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17/05/2022 | FRANCE | N°19/02219

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 17 mai 2022, 19/02219


17 MAI 2022



Arrêt n°

FD/NB/NS



Dossier N° RG 19/02219 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKLO



[U] [T]



/



Mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier

lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Mme [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante, assistée de Me Jean-julien PERRIN de l'AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de...

17 MAI 2022

Arrêt n°

FD/NB/NS

Dossier N° RG 19/02219 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKLO

[U] [T]

/

Mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Mme [U] [T]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Comparante, assistée de Me Jean-julien PERRIN de l'AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau D'EURE, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

Mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Olivier MICHAUD de la SELARL JURICIAL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 14 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [U] [T] a été embauchée par la MUTUELLE FAMILIALE CENTRE-AUVERGNE suivant contrat à durée indéterminée à temps complet le 1er janvier 2006 en qualité de chargée de développement de la mutualisation dans les départements de l'Allier et du Puy-de-Dôme.

La MUTUELLE FAMILIALE DE FRANCE, MUT'SEINE et MUTUELLE FAMILIALE CENTRE-AUVERGNE ont fusionné au sein de MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE le 26 novembre 2015.

Madame [T] a été investie de fonctions représentatives à partir du 26 mars 2016, en qualité de membre de la délégation unique du personnel (DUP) de la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE et de déléguée syndicale CGT.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE a notifié, le 26 mai 2017, un rappel à l'ordre à Madame [T] sur l'utilisation d'un véhicule de service à des fins personnelles.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Madame [T],

Nous sommes contraints de revenir vers vous suite, d'une part, au mouvement de grève du jeudi 6 avril 2017 à 8h30 et d'autre part, à l'utilisation des heures de délégation extraordinaire dans le cadre de l'étude du projet de réorganisation de l'entreprise, de restructuration, de compression des effectifs et de licenciement économique actuellement en cours au sein de l'entreprise.

En effet, un appel à la grève a été lancé le 5 avril 2017 pour le jeudi 6 avril 2017 à 8h30.

Dans le mail adressé au personnel, le 5 avril 2017 par vos soins il avait été précisé : 'Concernant les sites de proximité du siège social ( [Adresse 3]), vous pouvez rejoindre vos collègues pour le mouvement de grève'.

Nous avons constaté votre présence, le 6 avril 2017, devant le siège social de l'entreprise ce qui est votre droit le plus absolu en qualité de salariée de l'entreprise. Vous n'avez pas pour cette participation au piquet de grève, utilisé d'heures de délégation.

Ce temps de participation sur le piquet de grève devant le siège de l'entreprise était un temps non travaillé et non rémunéré pour vous et l'ensemble de vos collègues y ayant participé et vous étiez donc libre d'être présente ce jour-là.

Toutefois, il apparaît que pour venir de votre établissement sis à [Adresse 9] - jusqu'au siège de la Société à [Adresse 7] soit une distance d'environ 210 kilomètres (référence Mappy.fr) vous avez utilisé le véhicule de service de l'agence.

Nous vous rappelons que l'utilisation du véhicule de service est strictement limité :

- Aux trajets professionnels effectués pour le compte de l'entreprise ;

- Aux trajets lés à vos activités syndicales pour venir aux réunions organisées par la Direction et pour rencontrer le personnel dans le cadre de l'utilisation de vos heures de délégation.

Or, le 6 avril 2017 vous n'étiez, ni en déplacement professionnel, ni même en heure de délégation.

Par voie de conséquence, vous n'étiez absolument pas en droit d'utiliser le véhicule de service de votre agence. Cela est d'autant plus vrai que vous aviez indiqué vous-même dans le mail d'appel à la grève que les membres du personnel proche du siège social pouvaient se joindre aux collègues du siège.

Tel n'est pas votre cas. Vous étiez en droit d'être présente au siège mais étant dans une démarche personnelle et non syndicale vous ne pouviez pas utiliser le véhicule d'entreprise.

Aussi et compte tenu de ce non-respect des règles relatives à l'utilisation du véhicule de service de l'entreprise nous vous notifions par ce courrier un rappel à l'ordre qui sera porté à votre dossier disciplinaire pour le fait ci-dessus décrit.

Ce présent rappel à l'ordre n'est en aucun cas une sanction pour l'organisation ou la participation à une journée de grève qui est votre droit le plus légitime et que nous respectons pleinement. Il n'est que la conséquence d'une utilisation non-conforme d'un véhicule de service en dehors de vos obligations professionnelles et en dehors de tout mandant électif.

Par ailleurs, nous profitons de la présente pour vous éclaircir un point relatif aux heures de délégations prises par vos soins sur le mois de mars 2017. En effet, dans le cadre de l'étude du projet de réorganisation de l'entreprise, de restructuration, de compression des effectifs et de licenciement économique actuellement en cours au sein de l'entreprise, nous avons convenu d'un doublement des heures de délégation des membres de la D.U.P. prise en sa formation du Comité d'Entreprise à utiliser sur l'ensemble de la procédure.

De cela découle que sur le mois de mars 2017 vous disposiez de :

* 40 heures de délégation au lieu des 20 de base sur un mois au titre de votre mandant de membre de la D.U.P. en sa formation du Comité d'Entreprise ;

* 15 heures de délégation au titre de votre mandat de membre de la D.U.P. et de formation des Délégués du Personnel ;

* 12 heures de délégation au titre de votre statut de Déléguée syndicale :

'$gt; Soit un total de 67 heures.

Or, sur le seul le mois de mars 2017 vous avez utilisé 90,50 heures de délégation hors réunions. Lesdites heures vous ont été réglées à échéance normale de paiement des salaires.

Si nous ne disposons d'aucun droit de contrôle de vos heures de délégation avant utilisation de ces dernières, nous vous demandons, d'une part, conformément à nos possibilités légales (articles L.2143-17, L.2315-3, et L.2325-7 du Code du Travail) et d'autre part, en application d'une jurisprudence constante de bien vouloir nous indiquer l'usage fait des 90,50 heures de délégation sur le mois de mars 2017.

(Cass. Soc. 4 décembre 1991 - n° de pourvoi 88-44977)

(Cass. Soc. 15 décembre 1993 - n° 91-44481)

Nous vous remercions de bien vouloir nous indiquer, le plus précisément possible, et au plus tard avant le 2 juin prochain, l'utilisation des 90,50 heures de délégation de mars 2017.

