24 MAI 2022
Arrêt n°
CV/NB/NS
Dossier N° RG 19/02241 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKOJ
[D] [G]
/
Société AUCHAN [Localité 1]
Arrêt rendu ce VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Claude VICARD, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. [D] [G]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Eric NURY de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
Société AUCHAN [Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me FAGEOLE, avocat suppléant Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant
INTIMEE
Après avoir entendu Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 14 mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 17 mai 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 23 mai 2022 conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [D] [G] a été engagé à compter du 27 mai 2008 en qualité d'agent de sécurité par la SAS AUCHAN [Localité 1], sous contrat de travail à durée indéterminée.
Par courrier du 17 juin 2016, la SAS AUCHAN [Localité 1] a notifié à M. [G] un avertissement pour des faits s'étant déroulés les 23 avril et 14 mai 2016.
Le 29 juillet 2016, M. [G], contestant le bien fondé de cette sanction, a saisi le conseil de prud'hommes de Montluçon en annulation de l'avertissement et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 15 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Montluçon a :
- dit que la SAS AUCHAN [Localité 1] est dans l'impossibilité de verser aux débats l'historique DIAMANT II;
- dit qu'il n'y a pas lieu à annulation de l'avertissement du 17 juin 2016;
- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes;
- débouté la SAS AUCHAN [Localité 1] de sa demande au titre de 1'article 700 du code de procédure civile;
- mis les dépens à la charge de chaque partie.
Le 30 novembre 2019, M. [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 6 novembre 2019.
La procédure d'appel a été clôturée le 14 février 2022 et l'affaire appelée à l'audience de la chambre sociale du 14 mars 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 15 septembre 2020, M. [G] conclut à l'infirmation du jugement querellé en toutes ses dispositions, au débouté de la SAS AUCHAN [Localité 1] en toutes ses prétentions et demande à la cour de :
- dire que la société AUCHAN [Localité 1] devra verser aux débats l'historique DIAMANT II pour la soirée du 23 avril 2016 et à défaut, d'en tirer toutes conséquences,
- annuler l'avertissement du 17 juin 2016;
- condamner la SAS AUCHAN [Localité 1] à lui payer la somme de 800 euros à titre de dommages intérêts ainsi que celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société AUCHAN [Localité 1] aux dépens de première instance et d'appel.
M. [G] conteste les griefs invoqués, en soutenant que le 23 avril 2016, il n'y a pas eu de déclenchement du bouton d'appel d'urgence; que l'employeur n'a jamais versé aux débats l'historique DIAMANT II, qui permettrait d'établir la vérité; que celui- ci n'a pas conservé la preuve des agissements reprochés alors que la charge de la preuve en matière disciplinaire lui incombe ; que la cour devra dès lors en tirer toutes conséquences.
S'agissant des faits du 14 mai 2016, il soutient qu'il ne pouvait quitter son poste pour intervenir en caisse, étant seul au pointeau sécurité; qu'en outre, le déclenchement d'appel l'a été de manière fortuite; qu'il a eu confirmation de l'erreur après s'en être enquis auprès de l'hôte de caisse.
Aux termes de ses écritures notifiées le 17 juin 2020, la SAS AUCHAN [Localité 1] conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles.
Elle demande à la cour de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, ou subsidiairement, le débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts faute de rapporter la preuve du préjudice subi, ou infiniment subsidiairement, en diminuer le montant, enfin de le condamner à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens.
L'intimée soutient que l'avertissement notifié le 17 juin 2016 à M. [G] est fondé.
Concernant le premier grief, elle indique que M. [G] a refusé d'intervenir auprès d'une hôtesse de caisse qui a déclenché le bouton d'appel d'urgence; qu'il a en outre tenu des propos désobligeants à l'encontre de Mme [H] et de M. [F] et ce faisant, enfreint le règlement intérieur de l'entreprise.
Concernant le second grief, elle explique que le salarié a une nouvelle fois délibérément refusé d'agir et ainsi fait montre d'un manque de professionnalisme.
