La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2022 | FRANCE | N°20/00335

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 24 mai 2022, 20/00335


24 MAI 2022



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 20/00335 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL3Q



SARL VIVISOL



/



[B], [A] [IL]

Arrêt rendu ce VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats

et du prononcé



ENTRE :



SARL VIVISOL représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Zone industrielle

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée p...

24 MAI 2022

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 20/00335 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FL3Q

SARL VIVISOL

/

[B], [A] [IL]

Arrêt rendu ce VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

SARL VIVISOL représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Zone industrielle

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Mireille PENSA-BEZZINA de la SCP COURTIGNON - BEZZINA - LE GOFF, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [B], [A] [IL]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me François xavier DOS SANTOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

M. RUIN, Président en son rapport, après avoir entendu, à l'audience publique du 21 mars 2022, tenue en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans qu'ils ne s'y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL VIVISOL, dont le siège social est situé à [Localité 4] (77), a pour activité la dispensation d'oxygène à domicile sur prescription médicale.

Monsieur [B] [IL], né le 1er juillet 1976, a été embauché par la société VIVISOL à compter du 10 mai 2010, selon contrat de travail à durée indéterminée, à temps plein, en qualité de chauffeur livreur technicien.

Par courrier daté du 7 décembre 2018, Monsieur [B] [IL] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 décembre 2018 et l'employeur lui a notifié une mise à pied conservatoire.

Par courrier recommandé daté du 21 décembre 2018, un licenciement pour faute grave a été notifié à Monsieur [B] [IL].

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

'Monsieur,

Nous vous avons régulièrement convoqué, en application de l'article L. 1232-2 du code du travail, à un entretien préalable au sujet de votre licenciement envisagé.

Au cours de cet entretien qui s'est tenu le 14 décembre 2018 et pendant lequel vous étiez assisté par Mme [D] [S] -Représentante du Personnel, Mme [OR] [U] -DRH, vous a indiqué, conformément à l'article L1232-3 du code du travail, les motifs de la décision envisagée et a recueilli vos explications à ce sujet.

A la suite de cet entretien, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs évoqués lors de cet entretien et exposés ci-après :

Non respect des procédures et des consignes

Compte tenu de la nature de notre activité qui consiste à installer au domicile du patient le dispositif médical prescrit par son médecin, toute intervention est encadrée par une procédure et ce afin de garantir la sécurité des patients; Tout technicien intervenant à domicile a donc pour obligation de respecter la procédure correspondante à son intervention.

Monsieur [LF] [C], Responsable Technique Centre, rappelle régulièrement ces procédures ainsi que l'importance de leur respect lors des réunions du service auquel vous assistez en votre qualité de Chauffeur Livreur Technicien.

Le 12 septembre 2018, lors d'un entretien il vous a rappelé précisément à I'ordre s'agissant du respect des consignes, des astreintes et des interventions en Oxygène suite à des manquements constatés.

Le 19 novembre 2018, il vous à nouveau été clairement rappelé la consigne s'agissant de la rédaction du compte rendu d'observance : 'ne pas renseigner de délais sur le CRO' afin de garantir les informations transmises au prescripteur, ce à quoi vous avez répondu : 'En ce qui me concerne lorsque j'indique dans mon intervention qu'un contrôle sera effectué sous 10 jours il est fait'.

Lors de la consultation de la fiche patient de Mr [P], patient dont vous avez la charge, le CRO que vous avez rédigé le 15 juin 2018 indique qu'un contrôle sera réalisé sous 10 jours. Ce contrôle sera en effet réalisé non pas le 25 juin 2018 comme vous l'aviez indiqué mais le 29 novembre 2018 soit plus de 5 mois plus tard.

Lors de l'entretien vous avez clairement confirmé que vous indiquez un délai et que vous continuerez de le faire parce que pour vous 'c'est un atout' pour l'entreprise.

Par ailleurs, lors de votre intervention du 29 novembre 2018, constatant que ce patient était inobservant vous demandez le désappareillage alors qu'il s'avère que vous n'avez pas respecté les étapes de suivi et avez attendu plus de 5 mois pour intervenir. En effet suite à votre visite, le patient a appelé le Responsable Technique dont vous dépendez et suite à cet entretien, ce patient est redevenu observant.