Naturellement, nous nous tenons à votre pleine et entière disposition pour échanger avec vous sur cette dernière demande.

Dans l'attente, nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame [T], nos sincères salutations.'

Le 2 juillet 2018, par requête expédiée en recommandé, Madame [T] a saisi le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON aux fins notamment de voir annuler sa sanction disciplinaire outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et à titre de dommages et intérêts.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 18 septembre 2018 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 13 juillet 2018), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Le 9 avril 2019 , le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 12 avril 2019 sur demande de Madame [T] .

Par jugement contradictoire en date du 15 octobre 2019 (audience du 18 juin 2019), le conseil de prud'hommes de MONTLUÇON a :

- Débouté Madame [T] de l'ensemble de ses demandes.

- Débouté la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE, en la personne de son représentant légal, de sa demande de constater l'irrecevabilité des demandes de Madame [T] pour défaut d'intérêt à agir en justice, de sa demande de 3 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile, de sa demande de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamné chacune des parties à ses propres dépens.

Le 26 novembre 2019, Madame [T] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 9 novembre 2019.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 11 février 2022 par Madame [T],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 7 mars 2022 par la mutuelle MUTUALE- LA MUTUELLE FAMILIALE,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Madame [T] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MONTLUÇON en ce qu'il a débouté Madame [T] de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

- Annuler la sanction intitulée « rappel à l'ordre » du 26 mai 2017 ;

- Ordonner à MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE le retrait de la sanction du dossier disciplinaire de Madame [T], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir sur le fondement de l'article L.131-2 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE à verser à Madame [T] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction

injustifiée ;

- Condamner MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE à verser à Madame [T] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- Condamner MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE à verser à Madame [T] la somme de 10.000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE à verser à Madame [T] au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du CPC la somme de 2.000 euros pour la première instance et 3.000 euros pour la procédure d'appel ;

- Condamner MUTUALE, LA MUTUELLE FAMILIALE aux entiers dépens.

Madame [T] soutient qu'elle s'est sentie lésée par la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 qu' elle a analysée comme injustifiée. Elle conclut avoir en conséquence un intérêt légitime à agir. Elle rappelle en outre avoir saisi la juridiction prud'homale dans le délai de deux ans dont elle disposait pour contester judiciairement son rappel à l'ordre.

Elle ajoute que, contrairement a ce qui est avancé par l'employeur, aucun texte n'impose au salarié de se rapprocher de son employeur préalablement à la saisine du Conseil de Prud'hommes. Elle précise avoir, dès le 2 juin 2017, contesté le rappel à l'ordre qui venait de lui être notifié.

Elle fait valoir que l'employeur n'a jamais eu l'intention d'annuler son rappel à l'ordre et qu'elle n'avait, dès lors, d'autre choix que de saisir le conseil de prud'hommes.

Elle conclut que son intérêt à agir est parfaitement incontestable.

Madame [T] conteste ensuite la sanction disciplinaire et sollicite son annulation. Elle explique, au soutien de son propos, qu'elle n'a pas utilisé son véhicule de service pour se rendre au siège de l'entreprise le 6 avril 2017. En effet, elle affirme avoir utilisé le véhicule de service dans le strict respect des règles puisqu'elle l'a utilisé le 4 avril 2017 pour se rendre à LA CHAUSSEE SAINT VICTOR en vue de la réunion de la DUP, organisée à l'initiative de l'employeur. Le lendemain, 5 avril 2017, la salariée indique avoir suivi une formation dispensée par le Cabinet FORMASULTING au sein de l'agence MUTUALE de BLOIS. Elle soutient que ces éléments sont confirmés par des documents versés aux débats.

Elle ajoute que le site MUTUALE où s'est tenue la formation étant située à seulement 4 kilomètres du siège de l'entreprise où elle se trouvait la veille pour la réunion extraordinaire de la DUP, Madame [T] n'a donc pas regagné son domicile entre le 04 et le 05 avril 2017 mais a loué une chambre d'hôtel.

Madame [T] affirme qu'en outre, lors de cette formation du 5 avril 2017, ses collègues élus ont conjointement décidé de lancer un appel à la grève pour le lendemain.

Le lendemain 06 avril 2017, Madame [T] a participé au mouvement de grève qui a eu lieu au siège de l'entreprise.

Elle ajoute que de la même manière que pour la formation du 5 avril 2017, Madame [T] n'a pas regagné son domicile la nuit du 5 au 6 avril 2017. Elle n'a donc pas effectué 216 kilomètres le 6 avril 2017 avec la voiture de service pour participer à la grève du 6 avril 2017 qui a eu lieu au siège de l'entreprise. Elle soutient produire des documents qui corroborent ces éléments. Elle souligne n'être repartie du lieu où se déroulait la réunion extraordinaire que le soir du 6 avril 2017, après le mouvement de grève et précise que ceci est confirmé par des documents versés aux débats.

Par conséquent, elle conclut que cette sanction disciplinaire est infondée. Elle ajoute qu'elle est discriminatoire car il se trouve que les autres membres de la DUP et salariés de l'entreprise, ne se sont eux pas vus formuler le moindre reproche ou notifier de rappel à l'ordre et ce alors que certains se sont aussi servis de leur véhicule de service.

Elle ajoute avoir transmis l'ensemble des justificatifs sollicités par l'employeur et affirme que celui-ci avait pris l'engagement de retirer le rappel à l'ordre une fois ces justificatifs transmis.

Madame [T] sollicite ainsi l'annulation de la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 et sollicite la condamnation de l'employeur en réparation du préjudice subi du fait du caractère injustifié de ladite sanction. Elle sollicite enfin que soit ordonné à l'employeur le retrait sous astreinte de la sanction de son dossier disciplinaire.

Madame [T] soutient avoir subi un traitement particulier de la part de l'employeur. En effet, elle rappelle être la seule à s'être vue notifier un rappel à l'ordre en raison d'une prétendue utilisation non-conforme de son véhicule de service. Et ce, alors même que d'autres membres de la DUP, présents à la formation du 5 avril 2017, ont procédé exactement de la même manière qu'elle. Pour autant aucun reproche ne leur a été fait et aucun justificatif ne leur a été demandé. La salariée souligne que ceci est confirmé par une attestation versée aux débats.