Elle ajoute enfin que la production aux débats de l'historique DIAMANT II est impossible, ce type de fichiers étant écrasé tous les ans et la société ayant changé de serveur en juin 2017.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°- Sur la demande en annulation de l'avertissement et paiement de dommages et intérêts :
L'employeur dispose d'un pouvoir disciplinaire, c'est-à-dire du droit de sanctionner les fautes commises par ses salariés à l'occasion de l'exécution de leur contrat de travail. La loi ne définit pas la faute de nature à déboucher sur une sanction disciplinaire. Elle se borne à autoriser l'employeur à sanctionner 'tout agissement considéré par lui comme fautif'. De manière générale, la faute résulte du non- respect de la discipline par le salarié ou de l'exécution volontairement défectueuse de son travail.
Le comportement fautif du salarié doit, en principe, se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire, l'insuffisance professionnelle ne constituant pas un motif de sanction disciplinaire. La faute ne peut résulter que d'un fait avéré, imputable au salarié et constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.
L'employeur est, en principe, libre de choisir la sanction qui lui paraît adaptée au comportement fautif du salarié. La sanction disciplinaire doit néanmoins être proportionnée à la faute commise par le salarié.
Il entre dans l'office du juge de vérifier, au vu des données de l'espèce, que la sanction est justifiée et proportionnée à la gravité de la faute reprochée au salarié, à défaut de quoi l'article L. 1333-2 du code du travail lui confère le pouvoir de prononcer l'annulation de la sanction infligée par l'employeur.
L'article 1333-1 du même code précise que 'l'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'
En l'espèce, la SAS AUCHAN [Localité 1] a notifié à M. [G] un avertissement par courrier recommandé du 17 juin 2016, libellé comme suit :
'Monsieur,
Par lettre remise en main propre en date du 21 mai 2016, nous vous avons convoqué à un entretien le mardi 31 mai 2016 pour recevoir vos explications sur les faits survenus le 23 avril 2016 et le samedi 14 mai 2016 qui vous ont été évoqués le jour même.
Vous n'avez pas pu vous présenter à l'entretien relatif à une éventuelle sanction disciplinaire le mardi 31 mai 2016 pour cause de maladie. Nous avons alors décalé la date de l'entretien au jeudi 9 juin 2016. Vous ne vous être pas présenté à cet entretien.
Par la présente, je vous confirme la décision que nous avons prise suite aux faits qui vous sont reprochés.
Le 23 avril, vos horaires de travail étaient 14h-22h. Vous étiez ce jour en polyvalence de chef d'équipe. A 20 heures 20, une hôtesse de caisse déclenche le bouton d'appel d'urgence pour signaler une tentative de vol par mauvais pesage. Vous avez, suite à cet appel d'urgence, délibérément refusé d'intervenir auprès de l'hôtesse. Egalement contacté au téléphone par l'agent de permanence au PC Sécurité, vous invoquez votre supériorité de fonction pour juger de la situation. Suite à cela, vous avez tenu des propos désobligeants à l'encontre de la manager caisse Mme [B] [H] et de l'agent de sécurité M. [Y] [F] qui ne comprenaient pas votre décision.
Vous reconnaîtrez, par la suite, avoir eu un comportement déplacé et manquant de politesse et de courtoisie envers votre collègue et la manager caisse. Nous vous rappelons que le règlement intérieur stipule en son article 5.2 que 'l'existence d'une collectivité de travail impose à chaque collaborateur d'adopter un comportement poli, courtois et respectueux de son environnement de travail'. De plus, l'article 5.3 précise que 'les collaborateurs qui sont en contact avec la clientèle doivent ne pas adopter un comportement de nature à nuire, auprès de la clientèle, à l'image de marque de l'entreprise '.
Le samedi 14 mai, vos horaires de travail étaient 07h - 14h30. Vous renouvelez ce comportement où suite à un déclenchement d'un appel d`urgence caisse 14 annoncé à la radio à 10 h 45, vous ne vous déplacez pas, alors que vous êtes au pointeau côté entrée non alimentaire, prétextant ne pas vouloir abandonner votre poste. Le bon sens prévaut et l'urgence en ce domaine de porter secours aux collaborateurs ou aux clients, est prédominante par rapport à toute autre chose.
Nous vous rappelons qu'il est de votre devoir de respecter également le code de déontologie qui précise en son article 7 sur l'attitude professionnelle 'qu'en toute circonstance, les acteurs de la sécurité privée (...) agissent avec professionnalisme (...)'.
En conséquence et compte tenu des faits qui vous sont reprochés, nous vous adressons par la présente un avertissement en application de l'article 9 du Règlement Intérieur.
