31 MAI 2022
Arrêt n°
FD/SB/NS
Dossier N° RG 20/00840 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FNLI
AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES AFPA,
SOCIETE D'ASSURANCE [11]
/
[F] [D], [R] [D], [O] [D]
,
CPAM DE L'ALLIER
Arrêt rendu ce TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
Mme Karine VALLEE, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
AGENCE NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES AFPA
[Adresse 14]
[Localité 2]
Représentée par Me Antoine DOUET, avocat au barreau de MONTLUCON
SOCIETE D'ASSURANCE [11]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Antoine DOUET, avocat au barreau de MONTLUCON
APPELANTES
ET :
M. [F] [D]
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représenté par Me Michel PRADILLON de la SELARL PRADILLON AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de MONTLUCON
Mme [R] [D] és qualité de tutrice de son fils [F]
[Adresse 13]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel PRADILLON de la SELARL PRADILLON AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de MONTLUCON
M. [O] [D] és qualité de tuteur de son frére [F]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Michel PRADILLON de la SELARL PRADILLON AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de MONTLUCON
CPAM DE L'ALLIER
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Thomas FAGEOLE de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
Après avoir entendu Mme DALLE, conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 28 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Madame le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant convention en date du 17 avril 2012, l'établissement ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA), représentée alors par sa directrice territoriale, domiciliée au centre AFPA de [Localité 2], la SARL [10] et Monsieur [F] [D] ont convenu d'un stage d'application de 15 jours commençant à courir le 25 avril 2012 dans le cadre de la préparation du diplôme « pré-pro-bâtiment niveau V ».
Le lundi 30 avril 2012, Monsieur [F] [D] a été victime d'une chute en descendant d'une échelle, sa tête heurtent le sol, le tout entraînant des conséquences physiques très importantes. Sa mère, Madame [R] [D], a été désignée en qualité de tutrice par jugement du 10 octobre 2012 puis son frère, Monsieur [O] [D], lui a succédé dans cette mission par jugement du 11 septembre 2017.
Par lettre recommandée en date du 7 décembre 2012, Monsieur [F] [D], représenté par Madame [D], agissant en qualité de tutrice de son fils, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, l'établissement AFPA.
Une procédure de référé, engagée après la saisine au fond du tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS, a conduit à la désignation du Professeur [H] en qualité d'expert.
Par rapport du 24 mai 2013, l'expert a conclu à l'absence de consolidation de l'état de santé de Monsieur [F] [D] au jour de l'expertise.
Un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 22 août 2016 a retenu que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [F] [D], le 30 avril 2012, résulte d'une faute inexcusable de son employeur, l'établissement AFPA. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de RIOM en date du 27 juin 2017. Le pourvoi formé à l'encontre de cette décision a été rejeté selon décision du 8 novembre 2018.
La décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS ayant ordonné une mesure d'expertise, le Docteur [H] a déposé son rapport le 20 mars 2018 dans lequel il arrête les préjudices de Monsieur [F] [D], en indiquant que sa consolidation peut être fixée au 24 avril 2015.
Monsieur [F] [D], représenté par Monsieur [O] [D], agissant en qualité de tuteur de son frère, a présenté une demande au pôle social du tribunal de grande instance de MOULINS le 23 avril 2019 d'arrêter son préjudice comme demandé dans ses conclusions.
A compter du 1er janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Moulins a succédé au pôle social du tribunal de grande instance de Moulins, auquel avaient été transférées sans formalités à compter du 1er janvier 2019 les affaires relevant jusqu'à cette date de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Allier.
Par jugement en date du 22 juin 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de MOULINS a :
- dit que Monsieur [F] [D] bénéficiera de la majoration de la rente ou du capital qui lui a été alloué au maximum légal;
- fixé le préjudice indemnisable de Monsieur [F] [D] résultant de cette faute inexcusable comme suit :
* Attendu qu'au regard de ce qui précède, la juridiction retient les points suivants :
* déficit fonctionnel temporaire total : 28175 euros ;
* déficit fonctionnel temporaire partiel : 8 610 euros ;
* souffrances physiques ou morales endurées : 80 000 euros ;
* préjudice esthétique temporaire : 20 000 euros ;
* préjudice esthétique permanent : 40 000 euros ;
* préjudice d'agrément : 40 000 euros ;
* préjudice sexuel : 50 000 euros ;
* préjudice d'établissement : 70 000 euros ;
* préjudice professionnel : 50 000 euros ;
* frais de télévision : 992,80 euros ;
* frais d'ergothérapeute engagés et justifies : 2 300 euros ;
* arrérages de frais de santé engagés et justifiés 1 454,73 euros ;
* frais d'ergothérapeute à venir 120 432 euros ;
* frais médicaux non pris en charge à venir 60 120,60 euros ;
* frais tierce personne avant consolidation 51 925,68 euros (30 % en capital);
* frais futurs lit sans matelas (10 ans) : 3 532,81 euros ;
* frais futurs matelas 6 266,86 euros ;
* frais futur fauteuil roulant (7 ans) 172 803,19 euros (rejet pour roues et batteries) ;
* frais échus et futurs adaptation véhicule (7 ans) : Frais échus 12 305 ,90 euros ; Frais futurs : 102 154, 25 euros ;
- rejeté les demandes présentées au titre du déficit fonctionnel permanent, des préjudices permanents exceptionnels, des frais de déplacement, des frais de pédicure engagés et futurs, frais massage, des frais tierce personne après consolidation, des frais de logement adapté et des frais achat vélo de rééducation.
- dit que la CPAM DE L'ALLIER fera 1'avance de ces sommes à Monsieur [F] [D] en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée, et ce dans les conditions suivantes :
* la somme de 407 110,23 euros en capital, sous réserve des provisions à déduire ;
* la somme de 513 963,58 euros sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 1 036,55 euros au 5 de chaque mois ;
- dit que les sommes versées en capital porteront intérêts au taux légal au bénéfice de Monsieur [F] [D] à compter de la présente décision et, s'agissant des sommes versées sous forme de rente, à compter de leur échéance.
- dit que la CPAM DE L'ALLIER est fondée à solliciter le remboursement de 1'ensemble des sommes avancées par elle au titre de l'expertise, au titre des préjudices nés de la faute inexcusable ainsi que de la majoration de la rente, auprès de l'AFPA, et le cas échéant son assureur, et ce avec intérêts au taux légal à compter du jour du versement des sommes allouées à Monsieur [F] [D] ;
- déclaré le présent jugement commun et opposable à la CPAM DE L'ALLIER ;
- condamné in solidum, l'AFPA et la compagnie la [11], assureur de 1'AFPA, à payer à Monsieur [F] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- condamné in solidum, l'AFPA et la compagnie la [11], assureur de l'AFPA aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les dépens de la procédure de référé et dit que les dépens de l'instance de référé ne comprendront pas les frais d'expertise qui seront pris en charge par la CPAM DE L'ALLIER ;
- rappelé que dans le mois de réception de la notification chacune des parties peut interjeter appel par déclaration faite au greffe de la Cour d'Appe1 de RIOM -- [Adresse 4] accompagnée d°une copie de la décision, ou adressée par pli recommandé à ce même greffe (article R.142-28 du Code de la Sécurité Sociale modifié par le décret N° 2004-836 du 20 août 2004).
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 13 juillet 2020, l'établissement AFPA et la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11] ont interjeté appel de ce jugement notifié le 24 juin 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières écritures notifiées le 28 mars 2022, oralement reprises, l'établissement AFPA et la mutuelle SOCIETE D'ASSURANCE [11] demandent à la cour de:
- dire et juger que seuls les postes de préjudice non réparés par le livre IV du Code de la Sécurité Sociale peuvent faire l`objet d`une indemnisation par la Cour d`Appel et en conséquence :
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé le déficit fonctionnel temporaire total a 28175 euros et en conséquence, fixer celui-ci à 20125 euros ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé le déficit fonctionnel temporaire partiel et 8 610 euros et fixer celui-ci à 6 l50 euros ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu"il a fixé le préjudice professionnel à 50 000 euros et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] de toutes les demandes présentées au titre de ce poste ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a fixe les frais d'ergothérapeute à 120 432 euros et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] des demandes présentées au titre de ce poste ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu`il a fixé les frais médicaux non pris en charge a venir à 60 120,60 euros et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble des demandes présentées au titre de ce poste ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé les frais d'ergothérapeute engagés et justifiés à 2 300 euros et en conséquence débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes pour ce poste ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé les arrérages de frais de santé engagés et justifiés à 1 454,73 euros et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes ;
- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a fixé les frais futurs du lit sans matelas à 3 532,81 euros et en conséquence débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre de ce poste ;
- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a fixé les frais futurs du matelas à 6 266,86 euros et en conséquence débouter Monsieur [F] [D] de ses demandes ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu`il a fixé les frais futurs du fauteuil roulant à 172 803,19 euros et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] de ses demandes au titre de ce poste de préjudice ;
- réformer le jugement de première instance en ce qu`il a fixé les frais échus et futurs d'adaptation de véhicule à 12 305,90 euros et 102 054,25 euros et débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre de ces deux postes de préjudice ;
- confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence, débouter Monsieur [F] [D] de l'intégralité de ses demandes de réformation sur les postes de préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent, au titre des préjudices permanents et atypiques, au titre des frais de pédicure et arrérages de frais de santé engagés depuis le 31 mai 2014 jusqu`au 30 mai 2019, au titre des frais d'ergothérapeute pour la période comprise entre le 31 mai 2014 et le 30 mai 2019, pour les frais médicaux engagés entre mai 2014 et mai 2019, pour les séances de pédicure et les séances de massage au titre des frais de santé à venir, pour les frais médiaux non pris en charge après capitalisation, peur les frais liés à la tierce personne au titre de la période post consolidation, pour les frais de logement adaptés et le financement d`une construction, pour les demandes de capitalisation, pour changement de roue et batterie du fauteuil roulant électrique et pour la prise en charge du vélo de rééducation ;
- statuer ce que de droit sur la demande présentée par la CPAM DE L'ALLIER ;
- dire que chaque partie conservera la charge des dépens qu'il a exposés devant la Cour.