La salariée argue que ce traitement particulier est dû à son mandat de déléguée syndicale, ce qui constitue une discrimination. Madame [T] souligne qu'elle a refusé de signer un accord d'harmonisation, ce qui a déplu tant à l'employeur qu'à ses collègues élus y compris de la CGT. Dès lors, elle se trouve dans une situation différente des autres membres de la DUP et affirme être discriminée pour cette raison.

Elle rappelle, au surplus, avoir été victime de discrimination de la part de l'employeur dans une autre affaire et précise que celui-ci a été condamné par un jugement du conseil de prud'hommes de MONTLUÇON en date du 23 février 2021 à lui verser une somme au titre de remboursement de frais professionnels.

Madame [T] conclut qu'au regard de la discrimination et de l'acharnement de l'employeur à maintenir depuis plus de trois années une sanction totalement illégale, celui-ci devra être condamné à verser une somme à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale.

Madame [T] fait valoir que ses demandes sont parfaitement justifiées et que les préjudices subis sont indéniables et devront être réparés. Elle affirme ainsi avoir incontestablement subi un préjudice moral du fait de la sanction disciplinaire infondée et discriminatoire. Elle souligne avoir très mal vécu cette sanction.

Relativement au caractère prétendument abusif de son action, elle argue que son intérêt à agir est démontré et qu'elle n'a pas agi de manière dilatoire ou abusive, comme l'a relevé le conseil de prud'hommes. Elle rappelle avoir transmis l'ensemble des justificatifs sollicités par l'employeur mais que ce dernier n'a pas annulé en conséquence le rappel à l'ordre. Plus encore, celui-ci a plaidé le débouté de sa demande de retrait de cette sanction. Dès lors, elle en déduit que l'employeur ne peut donc aujourd'hui se prévaloir de sa propre turpitude pour lui opposer une quelconque irrecevabilité de sa demande faute d'un intérêt à agir ni une procédure prétendument abusive.

Madame [T] sollicite en conséquence le débouté de la demande de l'employeur au titre de la procédure abusive. Elle sollicite en outre, au vu de tous ces éléments, la condamnation de l'employeur pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de Procédure

Civile.

Madame [T] soutient ensuite n'avoir commis aucun manquement à son obligation d'exécution de bonne foi de son contrat de travail. Par conséquent, elle conclut que la demande de l'employeur à ce titre sera rejetée.

Dans ses dernières écritures, la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE demande à la cour de :

- Réformer le jugement contesté en ce qu'il a considéré les demandes de Madame [T] comme recevables, et débouté MUTUALE ' LA MUTUALE FAMILIALE de ses demandes reconventionnelles,

- Confirmer le jugement contesté en ce qu'il a débouté Madame [T] de l'ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau :

À titre principal, sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,

- Constater l'irrecevabilité des demandes de Madame [T] pour défaut d'intérêt à agir en justice ;

À titre subsidiaire, sur le fond ;

- Constater que Madame [T] n'a pas été victime de discrimination syndicale ;

- Constater que le rappel à l'ordre adressé le 26 mai 2017 à Madame [T] est légitime et proportionné compte tenu du refus de celle-ci de transmettre en temps voulu les justificatifs nécessaires ;

- Constater que Madame [T] n'a pas été victime de discrimination syndicale ;

- Constater que la nouvelle demande de Madame [T] pour procédure abusive est irrecevable et infondée ;

En tout état de cause,

- Débouter Madame [T] de l'ensemble de ses demandes;

- Condamner Madame [T] au paiement d'une amende civile d'un montant de 10.000 euros au profit du Trésor Public pour procédure abusive sur le fondement de l'article

32-1 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame [U] [T] au paiement d'une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat

de travail ;

- Condamner Madame [T] au versement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame [T] aux entiers dépens.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE soutient que Madame [T] n'avait pas d'intérêt à agir en justice dans le cadre de la présente procédure. En effet, Madame [T] n'avait pas à agir nécessairement en justice contre son employeur pour obtenir l'annulation de son rappel à l'ordre en date du 26 mai 2017 et aurait pu, pour avoir gain de cause, produire les justificatifs sollicités. Madame [T] préférant s'abstenir et saisir le conseil de prud'hommes, où elle a d'ailleurs produit une partie de ces justificatifs, l'employeur en déduit que la salariée n'avait absolument aucun intérêt à agir en justice.

L'employeur conclut que les demandes de Madame [T] sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir en justice.

A titre subsidiaire, la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE soutient que le rappel à l'ordre du 26 mai 2017 est fondé et justifié. Elle affirme n'avoir jamais remis en cause la présence de la salariée au siège de l'entreprise les 4 et 6 avril 2017 mais fait valoir que la salariée a utilisé son véhicule de service à des fins personnelles pour la journée du 6 avril 2017.

L'employeur affirme, au soutien de son propos, que Madame [T] ne rapporte pas la preuve qu'elle était en formation à [Localité 5] le 5 avril 2017. Elle précise qu'elle a demandé les justificatifs permettant de prouver la réalité de la présence de la salariée à ladite formation. De plus, l'employeur indique s'être engagé à annuler le rappel à l'ordre dans l'unique cas où la salariée aurait daigné produire lesdits justificatifs, ce qu'elle n'a fait que très tardivement et seulement après la saisine du conseil de prud'hommes. Ainsi, elle en déduit que l'appelante ne peut désormais se plaindre du fait que le rappel à l'ordre ait été maintenu. Par conséquent le maintien de cette sanction est ainsi légitime.

L'employeur conclut que le rappel à l'ordre du 26 mai 2017 est bien légitime et sollicite le rejet de la demande de Madame [T] en annulation de cette sanction disciplinaire.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE soutient ensuite que Madame [T] ne rapporte jamais la preuve pouvant caractériser une quelconque discrimination. Elle ajoute que la salariée n'a pas l'objet d'un traitement particulier et rappelle que les autres membres du DUP présents à la formation du 5 avril 2017 n'étaient pas dans la même situation que Madame [T]. En effet ceux-ci n'ont pas, à la différence de Madame [T], refusé avec persistance de communiquer des justificatifs légitimement demandés et n'ont pas fait une utilisation d'un véhicule de service le 6 avril 2017. A défaut d'être placée dans une situation identique à celle de ces autres membres du DUP, Madame [T] ne peut donc pas se plaindre d'avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à ceux-ci. Elle ajoute que Madame [T] est contradictoire dans son argumentaire dans la mesure où la salariée produit une attestation dans laquelle Madame [L], élue CGT, rapporte qu'elle n'a pour sa part jamais reçu la moindre sanction disciplinaire pour des faits similaires.