Il apparaît donc clairement que non seulement vous ne respectez par les consignes qui vous sont données mais que de plus vous êtes défaillant dans le suivi de vos patients.

En raison de la nature de l'activité ainsi que des nécessités de continuité de soins au patient, les techniciens peuvent être appelés à assurer des astreintes. Le technicien qui est d'astreinte doit donc répondre aux appels des patients et intervenir à leur domicile en cas d'urgence.

Dans le cas spécifique de l'Oxygène, ce dernier étant classé comme médicament, sa dispensation est conditionnée à une validation pharmaceutique. De ce fait toute livraison d'oxygène et toute demande d'intervention en oxygène doit être validée par le Pharmacien du secteur ou le Pharmacien d'astreinte.

Le samedi 3 novembre 2018, alors que vous êtes d'astreinte, Mme [V] vous appelle pour signaler un changement de débit suite à son hospitalisation ainsi qu'un changement de cuve car celle qu'elle avait était vide et vous demande de ce fait que vous interveniez.

Vous lui auriez indiqué que vous n'aviez pas le temps et lui avez demandé de se brancher sur un appareil électrique en attendant le changement de cuve le lundi suivant.

De votre propre initiative et sans avoir appelé le Pharmacien d'astreinte, vous avez donc pris la décision de demander à cette patiente de se brancher elle - même sur un appareil électrique, alors qu'elle n'a aucune qualification ni habilitation pour ce faire, et que vous ne pouviez pas effectuer un relevé de saturométrie pour vérifier que la mise en place du dispositif était conforme.

S'agissant d'oxygène, vous deviez contacter le Pharmacien d'astreinte pour valider avec lui l'action à réaliser et vous déplacer pour vérifier que les nouveaux paramètres corrigeaient bien l'hypoxémie de la patiente.

Vos agissements ont donc exposé un de nos patients à des risques graves pour sa santé ce qui aurait pu entraîner des répercussions désastreuses pour notre société.

Force est de constater que malgré les rappels à l'ordre, vous persistez dans votre comportement fautif en n'appliquant pas les procédures et notamment celles relatives à la dispensation de l'oxygène en violation des règles de sécurité et des procédures applicables en la matière que vous connaissez parfaitement en votre qualité de Chauffeur Livreur Technicien au sein de notre société depuis le 10 mai 2010.

Votre comportement est d'une extrême gravité au regard de leur impact très négatif sur nos relations patients et sur l'image de qualité de la prestation de service que nous offrons aux patients que nous appareillons, ce qui dans le contexte actuel de notre secteur d'activité est très important.

Système informatique

Lors d'une intervention au domicile du patient, une fois que le dispositif médical est installé, vous indiquez le détail de votre intervention dans le système informatique. S'agissant des accès au système, le Directeur Informatique nous a informé que vous bénéficiez d'un niveau d'accès total, vous permettant de ce fait d'effectuer toutes opérations hormis des suppressions. Lors de l'entretien, vous nous l'avez confirmé tout en indiquant que cela vous était bien pratique.

Le 10 octobre 2018, suite à l'appel d'une patiente dont la jauge de sa cuve indique qu'elle est vide, alors que vous êtes d'astreinte ce jour-là, vous demandez à l'un de vos collègues, Mr [TC] [YP], d'effectuer cette visite à votre place. Ce dernier accepte, se déplace et intervient au domicile de cette patiente. Suite à son intervention, il renseigne le système informatique. Cependant bien qu'il ait effectué cette saisie à son nom, elle apparaît à ce jour comme ayant été réalisée par vous.

Il apparaît donc clairement que bénéficiant d'un accès total au système informatique, vous vous êtes attribué de cette intervention que vous n'avez pas réalisé.

De tels agissements sont d'autant plus inacceptables qu'outre le fait qu'ils constituent un non-respect caractérisé de vos obligations contractuelles, ils sont totalement irresponsables et ont été commis en parfaite connaissance de cause compte tenu de votre ancienneté à ce poste.

Nous redoutons aujourd'hui la découverte d'autres cas similaires.

