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07/06/2022 | FRANCE | N°19/02122

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 07 juin 2022, 19/02122


07 JUIN 2022



Arrêt n°

CV/SB/NS



Dossier N° RG 19/02122 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKBM



Organisme CAISSE D'ASSURANCES RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRA VAIL AUVERGNE (CARSAT)

/



[O]

[G],

SAS RANDSTAD

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseill

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En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Organisme CAISSE D'ASSURANCES RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRA VAIL AUVERGNE (CAR...

07 JUIN 2022

Arrêt n°

CV/SB/NS

Dossier N° RG 19/02122 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKBM

Organisme CAISSE D'ASSURANCES RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRA VAIL AUVERGNE (CARSAT)

/

[O]

[G],

SAS RANDSTAD

Arrêt rendu ce SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Organisme CAISSE D'ASSURANCES RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRA VAIL AUVERGNE (CARSAT) agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandrine BACIGALUPI suppléant Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

Mme [O] [G]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Julie-Eléna NIELS suppléant Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

SAS RANDSTAD Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle GOETZ de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON - et par Me Isabelle MOULINOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEES

Après avoir entendu Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 07 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 10 mai 2022, par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 07 juin 2022 conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [O] [G] a été mise à la disposition de l'organisme Caisse d'Assurances Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT) Auvergne par la SAS RANDSTAD, entreprise de travail temporaire, dans le cadre d'un premier contrat de mission conclu du 03 septembre au 31 décembre 2018, renouvelé par un avenant du 29 décembre 2018 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019.

Le motif de recours au contrat de mission était le remplacement pour absence de Mme [W] [B], technicienne non cadre.

Le 07 mai 2019, ce premier contrat de mission a été rompu de manière anticipée par la SAS RANDSTAD pour des 'raisons administratives'.

Un deuxième contrat de mission a été conclu avec Mme [G] pour la période du 7 mai au 31 octobre 2019, le motif de recours invoqué étant désormais un accroissement temporaire d'activité résultant de la mise en place d'un nouveau logiciel de gestion de paie, et plus globalement des ressources humaines, dénommé SIRHIUS.

Le 29 juillet 2019, soit pendant l'exécution de son contrat de mission, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont- Ferrand d'une action en requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et paiement des indemnités afférentes.

Par jugement du 28 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Clermont- Ferrand a :

- dit et jugé recevables et en partie bien fondées les réclamations présentées par Mme [G] ;

- pris acte que l'organisme CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD reconnaissent que la relation contractuelle avec Mme [G] s'inscrit dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée;

- requalifié la relation contractuelle en qualité de technicienne non cadre au service des relations humaines entre Mme [G] et la CARSAT Auvergne en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2018;

- condamné en conséquence la CARSAT Auvergne à payer à Mme [G] la somme de 2.000 euros au titre de l'indemnité de requalification;

- condamné in solidum la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD à payer à Mme [G] les sommes suivantes:

* 3.000 euros en réparation du préjudice subi, outre intérêts de droit à compter du prononcé du jugement avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales;

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rappelé qu'aux termes de l'article D. 1251-3 du code du travail, le présent

jugement est exécutoire de droit à titre provisoire;

- débouté la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD de leurs demandes reconventionnelles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnées aux frais et dépens.

Le 5 novembre 2019, la CARSAT Auvergne a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 30 octobre 2019.

La relation contractuelle s'est poursuivie entre Mme [G] et la CARSAT Auvergne jusqu'au 31 janvier 2020, date de son licenciement pour motif économique.