L'employeur fait ensuite valoir, relativement au jugement du conseil de prud'hommes du 23 février 2021, que Madame [T] ne se plaignait absolument pas d'avoir été victime de discrimination dans cette autre affaire. Il n'y eut ainsi nulle discrimination, ni invoquée par la salariée, ni a fortiori jugée comme telle.

L'employeur affirme ainsi justifier, au vu des pièces produites, que Madame [T] n'a jamais été victime de discrimination syndicale. L'employeur conclut que Madame [T] verra ses demandes formulées à ce titre être rejetées.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE soutient ensuite que, dans la mesure où, d'une part, le rappel à l'ordre infligé à Madame [T] apparaît légitime et proportionné, et où, d'autre part, la salariée n'a pas fait l'objet de discrimination syndicale, ses demandes en dommages et intérêts en découlant ne sauraient prospérer. Elle ajoute que Madame [T] ne rapporte jamais la preuve de ce qu'elle avance et ne justifie d'aucun préjudice. L'employeur conclut que les demandes de la salariée seront rejetées.

L'employeur soutient ensuite qu'il ne peut être condamné pour procédure abusive. En effet, il argue n'avoir intenté aucune procédure contre Madame [T] et être encore intimé en cause d'appel.

La mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de Madame [T] pour procédure abusive.

Elle sollicite en outre la condamnation de Madame [T] pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail. Elle fait valoir que la salariée a manqué à son obligation de loyauté envers son employeur en s'abstenant de produire des justificatifs légitimement demandés pendant de nombreux mois.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la clôture de l'instruction -

Selon les dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du conseiller de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision de la cour.

En l'espèce, l'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2022 par le président de chambre chargé de la mise en état pour une affaire fixée à l'audience du 14 mars 2022.

Le 14 février 2022, la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture en date du même jour en raison de la signification tardive des conclusions adverses en date du 11 février 2022.

Vu l'accord des parties sur ce point avant l'ouverture des débats et leur demande conjointe pour permettre l'admission de leurs dernières écritures et pièces, la cour a ordonné, à l'audience du 14 mars 2022 et à l'ouverture des débats, en tout cas avant la clôture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture de l'instruction rendue le 14 février 2022. La clôture de l'instruction a été fixée au jour de l'audience. Les conclusions et pièces notifiées contradictoirement avant ou jusqu'à cette date sont donc recevables.

- Sur la recevabilité de l'action -

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'

Un salarié peut contester devant la juridiction prud'homale, dans le délai de prescription de deux ans visé par l'article L. 1471-1 du code du travail, toute mesure disciplinaire prise à son encontre. Le juge prud'homal apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction disciplinaire contestée.

Madame [T] soutient qu'elle s'est sentie lésée par la sanction disciplinaire injustifiée du 26 mai 2017 et conclut avoir en conséquence un intérêt légitime à agir. Elle fait valoir que, l'employeur n'ayant jamais eu l'intention d'annuler son rappel à l'ordre, elle n'avait, dès lors, d'autre choix que de saisir le conseil de prud'hommes.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE réplique que Madame [T] n'avait pas d'intérêt à agir en justice dans le cadre de la présente procédure car elle aurait pu, pour avoir gain de cause, produire les justificatifs sollicités. Madame [T] préférant s'abstenir et saisir le conseil de prud'hommes, où elle a d'ailleurs produit une partie des justificatifs en question, l'employeur en déduit que la salariée n'avait absolument aucun intérêt à agir en justice et que ses demandes sont irrecevables.

En l'espèce, Madame [T], a un intérêt légitime à agir en justice puisqu'elle souhaite contester une sanction disciplinaire qu'elle estime injustifiée. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE de sa demande de voir constater l'irrecevabilité des demandes de Madame [U] [T] pour défaut d'intérêt à agir en justice.

- Sur la sanction disciplinaire -

Aux termes de l'article L.1332-1 du code du travail, 'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.'

Aux termes de l'article L.1333-1 du code du travail, 'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'

Le droit pour l'employeur de surveiller et contrôler ses salariés sur le lieu et pendant le temps du travail est une prérogative découlant directement du contrat de travail et plus particulièrement du lien de subordination. Mais celle-ci ne doit pas porter atteinte aux droits et libertés des salariés ni enfreindre l'exigence de loyauté dans les relations contractuelles.

Les dispositions du contrat de travail relatives au droit disciplinaire dans l'entreprise, définissant la notion de sanction, les mesures interdites, la procédure à respecter par l'employeur pour garantir au salarié ses droits fondamentaux, ainsi que les pouvoirs du juge judiciaire s'appliquent à tout salarié, quels que soient l'activité ou la taille de l'entreprise, son ancienneté ou son statut, même s'il est en période d'essai.

Le code du travail interdit les sanctions pécuniaires ou discriminatoires, mais il ne donne pas de liste des sanctions disciplinaires. Il est aussi interdit de sanctionner un salarié ayant dénoncé de bonne foi des faits répréhensibles commis dans l'entreprise.

Le comportement fautif du salarié doit, en principe, se manifester par un acte positif ou une abstention de nature volontaire. Ainsi, l'insuffisance professionnelle ne constitue pas un motif de sanction disciplinaire.

La faute ne peut résulter que d'un fait avéré, imputable au salarié et constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail.

La jurisprudence interdit de sanctionner plusieurs fois la même faute. Un même fait ne saurait justifier successivement deux sanctions disciplinaires.

La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur doit être proportionnée à la faute commise par le salarié.

Le juge n'est pas lié par les dispositions du règlement intérieur ni par les dispositions conventionnelles ou contractuelles.

L'employeur doit fournir au juge les éléments retenus pour prendre la sanction disciplinaire. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si le doute subsiste, il profite au salarié.

Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.

