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17/05/2022 | FRANCE | N°19/02171

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 17 mai 2022, 19/02171


17 MAI 2022



Arrêt n°

ChR/NB/NS



Dossier N° RG 19/02171 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKGL



SAS MBR FARMS



/



[C] [Y]

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du pr

ononcé



ENTRE :



SAS MBR FARMS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, prise en son établissement sis [Adresse 2]

[Adresse 2]'

[Adresse...

17 MAI 2022

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 19/02171 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FKGL

SAS MBR FARMS

/

[C] [Y]

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

SAS MBR FARMS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, prise en son établissement sis [Adresse 2]

[Adresse 2]'

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

M. [C] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marlene BAPTISTE, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

INTIME

Après avoir entendu M. RUIN, Président en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 14 Mars 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [C] [Y], né le 2 juin 1966, a été embauché en qualité d'agent animalier, dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée, du 11 avril 2000 au 13 mars 2004, par la société HARLAN LABORATOIRES aux droits de laquelle est venue la société ENVIGO RMS S.A.R.L. À compter du 15 mars 2004, Monsieur [C] [Y] a été embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité d'agent animalier. Il a été promu chef d'équipe à compter du 1er juillet 2013.

Monsieur [Y] a été élu délégué du personnel en 2013 et en 2017. Il a été désigné en qualité de délégué syndical par son organisation syndicale.

En août 2017, Monsieur [Y] a été informé du projet de cession de l'activité d'élevage et vente de canins de type beagle de la société ENVIGO à la SAS MBR FARMS.

Compte tenu du statut de salarié protégé de Monsieur [Y], la société ENVIGO S.A.R.L. a demandé, à 1'inspection du travail, l'autorisation de transférer son contrat de travail, cette autorisation a été refusée une première fois, puis acceptée en novembre 2017.

Le contrat de travail de Monsieur [Y] a été transféré et ledit contrat s'est donc poursuivi au sein de la société MBR FARMS à compter du 1er décembre 2017.

Monsieur [Y] a été placé en arrêt de travail à compter du 15 janvier 2018 jusqu'au 6 septembre 2018 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Le jour de sa reprise, il lui a été remis, en main propre, une convocation à un entretien préalable prévu le 17 septembre 2018.

Par courrier daté du 27 septembre 2018, Monsieur [Y] a été licencié pour motif économique.

Le 2 octobre 2018, Monsieur [Y] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

' Monsieur,

Dans le cadre de la réorganisation de l'activité en vue de sauvegarder la compétitivité de la Société MBR FARMS, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour motif économique, dont nous vous rappelons les motifs :

La Société MBR FARM évolue dans un secteur d'activité spécifique dans lequel les exigences des clients sont très élevées.

Pour rappel, la société a acquis au 1er novembre 2017, l'activité en élevage canin, auparavant développée par la Société ENVIGO, société au sein de laquelle vous avez été initialement embauché.

Les attentes des clients de la Société ont fortement évolué, avec une exigence croissante sur les critères de qualité et de standardisation indispensables à la réussite de leurs études.

Aussi, les standards très stricts de la Société MBR FARMS ainsi que les attentes des partenaires de la société sont différents de ceux qui étaient jusqu'alors pratiqués, au sein de l'activité reprise, aboutissant à une réflexion nécessaire sur l'axe de développement de l'activité.

Parallèlement, la transposition en France de la Directive européenne 2010/63 du 22 septembre 2010, appliquée depuis 2013, nous conduit également à devoir revoir notre organisation afin de se conformer aux nouvelles exigences juridiques dans notre secteur d'activité.

Cette pression, résultant de la combinaison de la nouvelle réglementation et des exigences très fortes des différents acteurs de marché, est telle que la société n'est pas en mesure d'y faire face dans les conditions d'organisation actuelles.

Dès lors cette situation, mettant sérieusement en péril la compétitivité de la société, pourrait la conduire vers une dégradation de sa situation économique, si l'on ne réagit pas afin de gagner en efficacité et en qualité et de se conformer aux procédures imposées par le groupe

MARSHALL.

Il est manifeste que si une telle organisation avait vocation à perdurer, la société ne pourrait plus faire face aux contraintes du marché. Elle a donc été contrainte d'envisager une restructuration de son activité.