Lors de l'entretien préalable, vous n'avez contesté ni vos agissements ni les informations qui vous ont été présentées.

En conséquence, les faits qui vous sont reprochés ne permettent absolument pas votre maintien à votre poste même pour la durée du préavis et constituent pour le moins des fautes graves.

Compte tenu de la gravité de celles-ci et de ses conséquences, votre maintien dans I'entreprise s'avère impossible. Nous vous confirmons pour les mêmes raisons, la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 7 décembre 2018.

La rupture de votre contrat prend effet dès l'envoi de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Nous vous invitons à prendre contact, pour convenir d'un rendez-vous, avec Mme [VE] [J], Responsable du personnel, qui tiendra à votre disposition votre attestation d'assurance chômage, votre certificat de travail et qui vous réglera votre solde de tout compte.

Nous vous rappelons que vous n'êtes pas lié à la société VIVISOL FRANCE par une clause de non-concurrence, mais qu'au terme de l'article 6 de votre contrat de travail, vous restez tenu par une obligation de discrétion absolue concernant les activités de I'entreprise et les informations dont vous avez eu connaissance dans l'exercice de vos fonctions et que le non-respect pourrait justifier l'engagement d'une procédure judiciaire en réparation du préjudice subi.

Il vous appartiendra de votre côté de procéder par tout moyen à votre convenance à la restitution des biens appartenant à la société qui vous avaient été remis pour la bonne exécution de vos fonctions à savoir: clés de la société, clés et/ou papiers de véhicules, téléphone et ordinateur portable, tout autre matériel mis à disposition.

Nous vous informons enfin qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail vous pourrez bénéficier du maintien à titre gratuit des garanties complémentaires frais de santé et prévoyance dans les conditions définies dans la notice d'information jointe que nous vous remettrons en même temps que votre solde de tout compte.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant ia notification du licenciement.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.

[K] [O]

Directeur général adjoint.'

Selon les documents de fin de contrat de travail établis par l'employeur en date du 27 décembre 2018, Monsieur [B] [IL] a été employé par la société VIVISOL du 10 mai 2010 au 21 décembre 2018 en qualité de chauffeur livreur technicien. Il a perçu une indemnité compensatrice de congés payés mais pas d'indemnité de licenciement ni d'indemnité compensatrice de préavis.

Le 20 février 2019, Monsieur [B] [IL] a saisi le conseil de prud'hommes de RIOM afin notamment de contester le bien-fondé de son licenciement.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 8 avril 2019 (convocation notifiée au défendeur employeur le 8 mars 2019) et, comme suite au constat de l'absence de conciliation, l'affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement rendu en date du 4 février 2020 (audience du 5 novembre 2019), le conseil de prud'hommes de RIOM a :

- dit que le licenciement de Monsieur [B] [IL] n'est pas fondé sur une faute grave ;

- dit que le licenciement de Monsieur [B] [IL] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société VIVISOL à payer et porter à Monsieur [B] [IL] les sommes suivantes :

* 1.580 euros brut de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, outre 158 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 6.320 euros brut au titre de préavis, outre 632 euros brut au titre de congés payés sur préavis,

* 5.422 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 6.320 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société VIVISOL aux entiers dépens.

Le 19 février 2020, la société VIVISOL a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 6 février 2020.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 25 juillet 2020 par Monsieur [B] [IL],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 23 octobre 2020 par la société VIVISOL,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société VIVISOL demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que le licenciement mis à l'encontre de Monsieur [IL] est fondé sur une faute grave ;

- dire que par voie de conséquence, Monsieur [IL] sera condamné à lui restituer les sommes versées à hauteur de 18.128,45 euro ;

A titre subsidiaire

- si la faute grave ne devait pas être retenue, dire que le licenciement de Monsieur [IL] repose sur une cause réelle et sérieuse;

- débouter Monsieur [IL] de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamner Monsieur [IL] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à venir et en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1986, devront être supportées par Monsieur [IL] demandeur, en sus des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé vu la mauvaise foi du salarié, son absence d'implication professionnelle et les fautes dont Monsieur [B] [IL] s'est rendu responsable. À titre subsidiaire, elle fait valoir une cause réelle et sérieuse de licenciement ainsi que l'absence de préjudice subi par Monsieur [B] [IL].