Le juge doit annuler la sanction disciplinaire s'il en constate le caractère disproportionné ou injustifié.

Madame [T] conteste la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 prononcée par l'employeur et sollicite son annulation. Elle explique, au soutien de son propos, qu'elle n'a pas utilisé son véhicule de service pour se rendre au siège de l'entreprise le 6 avril 2017. En effet, elle affirme avoir utilisé le véhicule de service dans le strict respect des règles puisqu'elle l'a utilisé le 4 avril 2017 pour se rendre à LA CHAUSSEE SAINT VICTOR en vue de la réunion de la DUP organisée à l'initiative de l'employeur. Le lendemain, 5 avril 2017, la salariée indique avoir suivi une formation dispensée par le Cabinet FORMASULTING au sein de l'agence MUTUALE de BLOIS.

Elle ajoute que le site MUTUALE où s'est tenue la formation étant située à seulement 4 kilomètres du siège de l'entreprise où elle se trouvait la veille pour la réunion extraordinaire de la DUP, Madame [T] n'a donc pas regagné son domicile entre le 4 et le 5 avril 2017 mais a loué une chambre d'hôtel. Lors de cette formation du 5 avril 2017, ses collègues élus ont conjointement décidé de lancer un appel à la grève pour le lendemain. Le lendemain, Madame [T] a ainsi participé au mouvement de grève qui a eu lieu au siège de l'entreprise.

Elle ajoute que de la même manière que pour la formation du 5 avril 2017, Madame [T] n'a pas regagné son domicile la nuit du 5 au 6 avril 2017. Elle n'a donc pas effectué 216 kilomètres le 6 avril 2017 avec la voiture de service pour participer à la grève du 6 avril 2017 qui a eu lieu au siège de l'entreprise. Elle soutient produire des documents qui corroborent ces éléments. Par conséquent, elle conclut que cette sanction disciplinaire est infondée.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE fait valoir que le rappel à l'ordre du 26 mai 2017 est fondé et justifié. Elle affirme n'avoir jamais remis en cause la présence de la salariée au siège de l'entreprise les 4 et 6 avril 2017 mais précise que la salariée a utilisé son véhicule de service à des fins personnelles pour la journée du 6 avril 2017.

L'employeur affirme, au soutien de son propos, que Madame [T] ne rapporte pas la preuve qu'elle était en formation à [Localité 5] le 5 avril 2017. Elle précise qu'elle a demandé les justificatifs permettant de prouver la réalité de la présence de la salariée à ladite formation. De plus, l'employeur indique s'être engagé à annuler le rappel à l'ordre dans l'unique cas où la salariée aurait daigné produire lesdits justificatifs, ce qu'elle n'a fait que très tardivement et seulement après la saisine du conseil de prud'hommes. Ainsi, elle en déduit que l'appelante ne peut désormais se plaindre du fait que le rappel à l'ordre ait été maintenu. Par conséquent, le maintien de cette sanction est légitime et proportionné.

En l'espèce, Madame [U] [T] a été embauchée par la MUTUELLE FAMILIALE CENTRE-AUVERGNE suivant contrat à durée indéterminée à temps complet le 1er janvier 2006 en qualité de chargée de développement de la mutualisation dans les départements de l'Allier et du Puy-de-Dôme.

La MUTUELLE FAMILIALE DE FRANCE, MUT'SEINE et MUTUELLE FAMILIALE CENTRE-AUVERGNE ont fusionné au sein de MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE le 26 novembre 2015.

Madame [T] a été investie de fonctions représentatives à partir du 26 mars 2016, en qualité de membre de la délégation unique du personnel (DUP) de la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE et de déléguée syndicale CGT.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE a notifié, le 26 mai 2017, un rappel à l'ordre à Madame [T] sur l'utilisation d'un véhicule de service à des fins personnelles.

Le courrier de notification est ainsi libellé :

' Madame [T],

Nous sommes contraints de revenir vers vous suite, d'une part, au mouvement de grève du jeudi 6 avril 2017 à 8h30 et d'autre part, à l'utilisation des heures de délégation extraordinaire dans le cadre de l'étude du projet de réorganisation de l'entreprise, de restructuration, de compression des effectifs et de licenciement économique actuellement en cours au sein de l'entreprise.

En effet, un appel à la grève a été lancé le 5 avril 2017 pour le jeudi 6 avril 2017 à 8h30.

Dans le mail adressé au personnel, le 5 avril 2017 par vos soins il avait été précisé : 'Concernant les sites de proximité du siège social ( [Adresse 3]), vous pouvez rejoindre vos collègues pour le mouvement de grève'.

Nous avons constaté votre présence, le 6 avril 2017, devant le siège social de l'entreprise ce qui est votre droit le plus absolu en qualité de salariée de l'entreprise. Vous n'avez pas pour cette participation au piquet de grève, utilisé d'heures de délégation.

Ce temps de participation sur le piquet de grève devant le siège de l'entreprise était un temps non travaillé et non rémunéré pour vous et l'ensemble de vos collègues y ayant participé et vous étiez donc libre d'être présente ce jour-là.

Toutefois, il apparaît que pour venir de votre établissement sis à [Adresse 9] - jusqu'au siège de la Société à [Adresse 7] soit une distance d'environ 210 kilomètres (référence Mappy.fr) vous avez utilisé le véhicule de service de l'agence.

Nous vous rappelons que l'utilisation du véhicule de service est strictement limité :

- Aux trajets professionnels effectués pour le compte de l'entreprise ;

- Aux trajets lés à vos activités syndicales pour venir aux réunions organisées par la Direction et pour rencontrer le personnel dans le cadre de l'utilisation de vos heures de délégation.

Or, le 6 avril 2017 vous n'étiez, ni en déplacement professionnel, ni même en heure de délégation.

Par voie de conséquence, vous n'étiez absolument pas en droit d'utiliser le véhicule de service de votre agence. Cela est d'autant plus vrai que vous aviez indiqué vous-même dans le mail d'appel à la grève que les membres du personnel proche du siège social pouvaient se joindre aux collègues du siège.

Tel n'est pas votre cas. Vous étiez en droit d'être présente au siège mais étant dans une démarche personnelle et non syndicale vous ne pouviez pas utiliser le véhicule d'entreprise.

