sur des faits prescrits. En effet, elle affirme que l'employeur avait nécessairement, et a minima, été informé par la notification de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal de police le 18 août 2017 des faits reprochés dans la lettre de licenciement. Par conséquent, contrairement à ce qui est affirmé par l'employeur, celui-ci n'a pas été informé des faits reprochés le 27 décembre 2017, mais bien avant. Dès lors, elle conclut que son licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Madame [Y] soutient, à titre subsidiaire, que les griefs reprochés et allégués dans la lettre de licenciement du 9 février 2018 ne sont pas établis. Elle conteste tout d'abord fermement le premier grief selon lequel elle aurait communiqué ses notes directement à Monsieur [O]. Elle argue que cette remise de notes n'est jamais démontrée par l'employeur. Sur le deuxième grief, elle fait valoir que l'employeur ne rapporte jamais la preuve qu'elle aurait informé Madame [Z] et Monsieur [O] du contenu détaillé d'une réunion interne tenue le 16 juin 2015. Sur le troisième grief, Madame [Y] affirme enfin qu'il n'est jamais rapporté la preuve qu'elle ait divulgué des informations confidentielles à Madame [Z] alors que celle-ci était en mise à pied conservatoire. Elle indique qu'elle n'avait aucune connaissance des faits reprochés à Madame [Z] et que lorsqu'elles se sont rencontrées, l'autorisation de procéder au licenciement disciplinaire de Madame [Z] était refusée par l'Inspecteur du travail. Elle ajoute que Madame [Z] se trouvait en arrêt maladie. Dès lors, Madame [Y] soutient qu'elle et Madame [Z] étaient toutes deux des salariées de l'entreprise et que les informations divulguées dans un cadre privé relatant la vie de l'entreprise à laquelle elles appartenaient toutes les deux, et dont à aucun moment le caractère confidentiel n'a été évoqué par l'employeur, ne saurait caractériser un fait grave justifiant un licenciement pour faute grave.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur le licenciement -

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c'est-à-dire en raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d'autres personnes, même proches.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents). Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l'employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu'il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.

La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l'employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l'employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n'aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l'indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement, le doute doit profiter au salarié.

En l'espèce, Monsieur [R] [X], dirigeant de la société LABORATOIRE ICARE, a recruté comme salarié cadre Monsieur [C] [O] à compter d'avril 2014. La collaboration entre ces deux hommes n'a pas été harmonieuse et, du fait du conflit les opposant, Monsieur [C] [O] a notifié sa démission en décembre 2014 puis a quitté l'entreprise fin février 2015 à l'issue de son préavis.

Monsieur [R] [X] a porté plainte pour des faits de vol, escroquerie et/ou abus de confiance commis au préjudice de la société LABORATOIRE ICARE. Dans le cadre de l'enquête pénale diligentée en conséquence, Monsieur [C] [O] a été placé en garde à vue le 17 mars 2015, sans suite pénale apparente ou justifiée le concernant.

Monsieur [C] [O] estimant avoir été accusé de façon calomnieuse par Monsieur [R] [X] a porté plainte pour diffamation le 4 juin 2015 auprès du procureur de la République de CLERMONT-FERRAND.

Le 16 juin 2015, Monsieur [R] [X] a organisé une réunion d'entreprise, à [Localité 4] (63), à laquelle il a convié une soixantaine de salariés (dont Madame [H] [Y]). Il apparaît que cette réunion a été essentiellement consacrée à 'l'affaire [O]'.

Le 3 août 2015, Monsieur [C] [O] a porté plainte pour diffamation avec constitution de partie devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de CLERMONT-FERRAND. Dans ce cadre, il a exposé le contexte ainsi que la réunion du 16 juin 2015 au cours de laquelle il estime avoir été diffamé par Monsieur [R] [X]. Dans sa plainte, Monsieur [C] [O] ne précise pas ses sources quant au déroulement de la réunion du 16 juin 2015 à laquelle il n'a pas participé mais cite six salariés, dont Madame [H] [Y], ayant assisté à cette réunion et pouvant témoigner.

Une information judiciaire a été ouverte le 27 juin 2016 concernant la plainte pour diffamation de Monsieur [C] [O].