Dans ses dernières écritures, Monsieur [B] [IL] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts qui lui ont été accordés pour licenciement abusif et, formant appel incident de ce chef, sollicite la condamnation de la société VIVISOL à lui verser la somme de 15.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il demande également que la société VIVISOL soit condamnée à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de celle accordée en première instance, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [B] [IL] fait valoir le caractère abusif de son licenciement du fait de l'absence de faits fautifs caractérisés, en tout cas la disproportion manifeste de la mesure disciplinaire.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur le licenciement -

Le licenciement correspond à une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige sur la cause du licenciement, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux ou d'autres motifs ou griefs par rapport à ceux mentionnés dans la lettre de licenciement.

Pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

Le licenciement pour motif personnel est celui qui est inhérent à la personne du salarié. Un licenciement pour motif personnel peut être décidé pour un motif disciplinaire, c'est-à-dire en raison d'une faute du salarié, ou en dehors de tout comportement fautif du salarié (motif personnel non disciplinaire). Il ne doit pas être discriminatoire.

Si l'employeur peut sanctionner par un licenciement un acte ou une attitude du salarié qu'il considère comme fautif, il doit s'agir d'un comportement volontaire (action ou omission). À défaut, l'employeur ne peut pas se placer sur le terrain disciplinaire. La faute du salarié correspond en général à un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Elle ne doit pas être prescrite, ni avoir déjà été sanctionnée. Les faits reprochés au salarié doivent lui être personnellement imputables. Un salarié ne peut pas être licencié pour des faits imputables à d'autres personnes, même proches.

En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Le licenciement pour faute lourde, celle commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, entraîne également pour le salarié la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement, avec possibilité pour l'employeur de réclamer le cas échéant au salarié réparation du préjudice qu'il a subi (dommages-intérêts). Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.

La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne pas doit être disproportionnée mais doit être proportionnelle à la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

Le code du travail ne donne aucune définition de la faute grave. Selon la jurisprudence, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis, en tout cas une rupture immédiate du contrat de travail avec dispense d'exécution du préavis. Elle peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d'une telle mesure n'est pas obligatoire. La faute grave ne saurait être admise lorsque l'employeur a laissé le salarié exécuter son préavis au salarié. En revanche, il importe peu que l'employeur ait versé au salarié des sommes auxquelles il n'aurait pu prétendre en raison de cette faute, notamment l'indemnité compensatrice de préavis ou les salaires correspondant à une mise à pied conservatoire.

En cas de faute grave, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la Cour de cassation juge que la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement, le doute doit profiter au salarié.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires (date de convocation à l'entretien préalable ou de prononcé d'une mise à pied conservatoire / date de présentation de la lettre recommandée ou de remise de la lettre simple pour une sanction ne nécessitant pas un entretien préalable) au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Si un fait fautif ne peut plus donner lieu à lui seul à une sanction disciplinaire au-delà du délai de deux mois, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai, l'employeur pouvant ainsi invoquer une faute prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d'un comportement identique. Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

S'agissant des attestations produites, il échet de rappeler que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, d'irrecevabilité ou d'inopposabilité. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur probante d'une attestation non conforme à l'article 202 du code de procédure civile.

En l'espèce, l'employeur a prononcé la sanction disciplinaire de licenciement pour faute grave à l'encontre de Monsieur [B] [IL] en relevant que :

- Tout technicien intervenant à domicile a pour obligation de respecter la procédure correspondante à son intervention. En raison de la nature de l'activité ainsi que des nécessités de continuité de soins au patient, les techniciens peuvent être appelés à assurer des astreintes. Le technicien qui est d'astreinte doit donc répondre aux appels des patients et intervenir à leur domicile en cas d'urgence. Dans le cas spécifique de l'oxygène, ce dernier étant classé comme médicament, sa dispensation est conditionnée à une validation pharmaceutique. De ce fait toute livraison d'oxygène et toute demande d'intervention en oxygène doit être validée par le Pharmacien du secteur ou le Pharmacien d'astreinte. Le 12 septembre 2018, lors d'un entretien il a été rappelé précisément à l'ordre s'agissant du respect des consignes, des astreintes et des interventions en oxygène suite à des manquements constatés. Le 19 novembre 2018, il à nouveau été clairement rappelé la consigne s'agissant de la rédaction du compte rendu d'observance : 'ne pas renseigner de délais sur le CRO' afin de garantir les informations transmises au prescripteur ;