Aussi et compte tenu de ce non-respect des règles relatives à l'utilisation du véhicule de service de l'entreprise nous vous notifions par ce courrier un rappel à l'ordre qui sera porté à votre dossier disciplinaire pour le fait ci-dessus décrit.

Ce présent rappel à l'ordre n'est en aucun cas une sanction pour l'organisation ou la participation à une journée de grève qui est votre droit le plus légitime et que nous respectons pleinement. Il n'est que la conséquence d'une utilisation non-conforme d'un véhicule de service en dehors de vos obligations professionnelles et en dehors de tout mandant électif.

Par ailleurs, nous profitons de la présente pour vous éclaircir un point relatif aux heures de délégations prises par vos soins sur le mois de mars 2017. En effet, dans le cadre de l'étude du projet de réorganisation de l'entreprise, de restructuration, de compression des effectifs et de licenciement économique actuellement en cours au sein de l'entreprise, nous avons convenu d'un doublement des heures de délégation des membres de la D.U.P. prise en sa formation du Comité d'Entreprise à utiliser sur l'ensemble de la procédure.

De cela découle que sur le mois de mars 2017 vous disposiez de :

* 40 heures de délégation au lieu des 20 de base sur un mois au titre de votre mandant de membre de la D.U.P. en sa formation du Comité d'Entreprise ;

* 15 heures de délégation au titre de votre mandat de membre de la D.U.P. et de formation des Délégués du Personnel ;

* 12 heures de délégation au titre de votre statut de Déléguée syndicale :

'$gt; Soit un total de 67 heures.

Or, sur le seul le mois de mars 2017 vous avez utilisé 90,50 heures de délégation hors réunions. Lesdites heures vous ont été réglées à échéance normale de paiement des salaires.

Si nous ne disposons d'aucun droit de contrôle de vos heures de délégation avant utilisation de ces dernières, nous vous demandons, d'une part, conformément à nos possibilités légales (articles L.2143-17, L.2315-3, et L.2325-7 du Code du Travail) et d'autre part, en application d'une jurisprudence constante de bien vouloir nous indiquer l'usage fait des 90,50 heures de délégation sur le mois de mars 2017.

(Cass. Soc. 4 décembre 1991 - n° de pourvoi 88-44977)

(Cass. Soc. 15 décembre 1993 - n° 91-44481)

Nous vous remercions de bien vouloir nous indiquer, le plus précisément possible, et au plus tard avant le 2 juin prochain, l'utilisation des 90,50 heures de délégation de mars 2017.

Naturellement, nous nous tenons à votre pleine et entière disposition pour échanger avec vous sur cette dernière demande.

Dans l'attente, nous vous prions de bien vouloir agréer, Madame [T], nos sincères salutations.'

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juin 2017, Madame [T] contestait, par le biais de son conseil, la sanction prise à son encontre selon les termes suivants:

'Madame la Directrice des Ressources Humaines,

Je vous informe avoir été contacté par Madame [U] [T], salariée de votre entreprise, membre de la délégation unique du personnel et déléguée syndicale CGT.

Cette dernière m'a fait part de difficultés rencontrées dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et de ses fonctions syndicales.

Ainsi, Madame [T] m'a transmis votre courrier daté du 26 mai dernier, par lequel vous lui notifiez un rappel à l'ordre en raison d'une 'utilisation non-conforme d'un véhicule de service en dehors de [ses] obligations professionnelles et en dehors de tout mandat électif.'

Plus précisément, vous reprochez à Madame [T] d'avoir utilisé le véhicule de service de son agence pour se joindre au mouvement de grève organisé au siège de l'entreprise sise à [Adresse 6] le 06 avril dernier.

Madame [T] a été profondément surprise à réception de ce rappel à l'ordre et tient à rappeler l'exact déroulement des faits.

Le 04 avril 2017, s'est tenue une réunion du Comité d'Entreprise à [Adresse 6] à laquelle Madame [T] était bien évidemment présente en sa qualité de membre de la DUP et déléguée syndicale.

Le 05 avril 2017, Madame [T], accompagnée des autres élus, a suivi une formation dans le cadre de la délégation unique du personnel sur votre site à [Localité 5].

Le 05 avril 2017 un appel à la grève a été lancé pour le lendemain.

Ainsi, ce 06 avril 2017, date de mouvement de grève, elle se trouvait déjà sur le site du siège social sis à [Adresse 6] lorsque le mouvement de grève a débuté.

Madame [T] a donc utilisé le véhicule de service dans le strict respect des règles entourant son utilisation puisqu'elle l'a utilisé le 04 avril 2017 pour se rendre à [Localité 10] en vue de la réunion de la DUP et qu'elle l'a utilisé le 06 avril 2017 pour revenir sur le site de l'agence de [Localité 8].

Au surplus, Madame [T] s'interroge sur les motifs ayant conduits à la notification de ce rappel à l'ordre alors que deux de ses collègues élues de Normandie, également présentes sur le site du 04 au 06 avril 2017, ne se sont vues notifier aucun rappel à l'ordre.

Pourtant, ces dernières (Mesdames [L] et [D]) s'étaient également rendues au siège de l'entreprise avec leur véhicule de service.

Madame [T] s'interroge donc sur les raisons de ce traitement particulier qu'elle ne peut lier qu'à son mandat de déléguée syndicale. (...)'

Par courrier en date du 13 juin 2017, la mutuelle prenait l'engagement de retirer le rappel à l'ordre à condition que la salariée produise:

'- Un justificatif de la formation syndicale du 5 avril 2017. Notre cliente ne souhaite pas obtenir l'objet de la formation mais simplement a minima un état de présence à cette formation.

- Un justificatif de ses frais d'hôtel pour la nuit du 5 au 6 avril 2017. En effet, Madame [T] n'a sollicité aucune demande de remboursement de frais pour la nuit du 5 au 6 avril 2017 ce qui est normal dans la mesure où si elle est restée à [Localité 5] cette nuit là cela ne peut être que pour des convenances personnelles dans la mesure où aucune heure de délégation n'a été utilisée par ses soins le 6 avril dernier.'

Par courrier en date du 12 juillet 2017, le conseil de Madame [T] répondait au conseil de la mutuelle selon les termes suivants:

'Mon Cher Confrère,

Je fais suite à votre courrier officiel du 13 juin dernier concernant le rappel à l'ordre adressé à Madame [T] par votre cliente le 26 mai 2017.