L'établissement AFPA et la mutuelle SOCIETE D'ASSURANCE [11] soutiennent tout d'abord que seuls les postes de préjudice non réparés par le livre IV du code de la sécurité sociale peuvent être indemnisés. Ils s'opposent en conséquence à l'octroi d'une indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles et futures au regard de la prise en charge des dépenses de santé dans le cadre du livre IV du code de la sécurité sociale. Concernant le préjudice lié à l'incidence professionnelle, ils affirment que les sommes réclamées à ce titre ne peuvent non plus être prises en charge puisque ce poste de préjudice est déjà réparé par le même livre IV du code de la sécurité sociale.
Concernant les frais de matériels et de véhicule adaptés, ils font valoir que le lit, le fauteuil électrique et le vélo de rééducation ne peuvent pas être pris en charge car il s'agit de dépenses de santé futures qui sont déjà réparées par le livre IV du code de la sécurité sociale. S'agissant du véhicule aménageable, seule la prise en charge de l'adaptation du véhicule peut être
financée. Ils indiquent en outre que la fréquence de renouvellement fixée à 4 ans apparaît non conforme a la jurisprudence habituelle. Ils soulignent que ce véhicule va être peu utilisé compte tenu de la situation physique de Monsieur [F] [D] et qu'en tout état de cause, le changement moyen d'un véhicule n'est pas de 4 ans mais d'environ tous les 10 ans.
Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, ils font valoir qu'une indemnisation sur la base de 25 euros par jour doit être retenue.
Ils demandent enfin la confirmation des sommes fixées par le juge de première instance dont ils n'ont pas relevé appel.
Par ses dernières écritures notifiées le 28 mars 2022, oralement reprises, Monsieur [F] [D], Monsieur [O] [D] et Madame [R] [D] demandent à la cour de :
- débouter [11] et AFPA ainsi que la CPAM DE L'ALLIER de leur appel et confirmer le Jugement du 22 juin 2020 en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] :
- Au titre des préjudices extra patrimoniaux contestés par la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11] et l'établissement AFPA :
* 28 175 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total en capital ;
* 8 610 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel en capital ;
* 50 000 euros au titre de l'incidence professionnel en capital ;
* 120 432 euros au titre des frais d'ergothérapeute en rente ;
* 3 532.81 euros pour le lit en rente ;
* 6 266.86 euros pour le matelas pneumatique en rente ;
* 172 803.19 euros pour le fauteuil électrique en rente ;
* 12 305.90 euros en capital et 102 154.25 euros en rente pour le véhicule aménagé ;
- juger recevable l'appel partiel des consorts [D] et réformer le Jugement sur les points contestés ;
- allouer en conséquence à Monsieur [F] [D] représenté par ses tuteurs :
- au titre des préjudices extra patrimoniaux :
* 950 000 euros pour l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ;
* 50 000 euros pour les préjudices permanents exceptionnels ou atypiques;
- au titre des préjudices patrimoniaux :
* arrérage de frais de santé :
* pédicure : 2 040 euros ;
* ergothérapie : 22 500 euros ;
* frais médicaux engagés et non pris en charge par le Livre IV : 26 027.65 euros ;
* frais de santé à venir :
* pédicure : 85 828.92 euros ;
* frais médicaux ' produits pharmaceutiques hors Livre IV : 217 750.07 euros ;
* masseur : 45 438.84 euros ;
* tierce personne postérieure à la consolidation : 2 067 467.22 euros soit
30% en capital 620 240.16 euros et 70% en rente sur un capital de 1 447 227.06 euros ;
* frais de logement adapté : mémoire ;
* frais de batteries : 19 568.58 euros ;
* frais pharmaceutiques : 17 972.75 euros ;
* frais de vélo de rééducation : 32 732.79 euros ;
* frais de logement adapté : 184 344.52 euros incluant le coût des adaptations spécifiques. ;
Ainsi et à titre principal,
- confirmer le Jugement en ce qu'il a attribué à Monsieur [F] [D] à titre de capital convertible en rente viagère, sauf à en modifier les quantums après réexamen du poste par la Cour d'Appel sur l'appel des consorts [D] :
* frais d'ergothérapeute à venir capitalisés à 120 432 euros ;
* frais médicaux à venir non pris en charge capitalisés à : 349 017.83 euros (85 828.92 euros + 217 750.07euros + 45 438.84euros) ;
* frais de tierce personne avant consolidation : 36 347.97 euros ;
* frais de tierce personne postérieur à consolidation : 1 447 227.06 euros (2 067 467.22 ' 620 240.16) ;
* frais futur du lit médicalisé hors matelas : 3 532.81 euros ;
* frais futurs du matelas : 6 266.81 euros ;
* frais futur d'adaptation du véhicule : 102 154.25 euros ;
* frais futurs du fauteuil roulant : 172 803.19 euros ;
* frais de batteries : 19 568.58 euros ;
* frais de pneumatiques : 17 972.75 euros ;
* frais de vélo de rééducation : 32 732.79 euros ;
- soit une somme capitalisée à 2 308 055.60 euros ;
- allouer à Monsieur [F] [D] en capital :
- préjudices extra patrimoniaux :
* déficit fonctionnel temporaire total : 28 175 euros ;
* déficit fonctionnel temporaire partiel : 8 610 euros ;
* déficit fonctionnel permanent : 950 000 euros en capital ;
* incidence professionnelle : 50 000 euros en capital ;
* préjudice permanent exceptionnel ou atypique : 50 000 euros en capital ;
- préjudices patrimoniaux :
- arrérages des frais de santé :
* pédicure : 2 040 euros ;
* ergothérapeute : 22 500 euros ;
* produits pharmaceutique et de confort : 25 867.65 euros ;
* tierce personne en capital (51 925.68 euros - 36 347.97 euros) = 15 577.71 euros ;
* tierce personne à charge en capital : 620 240.16 euros ;
* frais de logement adapté : 184 344.52 euros TTC ;
- ont été versés à Monsieur [F] [D] au titre de l'exécution provisoire la somme de 357 110.23 euros (provision de 50 000 euros déduite) à valoir en priorité sur les postes non contestés des préjudices extra patrimoniaux (souffrances endurées : 80 000 euros, préjudice esthétique permanent : 40 000 euros, préjudice esthétique temporaire : 20 000 euros, préjudice d'agrément : 40 000 euros, préjudice sexuel : 50 000 euros, préjudice d'établissement : 50 000 euros) et patrimoniaux (TV 992.80 euros) ;
- dire que les sommes allouées en capital porteront intérêts au taux légal à compter de l'Arrêt à intervenir ;
Subsidiairement,
- allouer à Monsieur [F] [D] et à défaut de conversion en rente, le capital de 2 308 055.60 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir (120 433 euros d'ergothérapeute, 85 828.92 euros de pédicure, 217 750.07 euros de produits pharmaceutique, 45 438.84 euros de masseur, 1 447 227.06 euros de tierce personne, 3 532.81 euros de lit, 6 266.91 euros de matelas, 102 154.25 euros d'adaptation du véhicule, 172 803.19 euros de frais et fauteuil roulant, 19 568.58 euros de batterie, 17 972.75 euros de bureautique et de 32 732.79 euros de vélo) ;
- condamner en outre la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11] et l'établissement AFPA solidairement à porter et payer la somme de 5 000 euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile et condamner sous la même solidarité la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11] et l'établissement AFPA aux dépens.
Monsieur [O] [D] soutient tout d'abord que la CPAM DE L'ALLIER émet de nouvelles prétentions en totale contradiction avec sa position de première instance et qu'elles sont dès lors irrecevables. Subsidiairement, il fait valoir que s'il est donné crédit à la CPAM DE L'ALLIER dans sa position devant la cour, ses arguments devront être alors écartés.
Concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, il sollicite la confirmation de ce poste.
Concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, Monsieur [F] [D] présente un taux exceptionnel de 95%. Ce déficit doit être indemnisé par un capital versé dans l'immédiateté et non pas dans la durée d'une rente en raison de la spécificité de l'accident du travail.
Concernant l'indemnisation des préjudices causés par les souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement, il n'y a pas eu d'appel de part et d'autre.
Concernant le préjudice lié à l'incidence professionnelle, Monsieur [O] [D] fait valoir que son frère a subi une perte certaine de toutes possibilités de promotions professionnelles et de promotions sociales grâce au travail et à la formation qu'il était en train d'acquérir. Il sollicite dès lors la confirmation du jugement de première instance de ce chef.
Concernant les préjudices permanents exceptionnels ou atypiques liés au déficit fonctionnel permanent, Monsieur [O] [D] fait valoir que Monsieur [F] [D] est parfaitement conscient de la gravité de son état, de son handicap et de sa paralysie. Il soutient que cette conscience est démontrée par l'ensemble des soignants qui ont des relations quotidiennes avec celui-ci. Pour protéger financièrement Monsieur [F] [D] en cas d'absence ou de défaillance de Monsieur [O] [D] ou de Madame [D], le préjudice permanent exceptionnel de ce premier doit être indemnisé.
Concernant l'indemnisation des frais de télévision et des frais de déplacement, il n'y a pas eu d'appel de part et d'autre sur ce poste.
Concernant l'indemnisation des arrérages de frais de santé, Monsieur [D] sollicite l'allocation d'une rente permettant d'assurer des soins à vie pour Monsieur [F] [D]. Il indique verser aux débats des éléments qui démontrent la nécessité de la réalisation de soins très importants à l'égard de Monsieur [F] [D].
Concernant l'indemnisation des frais liés à la tierce personne, il soutient que le montant alloué par le jugement en première instance est en réalité inadapté au coût réel généré par la tierce personne et rappellent que l'état de santé de Monsieur [F] [D] nécessite une attention quotidienne, importante et de chaque instant.
Concernant l'indemnisation relative au logement nécessaire et aux frais d'adaptation et d'aménagement, il indique qu'au visa de la jurisprudence, l'aménagement du logement de la victime n'entre pas dans le livre IV du code de la sécurité sociale. Il ajoute que Monsieur [F] [D] réside chez sa mère, dans un logement inadapté. Il soutient qu'il est démontré la réelle nécessité pour lui d'accéder à une maison indépendante adaptée à son état de santé et que les coûts d'aménagement PMR doivent être supportés par l'employeur et par la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11].
Concernant l'indemnisation des frais de matériels et véhicules adaptés, Monsieur [D] sollicite le règlement viager de ce capital. Il fait valoir que l'indemnisation relative à un matelas adapté n'est pas contestée par les parties adverses et affirme qu'il doit être changé tous les trois ans car fragile. Il indique en outre qu'il est démontré par les pièces versées aux débats qu'un fauteuil électrique est nécessaire et parfaitement adapté à l'état de santé de Monsieur [F] [D]. Il sollicite ainsi la confirmation du jugement de première instance relativement à l'indemnisation de ce fauteuil par le biais d'un capital converti en rente. S'agissant des pneus et des batteries électriques de ce fauteuil, il rappelle l'importance de l'allocation d'une somme à ce titre car ces éléments doivent être changés régulièrement. Dès lors il demande l'infirmation du jugement de première instance de ce chef. Concernant le vélo de rééducation, il sollicite la prise en charge et la capitalisation de cet appareil, lequel est utilisé quotidiennement pour permettre certains gestes et mouvements bénéfiques aux articulations de Monsieur [F] [D]. Il sollicite en outre la prise en charge et la capitalisation d'un véhicule aménagé, absolument nécessaire à ses déplacements et nécessitant un suivi et un entretien spécifique.
Monsieur [D] demande ensuite la condamnation de l'employeur et de la mutuelle SOCIETE D'ASSURANCE [11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [D] demande enfin et subsidiairement que soit alloué à Monsieur [F] [D] en capital les sommes dont la CPAM DE L'ALLIER conteste la conversion en rente.
Par ses dernières écritures notifiées le 28 mars 2022, oralement reprises, la CPAM DE L'ALLIER demande à la cour de :
- déclarer le recours de la CPAM DE L'ALLIER recevable ;
- constater que les frais futurs liés aux dépenses de santé sont pris en charge par la CPAM DE L'ALLIER au moment des demandes effectives ;
- constater que Monsieur [F] [D] ne peut pas demander réparation à l'employeur des frais futurs liés aux dépenses de santé au titre de la faute inexcusable ;
- constater que Monsieur [F] [D] ne peut pas demander réparation à l'employeur du préjudice professionnel via une indemnité en capital en ce que ce poste de préjudice est déjà indemnisé à travers la rente majorée qui lui est versée ;
- reformer la décision rendue en première instance quant à la somme de 563.963,58 euros et annuler le versement de cette somme ;
- débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes relatives aux frais futurs ;
- condamner la partie succombant aux entiers dépens.
La CPAM DE L'ALLIER soutient tout d'abord que ses demandes sont recevables car il n'y a pas de demande nouvelle comme le prétend Monsieur [D].
La CPAM DE L'ALLIER sollicite ensuite l'annulation de la somme de 513.963,58 euros qu'elle devait verser à Monsieur [F] [D] sous la forme d'une rente viagère. Elle expose que cette rente a déjà été attribuée et majorée à son maximum par le jugement de première instance. Monsieur [F] [D] ne peut donc pas percevoir une seconde rente viagère pour le même accident du travail.
La CPAM DE L'ALLIER sollicite enfin l'annulation de la somme de 50.000 euros qu'elle devait verser à Monsieur [F] [D] au titre du préjudice professionnel. En effet, elle affirme que ce poste de préjudice est déjà indemnisé par la rente majorée versée à la victime.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties, oralement soutenues à l'audience, pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS
- Sur la recevabilité des demandes de la CPAM DE L'ALLIER -
Aux termes des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux mais ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions. Il est toutefois dérogé à cette irrecevabilité des demandes nouvelles notamment lorsque les prétentions tendent aux mêmes fins ou lorsqu'elles étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge. De même, les parties peuvent ajouter en cause d'appel des demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions de première instance.
Monsieur [D] soutient que la CPAM DE L'ALLIER émet de nouvelles prétentions en totale contradiction avec sa position de première instance et qu'elles sont dès lors irrecevables.
La CPAM DE L'ALLIER réplique que ses demandes sont recevables car il n'y a pas de demande nouvelle comme le prétend Monsieur [D].
En l'espèce, il ressort du jugement en date du 22 juin 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Moulins qu'en première instance la CPAM DE L'ALLIER a indiqué s'en remettre à la décision du tribunal s'agissant de la fixation des préjudices.
En cause d'appel, par ses dernières écritures notifiées le 28 mars 2022, oralement reprises, la CPAM DE L'ALLIER demande notamment à la cour de :
- constater que les frais futurs liés aux dépenses de santé sont pris en charge par la CPAM DE L'ALLIER au moment des demandes effectives ;
- constater que Monsieur [F] [D] ne peut pas demander réparation à l'employeur des frais futurs liés aux dépenses de santé au titre de la faute inexcusable ;
- constater que Monsieur [F] [D] ne peut pas demander réparation à l'employeur du préjudice professionnel via une indemnité en capital en ce que ce poste de préjudice est déjà indemnisé à travers la rente majorée qui lui est versée ;
- reformer la décision rendue en première instance quant à la somme de 563.963,58 euros et annuler le versement de cette somme ;
- débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes relatives aux frais futurs ;
- condamner la partie succombant aux entiers dépens.
Il ressort de ces éléments que la CPAM DE L'ALLIER s'est remise à la décision du tribunal s'agissant de la fixation des préjudices en première instance. Suite au jugement rendu par la juridiction de premier ressort, la CPAM DE L'ALLIER estime que Monsieur [F] [D] ne pouvait notamment pas demander réparation à l'employeur des frais futurs ainsi que de certains préjudices.
En cause d'appel, la caisse ne conteste dès lors pas le montant des préjudices alloués mais indique que le jugement comporte des erreurs de droit en ce qui concerne les modalités d'attribution de certains préjudices et indemnités.
Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tenant à l'irrecevabilité des demandes en cause d'appel faites par la CPAM DE L'ALLIER, ces demandes étant virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge, la caisse s'étant alors rapportée à l'application du droit et à l'appréciation souveraine des juges dans l'évaluation des montants attribués mais estimant ensuite, au vu du jugement entrepris, que les juges ont commis des erreurs de droit dans les modalités d'attribution de certains préjudices et indemnités. Les demandes en cause d'appel de la CPAM DE L'ALLIER, qui s'inscrivent dans la continuité du litige de première instance, seront déclarées recevables.