- Lors de la consultation de la fiche patient de Mr [P], patient dont vous avez la charge, le CRO que vous avez rédigé le 15 juin 2018 indique qu'un contrôle sera réalisé sous 10 jours. Ce contrôle sera en effet réalisé non pas le 25 juin 2018 comme vous l'aviez indiqué mais le 29 novembre 2018 soit plus de 5 mois plus tard. Lors de l'entretien vous avez clairement confirmé que vous indiquez un délai et que vous continuerez de le faire parce que pour vous 'c'est un atout' pour l'entreprise. Par ailleurs, lors de votre intervention du 29 novembre 2018, constatant que ce patient était inobservant vous demandez le désappareillage alors qu'il s'avère que vous n'avez pas respecté les étapes de suivi et avez attendu plus de 5 mois pour intervenir. En effet suite à votre visite, le patient a appelé le Responsable Technique dont vous dépendez et suite à cet entretien, ce patient est redevenu observant ;

- Le samedi 3 novembre 2018, alors que vous êtes d'astreinte, Mme [V] vous appelle pour signaler un changement de débit suite à son hospitalisation ainsi qu'un changement de cuve car celle qu'elle avait était vide et vous demande de ce fait que vous interveniez. Vous lui auriez indiqué que vous n'aviez pas le temps et lui avez demandé de se brancher sur un appareil électrique en attendant le changement de cuve le lundi suivant. De votre propre initiative et sans avoir appelé le Pharmacien d'astreinte, vous avez donc pris la décision de demander à cette patiente de se brancher elle-même sur un appareil électrique, alors qu'elle n'a aucune qualification ni habilitation pour ce faire, et que vous ne pouviez pas effectuer un relevé de saturométrie pour vérifier que la mise en place du dispositif était conforme. S'agissant d'oxygène, vous deviez contacter le Pharmacien d'astreinte pour valider avec lui l'action à réaliser et vous déplacer pour vérifier que les nouveaux paramètres corrigeaient bien l'hypoxémie de la patiente ;

- Le 10 octobre 2018, suite à l'appel d'une patiente dont la jauge de sa cuve indique qu'elle est vide, alors que vous êtes d'astreinte ce jour-là, vous demandez à l'un de vos collègues, Mr [TC] [YP], d'effectuer cette visite à votre place. Ce dernier accepte, se déplace et intervient au domicile de cette patiente. Suite à son intervention, il renseigne le système informatique. Cependant bien qu'il ait effectué cette saisie à son nom, elle apparaît à ce jour comme ayant été réalisée par vous. Il apparaît donc clairement que bénéficiant d'un accès total au système informatique, le salarié s'est attribué cette intervention qu'il n'a pas réalisé ;

- Le salarié a exposé un de nos patients à des risques graves pour sa santé ce qui aurait pu entraîner des répercussions désastreuses pour notre société. Malgré les rappels à l'ordre, le salarié a persisté dans son comportement fautif en n'appliquant pas les procédures et notamment celles relatives à la dispensation de l'oxygène en violation des règles de sécurité et des procédures applicables en la matière. Ce comportement est d'une extrême gravité au regard de leur impact très négatif sur nos relations patients et sur l'image de qualité de la prestation de service que nous offrons aux patients que nous appareillons, ce qui dans le contexte actuel de notre secteur d'activité est très important.

Avant d'examiner les griefs invoqués de façon précise par l'employeur dans la lettre de licenciement, il échet d'examiner le contexte décrit par celui-ci. La société VIVISOL soutient que le travail de Monsieur [B] [IL] lui donnait entière satisfaction jusqu'en 2018, année où le salarié a commencé à commettre des négligences de façon récurrente, voire à refuser d'appliquer des directives, ce dont l'employeur indique s'être rendu compte seulement en septembre 2018, ce qui l'aurait amené à 'recadrer' Monsieur [B] [IL] une première fois le 12 septembre 2018, puis une seconde fois le 19 novembre 2018.

Le contrat de travail énumère les différentes missions de Monsieur [IL] qui devait notamment appareiller les clients de l'entreprise, livrer le matériel au domicile des clients, intervenir en cas d'urgence dans le cadre d'astreintes, assurer la maintenance technique, gérer un ensemble de clients pour installer et rendre effectif, à leur domicile, un appareil de respiration, délivré sur instructions médicales, faire rapport des anomalies constatées au pharmacien responsable ou au responsable technique.

Les parties indiquent que Monsieur [B] [IL] assurait ainsi le suivi d'environ 400 clients ou patients (378 en 2018), comme les autres chauffeurs livreurs techniciens de l'entreprise.

Si l'employeur produit des pièces faisant état de directives, instructions ou difficultés concernant les missions confiées notamment aux chauffeurs livreurs techniciens de l'entreprise (schéma pièce 22 ; note technique ; note de décharge à faire signer au patient arrêt son traitement contre avis médical ; mail de Monsieur [LX] du 14 octobre 2020 ; mail de Monsieur [FA] du 29 janvier 2018 ; mail de madame [G] du 18 mai 2018 ; mail de Monsieur [C] du 19 mai 2018 ; mail de Madame [W] etc...), il n'est pas justifié que ces documents aient été diffusés à tous les salariés ou adressés Monsieur [B] [IL] ou qu'ils concernent directement l'intimé.

Dans un mail du 9 novembre 2017, adressé à plusieurs salariés dont Monsieur [B] [IL], Monsieur [FA] (direction pharmaceutique) indiquait qu'un EHPAD avait signalé un manque de réactivité de l'entreprise pour des changement de concentrateurs ainsi que les remarques des cadres de santé sur les délais d'intervention des techniciens dans ce cadre. L'auteur du mail précisait que Monsieur [B] [IL] n'était pas directement cité mais que c'était une pratique courante de ce salarié en astreinte (affirmation non justifiée).

Dans un compte rendu de réunion du 11 juillet 2018, à laquelle participaient apparemment plusieurs salariés dont Monsieur [B] [IL] (pas de signature de feuille de présence), il était rappelé certaines consignes, sans viser toutefois directement le travail de Monsieur [B] [IL].

Dans une attestation établie en date du 3 mai 2019, Madame [CG], directive pharmaceutique, fait état des difficultés de Monsieur [B] [IL] à se conformer aux consignes et directives données par sa hiérarchie.

La cour ne relève aucune sanction disciplinaire, ou passé disciplinaire, concernant Monsieur [B] [IL].

Le seul 'recadrage' démontré apparaît dans un courriel du 21 septembre 2018 adressé par Monsieur [LF] [C] à Monsieur [B] [IL] qui est intitulé 'entretien pour rappel à la règle'. Mentionnant faire suite à un entretien en date du 12 septembre 2018, Monsieur [LF] [C] souhaitait rappeler à l'intimé qu'il devait respecter les directives de son manager, Madame [X] [W], respecter les consignes en général, être joignable en période d'astreinte, vider son véhicule d'oxygène au retour de chaque tournée, et ce sous peine sanction disciplinaire. Des reproches étaient donc adressés à Monsieur [B] [IL] dans le cadre de ce 'recadrage', mais sans citer précisément les temps, lieux ou patients concernés, sans justificatifs afférents, sans sanction disciplinaire notifiée.

Monsieur [B] [IL] produit de nombreux témoignages de clients ou patients ([N] / [RT] / [M] / [L] / [PI] / [H] / [E] / [Z] / [F] / [R] / [I]) indiquant que ce salarié leur avait donné entière satisfaction dans le cadre du suivi technique, louant les compétences, disponibilité, diligences et réactivité de l'intimé sur le plan professionnel.

Monsieur [LF] [C], qui avait 'recadré' Monsieur [B] [IL] par mail en septembre 2018, a pourtant établi en date du 3 janvier 2019 un courrier de recommandation en faveur de cet ancien salarié de la société VIVISOL. Il mentionne dans ce cadre que Monsieur [B] [IL] a exercé ses fonctions avec compétence, rigueur, dynamisme, motivation et efficacité, accomplissant dans ce cadre des missions de livraison d'oxygène, d'installation de matériels respiratoires, d'éducation du patient et de son entourage pour favoriser l'observance du traitement, de suivi des patients avec rédaction de rapports à destination des médecins.