La procédure d'appel a été clôturée le 7 février 2022 et l'affaire appelée à l'audience de la chambre sociale du 07 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 29 juillet 2020, la CARSAT Auvergne demande à la cour de :

* A titre principal:

- requalifier sa relation contractuelle avec Mme [G] en contrat à durée indéterminée, en tirer les conséquences indemnitaires et fixer les dommages et intérêts à allouer à celle- ci;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [G] la somme de 2.000 euros au titre de l'indemnité de requalification de ses contrats de mission en un contrat à durée indéterminée et réduire cette indemnité à la somme de 1.627.21 euros;

* A titre subsidiaire:

- en cas de poursuite de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, prendre acte que le poste de technicienne non cadre est pourvu, que deux postes de technicien MRD Déclarations Sociales et de Technicien PCS-ARCHIVES proposés à Mme [G] ont été refusés par cette dernière et qu'une procédure de licenciement pour motif économique est envisagée à son encontre;

* En tout état de cause:

- infirmer le jugement et rejeter la condamnation de la SAS RANDSTAD et de la CARSAT Auvergne in solidum à payer à Mme [G] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre intérêts de droit à compter de la demande avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales, ou subsidiairement les diminuer à de plus justes proportions;

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.

La CARSAT Auvergne reconnaît l'erreur sur le motif invoqué dans le premier contrat de mission et ne disconvient pas que la salariée remplacée occupait un autre emploi que celui pourvu par Mme [G].

Elle soutient que le motif du second contrat de mission, à savoir l'accroissement temporaire d'activité, était en revanche fondé du fait d'un besoin de renfort temporaire au sein du service du personnel de la CARSAT, consécutif à la mise en place d'un nouveau logiciel de gestion de paie et des ressources humaines.

Elle précise que lorsqu'elle a réalisé l'erreur de motif affectant le premier contrat, elle en a informé la société RANDSTAD qui a proposé un nouveau contrat de mission à Mme [G], mentionnant le motif exact; qu'au regard des dysfonctionnements provoqués par le nouveau logiciel, le motif d'accroissement temporaire d'activité n'était en rien fallacieux et ne résulte aucunement d'une entente frauduleuse, non démontrée, entre elle et la société RANDSTAD.

Elle reconnaît que la relation contractuelle doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée mais que l'action en requalification ne peut permettre la poursuite de la relation contractuelle au- delà du terme prévu par le contrat de mission; que la salariée ne peut donc obtenir, comme elle l'entend, le maintien dans son emploi au-delà du terme prévu dans le contrat.

La CARSAT argue que le droit à l'emploi n'est pas une liberté fondamentale permettant d'imposer à l'employeur la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de la mission de travail temporaire.

Elle ajoute que le droit de choisir un salarié pour l'employeur est une liberté et que le maintien de la salariée serait ainsi une atteinte à ce droit. Elle en déduit que la salariée ne pouvait obtenir le maintien dans son emploi mais uniquement une indemnité de requalification et des dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 4 février 2022, la SAS RANDSTAD conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de:

- juger que l'indemnité de requalification doit être fixée à un mois de salaire;

- juger qu'aucun préjudice n'est démontré pour justifier la demande de dommages et intérêts sollicitée par Mme [G];

- juger non fondée la demande de condamnation solidaire de la SAS RANDSTAD et de la CARSAT;

- débouter en conséquence Mme [G] de ses demandes à son encontre;

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS RANDSTAD expose que la CARSAT l'ayant informée du caractère erroné du motif de recours au travail temporaire, elle a décidé de rompre de manière anticipée le contrat de mission conclu pour le remplacement de Mme [B] et d'en établir un autre à compter du 07 mai 2019 au motif d'un accroissement temporaire d'activité.

Elle soutient qu'un salarié ne peut se prévaloir d'un droit à l'emploi lui permettant de justifier la poursuite de son contrat de travail au- delà du terme de la mission de travail temporaire en cas d'action en requalification en CDI; qu'ainsi, en cas de requalification, le salarié ne peut imposer à l'employeur la poursuite du contrat et ce, d'autant plus au sein de la CARSAT soumise à des procédures très strictes en matière de recrutements.

Elle fait ensuite valoir que la demande de condamnation in solidum n'est pas fondée; qu'en effet, une telle condamnation reviendrait à considérer que la salariée a eu sur la même période deux employeurs, ce qui est juridiquement impossible; qu'aucune condamnation solidaire ne peut être prononcée, Mme [G] ne rapportant la preuve d'aucun manquement de sa part ou de collusion frauduleuse avec l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de ses écritures notifiées le 2 avril 2020, Mme [G] conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ainsi qu'à la condamnation in solidum de la SAS RANDSTAD et de la CARSAT Auvergne à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.