- Sur l'indemnisation des préjudices de Monsieur [D] au regard de la faute inexcusable de l'employeur -
Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : 'Sous réserve des dispositions prévues aux articles L.452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit.'.
Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale : 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'.
Aux termes de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale : 'Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.
Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.
Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.
La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.'.
Aux termes de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale : ' Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'.
Aux termes de l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale : 'Quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.'.
Aux termes de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale : 'À défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.
L'auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci.
L'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de la faute de ceux qu'il s'est substitués dans la direction de l'entreprise ou de l'établissement. Des actions de prévention appropriées sont organisées dans des conditions fixées par décret, après consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés.
Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable d'un employeur garanti par une assurance à ce titre, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l'employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l'article L. 242-7. Le produit en est affecté au fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. '.
Aux termes de l'article L.431-1 du code de la sécurité sociale:
'Les prestations accordées aux bénéficiaires du présent livre comprennent:
1°) la couverture des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, des frais liés à l'accident afférents aux produits et prestations inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 et aux prothèses dentaires inscrites sur la liste prévue à l'article L. 162-1-7, des frais de transport de la victime à sa résidence habituelle ou à l'établissement hospitalier et, d'une façon générale, la prise en charge des frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime. Ces prestations sont accordées qu'il y ait ou non interruption de travail ;
2°) l'indemnité journalière due à la victime pendant la période d'incapacité temporaire qui l'oblige à interrompre son travail ; lorsque la victime est pupille de l'éducation surveillée, l'indemnité journalière n'est pas due aussi longtemps que la victime le demeure sous réserve de dispositions fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3°) les prestations autres que les rentes, dues en cas d'accident suivi de mort ;
4°) pour les victimes atteintes d'une incapacité permanente de travail, une indemnité en capital lorsque le taux de l'incapacité est inférieur à un taux déterminé, une rente au-delà et, en cas de mort, les rentes dues aux ayants droit de la victime.
La charge des prestations et indemnités prévues par le présent livre incombe aux caisses d'assurance maladie.'
La victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie d'une réparation forfaitaire se traduisant par la prise en charge de ses frais médicaux et paramédicaux nécessités par son état (prestations en nature). Elle a également droit à des indemnités journalières en cas d'interruption temporaire de travail et à une rente en cas d'atteinte définitive à sa capacité de travail après consolidation.
La victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie, qu'il y ait ou non interruption de travail, jusqu'à sa guérison ou sa consolidation, et postérieurement pour les soins directement consécutifs à l'accident ou à la maladie, sans qu'une déclaration de rechute soit exigée, d'une prise en charge :
- des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires ;
- des frais d'appareillage divers (prothèses...) ;
- des frais de transport de la résidence habituelle à l'établissement hospitalier ou de rééducation ;
- des frais de déplacement pour répondre à une convocation du service médicale de la caisse ou se soumettre à une expertise ou un contrôle ;
- d'une façon générale, de tous les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle, le reclassement et la reconversion professionnelle de la victime.
L'incapacité permanente s'entend d'une atteinte partielle ou totale à la capacité de travail même si elle ne se traduit pas par une perte de salaire effective.
Le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelles, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
La rente d'incapacité permanente, viagère, versée à compter du lendemain de la date de consolidation, indemnise les pertes de gains professionnels futurs et les incidences professionnelles de l'incapacité.
La réparation forfaitaire assurée par la sécurité sociale en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle interdit au salarié victime d'engager une action judiciaire dans les conditions de droit commun pour obtenir la réparation intégrale de son préjudice. La loi prévoit toutefois une réparation complémentaire en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur.
La faute inexcusable de l'employeur ouvre droit à une majoration de la rente ou du capital alloué à la victime, calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci est atteinte. Toutefois, la rente majorée ne peut pas dépasser soit le salaire annuel de la victime en cas d'incapacité totale, soit la fraction de salaire correspondant aux taux d'incapacité s'il s'agit d'une incapacité permanente partielle. En cas d'indemnité en capital, la majoration ne peut pas excéder le montant de celle-ci.
Indépendamment de la majoration de rente, selon le code de la sécurité sociale (article L. 452-3 du code de la sécurité sociale), la victime peut demander à l'employeur devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale la réparation de ses préjudices esthétiques et d'agrément et des préjudices causés par ses souffrances physiques et morales ou par la perte ou la diminution de ses capacités de promotion professionnelle.
La jurisprudence reconnaît, en outre, à la victime le droit de demander devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale la réparation de tous les autres dommages subis en conséquence de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle qui ne sont pas couverts par le code de la sécurité sociale (préjudice sexuel, frais d'aménagement du domicile ou d'adaptation du véhicule nécessités par l'état de la victime, déficit fonctionnel temporaire qui est distinct des préjudices pour souffrances et d'agrément, préjudice lié à un refus d'assurance pour un prêt, frais d'emploi ou de recours à une tierce personne, préjudice d'établissement ou perte d'espoir et de chance de réaliser un projet familial, préjudice permanent exceptionnel...).
La victime peut obtenir notamment l'indemnisation :
- des frais d'aménagement de son domicile et d'adaptation de son véhicule à son état ;
- de son préjudice sexuel ;
- du déficit fonctionnel temporaire ;
- du préjudice lié à un refus d'assurance pour un prêt immobilier ;
- du préjudice lié à la nécessité de recourir à une tierce personne ;
- du préjudice d'établissement consistant en la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet familial ;
- de son préjudice permanent exceptionnel correspondant à un préjudice extra-patrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonnance particulière pour certaines victimes.
En effet, dans une décision du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, a précisé que la rente accident du travail et la majoration versées en cas de faute inexcusable constituent 'une indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité'. Cependant, en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient faire obstacle à ce que les victimes d'actes fautifs, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
La jurisprudence subséquente de la Cour de cassation précise qu'il résulte de l'article L.431-1 du code de la sécurité sociale figurant au chapitre I du titre III du livre IV de ce code qu'en cas d'accident du travail, les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte qu'ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l'employeur en application de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale.
En revanche, la victime ne peut pas obtenir réparation ou indemnisation des frais médicaux, des frais de transports et assimilés ainsi que du déficit fonctionnel permanent ou définitif puisque ces dommages sont couverts par les prestations de sécurité sociale versées par la caisse en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle en application des dispositions de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale.
La rente majorée servie à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle qui subsiste le jour de la consolidation ainsi que le déficit fonctionnel permanent. La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude d'origine professionnelle, est ainsi couverte de manière forfaitaire par le versement de la rente majorée qui présente un caractère viager. Le déficit fonctionnel permanent ne peut pas faire l'objet d'une réparation complémentaire en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dans la mesure où ce préjudice est également déjà indemnisé au titre du livre IV du code de la sécurité sociale. Le bouleversement de la vie familiale et personnelle fait partie du déficit fonctionnel permanent.
Dès lors que la prestation fait partie de celles qui sont prises en charge par la sécurité sociale, le simple fait que le salarié ne remplisse pas les conditions pour en bénéficier ne suffit pas à la transférer dans les préjudices dont il est possible de demander réparation complémentaire en cas de faute inexcusable de l'employeur.
L'établissement AFPA et la mutuelle SOCIETE D'ASSURANCE [11] soutiennent que seuls les postes de préjudice non réparés par le livre IV du code de la sécurité sociale peuvent être indemnisés. Ils s'opposent en conséquence à l'octroi d'une indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles et futures au regard de la prise en charge des dépenses de santé dans le cadre du livre IV du code de la sécurité sociale.
Concernant le préjudice lié à l'incidence professionnelle, ils affirment que les sommes réclamées à ce titre ne peuvent non plus être prises en charge puisque ce poste de préjudice est déjà réparé par le même livre IV du code de la sécurité sociale.
Concernant les frais de matériels et de véhicule adaptés, ils font valoir que le lit, le fauteuil électrique et le vélo de rééducation ne peuvent pas être pris en charge car il s'agit de dépenses de santé futures qui sont déjà réparées par le livre IV du code de la sécurité sociale. S'agissant du véhicule aménageable, seule la prise en charge de l'adaptation du véhicule peut être financée. Ils indiquent en outre que la fréquence de renouvellement fixée à 4 ans apparaît non conforme a la jurisprudence habituelle. Ils soulignent que ce véhicule va être peu utilisé compte tenu de la situation physique de Monsieur [F] [D] et qu'en tout état de cause, le changement moyen d'un véhicule n'est pas de 4 ans mais d'environ tous les 10 ans.
Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, ils font valoir qu'une indemnisation sur la base de 25 euros par jour doit être retenue.
Ils demandent enfin la confirmation des sommes fixées par le juge de première instance dont ils n'ont pas relevé appel.
Monsieur [O] [D] sollicite la confirmation de l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel. Concernant l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, Monsieur [F] [D] présente un taux exceptionnel de 95%. Ce déficit doit être indemnisé par un capital versé dans l'immédiateté et non pas dans la durée d'une rente en raison de la spécificité de l'accident du travail.