De même, cette réorganisation, indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, s'est traduite par la mise en oeuvre d'importants travaux de rénovation et de remise aux normes de l'ensemble des bâtiments. En effet, ceux-ci présentaient un état de vétusté incompatible avec la mise en oeuvre des nouvelles procédures opérationnelles du Groupe et ne permettaient plus d'adapter la production aux normes exigées par la réglementation et les besoins clients.

En outre, un abandon progressif de l'élevage en cours afin de débuter l'élevage d'une nouvelle colonie, conformes aux attentes des clients, a dû être mis en 'uvre.

Pour être efficaces, ces actions doivent nécessairement. s'accompagner d'une réorganisation des postes de travail.

Cette réorganisation consiste à transférer et centraliser l'ensemble des fonctions autrefois dévolues au chef d'équipe au profit d'un superviseur de production.

C'est dans ce contexte que nous sommes contraints de procéder à la suppression de votre poste de Chef d'équipe.

Conformément aux dispositions de l'article L.1233-4 du Code du travail, nous avons, en conséquence, envisagé votre éventuel reclassement au sein de notre structure, mais également au sein de l'autre société du groupe située en France, la société UTOPIA MARSHALL BIORESOURCES.

Toutefois, il ressort de nos recherches qu'aucun poste compatible avec vos qualités professionnelles n'est actuellement disponible au sein de ces deux sociétés.

De plus, aucun aménagement de poste ne peut être envisagé au titre de votre reclassement.

Il s'avère donc que votre reclassement est impossible, en l'état actuel.

C'est pourquoi, la Société MBR FARMS se trouve contrainte de vous notifier, aujourd'hui, votre licenciement pour motif économique.

Parallèlement, la possibilité de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), prévu par l'article L.1233-65 du Code du travail, vous a été présentée lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le lundi 17 septembre 2018.

Le dossier de CSP vous a alors été remis à cette date et nous vous avons rappelé que vous disposiez d'un délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser cette convention, soit jusqu'au lundi 8 octobre 2018.

Si vous manifestez votre accord pour adhérer au CSP pendant le délai de réflexion de 21 jours dont vous disposez, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d'un commun accord des parties, à l'expiration du délai de réflexion et aux conditions qui figurent dans le d'information qui vous a été remis par nos soins.

En revanche, si vous refusez expressément d'adhérer au CSP ou à défaut de réponse au terme de ce délai de réflexion, vous serez licencié pour motif économique: la présente lettre valant notification de licenciement. Nous vous rappelons que, l'absence de réponse dans le délai, équivaut à un refus du contrat de sécurisation professionnelle.

En cas de refus d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle à l'issue du délai de réflexion de 21 jours, vous bénéficierez d'un préavis d'une durée de deux mois dont nous vous

dispensons d'exécution, commençant à courir à compter de la première présentation de la présente lettre.

Vous percevrez, pendant cette période, une indemnité compensatrice correspondante à chaque échéance habituelle de paie. A la fin de votre préavis, nous vous ferons parvenir vos documents de fin de contrat, ainsi que le solde des salaires et indemnités de rupture vous revenant.

En revanche, en cas d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, nous vous rappelons que vous devez nous retourner, sans délai, votre bulletin d'acceptation dûment complété et signé, accompagné de la demande d'allocation de sécurisation professionnelle, également dûment complétée et signée et à laquelle vous voudrez bien joindre une copie :

- de votre carte d'assurance maladie ;

- de votre carte d'identité;

- ainsi que d'un relevé d'identité bancaire.

Si vous adhérez au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), votre préavis sera versé au Pôle emploi afin de financer les actions du contrat de sécurisation professionnelle. Par ailleurs, nous vous informons que la rupture de votre contrat de travail pour motif économique, vous permettra de bénéficier d'une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an, à condition que vous nous en fassiez la demande au cours de ce même délai par courrier recommandé, conformément à l'article L. 1233-45 du Code du travail.

Cette priorité concerne les postes compatibles avec votre qualification et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement, sous réserve

cependant que vous nous la fassiez connaître. A l'issue de votre contrat de travail, vous voudrez bien nous restituer dans les meilleurs délais tout élément en votre possession appartenant à la société, à savoir : clés, badge, vêtements de travail...