Monsieur [LF] [C], dans une attestation établie en date du 3 mai 2019, a visiblement tenté de justifier sa démarche du 3 janvier 2019, affirmant qu'il avait plusieur fois 'recadré' Monsieur [B] [IL] pour des fautes professionnelles. Il est toutefois assez rare qu'un supérieur hiérarchique à l'origine d'une procédure de licenciement disciplinaire, en tout cas au moins pour partie, remette une lettre de recommandation pour bons et loyaux services au salarié licencié quelques jours après la notification du licenciement pour faute grave.

Après cette étude de contexte, il échet de déterminer si les griefs mentionnés par l'employeur dans la lettre de licenciement sont réels et sérieux, voire graves.

- Sur le grief de non-respect des procédures et des consignes dans le cas de Monsieur [P] -

La fiche patient de Monsieur [P], produite par l'employeur, révèle que l'entreprise est intervenue à plusieurs reprises chez ce patient, ou à son service, entre 2015 et 2019, notamment en 2018 (25 janvier, 15 juin, 29 novembre, 27 décembre).

S'agissant du rythme des visites au domicile d'un patient alors 'inobservant' (refusant le traitement médical par oxygène precrit), le schéma produit par l'employeur mentionne 'télésuivi ou visite sous 7 à 10 jours'. Un contact téléphonique dans les 10 jours plutôt qu'une visite à domicile, démarche revendiquée par Monsieur [B] [IL], ne semblait donc pas alors prohibé par l'employeur.

Le successeur de Monsieur [B] [IL] (Monsieur [AN]) révèle seulement qu'il a effectué plusieurs visites physiques mais également des appels téléphoniques en faveur de Monsieur [P], devenu alors patient 'observant', sans citer le travail accompli précédemment par Monsieur [B] [IL].

Monsieur [B] [IL] justifie d'un rapport d'observance concernant Monsieur [P] pour la période du 1er septembre 2018 au 29 novembre 2018.

Monsieur [P] a établi une attestation en date du 10 janvier 2019. Il indique que Monsieur [B] [IL] l'a suivi de façon régulière et satisfaisante, a été très courtois, patient et professionnel, a essayé de le sensibiliser sur le plan thérapeutique et de le convaincre d'être 'observant', et a proposé de contacter son prescripteur en ce sens, a pris régulièrement de ses nouvelles, mais ajoute qu'il a toujours refusé d'utiliser l'appareillage livré et indiquait à Monsieur [B] [IL] qu'il était inutile de venir à son domicile.

Vu les éléments d'appréciation dont la cour dispose, le grief de non-respect des procédures et des consignes, avec un suivi insuffisant et un dépassement de compétence, concernant le patient ou client [P] n'est pas matériellement établi.

- Sur le grief de non-respect des procédures et des consignes dans le cas de Madame [V] -

L'employeur ne justifie en rien le grief concernant un non-respect des procédures et des consignes, avec un suivi insuffisant et inadapté en date du samedi 3 novembre 2018, dans le cas de la patiente ou cliente [V]. Une enquête de satisfaction en date du 24 avril 2019, avec la seule mention d'un problème concernant une unique intervention pour des lunettes oxygène, avec un déplacement en astreinte effectué par Monsieur [B] [IL] à une date non précisée, ne saurait caractériser une faute imputable à l'intimé, en tout cas s'agissant du grief visé dans la lettre de licenciement.

En outre, Madame [V] a établi une attestation-lettre en date du 21 janvier 2019. Elle remercie Monsieur [B] [IL] pour la qualité du suivi et de ses interventions, et se déclare entièrement satisfaite de ses services. Elle précise que le samedi '2 novembre' Monsieur [B] [IL] lui a proposé de se déplacer à son domicile mais qu'elle a refusé car cela était inutile.

Ce second grief n'est pas matériellement établi.