Votre courrier fait suite à ma lettre datée du 26 mai 2017, laquelle portait sur les points suivants:

- L'utilisation d'un véhicule de service pour des motifs prétendument non conformes aux règles d'utilisation de ce dernier ;

- L'utilisation des heures de délégation de Madame [T] sur le mois de mars 2017.

1) Sur l'utilisation de véhicule de service le 06 avril 2017:

Vous m'indiquez que votre cliente ignorait que Madame [T] et les autres élus de la délégation unique du personnel ont suivi, le 05 avril 2017, une formation.

Vous rappelez ensuite le principe selon lequel les élus disposent librement de leurs heures de délégation et n'ont pas à informer la Direction des formations qu'ils y tiennent ou dont ils font l'objet sur ces heures de délégation.

Toutefois, vous indiquez que votre cliente ne dispose d'aucun justificatif de cette formation.

Vous précisez que seul un bon de délégation pour la journée du 05 avril 2017 pour la période de 09h00 à 20h00 ne mentionnant ni l'objet des heures de délégation ni même le lieu de réalisation desdites heures de délégation lui aurait été remis.

Vous poursuivez en indiquant que 'quand bien même Madame [T] aurait été présente à [Localité 5] ce 5 avril 2017 elle pouvait tout à fait retourner à son domicile après cette journée de formation, dont notre cliente n'a aucun justificatif, et revenir le 6 avril 2017 pour sa participation à la grève'.

Sur ce point, permettez-moi de vous rappeler que le siège de l'entreprise est situé à [Adresse 6] tandis que l'agence de Madame [T] est sise à [Localité 8].

Ces deux sites sont éloignés de plus de 200 kilomètres ce qui implique un trajet de plus de 2 heures de route.

Ainsi, dans la mesure où elle a été rendue destinataire d'un appel à la grève pour le 06 avril 2017, Madame [T] est, en toute logique, restée aux alentours de la Chaussée [Localité 10] afin d'éviter un aller-retour inutile de 4 heures.

Dans ces conditions, vous m'indiquez que votre cliente prend l'engagement de retirer le rappel à l'ordre de Madame [T] à condition toutefois que cette dernière lui fournisse:

- Un justificatif de la formation du 5 avril 2017 précisant, a minima, un état de présence ;

- Un justificatif de ses frais d'hôtel pour la nuit du 05 au 06 avril 2017. Sur ce point, vous ajoutez que Madame [T] n'a sollicité aucune demande de remboursement de frais pour cette nuit.

Sur ce point, et comme vous l'indiquez à juste titre, Madame [T] n'a sollicité aucune demande de remboursement de frais pour la nuit du 05 au 06 avril 2017, 'ce qui est normal dans la mesure où elle est restée à [Localité 5] cette nuit là cela ne peut être que pour des convenances personnelles dans la mesure où aucune heure de délégation n'a été utilisée par ses soins le 6 avril dernier'.

En conséquence, Madame [T] ne peut être tenue de vous remettre de quelconques justificatifs.

Quant à la journée du 05 avril 2017, Madame [T] vous a d'ores et déjà indiqué qu'elle était en formation.

Bien que cette seule indication était suffisante à justifier des heures de délégation de Madame [T] lors de la journée du 05 avril 2017, ma cliente n'est pas opposée à aller au-delà de ses obligations afin de prouver sa bonne foi.

Ainsi, je vous précise que cette formation a porté sur les attributions économiques du Comité d'entreprise et s'est déroulée sur une journée entière.

Quoi qu'il en soit, Madame [T] s'interroge sur les raisons de l'entêtement de votre cliente à obtenir davantage de précisions sur cette formation dans la mesure où elle n'a pas eu connaissance de telles sollicitations de MUTUALE auprès de ses homologues, représentants du personnel, également présents à cette formation.

Dans ces conditions, je vous remercie de procéder au retrait immédiat du rappel à l'ordre notifié à Mme [T] et d'en justifier, ainsi que de mettre fin à la procédure de contrôle des heures de délégation utilisées par ma cliente en mars 2017. (...)'

Madame [T] verse notamment aux débats les éléments suivants:

- une attestation de suivi de formation des représentants du personnel du 5 avril 2017 de l'organisme FORMASULTING ainsi que le programme de formation de la journée portant sur les 'attributions économiques du CE' ;

- une attestation établie par Madame [Z], membre du comité d'entreprise, témoignant de la présence de Madame [T] ainsi que d'autres élus syndicaux à la journée de formation du 5 avril 2017 ;

- une facture d'une nuit d'hôtel portant sur la nuit du 5 au 6 avril 2017 établie par l'hôtel restaurant le Monarque, situé à [Localité 5] ;

- un tableau récapitulatif établi par la trésorière du comité de remboursements des frais de fonctionnement du CE aux termes duquel il apparaît que Madame [T] ainsi que d'autres collègues élus ont sollicité le remboursement d'une nuit passée à l'hôtel le 5 avril 2017 en raison d'une formation.

Alors que le doute doit profiter à la salariée, Madame [T] établit ainsi que la sanction disciplinaire du 26 mai 2017, consistant en un rappel à l'ordre, n'est pas justifiée puisqu'elle démontre avoir assisté à une formation professionnelle le 5 avril 2017, avoir passé la nuit dans un hôtel dans la nuit du 5 avril au 6 avril 2017 et en conséquence n'avoir pas fait usage de son véhicule de service pour effectuer un trajet personnel de plus de 200 kilomètres afin de se rendre au mouvement de grève du 6 avril 2017.

Il échet d'infirmer la juridiction prud'homale en ce qu'elle a considéré que la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 était justifiée et, statuant à nouveau, d'annuler la sanction disciplinaire du 26 mai 2017.

- Sur la demande de retrait de la sanction du dossier disciplinaire -

Madame [T] sollicite que soit ordonné à l'employeur le retrait sous astreinte de la sanction de son dossier disciplinaire.