Mme [G] fait essentiellement valoir que les motifs de recours aux contrats de mission étaient fallacieux et ne correspondaient pas à la réalité; qu'elle occupait un emploi permanent au sein de la CARSAT; que les premiers juges ont donc à bon droit requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 03 septembre 2018; que ni la CARSAT Auvergne, ni la société RANDSTAD ne contestent d'ailleurs cette requalification.

Elle précise qu'elle ne remplaçait pas Mme [B] qui, placée en invalidité depuis le 31 juillet 2015, occupait un poste à la direction comptable et financière, alors que la mission de remplacement concernait un poste au sein de la gestion administrative du personnel et ne comportait aucune tâche comptable; qu'en outre, l'absence de Mme [B] servait régulièrement de motif fallacieux à la CARSAT pour avoir recours à des contrats de travail temporaire; que s'étant plainte de cette situation au cours du mois de mars 2019 et devant le risque de requalification, l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice ont préféré rompre son contrat et lui en proposer un autre.

Elle objecte que le motif du recours énoncé dans le deuxième contrat est tout aussi fallacieux, le logiciel SIRHIUS ayant été mis en place et utilisé depuis le début de l'année 2018; que si un surcroît d'activité a pu être généré par sa mise en oeuvre en janvier 2018, il n'a pu perdurer jusqu'en mai 2019, plus de seize mois après; qu'en outre, les tâches qui lui étaient confiées n'avaient aucun lien avec ce nouvel outil; qu'en tout état de cause, que le second motif soit ou non fallacieux, la seule reconnaissance d'un faux motif pour le premier contrat d'intérim et son avenant suffit à requalifier l'ensemble de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.

Mme [G] explique par ailleurs que selon une jurisprudence constante, s'il est admis que le droit à l'emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au- delà de la mission de travail temporaire en cas d'action en requalification en CDI postérieure à la rupture du contrat, il en va autrement lorsque les juges du fond se prononcent lorsque le contrat n'est pas encore rompu, ce qui était le cas en l'espèce.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°- Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et ses conséquences :

Aux termes de l'article L. 1251- 5 du code du travail, 'le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.'

L'article L. 1251- 6 du même code précise que 'sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s'il existe;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (...)'.

L'article L. 1251- 40 énonce que 'lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.'

La requalification d'une succession de missions temporaires prend effet au premier jour de la première mission irrégulière et les contrats successifs ultérieurs relèvent alors de la même relation de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, il est constant que dans le cadre de contrats de mission signés avec l'entreprise de travail temporaire SAS RANDSTAD, Mme [O] [G] a été mise à la disposition de la CARSAT Auvergne comme suit:

- contrat n° 011699 établi le 04 septembre 2018 pour la période du 03 septembre au 31 décembre 2018 au motif de recours suivant : 'Remplacement du salarié absent Mme [B] [W], technicienne, Non cadre, remplacement pour partie des tâches';

- Avenant renouvelant le contrat précédent, établi le 03 janvier 2019 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019 au motif de recours suivant: 'Remplacement du salarié absent Mme [B] [W], technicienne, Non cadre, remplacement pour partie des tâches'.

Par courrier recommandé daté du 07 mai 2019, la SAS RANDSTAD a rompu le contrat de mission renouvelé 'pour des raisons administratives' et conclu avec Mme [G] un nouveau contrat de mission comme suit:

- contrat n° 012220 établi le 07 mai 2019 pour la période du 07 mai au 31 octobre 2019 au motif de recours suivant: 'Accroissement temporaire d'activité: renfort de personnel lié aux difficultés rencontrées suite à la mise en place du nouvel outil SIRHIUS'.

La CARSAT Auvergne reconnaît que le motif de recours au travail temporaire mentionné dans le premier contrat de mission et son avenant était inexact.