Dans le cadre de l'instruction, Madame [H] [Y] a été entendue le 18 novembre 2016 sur commission rogatoire. Elle indique avoir été conviée et avoir assisté à la réunion d'entreprise du 16 juin 2015 ayant pour thème 'l'affaire [O]', au cours de laquelle Monsieur [R] [X] a expliqué pourquoi il avait déposé plainte pour vol et escroquerie, en tout cas a exposé ses soupçons, contre Monsieur [C] [O], ainsi que les conséquences de l'affaire pour l'entreprise. Elle reconnaît que cette réunion était exclusivement réservée aux salariés de la société LABORATOIRE ICARE. Elle déclare avoir pris des notes au cours de cette réunion comme elle le fait habituellement dans les réunions d'entreprise. Elle indique avoir parlé de cette réunion par la suite avec Madame [K] [Z], lui avoir montré l'intégralité de ses notes avec remise d'une copie intégrale. Madame [H] [Y] a remis ses notes aux enquêteurs.

Dans le cadre de l'instruction, Madame [K] [Z] a été entendue le 19 novembre 2016 sur commission rogatoire. Elle indique ne pas avoir participé à la réunion d'entreprise du 16 juin 2015. Elle déclare avoir parlé avec beaucoup de personnes de cette réunion, notamment avec Madame [H] [Y] qui lui a communiqué une copie de ses notes. Elle expose ne pas avoir communiqué ces notes à Monsieur [C] [O], précisant que c'est Madame [H] [Y] qui a remis ses notes sur la réunion du 16 juin 2015 à Monsieur [C] [O].

Dans le cadre de l'instruction, Monsieur [R] [X] a été mis en examen pour diffamation le 11 janvier 2017.

Le juge d'instruction a rendu en date du 27 juin 2017 une ordonnance de requalification et de renvoi de Monsieur [R] [X], pour diffamation non publique à l'encontre de Monsieur [C] [O] le 16 juin 2015 à [Localité 4] (63), devant le tribunal de police de CLERMONT-FERRAND.

Cette ordonnance de renvoi, qui a été notifiée en date du 18 août 2017 à Monsieur [R] [X] et à son avocat, mentionne notamment que :

- Monsieur [C] [O] a déclaré avoir été informé des propos de Monsieur [R] [X] lors de la réunion d'entreprise du 16 juin 2015 par Madame [H] [Y] et par Madame [K] [Z] ;

- Madame [H] [Y] a relaté les propos tenus par Monsieur [R] [X] lors de la réunion d'entreprise du 16 juin 2015 et déclaré avoir pris des notes dans ce cadre au cours de la réunion;

- des témoins ont déclaré que la réunion d'entreprise du 16 juin 2015 avait pour thème 'l'affaire [O]' et que Monsieur [R] [X], s'appuyant sur une présentation 'powerpoint', a présenté de manière chronologique l'affaire pour laquelle il avait porté plainte contre Monsieur [C] [O].

L'affaire pénale a d'abord été fixée à l'audience du tribunal de police de CLERMONT-FERRAND en date du 17 novembre 2017 puis a été renvoyée à l'audience du 15 décembre 2017. Par jugement du 15 décembre 2017, le tribunal de police de CLERMONT-FERRAND a relevé une qualification délictuelle et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir.

Dans la lettre de licenciement pour faute grave, l'employeur invoque trois griefs à l'encontre de Madame [H] [Y] concernant cette réunion du 16 juin 2015:

1- avoir fait sortir de l'entreprise des notes prises par la salariée pendant la réunion interne en les remettant directement à Monsieur [O] qui ne faisait plus partie du personnel de l'entreprise ;

2- avoir participé à une réunion avec Madame [Z] et avec Monsieur [O] (qui ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise) au cours de laquelle la salariée les aurait informés du contenu détaillé de la réunion du 16 juin 2015 ;

3- avoir divulgué des informations confidentielles à madame [Z] qui était en mise à pied conservatoire et sous le coup d'une procédure disciplinaire pour faute grave de nature à faire cesser le travail jusqu'à notification d'un éventuel licenciement.

- Sur la prescription disciplinaire -

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : 'Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires (date de convocation à l'entretien préalable ou de prononcé d'une mise à pied conservatoire / date de présentation de la lettre recommandée ou de remise de la lettre simple pour une sanction ne nécessitant pas un entretien préalable) au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Lorsqu'un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales avant l'expiration du délai de deux mois, l'employeur peut engager des poursuites disciplinaires malgré l'expiration de ce délai. En effet, le délai de deux mois imposé l'employeur pour engager des poursuites disciplinaires est interrompu par la mise en mouvement de l'action publique concernant le fait fautif invoqué par l'employeur, peu importe que les poursuites pénales résultent de l'initiative de l'employeur ou d'un tiers et qu'elles aient été déclenchées à l'initiative du ministère public, sur plainte avec constitution de partie civile ou sur citation directe de la victime quelle que soit celle-ci. Ainsi, l'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision pénale est devenue définitive, ou à compter du jour où il a eu connaissance de l'issue définitive de la procédure pénale (lorsque l'employeur n'est pas partie au procès), pour engager des poursuites disciplinaires. Toutefois, l'ouverture d'une enquête préliminaire par le procureur de la République ne constitue pas l'exercice de poursuites pénales au sens de l'article L. 1332-4 du code du travail et n'interrompt pas le délai de deux mois prévu par cet article. La loi n'interdit pas à l'employeur d'engager des poursuites disciplinaires et de prononcer une sanction disciplinaire, y compris un licenciement, sans attendre la décision définitive du juge répressif.

Si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction disciplinaire au-delà du délai de deux mois, l'employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d'un comportement identique.

Par ailleurs, l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois si le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature. Il le peut également lorsqu'il n'a pas eu, au moment où il a appris les faits, une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés, à condition qu'une vérification soit nécessaire.

L'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte de griefs antérieurs. Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois avant l'engagement des poursuites ou que la prescription disciplinaire n'est pas acquise.

Les juges ne peuvent suppléer d'office le moyen résultant de la prescription : ce moyen n'est pas dans le débat s'il n'a pas été soulevé par le salarié devant le juge du fond (même pour la première fois en cause d'appel) ; il ne peut donc être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation.

En l'espèce, les fautes reprochées à Madame [H] [Y] par la société LABORATOIRE ICARE dans la lettre de licenciement auraient été commises entre la réunion d'entreprise précitée et la plainte avec constitution de partie civile de Monsieur [C] [O], soit entre le 16 juin 2015 et le 3 août 2015.

Il n'est fait état d'aucun passé disciplinaire (aucune sanction disciplinaire antérieure à la mesure de licenciement pour motif disciplinaire) au sein de l'entreprise concernant Madame [H] [Y].

La société LABORATOIRE ICARE a engagé des poursuites disciplinaires contre Madame [H] [Y] le 29 janvier 2018, soit plus de deux mois après les faits fautifs allégués. Madame [H] [Y] ayant soulevé la fin de non-recevoir de prescription disciplinaire, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n' a eu connaissance des fautes alléguées de la salariée que dans les deux mois avant l'engagement des poursuites (entre le 29 novembre 2017 et le 29 janvier 2018) ou que la prescription disciplinaire n'est pas acquise parce qu'il n'aurait pas eu avant le 29 novembre 2017 une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à Madame [H] [Y].

Tous les griefs visés dans la lettre de licenciement concernent la réunion précitée du 16 juin 2015. S'agissant du grief de sortie de notes à l'extérieur de l'entreprise ou de remise de notes à Monsieur [O], ou de celui d'échanges avec Madame [Z] et avec Monsieur [O] sur la réunion du 16 juin 2015, ou de celui de divulgation d'informations confidentielles à Madame [Z] (remise d'une copie des notes sur la réunion), force est de constater que l'employeur ne tire ses informations, arguments et moyens de preuve que de la seule procédure pénale susvisée

Or, via son dirigeant Monsieur [R] [X], l'employeur disposait en la matière, en tout cas pouvait disposer, de toutes les informations utiles pour décider de l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre Madame [H] [Y] à compter du 11 janvier 2017 (mise en examen), date à partir de laquelle Monsieur [R] [X] et son avocat pouvaient demander une copie du dossier d'information comprenant notamment les auditions de Monsieur [C] [O], de Madame [K] [Z] et de Madame [H] [Y], ainsi que les notes prises par cette dernière lors de la réunion d'entreprise du 16 juin 2015.

À supposer un manque extraordinaire de diligence de Monsieur [R] [X] et de son avocat, qui n'auraient pas souhaité consulter le dossier pénal avant l'ordonnance de renvoi, l'employeur a eu accès à toutes les informations utiles pour décider de l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre Madame [H] [Y] en date du 18 août 2017 lors de la notification de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction.

S'agissant de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à Madame [H] [Y], après le 18 août 2017, l'employeur n'a procédé à aucune vérification particulière et n'a eu accès à aucune information supplémentaire hors les éléments figurant dans le dossier pénal et l'ordonnance de renvoi.

Sauf à invoquer sa propre négligence fautive comme moyen de défense, la société LABORATOIRE ICARE ne peut sérieusement prétendre que le délai de prescription de deux mois n'a commencé à courir qu'à compter du 21 décembre 2017 lorsque Monsieur [R] [X] se serait décidé à lire l'ordonnance de renvoi, ainsi que le dossier pénal que son avocat n'aurait jamais pensé à lui transmettre avant le 14 décembre 2017.