Dans la mesure où il importe que le dossier disciplinaire de la salariée ne comporte plus une sanction disciplinaire injustifiée, il convient d'ordonner à la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE de retirer la sanction du 26 mai 2017 du dossier disciplinaire de Madame [U] [T] sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois après notification du présent arrêt et ce pendant un mois.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour sanction injustifiée -

Madame [T] fait valoir que la sanction disciplinaire lui a occasionné un stress important et l'a contrainte à se faire assister par un cabinet d'avocats.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE soutient que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée dans la mesure où le rappel à l'ordre infligé à Madame [T] apparaît légitime et proportionné et où elle ne justifie d'aucun préjudice.

Alors que la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée par la Cour de cassation en 2016, il doit être observé que la réalité d'un préjudice spécifique lié à l'existence d'un rappel à l'ordre injustifié n'est pas démontrée par la salariée. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [T] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale -

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion,

ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Madame [T] soutient avoir subi un traitement particulier de la part de l'employeur. En effet, elle rappelle être la seule à s'être vue notifier un rappel à l'ordre en raison d'une prétendue utilisation non-conforme de son véhicule de service et ce, alors même que d'autres membres de la DUP, présents à la formation du 5 avril 2017, ont procédé exactement de la même manière qu'elle. Pour autant aucun reproche ne leur a été fait et aucun justificatif ne leur a été demandé.

La salariée argue que ce traitement particulier est dû à son mandat de déléguée syndicale, ce qui constitue une discrimination. Madame [T] souligne qu'elle a refusé de signer un accord d'harmonisation, ce qui a déplu tant à l'employeur qu'à ses collègues élus y compris de la CGT. Dès lors, elle se trouve dans une situation différente des autres membres de la DUP et affirme être discriminée pour cette raison.

Elle rappelle, au surplus, avoir été victime de discrimination de la part de l'employeur dans une autre affaire et précise que celui-ci a été condamné par un jugement du conseil de prud'hommes de MONTLUÇON en date du 23 février 2021 à lui verser une somme au titre de remboursement de frais professionnels.

Madame [T] conclut qu'au regard de la discrimination et de l'acharnement de l'employeur à maintenir depuis plus de trois années une sanction totalement illégale, celui-ci devra être condamné à verser une somme à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale.

La mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE répond que Madame [T] ne rapporte jamais la preuve pouvant caractériser une quelconque discrimination. Elle ajoute que la salariée n'a pas fait l'objet d'un traitement particulier et rappelle que les autres membres du DUP présents à la formation du 5 avril 2017 n'étaient pas dans la même situation que Madame [T]. En effet ceux-ci n'ont pas, à la différence de Madame [T], refusé avec persistance de communiquer des justificatifs légitimement demandés et n'ont pas fait une utilisation d'un véhicule de service le 6 avril 2017. A défaut d'être placée dans une situation identique à celle de ces autres membres du DUP, Madame [T] ne peut donc pas se plaindre d'avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à ceux-ci. Elle ajoute que Madame [T] est contradictoire dans son argumentaire dans la mesure où la salariée produit une attestation dans laquelle Madame [L], élue CGT, rapporte qu'elle n'a pour sa part jamais reçu la moindre sanction disciplinaire pour des faits similaires.

L'employeur fait ensuite valoir, relativement au jugement du conseil de prud'hommes du 23 février 2021, que Madame [T] ne se plaignait absolument pas d'avoir été victime de discrimination dans cette autre affaire. Il n'y eut ainsi nulle discrimination, ni invoquée par la salariée, ni a fortiori jugée comme telle.

L'employeur affirme ainsi justifier, au vu des pièces produites, que Madame [T] n'a jamais été victime de discrimination syndicale. L'employeur conclut que Madame [T] verra ses demandes formulées à ce titre rejetées.

En l'espèce, Madame [T] s'appuie sur une attestation établie par Madame [L], élue CGT, dont il ressort que cette dernière n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire alors qu'elle a également participé à la formation du 5 avril 2017 avant de se rendre au mouvement de grève du 6 avril 2017.

Il convient cependant de relever que les deux salariées sont toutes les deux élues syndicales CGT et que dès lors toute distinction dans leur traitement pas l'employeur ne peut trouver pour origine une discrimination basée sur l'appartenance syndicale. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame [T] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail -

La cour ayant déjà retenu que la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 était injustifiée, il échet de confirmer le jugement déféré et de débouter la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE de sa demande à titre de dommages et intérêts pour manquement de la salariée à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, cette demande n'étant motivée que par des éléments en lien avec la sanction disciplinaire en question.

- Sur les demandes pour procédure abusive -

Madame [T] et la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE sollicitent chacune la condamnation de l'autre partie au paiement d'une amende civile ou à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile : 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'

L'amende civile est une peine qui est prononcée au profit du Trésor Public à l'occasion d'un procès civil lorsque le juge estime que l'action du demandeur a été abusive ou que celui-ci n'en a pris l'initiative que dans le but de retarder la reconnaissance des droits de son adversaire.

Encourt la cassation l'arrêt qui condamne l'appelant à une amende civile pour appel abusif ou dilatoire sans caractériser la faute qu'il aurait commise dans l'exercice de cette voie de recours.

Le droit d'accès à la justice reste un principe fondamental et, en l'état, il n'est pas démontré ni que les parties ont fait dégénéré en abus l'exercice de leur action en justice, ni qu'elles aient subi dans ce cadre un préjudice spécifique ouvrant droit à réparation.

En conséquence, Madame [U] [T] et la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE seront déboutées de leurs demandes de paiement d'une amende civile et à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens -

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance seront confirmées.

La mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE sera condamnée aux dépens en cause d'appel.

En équité, la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE sera condamnée à payer à Madame [U] [T] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la sanction disciplinaire du 26 mai 2017 était justifiée et, statuant à nouveau, annule la sanction disciplinaire, consistant en un rappel à l'ordre, du 26 mai 2017 ;

- Ordonne à la mutuelle MUTUALE - LA MUTUELLE FAMILIALE de retirer la sanction du 26 mai 2017 du dossier disciplinaire de Madame [U] [T] sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois après notification du présent arrêt et ce pendant un mois ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;

Y ajoutant,

- Déboute Madame [U] [T] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

- Condamne la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE au paiement des dépens en cause d'appel ;

- Condamne la mutuelle MUTUALE - MUTUELLE FAMILIALE à payer à Madame [U] [T] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02219
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.02219 ?
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