Concernant le préjudice lié à l'incidence professionnelle, Monsieur [D] fait valoir que son frère a subi une perte certaine de toutes possibilités de promotions professionnelles et de promotions sociales grâce au travail et à la formation qu'il était en train d'acquérir. Il sollicite dès lors la confirmation du jugement de première instance de ce chef.
Concernant les préjudices permanents exceptionnels ou atypiques liés au déficit fonctionnel permanent, Monsieur [O] [D] fait valoir que Monsieur [F] [D] est parfaitement conscient de la gravité de son état, de son handicap et de sa paralysie. Il soutient que cette conscience est démontrée par l'ensemble des soignants qui ont des relations quotidiennes avec celui-ci. Pour protéger financièrement Monsieur [F] [D] en cas d'absence ou de défaillance de Monsieur [O] [D] ou de Madame [D], le préjudice permanent exceptionnel de ce premier doit être indemnisé.
Concernant l'indemnisation des arrérages de frais de santé, Monsieur [D] sollicite l'allocation d'une rente permettant d'assurer des soins à vie pour Monsieur [F] [D]. Il indique verser aux débats des éléments qui démontrent la nécessité de la réalisation de soins très importants à l'égard de Monsieur [F] [D].
Concernant l'indemnisation des frais liés à la tierce personne, il soutient que le montant alloué par le jugement en première instance est en réalité inadapté au coût réel généré par la tierce personne et rappellent que l'état de santé de Monsieur [F] [D] nécessite une attention quotidienne, importante et de chaque instant.
Concernant l'indemnisation relative au logement nécessaire et aux frais d'adaptation et d'aménagement, il indique qu'au visa de la jurisprudence, l'aménagement du logement de la victime n'entre pas dans le livre IV du code de la sécurité sociale. Il ajoute que Monsieur [F] [D] réside chez sa mère, dans un logement inadapté. Il soutient qu'il est démontré la réelle nécessité pour lui d'accéder à une maison indépendante adaptée à son état de santé et que les coûts d'aménagement PMR doivent être supportés par l'employeur et par la mutuelle SOCIÉTÉ D'ASSURANCE [11].
Concernant l'indemnisation des frais de matériels et véhicules adaptés, Monsieur [D] sollicite le règlement viager de ce capital. Il fait valoir que l'indemnisation relative à un matelas adapté n'est pas contestée par les parties adverses et affirme qu'il doit être changé tous les trois ans car fragile. Il indique en outre qu'il est démontré par les pièces versées aux débats qu'un fauteuil électrique est nécessaire et parfaitement adapté à l'état de santé de Monsieur [F] [D]. Il sollicite ainsi la confirmation du jugement de première instance relativement à l'indemnisation de ce fauteuil par le biais d'un capital converti en rente. S'agissant des pneus et des batteries électriques de ce fauteuil, il rappelle l'importance de l'allocation d'une somme à ce titre car ces éléments doivent être changés régulièrement. Dès lors il demande l'infirmation du jugement de première instance de ce chef. Concernant le vélo de rééducation, il sollicite la prise en charge et la capitalisation de cet appareil, lequel est utilisé quotidiennement pour permettre certains gestes et mouvements bénéfiques aux articulations de Monsieur [F] [D]. Il sollicite en outre la prise en charge et la capitalisation d'un véhicule aménagé, absolument nécessaire à ses déplacements et nécessitant un suivi et un entretien spécifique.
Monsieur [D] demande enfin et subsidiairement que soit alloué à Monsieur [F] [D] en capital les sommes dont la CPAM DE L'ALLIER conteste la conversion en rente.
La CPAM DE L'ALLIER sollicite l'annulation de la somme de 513.963,58 euros qu'elle devait verser à Monsieur [F] [D] sous la forme d'une rente viagère. Elle expose que cette rente a déjà été attribuée et majorée à son maximum par le jugement de première instance. Monsieur [F] [D] ne peut donc pas percevoir une seconde rente viagère pour le même accident du travail.
La CPAM DE L'ALLIER sollicite enfin l'annulation de la somme de 50.000 euros qu'elle devait verser à Monsieur [F] [D] au titre du préjudice professionnel. En effet, elle affirme que ce poste de préjudice est déjà indemnisé par la rente majorée versée à la victime.
En l'espèce, suivant convention en date du 17 avril 2012, l'établissement ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES ADULTES (AFPA), représentée alors par sa directrice territoriale, domiciliée au centre AFPA de [Localité 2], la SARL [10] et Monsieur [F] [D] ont convenu d'un stage d'application de 15 jours commençant à courir le 25 avril 2012 dans le cadre de la préparation du diplôme « pré-pro-bâtiment niveau V ».
Le lundi 30 avril 2012, Monsieur [F] [D] a été victime d'une chute en descendant d'une échelle, sa tête heurtent le sol, le tout entraînant des conséquences physiques très importantes. Sa mère, Madame [R] [D], a été désignée en qualité de tutrice par jugement du 10 octobre 2012 puis son frère, Monsieur [O] [D], lui a succédé dans cette mission par jugement du 11 septembre 2017.
Par lettre recommandée en date du 7 décembre 2012, Monsieur [F] [D], représenté par Madame [D], agissant en qualité de tutrice de son fils, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, l'établissement AFPA.
Une procédure de référé, engagée après la saisine au fond du tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS, a conduit à la désignation du Professeur [H] en qualité d'expert.
Par rapport du 24 mai 2013, l'expert a conclu à l'absence de consolidation de l'état de santé de Monsieur [F] [D] au jour de l'expertise.
Un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 22 août 2016 a retenu que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [F] [D], le 30 avril 2012, résulte d'une faute inexcusable de son employeur, l'établissement AFPA. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de RIOM en date du 27 juin 2017. Le pourvoi formé à l'encontre de cette décision a été rejeté selon décision du 8 novembre 2018.
La décision du tribunal des affaires de sécurité sociale de MOULINS ayant ordonné une mesure d'expertise, le Docteur [H] a déposé son rapport le 20 mars 2018 dans lequel il arrête les préjudices de Monsieur [F] [D], en indiquant que sa consolidation peut être fixée au 24 avril 2015.
Il résulte de cette expertise les éléments suivants:
'Le 30 avril 2012, M. [F] [D], âgé de 24 ans, couvreur en formation, a été victime d'une chute sur son lieu de travail, responsable d'un hématome sous-dural hémisphérique droit, d'hémorragies pétéchiales temporales gauches et sous-durales pariétales gauches, d'une hémorragie méningée, de fractures temporales gauches, extra-labyrinthique du rocher, de l'os tympanal avec comblement partiel du méat acoustique et de l'oreille moyenne avec subluxation uncudo-malléaire, il est transféré en réanimation au CHU de [Localité 8].
Après craniectomie droite pour évacuation de l'hématome sous-dural compressif, et pose d'un drain ventriculaire externe, M. [D] restera en réanimation jusqu'au 05 juillet 2012. Ce séjour a été marqué par la nécessité d'une trachéotomie et d'une gastronomie (...)
M. [D] séjournera ensuite en neurochirurgie jusqu'au 19 décembre 2012. Pendant ce séjour, une cranioplastie avec remise en place de son volet crânien a pu être faite le 31 juillet 2012, et l'ablation de la trachéotomie réalisée avant sa sortie. Il a été hospitalisé ensuite au domicile de ses parents dans l'attente d'une place en Centre de Rééducation Fonctionnelle. Cette prise en charge en hospitalisation à domicile s'est étendue jusqu'au 7 janvier 2013, date de son admission au Centre de [Localité 12]. (...)
M. [D] a été hospitalisé à [Localité 12] jusqu'au 30 mai 2014. L'évolution a été lentement favorable autorisant le retour à domicile demandé par sa famille (...)
M. [D] bénéficie actuellement d'un traitement médicamenteux administré par la sonde de gastrostomie, de séances quotidiennes de kinésithérapie effectuées au domicile, de deux séances hebdomadaires d'orthophonie, de deux séances hebdomadaires d'ergothérapie, de deux séances de soins infirmiers par jour (pansement GPE et médicaments), de la présence d'une auxiliaire de vie, intervenant à 3 reprises (3 H par jour) pour la toilette et le lever, le change et le coucher. Ont été aussi acquis: un fauteuil roulant électrique permettant la verticalisation, un fauteuil roulant mécanique pour les déplacements, un lit médicalisé avec matelas et compresseur, un véhicule (d'un montant de 41.000 euros).