- Sur le grief de manipulation informatique -

Monsieur [Y] atteste que le 10 octobre 2018 il a accompagné Monsieur [YP] au domicile de Madame [T] qui était en rupture d'oxygène liquide dans sa cuve. Monsieur [YP] atteste être intervenu le 10 octobre 2018 au domicile de Madame [T], en présence de Monsieur [Y], pour effectuer un dépannage.

Dans un mail du 7 novembre 2018, Monsieur [YP] indique être intervenu chez Madame [T] le 10 octobre 2018 à la demande de Monsieur [B] [IL] qui était alors occupé sur une autre intervention.

Dans une attestation, Madame [T] expose que Monsieur [B] [IL] est intervenu à son domicile le 10 octobre 2018, alors que le 3 octobre 2018 c'est Monsieur [YP] qui est intervenu à son domicile, en lieu et place de Monsieur [B] [IL] qu'elle avait contacté mais qui lui avait indiqué être déjà en déplacement dans l'Allier. Elle ajoute que Monsieur [B] [IL] est intervenu à son domicile chaque fois qu'elle avait besoin de lui, toujours avec sérieux et conscience professionnelle.

Les relevés informatiques versés aux débats indiquent que son intervenus au domicile de Madame [T] : le 3 octobre 2018 Monsieur [YP], le 10 octobre 2018 Monsieur [B] [IL].

Non seulement il n'est justifié d'aucun problème de suivi concernant Madame [T] mais la société VIVISOL ne procède que par seule voie d'affirmation lorsqu'elle prétend que Monsieur [B] [IL] aurait tenté de dissimuler une absence d'intervention ou un remplacement, notamment sur le plan informatique.

- Sur l'appréciation de la cause du licenciement -

Les griefs mentionnés par l'employeur dans la lettre de licenciement ne sont nullement établis. Ils ne sont donc pas réels.

Surabondamment, l'employeur fait état dans la lettre de licenciement de deux ou trois anomalies concernant Monsieur [B] [IL] alors que celui-ci a suivi environ 400 patients ou clients chaque année entre 2010 et 2018. La société VIVISOL est incapable de démontrer que les dysfonctionnements allégués auraient été de nature à mettre en danger ou présenter un risque sérieux pour les patients. Elle est tout aussi défaillante à prouver que des consignes ou directives claires aurait été notifiées préalablement au salarié. Les griefs ne sont donc ni réels ni sérieux et, en tout état de cause, vu l'absence de passé disciplinaire pour le salarié concerné, une sanction disciplinaire de licenciement était manifestement disproportionnée.

La cour n'examinera pas les griefs invoqués par le société VIVISOL dans ses dernières écritures mais non mentionnés dans la lettre de licenciement.

La cour ne relève ni faute grave ni cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a dit le licenciement de Monsieur [B] [IL] sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences d'un licenciement abusif -

Au moment de son licenciement, Monsieur [B] [IL] était âgé de 42 ans et avait une ancienneté de 8 ans et 7 mois au sein d'une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. Les parties s'accordent sur un salaire mensuel brut de référence de 3.160 euros. Monsieur [B] [IL] a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi après son licenciement, au moins jusqu'en juillet 2019. Il indique avoir désormais retrouvé un emploi moins rémunérateur mais n'en justifie pas.

Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et si l'une ou l'autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut (en l'espèce entre 2 et 8 mois).

Vu les éléments d'appréciation dont la cour dispose, la société VIVISOL sera condamnée à payer à Monsieur [B] [IL] une somme de 15.000 euros en brut, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé sur ce point.

S'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en condamnant la société VIVISOL à payer à Monsieur [B] [IL] les sommes de 1.580 euros brut de salaires au titre de la mise à pied conservatoire, outre 158 euros brut au titre des congés payés afférents, 6.320 euros brut au titre de préavis, outre 632 euros brut au titre de congés payés sur préavis, 5.422 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société VIVISOL, qui succombe en son recours, sera condamnée aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [B] [IL] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Réformant, condamne la société VIVISOL à payer à Monsieur [B] [IL] la somme de 15.000 euros en brut, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;

- Y ajoutant, condamne la société VIVISOL à verser à Monsieur [B] [IL] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne la société VIVISOL aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00335
Date de la décision : 24/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-24;20.00335 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award