Nous souhaitons vivement que vous preniez les résolutions nécessaires afin que ces faits ne se reproduisent pas. A défaut, nous pourrions être amenés à prendre à votre égard une sanction plus grave.(...)'.
Pour solliciter l'annulation de cette sanction, le salarié conteste la matérialité des griefs invoqués, dont il estime la preuve non rapportée.
1° Concernant les faits du 23 avril 2016 :
M. [G] conteste le déclenchement du bouton d'appel d'urgence et la défaillance d'intervention qui lui est reprochée.
L'employeur produit néanmoins aux débats les attestations concordantes et circonstanciées de trois salariés impliqués dans les faits.
Ainsi, Mme [C] [W], épouse [F], hôtesse de caisse, relate, dans son attestation du 20 octobre 2016, que 'le 23 avril 2016, une cliente se présente en caisse automatique (Auchan [Localité 1]) pour passer ses articles, je constate un problème de poids (sous pesés) sur 5 de ses sachets de fruits et légumes, je préviens l'hôtesse de zone pour repeser les sachets. Après vérification, il s'avère que le poids dans les sachets était plus important; A ce moment là, la cliente a commencé à m'agresser verbalement et s'est approchée de moi en s'agitant. Ayant eu peur, j'ai appuyé sur le bouton d'appel d'urgence. L'agent du PC sécurité m'a téléphoné pour savoir ce qui se passe. Je lui explique les faits, il raccroche et me dit qu'il envoie un agent. Ne voyant personne arriver et la cliente étant toujours aussi agressive, je réappuie sur le bouton d'appel d'urgence. J'appelle l'hôtesse de zone qui était à ce moment là repartie en caisse, elle me demande de prévenir le permanent magasin (Madame [B] [H]) qui est arrivée de suite et a appelé le chef d'équipe sécurité, Monsieur [D] [G] qui ne s'est pas déplacé et n'a pas envoyé d'agent suite à mes appels d'urgence.'
Mme [T] [P], épouse [O], responsable de ligne, atteste pour sa part, que 'le 23 avril 2016, j'étais de permanence zone sur la ligne de K8. Ma collègue [C] [F] a appuyé sur le bouton d'appel d'urgence pour un problème de poids sur les fruits et légumes. M. [D] [G] qui était sur la surface de vente ne s'est pas déplacé devant la problématique K9 Minute. Le permanent magasin, Mme [H] [B] a dû se déplacer et prendre les choses en main.'
De même, M. [Y] [F], agent de sécurité SSIAP 1, chef d'équipe sécurité, rapporte qu'étant 'en poste au PC sécurité au moment H, Mr [R] [J] agent de sécurité (en pause si je me rappelle bien) Mr [G] [D] chef d'équipe en poste au pointeau entrée magasin.
Les faits Mme [F] [C] hôtesse de caisse en poste aux caisses minutes déclenche un BAU (Bouton d'Appel d'Urgence). Je suis la procédure qui est depuis le PC Sécurité Appel aux agents placé la caméra sur les faits et faire un appel téléphonique à l'hôtesse de caisse au 2913 pour ce poste. Aucune réponse des agents.
Par téléphone, l'hôtesse de caisse m'informe que la cliente passe plusieurs produits fruits et légumes qui sont sous pesés. Cette même personne commence à faire de grands gestes (vu en vidéo) et j'entends bien cette même personne hausser le ton. L'hôtesse demande suivant la procédure qu'un agent intervienne pour repeser les 5 produits différents. Je raccroche en précisant que je vais voir avec un agent disponible. Nouvel appel radio (pas de réponses) j'appelle au poste 32 15, poste chef d'équipe et lui parle des faits. Mr [G] [D] m'informe qu'il ne peut se déplacer et que ce n'est pas à lui de repeser les produits et voir avec l'hôtesse de zone. Je rappelle l'hôtesse de caisse et lui passe la consigne. L'hôtesse de zone n'est pas disponible car travaille au passage des clients sur une caisse. La permanente magasin [H] [B] est prévenue par l'hôtesse, la cliente pendant ce laps de temps s'énerve de plus en plus. Une fois la permanente magasin sur place la cliente est de plus en plus énervée, un second BAU est déclenché, je rappelle la caisse minute, celle-ci m'informe que la cliente est virulente et insolente, la permanente magasin prend le téléphone et me demande un agent rapidement. Je fais un nouvel appel radio qui reste sans réponses, elle prend son téléphone 3999 permanent magasin et appelle le 3215 chef d'équipe. En vidéo, je peux voir mon chef d'équipe sortir son téléphone de sa sacoche le regarder et le ranger, je raccroche. Un troisième BAU est déclenché.'