Outre une tétraparésie et des troubles sphinctériens majeurs, nécessitant une double protection, M. [D] a peu de plaintes. Sa mère décrit des troubles de la mémoire marqués par des difficultés de récupération, un défaut d'inhibition, des stéréotypies verbales et une écholalie, quelques phénomènes douloureux, des fausses routes, mais il est alimenté par la bouche, sans recours à la sonde de gastrostomie, qui ne sert qu'aux prises médicamenteuses. Il est totalement dépendant du milieu médicalisé: il est au lit, en position semi-assise, ou au fauteuil, porteur d'une sonde de gastrostomie, d'une couche et d'un Peniflow permanents. Les activités de loisirs sont très limitées (télévision, quelques jeux de société avec l'auxiliaire de vie). L'acquisition récente d'un véhicule équipé (installation du fauteuil dans l'habitacle), lui a permis de sortir du domicile. (...)
Plaise au Tribunal d'accepter les réponses suivantes aux questions de la mission:
1) Les gênes temporaires constitutives d'un 'déficit fonctionnel temporaire'
Celles-ci ont été:
- Totales pendant les hospitalisations, c'est-à-dire du 30 avril 2012 au 30 mai 2014, puis deux hospitalisations par an (durée moyenne de 10 jours chacune) en 2015, 2016, 2017 pour pneumopathie induite par des fausses routes, une hospitalisation de 14 jours en 2017 pour péritonite.
- Partielles: Classe IV entre les dates d'hospitalisation et le 23 avril 2015
2) Date de consolidation:
Celle-ci peut être fixée au 24 avril 2015. Cette date correspond à la seconde session d'injections de toxine botulique qui s'avère indispensable pour contrôler la spasticité et peu après le fait que M. [D] s'alimente seul.
3) Taux de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable à l'accident:
Ce taux est de 95 pour cent (95% pour cent), prenant en compte les séquelles neurologiques: tétraparésie majeure présominant à gauche, troubles vésico-sphinctériens majeurs, syndrome dysexécutif frontal.
4) Souffrances physiques, psychiques ou morales endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice sexuel. Ces différents postes sont les suivants:
- Souffrances endurées: sept sur sept
- Préjudice esthétique: cinq sur sept
- Préjudice d'agrément: majeur (le patient ne peut espérer aucune activité de loisirs sans aide et pour des activités réduites: promenades, visites, jeu de société)
- Préjudice d'établissement: majeur, les conséquences neurologiques de cet accident ne permettant plus d'envisager la réalisation du projet personnel antérieur
- Préjudice sexuel: certain
5) Assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle:
L'état du patient nécessite un temps de tierce personne de 9 heures par jour, sept jours sur sept, se décomposant comme suit:
- La présence d'une auxiliaire de vie, intervenant à 3 reprises (3 H par jour) pour la toilette et le lever, le changer et le coucher.
- La présence d'une auxiliaire de vie pour la préparation des repas, l'alimentation, les courses, le ménage, les activités intellectuelles (lecture, jeux, éveil) et de loisirs (déplacements et visites d'exposition, musées): 6 H par jour.
Le reste de la journée est aussi occupée par les soins infirmiers, de réadaptation (kinésithérapie, ergothérapie et orthophonie). Le patient est au lit de 19 heures à 8 heures.
6) Capacité au plan médical, physiquement et intellectuellement, à reprendre l'activité exercée lors de l'accident:
M. [D] ne pourra jamais reprendre ses activités professionnelles antérieures, ni d'autres activités professionnelles.
7) Appareillages, fournitures complémentaires et soins postérieurs à la consolidation:
Les éléments suivants ont été nécessaires au maintien à domicile:
- un fauteuil roulant électrique permettant la verticalisation,
- un fauteuil roulant mécanique pour les déplacements,
- un lit médicalisé avec matelas et compresseur.
De plus, un véhicule d'un montant de 41.000 euros a permis au patient d'être déplacé à distance de son domicile. Enfin, un système d'alerte doit être envisagé (couverture période de sommeil).
Doivent être pris en charge:
- traitement médicamenteux administré par la sonde de gastrostomie;
- protection permanente (peniflow et couche)
- deux séances de soins infirmiers par jour (pansement gastrostomie et médicaments) à titre viager,
- une séance quotidienne de kinésithérapie, effectuée au domicile, à titre viager,
- deux séances hebdomadaires d'orthophonie, réalisées à domicile, pour une durée de 5 ans, puis une par semaine à titre viager,
- deux séances hebdomadaires d'ergothérapie, réalisées à domicile, pour une durée de 5 ans, puis une par semaine à titre viager,
- une consultation annuelle de phoniatrie pour les troubles de déglutition, pendant cinq ans,
- deux consultations annuelles de spécialistes de Médecine Physique et Réadaptation, et le produit pour les injections de toxine botulique (200 UI par semestre) à titre viager,
- deux consultations annuelles de pneumologie, à titre viager,
- une consultation annuelle pour le changement de la sonde de gastrostomie, à titre viager.'
- Sur les préjudices extra-patrimoniaux -
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux, il convient de relever que les parties n'ont relevé appel que des chefs suivants:
- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel ;
- l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ;
- l'indemnisation de l'incidence professionnelle ;
- l'indemnisation des préjudices exceptionnels ou atypiques.
Aucun appel n'étant formé sur le préjudice causé par les souffrances physiques ou morales, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel ainsi que sur le préjudice d'établissement, ces dispositions du jugement déféré n'ont pas lieu d'être examinées à nouveau et seront confirmées.
- Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel -
Ce préjudice est constitué de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime de l'accident pendant la maladie traumatique jusqu'à sa consolidation. En droit de la sécurité sociale, il est admis que les indemnités journalières servies à la victime d'un accident du travail n'assurent pas la réparation de ce préjudice qui inclut pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante pendant la maladie traumatique.
Aux termes de son rapport d'expertise, le Docteur [H] a estimé:
'Les gênes temporaires constitutives d'un 'déficit fonctionnel temporaire'
Celles-ci ont été:
- Totales pendant les hospitalisations, c'est-à-dire du 30 avril 2012 au 30 mai 2014, puis deux hospitalisations par an (durée moyenne de 10 jours chacune) en 2015, 2016, 2017 pour pneumopathie induite par des fausses routes, une hospitalisation de 14 jours en 2017 pour péritonite.
- Partielles: Classe IV entre les dates d'hospitalisation et le 23 avril 2015
2) Date de consolidation:
Celle-ci peut être fixée au 24 avril 2015. Cette date correspond à la seconde session d'injections de toxine botulique qui s'avère indispensable pour contrôler la spasticité et peu après le fait que M. [D] s'alimente seul.'
Ces éléments, tant en ce qui concerne la date de consolidation, fixée au 24 avril 2015, que la durée et l'intensité de la gêne ressentie par la victime jusqu'à cette date, ne sont pas contestés par les parties.
Monsieur [D] sollicite une indemnisation sur la base de 35 euros par jour alors que l'AFPA et la [11] proposent une indemnisation sur la base de 25 euros par jour.
La juridiction de première instance a appliqué une valorisation plus importante, en l'espèce de 35 euros par jour, sur ce point afin de prendre en considération la situation d'incapacité tout à fait exceptionnelle de Monsieur [D].
Au vu notamment des éléments mis en avant par le rapport d'expertise particulièrement circonscrit et précis établi par le Docteur [H] le 20 mars 2018 concernant l'état de santé de Monsieur [F] [D], le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a justement alloué la somme de 28.175 euros à Monsieur [D] au titre du déficit fonctionnel temporaire total ainsi que la somme de 8.610 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel.
- Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent -
La rente (majorée en cas de faute inexcusable) servie à la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur répare notamment les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle qui subsiste le jour de la consolidation ainsi que le déficit fonctionnel permanent.
La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude d'origine professionnelle, est ainsi couverte de manière forfaitaire par le versement de la rente majorée qui présente un caractère viager.
L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, tel que le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle. Ce poste comprend en outre les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, et enfin la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.
L'incidence professionnelle peut être réparée indépendamment de toute perte de gains. Il en est ainsi lorsque la victime demeure en capacité de poursuivre son activité professionnelle antérieure, mais dans des conditions différentes, ou bien lorsqu'elle a été dans l'obligation de se reconvertir dans une autre activité professionnelle, mais sans pour autant subir des pertes de salaire.
En conséquence, l'incidence professionnelle après la consolidation et le déficit fonctionnel permanent ne peuvent faire l'objet d'une réparation complémentaire en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, en lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Monsieur [D] sollicite l'indemnisation de son préjudice fonctionnel permanent que l'expert a évalué à 95% en prenant en considération les séquelles neurologiques résultant de l'accident. Il souligne la nécessité d'intégrer dans ce poste de préjudice non seulement le déficit fonctionnel physique au sens strict, mais également de prendre en considération les douleurs physiques et psychologiques subies, son préjudice moral ou encore les troubles dans ses conditions d'exercice qui sont extrêmement importants.
Il résulte cependant des principes de droit sus-visés que la rente versée à la victime d'un accident du travail par la caisse indemnise notamment le déficit fonctionnel permanent et que celui-ci ne peut faire l'objet d'une réparation complémentaire en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent présentée par Monsieur [D].