Il s'ensuit que Mme [G] était fondée à faire valoir auprès de l'appelante les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

La juridiction prud'homale a donc à bon droit requalifié la relation de travail liant Mme [G] à la CARSAT Auvergne en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 03 septembre 2018.

La CARSAT qui, dans le dispositif de ses écritures, demande à titre principal la requalification de la relation contractuelle avec Mme [G] en contrat à durée indéterminée, sollicite en définitive la confirmation du jugement déféré sur ce point.

Elle semble en revanche reprocher aux premiers juges d'avoir indiqué dans le dispositif du jugement la nature de l'emploi attribué à Mme [G], à savoir technicienne non cadre au service des relations humaines, et conteste par ailleurs la durée indéterminée de la requalification de la relation de travail.

S'agissant du premier point relatif à la mention de la nature de l'emploi, elle demande à la cour à titre principal, de la condamner à payer des dommages et intérêts à Mme [G], à titre subsidiaire de prendre acte que le poste de technicienne non cadre est pourvu, que Mme [G] a refusé deux propositions de postes de technicien MRD Déclarations sociales et technicien PCS et qu'une procédure de licenciement pour motif économique est envisagée à son encontre.

Elle explique qu'eu égard aux contraintes de recrutement s'imposant à elle en tant que gestionnaire d'un service public financé par des recettes sociales et fiscales, elle se trouve dans l'impossibilité de proposer à Mme [G] un emploi de technicienne non cadre en CDI, le financement d'un tel emploi n'ayant pas été budgété.

En premier lieu, la cour ne peut condamner la CARSAT Auvergne à payer à la salariée, qui ne forme aucune demande, des dommages et intérêts pour l'indemniser de l'impossibilité de lui proposer un emploi de technicienne non cadre.

En second lieu, outre le fait qu'une demande de prise d'acte ne constitue pas une prétention au sens du code de procédure civile, la contestation sur la mention de la nature de l'emploi devant être attribué à Mme [G] dans le dispositif du jugement déféré est en tout état de cause devenue sans objet puisque l'intéressée a été licenciée pour motif économique le 31 janvier 2020. La cour ne développera donc pas davantage sur ce point.

S'agissant ensuite de la contestation relative à la poursuite du contrat de travail au- delà du terme prévu dans le contrat de mission, la CARSAT, se prévalant d'un arrêt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation le 21 septembre 2017 (pourvois n° 16-20.270 et 16-20.277), fait valoir que le droit à l'emploi, résultant de l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946, ne constitue pas une liberté fondamentale justifiant que la poursuite des relations contractuelles puisse être imposée à l'employeur après le terme de la mission.

La jurisprudence invoquée par l'appelante et la SAS RANDSTAD est toutefois inopérante en ce qu'elle concerne une action en requalification d'une relation de travail en contrat à durée indéterminée postérieure à la rupture du contrat. La cour de cassation rappelle simplement qu'il n'existe pas de droit à réintégration du salarié dans son emploi lorsque la relation de travail est rompue, sauf lorsque la nullité de la rupture est encourue pour violation d'un droit fondamental.

En revanche, il est de jurisprudence constante que la relation de travail se poursuit au delà du contrat à durée déterminée lorsque la demande de requalification intervient pendant le cours de la relation de travail. La solution inverse priverait le salarié de l'effectivité de son droit à demander une requalification.

C'est donc à bon droit que la juridiction prud'homale, faisant application des dispositions sus- rappelées de l'article L. 1251- 40 du code du travail, a, en accueillant la demande de requalification, implicitement imposé la poursuite de la relation de travail qui était toujours en cours entre les parties au moment de sa saisine.

Le jugement déféré sera donc entièrement confirmé en ce qu'il a 'requalifié la relation contractuelle en qualité de technicienne non cadre au service des relations humaines entre Mme [G] et la CARSAT Auvergne en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 03 septembre 2018".