Enfin, Mme [B] [H], manager caisse, corrobore les témoignages précédents en indiquant: 'Lors de cette permanence, je reçois un appel de l'hôtesse de caisse minutes, Mme [F] [C]. Elle me dit, sur un ton énervé, qu'une cliente a plusieurs sachets de fruits et légumes mal pesés, qu'elle a appuyé plusieurs fois sur le BAU (Bouton d'Appel d'Urgence) mais qu'aucun agent de sécurité ne s'est déplacé, selon elle '[D] ne veut pas se déplacer pour çà'. Je comprends que la situation dure, je prends donc la décision de repeser les sachets de la cliente. Lorsque j'arrive en caisse minutes, je vois une cliente agacée qui commence à monter en tonalité ; Mme [F] qui essaie d'expliquer à la cliente qu'il n'y a pas de problèmes sur nos balances caisses minutes, et l'hôtesse de zone, Mme [O] [T], qui essaie de gérer les trois autres caisses minutes. Je calme la cliente et vais repeser les 5 sachets de fruits et légumes. En effet, après repesée, je constate un écart de prix en hausse. A mon retour en caisse minutes, la cliente décide donc d'abandonner un sachet. Je calme Mme [F] [C] qui ne décolère pas de la non présence de l'agent de sécurité pour un vol manifeste. Un fois le litige terminé, je décide d'échanger avec Monsieur [G] [D] qui m'explique que ce n'est pas un cas d'urgence et que cette hôtesse appuie souvent sur le BAU. En tant que manager caisse, je lui explique que ce genre de situation est difficile à gérer pour mon équipe qui fait généralement face à une clientèle de plus en plus agressive et que cette cliente n'avait pas UN mais PLUSIEURS sachets litigieux. Nous échangeons cordialement mais chacun restant plus ou moins sur ses positions. Je clos en lui signalant que j'échangerai avec M. [A] [L], son responsable, pour trouver la bonne marche à suivre et ne pas revivre cette situation. Vers 20h30, Mme [F] [C] m'alerte de l'état de nervosité de M. [F] [Y] qui est au PC sécurité. Elle est inquiète et je décide donc de m'assurer que tout va bien. Je le joins par téléphone et constate les dires de l'hôtesse. Je me rends au PC où 2 minutes plus tard M. [G] [D] nous rejoint. M. [F] [Y] reproche à M. [G] [D] de l'avoir laissé sur le poste de surveillance PC tout l'après-midi et soirée et que son seul moment de sortie soit la fermeture de la Station. Il lui demande pourquoi il ne suit pas le document mis en place par le secteur pour éviter ce genre de situation. M. [G] [D] se défend et lui assure que ce n'est pas le cas; il lui rappelle ensuite qu'il est coordonnateur sécurité et que nous n'avons pas à lui dire comment faire son métier. Le ton monte entre les deux hommes. Il n'y a aucune insulte mais les deux agents hurlent pour s'expliquer ; ils sont debout l'un face à l'autre. Je hausse la voix pour les calmer et leur demander d'arrêter d'hurler. M. [G] [D] me dit que je n'ai rien à faire là et me fait part que je n'ai pas le droit de me trouver à l'intérieur du PC sécurité. M. [F] [Y] lui dit que je peux être présente à l'intérieur du PC puisque je représente la direction, ce que je confirme. M. [G] [D] clôt calmement l'échange et informe qu'il échangera avec son responsable, M. [I] [Z], le directeur du magasin, dès le lendemain. Il remplace M. [F] [Y] et nous sortons. L'affaire en reste là.'
Les attestations susvisées établissent suffisamment la matérialité d'un déclenchement du bouton d'appel d'urgence à plusieurs reprises et le défaut délibéré d'intervention de M. [G], étant précisé que si M. [F] est bien le conjoint de Mme [W], son témoignage régulier et détaillé concorde avec les déclarations de son épouse et de Mme [H].
M. [G] produit aux débats l'attestation de M. [J] [R], agent de sécurité, établie le 10 février 2017, certifiant 'qu'il n'y a pas eu de déclenchement du bouton d'appel d'urgence et que cela est vérifiable sur l'historique du logiciel spécifique DIAMANT'.