- Sur l'incidence professionnelle -
Monsieur [D] sollicite l'indemnisation du préjudice professionnel subi alors qu'il débutait, depuis quelques jours, une formation de couvreur auprès de l'AFPA lors de l'accident.
Il résulte cependant des mêmes principes de droit sus-visés que la rente versée à la victime d'un accident du travail par la caisse indemnise notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle qui subsistent le jour de la consolidation et que celles-ci ne peuvent faire l'objet d'une réparation complémentaire en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur.
En outre, Monsieur [D] n'apporte pas la preuve d'une perte de chance de promotion professionnelle avérée alors qu'il est constant que l'accident du travail est intervenu seulement 5 jours après le début d'un stage d'application de 15 jours dans le cadre d'une préparation de diplôme en lien avec le bâtiment.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice professionnel et, statuant à nouveau, la cour déboute Monsieur [F] [D] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.
- Sur les préjudices permanents exceptionnels ou atypiques -
Les préjudices permanents exceptionnels ou atypiques représentent des préjudices spécifiques soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage, notamment en raison d'un caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d'attentats. La Cour de cassation exige des juridictions du fond de caractériser un poste de préjudice permanent exceptionnel distinct des autres postes de préjudice et notamment du déficit fonctionnel permanent.
Monsieur [D] invoque un sentiment d'angoisse générateur d'un préjudice moral exceptionnel justifiant une indemnisation supplémentaire du fait des circonstances de l'accident, des soins et de la procédure en cours.
Il convient de relever que Monsieur [D] n'établit pas la réalité d'un préjudice exceptionnel et atypique, indépendant des préjudices d'ores et déjà indemnisés, notamment au titre des souffrances endurées. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice permanent exceptionnel ou atypique.
- Sur les préjudices patrimoniaux -
En l'absence de tout appel sur les dispositions liées aux frais de télévision et aux frais de déplacement, il n'y a pas lieu d'examiner ces dispositions, qui seront confirmées.
- Sur les arrérages de frais de santé -
Les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale et figurent donc parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander de réparation à l'employeur en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Monsieur [D] sollicite l'indemnisation sur une période comprise entre le 31 mai 2014, date de son retour au domicile, jusqu'au 30 mai 2019, des frais de santé suivants:
- une intervention de pédicure par mois ;
- deux interventions d'une ergothérapeute spécialisée en neuropsychologie par mois ;
- l'usage de produits pharmaceutiques et de médicaments spécifiques.
Il fait valoir subsidiairement que [F] [D] a bénéficié de soins de pédicure mensuels et de l'usage de produits pharmaceutiques et de médicaments non pris en charge par la livre IV du code de la sécurité sociale.
En première instance, le juge a alloué les sommes de 2.300 euros à titre de frais d'ergothérapie engagés et justifiés ainsi que de 1.454,73 euros de frais de santé engagés et justifiés, au vu des justificatifs présentés par Monsieur [D] sur la seule période de l'année 2017.
Il convient cependant de relever que les frais médicaux et pharmaceutiques réclamés figurent parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander de réparation à l'employeur en cas de faute inexcusable de l'employeur. En outre, Monsieur [D] ne justifie aucunement de la nécessité de recourir à des soins pédicures ou à des produits pharmaceutiques non pris en charge au titre du livre IV alors que le rapport d'expertise établi par le Docteur [H] le 20 mars 2018 n'en fait pas non plus état.
Dès lors, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] les sommes de 2.300 euros à titre de frais d'ergothérapie engagés et justifiés ainsi que de 1.454,73 euros à titre de frais de santé engagés et justifiés et, statuant à nouveau, de débouter Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre des arrérages de frais de santé.
- Sur les frais de santé à venir -
Monsieur [D] sollicite sur le même fondement l'indemnisation de ses frais de santé futurs suivants:
- pédicures ;
- interventions d'une ergothérapeute spécialisée en neuropsychologie ;
- interventions d'un kinésithérapeute ou d'un masseur ;
- usage de produits pharmaceutiques et de médicaments spécifiques.
Il sera également observé que les frais médicaux et pharmaceutiques réclamés figurent parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander de réparation à l'employeur en cas de faute inexcusable de l'employeur. En outre, Monsieur [D] ne justifie aucunement de la nécessité de recourir à des soins futurs ou à des produits pharmaceutiques futurs non pris en charge au titre du livre IV alors que le rapport d'expertise établi par le Docteur [H] le 20 mars 2018 n'en fait pas non plus état.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] les sommes de 120.432 euros à titre de frais d'ergothérapeute à venir et de 60.120,60 euros à titre de frais médicaux non pris en charge à venir et, statuant à nouveau, la cour déboute Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre des frais de santé à venir.
- Sur les frais liés à la tierce personne -
La tierce personne est la personne qui apporte de l'aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. La jurisprudence admet une indemnisation à ce titre en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, et ce afin de favoriser l'entraide familiale. La Cour de cassation a jugé à maintes reprises pour favoriser l'entraide familiale que l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce-personne ne saurait être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.
Lorsqu'un proche cesse son activité professionnelle pour apporter à la victime l'aide humaine que son état nécessite, cela ne modifie pas l'indemnisation de la victime directe en fonction du besoin de tierce personne, mais la perte de revenus du proche doit également être indemnisée.
L'assistance d'une tierce personne ne peut s'appliquer à l'activité professionnelle dès lors qu'elle ne concerne que l'aide apportée à la victime dans l'accomplissement des actes ordinaires de la vie courante.
Même en l'absence de justificatif, l'on peut indemniser la victime sur la base d'un tarif horaire d'un organisme d'aide à la personne (tarif prestataire) pour dégager la victime des soucis afférents au statut d'employeur.
Le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation est indemnisé dans les conditions prévues à l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale, de sorte que ce préjudice est couvert, même de manière restrictive, par le livre IV du code de la sécurité sociale. En conséquence, même si le taux d'incapacité permanente de la victime n'atteint pas 80%, le besoin d'assistance par une tierce personne ne peut donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que jusqu'à la date de la consolidation et pas au-delà.
Monsieur [D] a seul relevé appel de ce chef du jugement car il estime que ses demandes au titre de la période post-consolidation doivent être retenues et que ses demandes antérieures à la consolidation n'ont pas été indemnisées à leur juste valeur en raison de l'aide apportée par sa mère.
En l'espèce, la prise en charge des frais liés au besoin d'assistance par une tierce personne doit débuter le 31 mai 2014, date de retour de Monsieur [D] au domicile de sa mère, alors que la date de consolidation a été fixée par l'expert au 24 avril 2015. L'expert judiciaire a également retenu que l'état de santé de Monsieur [D] nécessitait un temps de présence de tierce personne de 9 heures par jour, chaque jour de la semaine.
En outre, le besoin d'assistance par une tierce personne ne peut donner lieu à indemnisation en cas de faute inexcusable de l'employeur que jusqu'à la date de la consolidation, soit en l'espèce sur une période de 328 jours alors que les pièces versées aux débats faisaient apparaître un coût horaire moyen de 17,59 euros.
Au vu de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] la somme de 51.925,68 euros au titre des frais liés à la tierce personne avant consolidation et en ce qu'il a rejeté la demande au titre des frais tierce personne après consolidation.
- Sur les frais de logement adapté -
Les dépenses consécutives à la réduction d'autonomie comprennent les dépenses spécifiques rendues nécessaires par les blessures telles que l'achat d'un fauteuil roulant, les frais d'adaptation de l'habitat ou du véhicule ou le recours à une tierce personne pour assister ou suppléer la victime dans ses activités quotidiennes. Ces dépenses sont définitives lorsqu'après consolidation, il est nécessaire d'adapter le logement ou le véhicule de la victime, ou lorsque celle-ci doit recourir aux services d'une tierce personne.
Monsieur [D] a formé appel de ce chef du jugement.
En première instance, il indiquait demeurer seul chez sa mère dans un appartement loué en rez de chaussée et présentait un projet de construction d'une maison neuve pour un montant global de 469.179 euros.
En cause d'appel, il est précisé qu'il a finalement fait l'acquisition d'une maison aménagée à son bénéfice pour la somme totale de 184.344,52 euros grâce à l'argent versé à titre de capital et à ses économies personnelles. Monsieur [D] estime que ce coût doit être supporté par la [11] et l'AFPA.
Si les frais d'adaptation du logement ne figurent pas parmi les préjudice couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, Monsieur [D] n'établit cependant pas un lien de causalité suffisant entre le changement de domicile effectué et son état de santé puisqu'il ne démontre pas les aménagements qui auraient été rendus nécessaires au domicile de sa mère, lequel était situé en rez de chaussée, accessible en fauteuil roulant et alors que la présence d'un tiers à ses côtés n'apparaissait pas de nature à nuire à son état de santé.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande d'indemnisation au titre de l'adaptation de son logement.