Pour finir, nous vous rappelons qu'en vertu des dispositions de l'article L.1235-7 du code du travail, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du présent règlement se prescrit par douze mois à compter de la présente lettre de notification.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. '

Selon l'attestation Pôle Emploi, le dernier jour travaillé de Monsieur [Y] est le 8 octobre 2018.

Monsieur [Y] a perçu 2023,35 euros pour 102,34 heures effectuées entre le 1er octobre 2017 et le 31 octobre 2017. Il a perçu 2080,65 euros pour 165,34 heures effectuées entre le 1er novembre 2017 et le 30 novembre 2017. Il a perçu 1972,79 euros pour 165,34 heures effectuées entre le 1er décembre 2017 et le 31 décembre 2017. Il a perçu 1082,42 euros pour 90,09 heures effectuées entre le 1er janvier 2018 et le 31 janvier 2018. Il a perçu 950,31 euros pour 78,84 heures effectuées entre le 1er septembre 2018 et le 30 septembre 2018.

Le 14 janvier 2019, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de VICHY aux fins notamment de voir juger son licenciement nul outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.

L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 13 février 2019 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 14 janvier 2019 ), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire en date du 30 octobre 2019 (audience du 11 septembre 2019), le conseil de prud'hommes de VICHY a:

- dit que le licenciement de Monsieur [Y] est entaché de nullité ;

- dit qu'en application de l'article R. 1454-28 du Code du travail le salaire de référence s'élève à la somme de 1 932,70 euros ;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, à porter et à payer à Monsieur [C] [Y] la somme nette de 57 981 euros correspondant à l'indemnisation de la période d'éviction et de la violation du statut protecteur ;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, à porter et à payer à Monsieur [Y] la somme nette de 30 923,20 euros correspondant à l'indemnisation du licenciement nul ;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, à porter et à payer à Monsieur [Y] la somme nette de 5 000 euros correspondant à l'indemnisation de son préjudice moral;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, à porter et à payer à Monsieur [Y] la somme nette de 1 932,70 euros correspondant à l'indemnisation de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;

- ordonné, le licenciement étant intervenu sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant plus de 10 salariés et à l'encontre d'un salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté, le remboursement au Pôle Emploi Auvergne, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail, des indemnités de chômage qui ont pu être versées à Monsieur [Y] pour une durée de six mois ;

- condamné la société MBR FARMS à remettre à Monsieur [Y] les documents de fin de contrat de travail dûment rectifiés et conformes à la présente décision ;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, à porter et à payer à Monsieur [Y] la somme nette de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté Monsieur [Y] de ses autres demandes ;

- débouté la société MBR FARMS de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société MBR FARMS, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de la présente instance ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 19 novembre 2019, la société MBR FARMS a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 8 novembre 2019,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 2 juin 2020 par la société MBR FARMS,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 10 février 2022 par Monsieur [Y].

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, la société MBR FARMS demande à la cour de réformer le jugement déféré et, en conséquence, de :

- Fixer le salaire de référence à la somme de 1.963, 48 euros;

- Constater que Monsieur [Y] ne disposait d'aucun mandat au moment du licenciement ;

- Dire et juger bien fondé le licenciement pour motif économique de Monsieur [Y] ;

- Débouter Monsieur [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner Monsieur [Y] à payer et porter à la société MBR FARMS la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qui aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître RAHON Sébastien, Avocat.

La société MBR FARMS soutient que le salarié a fait l'objet d'un transfert de son contrat de travail dans le cadre d'un transfert partiel d'activité, à savoir l'activité canine de la société ENVIGO. Elle rappelle que Monsieur [Y] était délégué du personnel et délégué syndical sur l'intégralité de la société et pas seulement sur l'activité canine. Ainsi, conformément à la jurisprudence, le mandat ne perdure que si l'établissement repris conserve son autonomie, ce qui n'est pas le cas dans l'affaire qui l'oppose à Monsieur [Y]. Par conséquent, le salarié au moment de son licenciement, ne bénéficiait d'aucune protection spécifique et son licenciement

n'avait pas à être autorisé par l'inspection du travail.