Ce témoignage pour le moins laconique, établi près d'un an après les faits et en divergence totale avec ceux des autres salariés, présente une valeur probante d'autant plus limitée que l'employeur affirme, sans être contredit par l'appelant, que l'intéressé ne se trouvait pas au PC Sécurité ce soir là.
Quant au défaut de production de l'historique du logiciel DIAMANT 2, il n'est pas discuté que ce logiciel a été remplacé en mai 2017 et n'est plus disponible depuis cette date. Or, M. [G] n'en a sollicité communication pour la première fois que dans ses écritures du 19 mars 2018, de sorte qu'il ne saurait sérieusement exciper d'une destruction intentionnelle de preuve.
Au demeurant, au vu des témoignages précités, la preuve d'un refus fautif d'intervention de M. [G] malgré le déclenchement d'un appel d'urgence apparaît suffisamment rapportée.
Ne peut en revanche être considérée comme établie la matérialité de propos désobligeants tenus par M. [G] à l'égard de ses collègues, Mme [H] étant la seule à faire état en des termes généraux d'un échange verbal houleux ultérieur entre l'appelant et M. [F].
2° Concernant les faits du 14 mai 2016 :
Il est de nouveau reproché à M. [G] de ne pas s'être déplacé au déclenchement d'un appel d'urgence. Il rétorque s'être assuré du caractère fortuit et malencontreux de cet appel auprès de l'hôte de caisse concerné et s'être trouvé dans l'impossibilité d'abandonner son poste, étant seul au pointeau sécurité.
M. [L] [A], responsable sécurité, relate dans son attestation du 24 octobre 2016, que 'le samedi 14/05/16, aux alentours de 10h45, je dresse les tables en salle de réunion à l'étage, lorsque que j'entends à la radio 'agression caisse n°14", je quitte les lieux précipitamment, dévale les escaliers, me hâte dans le couloir, débloque la porte, remonte dans l'allée et longe la ligne de caisse. Je suis surpris d'être le premier sur place alors que Mr [G] qui est au pointeau n'a pas bougé. L'interrogeant sur ce comportement, il m'explique que 90% du temps c'est une fausse alerte et que cela ne sert à rien de se dépêcher.'
Si ses collègues, Messieurs [M] [X] et [N] [V], attestent en 2017 que M. [G] a fait orienter la caméra vers la caisse concernée et appelé l'hôte de caisse pour avoir confirmation d'une erreur, pour autant M. [G] ne conteste pas ne pas avoir agi immédiatement en allant à la caisse. Il est en outre curieux qu'il n'ait pas livré ces mêmes explications à M. [A] lorsque celui- ci l'a interrogé.
L'employeur démontre par ailleurs, par la production aux débats du pointage des agents de sécurité présents le 14 mai 2016, la fausseté des affirmations de M. [G] quant à une insuffisance d'effectifs ce jour là.
De tout ce qui précède, il s'évince qu'à deux reprises en moins d'un mois, M. [G] n'a pas rempli, de manière délibérée, la mission qui lui incombait de 'gérer les incidents et intervenir sur les difficultés rencontrées par les personnes internes et externes de l'établissement', selon les termes de sa fiche de poste.
Dans ces conditions l'avertissement infligé à M. [G] pour l'exécution volontairement défectueuse de son travail n'apparaît pas infondé ni disproportionné, d'autant que l'intéressé avait déjà fait l'objet de deux courriers de rappel à l'ordre en octobre 2010 pour une altercation avec une collègue, et en août 2014 pour un défaut de contrôle de verrouillage du local poubelle.
Aussi, la cour, par confirmation du jugement déféré, déboute M. [G] de ses demandes en annulation de l'avertissement prononcé le 17 juin 2016 et paiement de dommages et intérêts.
2°- Sur les frais irrépétibles et dépens :
M. [G], succombant tant en première instance qu'en appel, sera débouté de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement entrepris étant ainsi infirmé de ce chef.
Eu égard à la nature du litige et à la situation économique des parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la SAS AUCHAN [Localité 1] la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera donc déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant en revanche confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a mis les dépens à la charge de chacune des parties;
Statuant à nouveau du chef ci-dessus infirmé,
Condamne M. [D] [G] aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande respective en indemnisation de leurs frais irrépétibles;
Condamne M. [D] [G] aux dépens d'appel;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN