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07/06/2022 | FRANCE | N°19/02203

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 07 juin 2022, 19/02203


07 JUIN 2022



Arrêt n°

KV/SB/NS



Dossier N° RG 19/02203 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKJY



[H]

[N]

/

Etablissement

Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Karine VALLEE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY,

Greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



M. [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocat au barreau ...

07 JUIN 2022

Arrêt n°

KV/SB/NS

Dossier N° RG 19/02203 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKJY

[H]

[N]

/

Etablissement

Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Karine VALLEE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY, Greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Christine ROUSSEL-SIMONIN de la SELARL DIAJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Caroline JOUCLARD, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 02 Mai 2022, tenue en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 19 avril 2013, la société [6], employeur de M. [N], a souscrit une déclaration relative à un accident du travail ayant eu lieu le 18 avril 2013, assortie d'un certificat médical initial faisant état d'une 'sensation d'oppression thoracique et de malaise - difficultés attentionnelles et symptômes anxieux invalidants'.

Par décision du 10 juillet 2013, la CPAM du PUY DE DÔME a admis la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels et après examen, son médecin conseil a fixé la consolidation de l'état de M. [N] au 6 juillet 2014.

Le 12 septembre 2017 a été dressé un certificat médical de rechute faisant état d'un 'épisode dépressif caractérisé'.

Le médecin conseil ayant estimé qu'il n'y avait pas de relation de causalité entre cette lésion médicalement constatée et l'accident du travail du 18 avril 2013, la CPAM du PUY-DE-DOME a, le 18 octobre 2017, notifié un refus de prise en charge à M. [N] qui a alors sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise, laquelle a été confiée au Docteur [G].

Aux termes de son rapport établi le 5 février 2018, l'expert a conclu à l'absence de lien de causalité direct entre l'accident du travail du 18 avril 2013 et les troubles invoqués dans le certificat médical du 12 septembre 2017, en conséquence de quoi la caisse a confirmé son refus de prise en charge par décision datée du 14 février 2018.

M. [N] a saisi le 26 février 2018 la commission de recours amiable de CPAM du PUY-DE-DOME d'un recours à l'encontre de cette décision de refus de prise en charge.

Par décision en date du 14 mars 2018, la commission de recours amiable a rejeté le recours de M. [N] et confirmé la décision de rejet de la caisse.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 16 avril 2018 et réceptionnée le lendemain par le greffe de la juridiction, M. [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY DE DOME d'une contestation de cette décision explicite de rejet.

Selon jugement contradictoire en date du 24 octobre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de CLERMONT FERRAND, auquel a été transféré sans formalités à compter du 1er janvier 2019 le contentieux relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale du PUY DE DOME, a :

- débouté M. [N] de son recours et de l'intégralité de ses demandes;

- condamné M. [N] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 novembre 2019, M. [N] a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne le 29 octobre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières écritures déposées à l'audience le 2 mai 2022 et oralement soutenues, M. [N] conclut à l'infirmation du jugement entrepris et statuant à nouveau, demande à la cour de :

- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira avec notamment pour mission de déterminer si son état actuel s'inscrit dans une rechute de l'accident du travail en date du 18 avril 2013 ;

- condamner la CPAM au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de la procédure.

A l'appui de son recours, M. [N] considère que l'épisode dépressif caractérisé, ayant fait l'objet d'un certificat médical de rechute daté du 12 septembre 2017, trouve son origine dans l'accident du travail dont il a été victime le 18 avril 2013, en sorte qu'il doit faire l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Il s'estime en conséquence bien fondé à voir organiser une mesure d'expertise judiciaire.

Par ses dernières écritures déposées à l'audience le 2 mai 2022 et oralement soutenues, la CPAM du PUY DE DÔME conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de débouter M. [N] de sa demande.

La caisse justifie le refus qu'elle a opposé à la demande de prise en charge au titre du risque professionnel par les conclusions du rapport d'expertise médicale qui excluent toute relation de causalité entre l'accident du travail et les lésions constatées par le certificat médical de rechute. Elle rappelle que ces conclusions s'imposent à elle.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé de leurs moyens.

MOTIFS

- Sur la prise en charge au titre de la législation

Au soutien de sa demande d'expertise judiciaire, M. [N] fait valoir que la pathologie dépressive constatée par certificat médical du 12 septembre 2017 trouve son origine dans l'accident du travail dont il a été victime plusieurs années auparavant, et non dans un état pathologique indépendant du travail qui évoluerait pour son propre compte. Il affirme à cet égard qu'antérieurement à cet accident, il n'avait développé aucune pathologie de cette nature.

La CPAM du PUY DE DOME objecte pour sa part que l'avis de l'expert, dont elle rappelle qu'il s'impose à elle tout comme celui du médecin conseil, a expressément conclu à l'absence d'une quelconque relation causale entre l'accident du travail dont a été victime M. [N] le 18 avril 2013 et les lésions constatées par le certificat médical de rechute daté du 12 septembre 2017.

L'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : 'Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article, toute modification dans l'état de santé de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations'

Selon l'article L443-1 du code de la sécurité sociale, la rechute s'entend de toute modification de l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure.

La rechute, qui suppose donc un état pathologique nouveau, ne permet pas à la victime de profiter de la présomption d'imputabilité susmentionnée, en sorte qu'il lui appartient d'apporter la preuve que l'aggravation ou l'apparition de la lésion a un lien de causalité direct et exclusif avec l'accident du travail, dépourvu de toute intervention d'une cause extérieure.

Il résulte en outre de l'article L141-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la cause, que lorsque l'avis technique de l'expert a été pris dans les conditions fixées à l'article L141-1 comme c'est le cas en l'occurrence, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Une nouvelle expertise peut toutefois être ordonnée à la demande d'une partie par le juge qui apprécie souverainement si les éléments discutés et apportés aux débats justifient l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise technique.

En l'espèce, il est constant que M. [N] a été victime le 18 avril 2013 d'un accident du travail ayant fait l'objet d'un certificat médical initial décrivant en ces termes les symptômes constatés : 'sensation d'oppression thoracique et de malaise - difficultés attentionnelles et symptômes anxieux invalidants'.

Afin de démontrer que les lésions constatées au certificat médical de rechute ont avec ces symptômes un rapport de causalité, M. [N] verse aux débats ledit certificat établi par le docteur [T] qui fait état, au titre des constatations médicales détaillées, d'un 'épisode dépressif caractérisé'.

Il communique également le protocole d'expertise réalisée à la demande de l'assuré en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale comprenant notamment l'avis de ce praticien qui indique le 'suivre en consultation depuis juin 2013 pour un trouble dépressif récurrent sévère' et qu'il ne peut dès lors pas 'attester de son état antérieur à cette date'. Ce praticien ajoute que 'c'est dans les suites de l'arrêt de son traitement, pour mauvaise tolérance, que M. [N] a rechuté sous la forme d'un état dépressif à caractéristique mélancolique (...) ce traitement avait pourtant permis l'obtention d'une rémission clinique et fonctionnelle jusqu'en septembre dernier. C'est donc à mon sens l'arrêt du traitement IMAO qui est, je pense, responsable de la rechute actuelle. Or ce traitement n'aurait pas été introduit en l'absence d'accident du travail en 2013".

Si le docteur [T] retient ainsi l'existence d'un lien de causalité entre l'accident du travail et le syndrome dépressif sévère pris en charge par ses soins depuis juin 2013, le rapport d'expertise médicale établi sur pièces le 5 février 2018 par le docteur [G] pose une analyse contraire. Cet expert médical relève en effet que le 18 avril 2013 M. [N] a été victime d'un malaise sur le lieu du travail associé à des symptômes anxieux invalidants, qui selon lui 'préexistaient donc à la survenue du malaise et sont certainement à l'origine de celui-ci'. Il explique encore que M. [N] a été placé en invalidité 2ème catégorie le 21 août 2014 pour 'un état dépressif chronique', en conséquence de quoi cet état 'ne peut être attribué à un traumatisme, fut-il important et en l'occurrence pris d'un malaise sur le lieu du travail le 18 avril 2013". Le docteur [G] conclut enfin, rejetant l'analyse du docteur [T], que la demande de soins en date du 12 septembre 2017 'ne peut être une rechute de l'accident du travail du 18/04/2013, puisqu'il s'agit d'une décompensation d'un état mélancolique à la suite d'un arrêt de traitement par IMAO, lequel n'était pas en rapport avec l'accident du travail du 18/04/2013 mais bien avec un état mélancolique chronique indépendant de tout traumatisme'.

Cette analyse rejoint celle développée par le docteur [U], médecin conseil de la CPAM du PUY-DE-DOME.

La cour relève par ailleurs que selon le rapport d'expertise médicale sur pièces précité, le rapport d'évaluation des séquelles, réalisé en vue de la fixation de la date de consolidation et de la détermination des éventuelles séquelles indemnisables, mentionne qu' 'il avait été noté un état mélancolique antérieur présent avant l'AT pour lequel Monsieur [N] bénéficiait au 1er novembre 2014 d'une mise en invalidité catégorie 2". Or il n'est pas soutenu que les conclusions de ce rapport d'évaluation des séquelles rapportant l'existence d'un état mélancolique

antérieur à l'accident du travail aient fait l'objet d'une contestation de la part de l'assuré.

Tant le médecin conseil que l'expert désigné retiennent donc l'existence d'un état pathologique antérieur indépendant du traumatisme provoqué par un accident du travail.

L'analyse contraire développée par le docteur [T] ne contredit pas utilement ces conclusions puisque ce praticien admet ne pas être en mesure de fournir des informations sur l'état de santé antérieur à l'accident du travail.

Enfin, c'est de façon inopérante que pour tenter de démontrer l'absence de tout état antérieur préexistant à l'accident du travail M. [N] s'appuie sur la correspondance du docteur [M] adressée le 11 août 2014 au docteur [O], laquelle mentionne, au titre des antécédents médicaux, un ' burn out suivi d'une dépression'. D'une part, ce courrier émane d'un praticien du service de consultations de médecine interne du centre hospitalier universitaire de [Localité 5], dont il n'est pas établi qu'il ait assuré un suivi régulier de M. [N] lui permettant d'avoir accès à son entier dossier médical, et notamment aux éléments se rapportant à une période antérieure à l'accident du travail. D'ailleurs, ce médecin précise en introduction qu'il a vu en consultation ce patient le 23 juillet 2014 pour sensations de malaise, et non qu'il est en charge de son suivi médical. Dans ce contexte, il n'est pas avéré que la mention relative aux antécédents médicaux s'appuie sur des éléments extérieurs aux déclarations du patient lui même. En outre, aucune indication de date n'accompagne la mention du 'burn out suivi d'une dépression', rien n'excluant dès lors que ces antécédents se rapportent à une période antérieure à l'accident du travail pris en charge par la CPAM du PUY DE DOME le 10 juillet 2013.

Il résulte des considérations qui précèdent que M. [N] n'apporte pas aux débats d'éléments de nature à justifier une nouvelle expertise technique alors que l'avis du premier expert désigné est clair et argumenté.

C'est donc à raison, par un jugement qui sera confirmé, que le pôle social du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND, faisant une exacte application des dispositions de l'article L141-2 du code de la sécurité sociale, a rejeté la demande de nouvelle expertise formée par M. [N].

- Sur les dépens et les frais de l'article 700 du code de procédure civile :

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile et au vu de l'issue du litige, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] aux dépens de première instance.

Ce dernier devra également supporter les dépens afférents à la procédure d'appel qu'il a engagée, ce qui exclut qu'il soit fait droit à la demande qu'il présente sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Déboute M. [N] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne M. [N] aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02203
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.02203 ?
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