Elle ajoute sur ce point que le conseil de prud'hommes a confondu deux notions juridiques autonomes et qu'il ne s'agissait pas du transfert d'une entité économique autonome, dans la mesure où la partie administrative n'a pas été reprise. Elle précise qu'indépendamment de ce point, l'existence d'un transfert partiel d'activité ici est incontestable. De plus, contrairement à la motivation du Conseil de prud'hommes, l'entreprise n'a pas subi une simple modification dans sa situation juridique mais a vendu une partie de sa production. Dès lors, les institutions représentatives du personnel qui portaient sur l'intégralité de l'entreprise devaient donc disparaître. Elle ajoute que le salarié a reconnu n'être plus protégé. Elle indique que du fait du transfert partiel d'activité, le mandat du salarié a disparu.

L'appelante soutient ensuite que Monsieur [Y] ne disposant d'aucun mandat au moment de son licenciement et d'aucune protection spécifique, le licenciement pouvait par conséquent intervenir sans autorisation de l'inspection du travail. Ainsi, elle affirme que les demandes du salarié au titre de la nullité du licenciement sont infondées.

S'agissant du bien fondé du licenciement pour motif économique, la société MBR FARMS soutient que les difficultés économiques qu'elle a rencontrées sont parfaitement établies. Elle précise, à ce titre, que l'activité d'élevage est réglementée et contrôlée par les instances européennes et que la société ENVIGO rencontrait des difficultés pour se mettre aux normes et lui a cédé, dans ce contexte, son activité.

La société MBR FARMS explique qu'elle a dû investir massivement pour cette mise aux normes et, dans le même temps, qu'elle a été contrainte de revoir son organisation. C'est ainsi qu'elle a dû se séparer d'un des deux chefs d'équipe et a licencié Monsieur [Y].

Sur le non-respect de l'obligation de reclassement, la société MBR FARMS soutient avoir parfaitement respecté cette obligation ainsi qu'en témoigne le registre d'entrées et sorties du personnel. D'autre part, elle indique que, sur le territoire national, il existe une autre entité, basée à [Localité 5], mais qu'elle ne comporte aucune activité d'élevage. Ainsi, les postes sur cette entité n'étaient pas compatibles avec les compétences du salarié. Elle soutient, en conséquence, qu'il était impossible de reclasser Monsieur [Y].

S'agissant des critères d'ordre de licenciement, la société MBR FARMS rappelle qu'ils sont fixés par l'article L. 1233-5 du Code du travail, lequel article précise que l'employeur peut privilégier un de ces critères. C'est ainsi que Monsieur [Y] a obtenu 7 points alors que sa collègue, Madame [F], en a obtenu 11. Elle ajoute que la différence de points s'est fondée sur des critères totalement objectifs. A ce propos, la société MBR FARMS souligne le fait que cette dernière est plus diplômée que Monsieur [Y]. Elle soutient ainsi que les critères d'ordre qu'elle a retenus sont incontestables et qu'en tout état de cause, une éventuelle irrégularité ne priverait pas le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La société MBR FARMS estime avoir parfaitement démontré que le licenciement est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, demande que Monsieur [Y] soit débouté à ce titre.

La société MBR FARMS demande ensuite que le salaire de référence de Monsieur [Y] soit fixé à 1 963,48 euros et non à 2 085 euros comme demandé par ce dernier. Elle argue avoir fixé ce salaire de référence sur la base des douze derniers mois, étant donné que Monsieur [Y] a été en arrêt maladie sur sa dernière année.

Sur le moyen qui veut que la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité au motif qu'il n'a pas été fait mention du licenciement économique dans la convocation à l'entretien préalable, la société MBR FARMS affirme que cette mention n'est pas obligatoire et que, de plus, cette demande n'a pas de fondement juridique et qu'elle ne peut, ainsi, prospérer.

S'agissant du préjudice moral, la société MBR FARMS soutient que le salarié n'étaye pas sa demande et qu'il ne pourra qu'être débouté à ce titre. De même, en ce qui concerne sa demande de remboursement de frais, la société MBR FARMS précise que Monsieur [Y] ne fournit aucun justificatif desdits frais.