- Sur les frais de matériels et les véhicules adaptés -
Les dépenses consécutives à la réduction d'autonomie comprennent les dépenses spécifiques rendues nécessaires par les blessures telles que l'achat d'un fauteuil roulant, les frais d'adaptation de l'habitat ou du véhicule ou le recours à une tierce personne pour assister ou suppléer la victime dans ses activités quotidiennes. Ces dépenses sont définitives lorsqu'après consolidation, il est nécessaire d'adapter le logement ou le véhicule de la victime, ou lorsque celle-ci doit recourir aux services d'une tierce personne.
Les frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et accessoires, les frais de transport et d'une façon générale les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale et figurent donc parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander de réparation à l'employeur en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Si l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime peut demander à celui-ci, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux qui y sont énumérés, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts, même de manière restrictive, par le livre IV du code de la sécurité sociale, qui comprend les dépenses de santé et d'appareillage.
Monsieur [D] sollicite l'indemnisation de ses frais de santé, notamment futurs, suivants:
- les frais liés au lit médicalisé et au matelas avec compresseur;
- les frais liés au fauteuil électrique, y compris pneus et batteries électriques ;
- les frais liés à l'achat d'un vélo de rééducation ;
- les frais liés à l'achat et à l'entretien d'un véhicule aménageable.
En ce qui concerne les frais liés au lit médicalisé et au fauteuil électrique, ces frais constituent des frais médicaux d'appareillage actuels et futurs qui figurent parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander de réparation à l'employeur en cas de faute inexcusable de l'employeur. Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur [D] les sommes de 3.532,81 euros au titre des frais futurs lit sans matelas, de 6.266,86 euros au titre des frais futurs matelas et de 172.803,19 euros au titre des frais futurs fauteuil roulant et, statuant à nouveau, la cour déboute Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes au titre des frais futurs lit sans matelas, des frais futurs matelas et des frais futurs fauteuil roulant.
S'agissant des frais liés à l'achat d'un vélo de rééducation et des frais liés à l'achat et à l'entretien d'un véhicule aménageable, ces frais ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
La nécessité de l'usage d'un vélo de rééducation n'est cependant pas mentionnée aux termes du rapport d'expertise établi par le Docteur [H] ni par l'attestation de l'ergothérapeute du 28 mai 2014. Faute de justifier de la nécessité pour Monsieur [D] de faire usage de ce matériel dans le cadre de la prise en charge des conséquences de l'accident du 30 avril 2012, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande d'indemnisation au titre des frais liés à l'acquisition d'un vélo de rééducation.
En ce qui concerne les frais liés à la prise en charge du véhicule aménageable, Monsieur [D], qui n'est plus en mesure de conduire, justifie du fait qu'il doit être véhiculé à l'intérieur d'un véhicule spécialement aménagé pour permettre l'accès par le coffre et sur des rails de son fauteuil roulant avec des fixations spécifiques pour le transport de sécurité.
Au vu des factures produites et en tenant compte de l'indemnisation du seul préjudice lié à l'aménagement spécifique d'un véhicule adapté ainsi que de la prise en charge obtenue au titre de la prestation de compensation du handicap, les premiers juges ont justement évalué qu'il devait lui être alloué une indemnité en capital de ce titre de la somme de 12.305,90 euros au titre des frais échus. Ses dépenses futures, avec une périodicité de renouvellement du véhicule fixée à 7 ans, ont été estimées à un montant capitalisé de 102.154,25 euros. Le jugement déféré sera confirmé sur ces deux points.
- Sur l'attribution d'une rente viagère -
La CPAM DE L'ALLIER demande à la cour d'annuler le paiement d'une somme de 513.963,58 euros qu'elle devrait verser à Monsieur [D] sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 1.036,55 euros le 5 de chaque mois dans la mesure où une rente a déjà été attribuée et majorée à son maximum et où les frais futurs ne peuvent être pris en charge dans le cadre d'une faute inexcusable.
Les dépenses consécutives à la réduction d'autonomie comprennent les dépenses spécifiques rendues nécessaires par les blessures telles que l'achat d'un fauteuil roulant, les frais d'adaptation de l'habitat ou du véhicule ou le recours à une tierce personne pour assister ou suppléer la victime dans ses activités quotidiennes. Ces dépenses sont définitives lorsqu'après consolidation, il est nécessaire d'adapter le logement ou le véhicule de la victime, ou lorsque celle-ci doit recourir aux services d'une tierce personne.
Si la dépense ne s'échelonne pas dans le temps (aménagement du logement par exemple), elle est évaluée définitivement au jour de la décision.
Si elle s'échelonne dans le temps (ou doit être renouvelée régulièrement comme les médicaments, un fauteuil roulant ou un véhicule aménagé), il convient d'évaluer le coût annuel de la dépense au regard des besoins, d'allouer les arrérages échus en capital au jour de la décision, et d'allouer une rente pour les frais futurs, sauf à les capitaliser à l'aide des tables de capitalisation.
Le jugement de première instance a décidé de l'attribution d'une rente viagère, compte tenu des sommes attribuées en première instance, des sommes suivantes:
Frais d'ergothérapeute à venir
120.432 euros
Frais médicaux non pris en charge à venir
60.120,60 euros
Frais tierce personne avant consolidation (70) %
36.347,97 euros
Frais futurs lit sans matelas (10 ans)
3.532,81 euros
Frais futurs matelas (3 ans)
6.266,86 euros
Frais futurs fauteuil roulant (7 ans)
172.803,19 euros (rejet pour roues et batteries)
Frais échus et futurs adaptation véhicule (7 ans)
Frais échus: 12.305,90 euros
Frais futurs: 102.154,25 euros
Total
511.416,75 euros
Sur ce fondement, le jugement déféré a dit que la CPAM DE L'ALLIER ferait l'avance de ces sommes en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée, et ce dans les conditions suivantes:
- la somme de 407.110,23 euros en capital, sous réserve des provisions à déduire ;
- la somme de 513.963,58 euros sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 1.036,55 euros au 5 de chaque mois.
La cour a déjà retenu que Monsieur [D] devait être débouté de ses demandes à titre de frais d'ergothérapeute à venir, de frais médicaux non pris en charge à venir, de frais futurs lit sans matelas, de frais futurs matelas et de frais futurs fauteuil roulant dans la mesure où ces dépenses sont couvertes par le livre IV du code de la sécurité sociale.
S'agissant des frais tierce personne avant consolidation (70%) qui figurent dans ce tableau, il convient de relever qu'ils ne figurent nullement dans les motifs du jugement portant sur ce chef, la cour ayant déjà considéré que les frais tierce personne post consolidation étaient couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et confirmé l'attribution d'une indemnité en capital de 51.925,68 euros s'agissant des frais tierce personne avant consolidation.
S'agissant des frais échus et futurs d'adaptation du véhicule, la cour a également retenu qu'il convenait d'allouer à ce titre les sommes de 12.305,90 euros pour les frais échus et de 102.154,25 euros, ce montant étant capitalisé, pour les frais futurs.
Enfin, compte tenu des circonstances de la cause et au vu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il convient de réparer le préjudice sous la forme d'un capital.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la CPAM DE L'ALLIER fera l'avance de ces sommes en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée, et ce dans les conditions suivantes: la somme de 407.110,23 euros en capital, sous réserve des provisions à déduire, la somme de 513.963,58 euros sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 1.036,55 euros au 5 de chaque mois et, statuant à nouveau, de dire que la CPAM DE L'ALLIER fera l'avance des sommes allouées en exécution du présent arrêt en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens -
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
En équité, il n'y a pas lieu de statuer sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Il y a lieu de dire que chacune des parties conservera à sa charge les dépens en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Dit que les demandes présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier en cause d'appel sont recevables ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice professionnel et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [F] [D] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] les sommes de 2.300 euros à titre de frais d'ergothérapie engagés et justifiés ainsi que de 1.454,73 euros à titre de frais de santé engagés et justifiés et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre des arrérages de frais de santé ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [F] [D] les sommes de 120.432 euros à titre de frais d'ergothérapeute à venir et de 60.120,60 euros à titre de frais médicaux non pris en charge à venir et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes au titre des frais de santé à venir ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur [D] les sommes de 3.532,81 euros au titre des frais futurs lit sans matelas, de 6.266,86 euros au titre des frais futurs matelas et de 172.803,19 euros au titre des frais futurs fauteuil roulant et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes au titre des frais futurs lit sans matelas, des frais futurs matelas et des frais futurs fauteuil roulant ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la CPAM DE L'ALLIER fera l'avance de ces sommes en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée, et ce dans les conditions suivantes: la somme de 407.110,23 euros en capital, sous réserve des provisions à déduire, la somme de 513.963,58 euros sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 1.036,55 euros au 5 de chaque mois et, statuant à nouveau, dit que la CPAM DE L'ALLIER fera l'avance des sommes allouées en exécution du présent arrêt en deniers et quittance en tenant compte de la provision antérieurement versée ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
- Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens en cause d'appel ;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY K. VALLEE