La société LABORATOIRE ICARE ne pourrait pas plus invoquer une interruption du délai de prescription disciplinaire de deux mois en raison de poursuites pénales, ce que l'appelante ne fait d'ailleurs pas, alors que les poursuites pénales visées ne concernaient pas directement les faits reprochés à Madame [H] [Y] dans la lettre de licenciement.

La cour considère que pour des faits, sanctionnés par le licenciement, commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, la société LABORATOIRE ICARE n'apporte pas la preuve qu'elle n'aurait eu une connaissance suffisante de ceux-ci que dans un délai deux mois avant le 29 janvier 2018.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur la cause du licenciement -

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail : 'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.'.

Salarié et employeur doivent exécuter le contrat de travail de bonne foi.

Le salarié, qui a l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise. Le salarié ne doit notamment pas divulguer d'informations confidentielles dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions, ni à l'extérieur, ni à l'intérieur de l'entreprise. Cette obligation s'applique avec une particulière acuité aux cadres dirigeants. Tout manquement volontaire du salarié à ses obligations peut donner lieu à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le contrat de travail initial entre Madame [H] [Y] et la société LABORATOIRE ICARE contient en son article 6 une clause ainsi libellée : 'Mademoiselle [H] [Y] s'engage formellement à ne divulguer à qui que ce soit aucun des plans, études, conceptions, projets, réalisations, informations, méthodes d'essai et résultats d'essai étudiés dans l'entreprise, soit pour le compte de clients, soit pour l'entreprise elle-même, se déclarant à cet égard lié par le secret professionnel le plus absolu. Aucune des informations dont Mademoiselle [H] [Y] aura pris connaissance dans le cadre de ses activités ne pourra être utilisée à d'autres fins. Cette obligation de secret demeurera dix ans après la fin du présent contrat qu'elle qu'en soit la cause.'.

L'avenant au contrat de travail signé par les parties en date du 1er avril 2016 contient en son article 9 une clause ainsi libellée : 'Madame [H] [Y] s'engage formellement à ne divulguer à qui que ce soit aucun des plans, études, conceptions, projets, réalisations, informations, méthodes d'essai et résultats d'essai étudiés dans l'entreprise, soit pour le compte de clients, soit pour l'entreprise elle-même, se déclarant à cet égard lié par le secret professionnel le plus absolu. Madame [H] [Y] devra conserver pendant et après l'exécution de son contrat de travail une discrétion et un secret professionnel absolus, notamment sur tous les faits, informations, renseignements, documents, fichiers, tarifs internes de la société, notamment de nature technique et commerciale, dont il pourra avoir connaissance de par l'exercice de ses fonctions. Il s'interdit donc de divulguer à qui que ce soit des renseignements ou informations.'.

Le règlement intérieur d'entreprise mis en application au 1er mai 2012 mentionnant notamment en son article 31 :

'Le personnel employé par l'entreprise est tenue de garder une discrétion absolue sur tout ce qui a trait aux secrets et procédés de fabrication et d'une manière général sur toutes les opérations dont il aurait en connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Les règles de confidentialité doivent être appliquées en permanence dans les locaux de l'entreprise ainsi qu'en dehors.

Le personnel s'engage formellement à ne pas divulguer à qui que ce soit aucun des plans, études, conceptions, projets, réalisations, informations, méthodes d'essai et résultats d'essai étudiés dans l'entreprise, soit pour le compte de clients, soit pour l'entreprise elle-même, se déclarant à cet égard lié par le secret professionnel le plus absolu. Cette obligation n'est pas une interdiction de communiquer les résultats d'analyses aux clients pas personnes habilitées.

Tout manquement sur ce point constitue une faute passible des sanctions prévues par le présent règlement.'.

Le dirigeant de la société LABORATOIRE ICARE a cru utile d'organiser une réunion en date du 16 juin 2015 ayant pour thème 'l'affaire [O]', avec une présentation 'powerpoint', au cours de laquelle Monsieur [R] [X] a notamment exposé ses soupçons à l'encontre de Monsieur [C] [O]. Monsieur [R] [X] a estimé également opportun de demander à une soixantaine de salariés de l'entreprise, soit quasiment la plus grande partie du personnel à l'époque considérée, d'assister à cette réunion, sans réserver la primeur de ses informations, qu'il estime désormais confidentielles, à ses collaborateurs les plus proches ou aux seuls cadres de l'entreprise.