S'agissant de la demande du salarié à titre de salaire pour le temps passé durant l'entretien, l'employeur précise que le salarié ne peut être en arrêt maladie et percevoir une indemnité à ce titre et percevoir en même temps son salaire. Dès lors le salarié verra cette demande être rejetée.

Enfin, s'agissant de la demande de paiement du reliquat de l'indemnité de licenciement, la société MBR FARMS soutient que le salarié se fonde sur un salaire de référence et sur une ancienneté erronés.

Dans ses dernières écritures, Monsieur [Y] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de VICHY en date du 30 octobre 2019 en ce qu'il a dit et jugé que son licenciement était nul ;

- L'infirmer en ce qu'il a limité l'indemnisation de Monsieur [Y] au paiement des sommes suivantes :

* 57 981 euros nets correspondant à l'indemnisation d'éviction et de la violation du statut protecteur ;

* 30 923,20 euros nets correspondant à l'indemnisation du licenciement nul ;

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de VICHY en ce qu'il a condamné la société MBR FARMS à payer et porter à Monsieur [Y] une somme de 5.000 euros nets en réparation de son préjudice moral ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que la convocation à entretien préalable était irrégulière ;

- Mais l'infirmer en ce qu'il a limité le montant de la condamnation à la somme 1 932,70 euros correspondant à l'indemnisation de l'irrégularité de procédure de licenciement;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] des demandes suivantes :

- Condamner la société MBR FARMS au paiement d'une somme de 150 euros nets en remboursement des frais générés et au titre de la contrepartie du temps passé pour se rendre à l'examen ;

- Condamner la société MBR FARMS au paiement d'une somme de 921,34 euros nets à titre de rappel sur indemnité de licenciement;

- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a limité l'indemnisation 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dire et juger recevable et bien-fondé l'appel reconventionnel interjeté par Monsieur [C] [Y] ;

Statuant à nouveau :

- Fixer le salaire de référence de Monsieur [Y] à la somme de 2.085 euros ;

A titre principal,

- Constater que la cession d'activité constituait transfert d'une entité économique autonome et emportait transfert des mandats de Monsieur [Y] ;

En conséquence,

- Dire et juger que Monsieur [Y] avait la qualité de salarié protégé ;

- Dire et juger que le licenciement de Monsieur [Y] aurait dû faire l'objet d'une autorisation de l'inspecteur du travail ;

- Requalifier le licenciement de Monsieur [Y] en licenciement nul pour défaut d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail ;

- Condamner la société MBR FARMS au paiement des sommes suivantes :

* 62.550 euros nets au titre de l'indemnisation de la période d'éviction ;

* 33.360 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du licenciement nul et de la perte injustifiée de son emploi ;

A titre subsidiaire,

Si le salaire de référence était fixé à la somme de 1.932,70 euros bruts,

- Confirmer en le jugement querellé en ce qu'il a condamné la société MBR FARMS à payer et porter à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

* 57 981,00€ nets correspondant à l'indemnisation de la période d'éviction et de la violation du statut protecteur ;

* 30 923,20€ nets correspondant à l'indemnité du licenciement nul ;

A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement n'était pas requalifié en licenciement nul,

- Dire et juger que l'application des critères d'ordre du licenciement procède d'un détournement de pouvoir de l'employeur ;

- Dire et juger que la société MBR FARMS n'a pas recherché sérieusement le reclassement de Monsieur [Y] ;

- Dire et juger que le motif économique n'existe pas ;

En conséquence,

- Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société MBR FARMS au paiement d'une somme de 29.140 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la perte injustifiée de son emploi ;

En toutes hypothèses,

- Condamner la société MBR FARMS à payer et porter à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

* 5.000 euros nets en réparation du préjudice moral ;

* 2.085 euros nets en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité affectant la convocation à entretien préalable ;

* 150 euros nets en remboursement des frais générés et au titre de la contrepartie du temps passé pour se rendre à l'examen ;

* 921,34 euros nets au titre du reliquat d'indemnité de licenciement ;

- Ordonner la remise de documents de fin de contrat et bulletin de salaire dûment rectifiés et conformes au jugement à intervenir ;

Y ajoutant,

- Condamner la société MBR FARMS à payer et porter à Monsieur [Y] une somme de 2.500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [Y] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul. A ce propos, il rappelle qu'avant son transfert, il était délégué du personnel et délégué syndical, que son mandat devait prendre fin en février 2021. Il précise que la cession, dont à fait l'objet l'activité d'élevage et de vente de canins de type beagle, correspond à la cession d'une entité économique autonome, conformément à l'article L.1224-1 de Code du travail et qu'elle devait, de fait, s'accompagner du transfert de ses mandats de représentant du personnel. En outre, il avance que, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, l'entité cédée était parfaitement autonome et qu'il s'agissait donc du transfert d'une entité autonome et non d'un simple transfert partiel.