2°- Sur la demande en paiement de l'indemnité de requalification :

Aux termes de l'article L.1251-41 du code du travail, s'il est fait droit à la demande de requalification du salarié d'un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, il lui est accordé une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de requalification est le dernier salaire mensuel brut perçu par le salarié avant la saisine de la juridiction.

Il n'est pas discuté que le salaire brut mensuel moyen de Mme [G] était de 1.627,21 euros.

Au regard de l'inexactitude manifeste du motif de recours figurant sur le premier contrat de mission, la cour estime que la juridiction prud'homale a fait une exacte appréciation du préjudice subi par la salariée en fixant l'indemnité de requalification à la somme de 2.000 euros.

Le jugement déféré mérite donc encore confirmation sur ce point.

3°- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :

A l'appui de cette demande, Mme [G] soutient que :

- lors de la signature de son premier contrat de mission, le directeur de la CARSAT l'a informée qu'un contrat de travail à durée indéterminée serait à pourvoir à l'issue du contrat de mission en décembre 2018, et que forte de cette promesse, elle a refusé plusieurs opportunités de contrat à durée indéterminée;

- que la CARSAT et la SAS RANDSTAD se sont entendues pour rompre le premier contrat de mission de manière anticipée et lui en proposer un autre, dont le motif de recours, à savoir un accroissement temporaire d'activité, était tout aussi fallacieux.

La salariée explique que ces agissements l'ont maintenue dans une situation professionnelle précaire et sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la CARSAT et la SAS RANDSTAD à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mme [G] ne produit aucun élément probant de nature à établir l'existence d'une promesse d'embauche pérenne par la CARSAT d'une part, la perte d'opportunités de conclusions de contrats à durée indéterminée d'autre part, de sorte que le premier grief invoqué sera écarté.

S'agissant ensuite de l'entente illicite de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice pour proposer un nouveau contrat de mission fondé sur un motif sciemment fallacieux, les pièces produites aux débats ne permettent pas d'affirmer, à l'instar des premiers juges, que le motif de recours à l'intérim mentionné sur le second contrat de mission, à savoir 'accroissement temporaire d'activité renfort de personnel lié aux difficultés rencontrées suite à la mise en place du nouvel outil SIRHIUS' ne 'repose sur aucune réalité'.

La CARSAT démontre que la mise en place de ce nouveau logiciel de paie en janvier 2018 a provoqué de nombreux dysfonctionnements, notamment dans l'établissement des paies et la gestion des ressources humaines, et que ceux- ci perduraient encore dans des proportions importantes en avril 2019 (Cf pièces n° 19, 20, 21, 26 et 27), de sorte que le caractère fallacieux ou mensonger du motif de recours au travail temporaire mentionné sur le second contrat de mission conclu le 07 mai 2019 n'est pas établi.

Au surplus, Mme [G] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà indemnisé par l'indemnité de requalification et l'indemnité de fin de mission.

La cour infirme en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

4°- Sur les frais irrépétibles et dépens :

La CARSAT Auvergne, partie qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamnée à supporter seule les frais irrépétibles alloués à Mme [G] en première instance, en sus des dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code précité en cause d'appel, outre les entiers dépens.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD à indemniser Mme [G] de ses frais irrépétibles et dépens.

Eu égard à la nature du litige, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la SAS RANDSTAD la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera donc déboutée de ce chef de demande dirigé contre Mme [G].

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD à payer à Mme [G] les sommes suivantes:

- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts de droit à compter du prononcé du jugement et capitalisation des intérêts conformément aux règles légales;

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens de première instance;

Statuant à nouveau sur ces chefs,

Déboute Mme [G] de sa demande en paiement de dommages et intérêts;

Condamne la CARSAT Auvergne à payer à Mme [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des dépens de première instance;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;

Y ajoutant,

Déboute la CARSAT Auvergne et la SAS RANDSTAD de leur demande respective en indemnisation de leurs frais irrépétibles en cause d'appel;

Condamne la CARSAT Auvergne à payer à Mme [G] la somme de 2.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel;

Condamne la CARSAT Auvergne aux entiers dépens d'appel;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02122
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.02122 ?
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