Monsieur [C] [O] n'était plus salarié de l'entreprise le 16 juin 2015 mais il avait quitté l'entreprise début 2015 et connaissait probablement une partie importante des salariés 'conviés' par Monsieur [R] [X] à la réunion d'entreprise ayant pour thème 'l'affaire [O]'.

À l'époque considérée, Madame [K] [Z] était salariée de la société LABORATOIRE ICARE mais également déléguée du personnel titulaire. L'employeur fait état d'une procédure disciplinaire en cours à la date du 16 juin 2015 concernant Madame [K] [Z] mais n'en justifie pas. En tout état de cause, l'autorisation administrative de licenciement sollicitée par l'employeur a été refusée par l'inspecteur du travail le 22 mai 2015, refus confirmé le 21 décembre 2015 sur recours hiérarchique.

Madame [H] [Y] ne conteste pas avoir discuté de la réunion d'entreprise du 16 juin 2015 avec Monsieur [C] [O] et Madame [K] [Z], pas plus qu'elle ne conteste avoir remis ses notes à ce sujet à Madame [K] [Z], alors déléguée du personnel.

Madame [H] [Y] conteste avoir remis ses notes directement à Monsieur [C] [O] et le seul témoignage de Madame [K] [Z] n'est pas suffisamment probant sur ce point.

À l'époque considérée, l'employeur n'avait pas explicitement classé l'exposé de Monsieur [R] [X] sur 'l'affaire [O]', en date du 16 juin 2015 et en présence de quasiment tout le personnel de l'entreprise, comme particulièrement confidentiel.

Ainsi, surabondamment au regard d'une prescription disciplinaire acquise, alors que la salariée travaillait dans l'entreprise depuis 17 années à la satisfaction apparente de l'employeur (cf évaluation de février 2015), sans avoir été jamais sanctionnée ou sérieusement mise en cause, les seuls griefs établis à l'encontre de Madame [H] [Y] ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, et encore moins une faute grave.

- Sur les conséquences du licenciement -

Le jugement déféré sera confirmé en que le licenciement de Madame [Y] a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Pour le surplus, les parties ne développent aucune argumentation particulière s'agissant de la rémunération mensuelle brute de référence retenue par le premier juge (2.241,42 euros) ainsi que la condamnation de la société LABORATOIRE ICARE à payer et porter à Madame [Y] les sommes de 6.724,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 672,42 euros au titre des congés payés afférents, 865,22 euros à titre de rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, outre 86,52 euros au titre des congés payés afférents, 10.833,53euros au titre de l'indemnité de licenciement. Ces dispositions du jugement entrepris seront confirmées.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts, pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse notifiés à compter du 24 septembre 2017, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit que si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau différent selon que l'entreprise emploie habituellement plus de dix ou moins de onze salariés (barème Macron).

Le nouvel article L. 1235-3 du code du travail définit des montants minimaux et maximaux d'indemnité de licenciement calculés en mois de salaire, en fonction de l'ancienneté et du nombre de salariés dans l'entreprise. Ainsi, dans les entreprises de 11 salariés ou plus, l'article L. 1235-3 prévoit que l'indemnité de licenciement varie de 1 à 20 mois de salaire brut suivant l'ancienneté dans l'entreprise, en fixant des montants minimaux et maximaux.

En l'espèce, Madame [Y], âgée de 38 ans au moment de son licenciement, comptait 17 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise et percevait un salaire mensuel brut de 2.241,42 euros.

Il est constant que la société LABORATOIRE ICARE employait plus de 10 salariés permanents au moment du licenciement.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail et au regard de son ancienneté, Madame [Y] peut prétendre à une indemnité de licenciement comprise entre 3 et 14 mois de salaire mensuel brut, soit entre 6.724,26 et 31.379,88 euros.

Vu les éléments d'appréciation dont la cour dispose, la société LABORATOIRE ICARE sera condamnée à payer à Madame [H] [Y] une somme de 25.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé en ce sens.

- Sur les intérêts -

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle Emploi -

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société LABORATOIRE ICARE, qui succombe totalement en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à Madame [H] [Y] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Réformant le jugement déféré de ce seul chef, condamne la société LABORATOIRE ICARE à payer à Madame [H] [Y] une somme de 25.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (indemnité en brut) ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

- Y ajoutant, condamne la société LABORATOIRE ICARE à payer à Madame [H] [Y] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

- Condamne la société LABORATOIRE ICARE aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02364
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.02364 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award