Il fait observer qu'au moment du transfert, 12 salariés ont été repris et qu'ainsi les conditions de maintien des délégués du personnel étaient réunies. Il affirme que son mandat de délégué du personnel s'est donc poursuivi du fait du transfert, comme l'ont justement retenu les premiers juges.

En conséquence, Monsieur [Y] soutient que l'inspection du travail devait donner son accord pour son licenciement et que faute de cet accord, son licenciement est frappé de nullité.

Monsieur [Y] rappelle que les conséquences de la nullité d'un licenciement sont soit la réintégration du salarié, soit son indemnisation pour non-respect du statut protecteur et réparation du préjudice subi du fait du licenciement illicite. Il indique demander l'indemnisation de la violation de son statut de salarié protégé, rappelant, à ce propos, que la jurisprudence prévoit une indemnité de 30 mois au maximum et estime avoir droit à ce maximum. Il précise que pour le calcul de cette indemnité doit être pris en compte comme salaire de référence les salaires qu'il a perçu avant son arrêt maladie, soit avant le 15 janvier 2018. En effet cette indemnité doit être calculée sur des salaires qui ne souffrent pas des périodes d'absence et non travaillées. Dès lors, il sollicite la réformation du jugement de première instance sur ce point et affirme que doit être retenu comme base des indemnités sollicitées, le salaire mensuel brut de 2.085 euros et non de 1.932,70 euros.

Il sollicite l'indemnisation du licenciement nul et affirme là aussi que le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité est d'un montant de 2085 euros.

A titre subsidiaire, dans le cas où le Conseil de prud'hommes ne retiendrait pas la nullité du licenciement, Monsieur [Y] demande que son licenciement soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Au soutien de cette demande, il expose que la société MBR FARMS n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements, a manqué à son obligation de recherche de reclassements et que, de plus, le motif économique du licenciement n'est pas avéré.

S'agissant des critères d'ordre des licenciements, Monsieur [Y] soutient que s'ils avaient été respectés, il aurait eu plus de point qu'une de ses collègues laquelle, par conséquent, aurait dû être licenciée avant lui. En outre, il affirme la société MBR FARMS ne produit aucun élément objectif sur lequel elle se serait appuyée pour justifier cette différence de notation entre les deux salariés. Monsieur [Y] conteste ainsi l'application des critères d'ordre réalisée par l'employeur qui témoigne de man'uvres frauduleuses pour parvenir à la rupture de son contrat de travail et d'un détournement de pouvoir caractérisé.

Sur l'obligation de recherche de reclassement, il précise qu'aucun reclassement ne lui a été proposé et que, de plus, la société MBR FARMS ne justifie d'aucune recherche en interne. Il ajoute que l'employeur persiste à ne fournir aucun élément justifiant de la réalité des recherches ni aucun élément de nature à prouver l'impossibilité de reclassement.

Enfin, concernant le motif économique du licenciement, il rappelle, d'une part, que celui-ci aurait dû être évoqué dans la convocation à l'entretien préalable et, d'autre part, que la société MBR FARMS appartient à un groupe qui affiche des résultats positifs. Dès lors, il affirme que la réorganisation de l'entreprise invoquée à l'appui de son licenciement n'était qu'un prétexte pour le licencier.

Estimant avoir démontré que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Monsieur [Y] s'estime bien fondé à demander le paiement des indemnisations qui en découlent.

En tout état de cause, Monsieur [Y] demande réparation de son préjudice moral, ayant très mal vécu la perte injustifiée de son emploi. Il souligne que son état de santé s'est dégradé, comme attesté par son médecin traitant et sa psychologue. Il ajoute s'être retrouvé dans une situation financière délicate suite à son licenciement.

Il demande, également, une indemnisation pour irrégularité procédurale, la convocation à 1' entretien préalable n'étant pas régulière.

Il sollicite, également, l'indemnisation du temps passé pour se rendre à la médecine du travail à [Localité 3] et le temps passé à 1'examen.

Il demande paiement du reliquat de l'indemnité de licenciement, considérant qu'il aurait dû percevoir une indemnité supérieure à celle reçue et, enfin, il sollicite la rectification des documents de fin de contrat, l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement et une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

- Sur la demande en nullité du licenciement -

L'article L. 1224-1 du code du travail dispose que s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Ce texte a vocation à s'appliquer toutes les fois qu'il y a transfert d'une entité économique autonome, l'entité économique devant être entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit une finalité économique propre, clairement identifiée, détachable des autres activités de l'entreprise avec une autonomie d'organisation au sein de celle-ci, caractérisée par des moyens et du personnel, un personnel non polyvalent, organisé de manière autonome.

S'agissant des délégués du personnel, l'article L. 2314-28 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, précise : 'En cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, telle que mentionnée à l'article L. 1224-1, le mandat des délégués du personnel de l'entreprise ayant fait l'objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique. Si cette entreprise devient un établissement au sens du présent titre ou si la modification mentionnée au premier alinéa porte sur un ou plusieurs établissements distincts qui conservent ce caractère, le mandat des délégués du personnel élus dans l'entreprise ou dans chaque établissement intéressé se poursuit jusqu'à son terme. (...)'.

Les mêmes dispositions sont reprises à propos des délégués syndicaux par l'article L. 2143-10 : 'En cas de modification dans la situation juridique de l'employeur telle que mentionnée à l'article L. 1224-1, le mandat du délégué syndical ou du délégué syndical central subsiste lorsque l'entreprise qui fait l'objet de la modification conserve son autonomie juridique. Il en est de même lorsque la modification porte sur un établissement au sens de l'article L. 2143-3".

L'article L. 2414-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu'il est investi de l'un des mandats précisément énumérés, notamment, ceux de délégué syndical et de délégué du personnel.

Il résulte de ces textes que le transfert de plein droit des contrats de travail s'impose aux représentants du personnel comme aux autres salariés. Lorsque le transfert porte sur l'intégralité de l'entreprise ou la totalité d'un établissement distinct, l'employeur n'a pas à mettre en oeuvre la procédure protectrice des représentants du personnel et solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail. En revanche, lorsque la modification dans la situation juridique de l'employeur se traduit par un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, le transfert des contrats de travail des représentants du personnel englobés dans l'opération est subordonné à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail qui doit s'assurer que le salarié protégé n'a pas fait l'objet d'une manoeuvre discriminatoire.

Qu'il s'agisse d'un transfert total d'activité ou d'un transfert partiel, en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, le mandat des délégués syndicaux et des délégués du personnel subsiste chez le nouvel employeur lorsque cette entité a soit conservé son « autonomie juridique », soit conservé ou acquis la qualité d'« établissement distinct » dans l'entreprise de ce dernier, et que, en outre, l'effectif de cette même entité économique n'a pas baissé de manière importante et durable au cours de la période qui a précédé et/ou suivi la réalisation de l'opération de restructuration dont elle a fait l'objet. Si la modification de la situation juridique de l'employeur porte sur un ou plusieurs établissements distincts qui conservent ce caractère, ce qui s'apprécie au jour du transfert, les mandats des délégués syndicaux et des délégués du personnel attachés à ce ou ces établissements distincts se poursuivent. Lorsqu'une partie seulement des activités d'une entreprise fait l'objet du transfert, il y a maintien de l'autonomie si le transfert se fait d'un établissement distinct vers un établissement distinct. Lorsqu'avant le transfert, l'activité n'était pas exercée au sein d'un établissement distinct, si l'entité bénéficiait, avant le transfert, d'une autonomie qu'elle a conservée, les conditions du maintien des institutions représentatives sont réunies.

Le code du travail subordonne donc le maintien des différents mandats chez le nouvel employeur à la condition que l'entité ayant fait l'objet du transfert conserve son autonomie. Interprétant ces dispositions à la lumière de la directive européenne, la Cour de cassation considère que le mandat subsiste dès lors que l'entreprise ou l'entité ayant fait l'objet de la modification ou transfert conserve en fait son autonomie, même si elle a perdu son autonomie juridique dans l'opération.

En effet, les articles L. 2143-10 et L. 2314-28 du code du travail sont issus de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 transposant en droit français les dispositions de la directive européenne du 14 février 1977 (dont la teneur se retrouve aujourd'hui dans la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 relative au maintien des droits des salariés en cas de transfert d'activité). L'article 6 § 1 de cette directive dispose que 'si l'entreprise, l'établissement ou la partie d'entreprise ou d'établissement conserve son autonomie, le statut et la fonction des représentants ou de la représentation des travailleurs concernés par le transfert subsistent, selon les mêmes modalités et suivant les mêmes conditions qu'avant la date du transfert en vertu d'une disposition législative, réglementaire, administrative ou d'un accord, sous réserve que les conditions nécessaires pour la formation de la représentation

des travailleurs soient réunies'.

En application de ce texte, tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union européenne, la notion d' 'autonomie' doit s'entendre, 'des pouvoirs, accordés aux responsables de cette entité, d'organiser, de manière relativement libre et indépendante, le travail au sein de ladite entité dans la poursuite de l'activité économique qui lui est propre et, plus particulièrement, les pouvoirs de donner des ordres et des instructions, de distribuer des tâches aux travailleurs subordonnés relevant de l'entité en cause ainsi que de décider de l'emploi des moyens matériels mis à sa disposition, ceci sans intervention directe de la part d'autres structures d'organisation de l'employeur'. Dès lors, l'autonomie est en principe maintenue, ' lorsque, postérieurement au transfert, les pouvoirs organisationnels des responsables de l'entité transférée demeurent, au sein des structures d'organisation du cessionnaire, en substance, inchangés par rapport à la situation telle qu'elle existait avant le transfert (...). Le simple changement des supérieurs hiérarchiques les plus élevés ne saurait être en soi préjudiciable à l'autonomie de l'entité transférée (...). Le simple pouvoir de contrôle de la part des supérieurs hiérarchiques les plus élevés n'affecte pas, en règle générale, l'autonomie de l'entité transférée (...)'.

La notion d'«autonomie» devant ainsi s'entendre d'une autonomie «organisationnelle» ou 'fonctionnelle', si les conditions légales du maintien par le nouvel employeur des contrats de travail des salariés compris dans un transfert total ou partiel d'entreprise sont réunies et si l'entité transférée conserve, après la date d'effet de cette forme de restructuration, la même finalité économique et ses principaux moyens et techniques d'exploitation dans les mêmes conditions, le nouvel employeur est également tenu de poursuivre les mandats de ces délégués du personnel et de ces délégués syndicaux

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que M. [Y] était affecté, en qualité de chef d'équipe, sur le site de l'élevage canin de [Localité 4] (03). Il était délégué du personnel (élection du 14 février 2017) et délégué syndical (désignation du 18 avril 2016).

La société ENVIGO, jusqu'alors employeur de M. [Y], l'a informé, le 2 août 2017, 'du projet de cession par la société de son activité d'élevage canin de type Beagle et de vente desdits animaux à des laboratoires en vue de la recherche exploitée à [Localité 4], au bénéfice de la société Marshall Farms Limited'. Il était précisé que 'l'activité ci-dessus mentionnée sera transférée à Marshall Farms Limited, impliquant le transfert automatique de votre contrat de travail. En effet, cette opération entre dans le champ d'application de l'article L 1224-1 du code du travail et entraîne le transfert automatique de votre contrat de travail auprès Marshall Farms Limited'.

Par lettre du 25 octobre 2017, la société ENVIGO a informé l'inspecteur du travail de la signature d'un compromis de cession de son activité d'élevage canin en expliquant que 'cette opération entraînera le transfert d'une entité économique autonome au sens de l'article L 1224-1 du code du travail' et en précisant que 'dans le cadre de ce transfert, il est convenu de céder la branche d'activité agricole relative à l'élevage et à la vente d'animaux de race canine de type Beagle, le stock canin de type Beagle et les immeubles afférents à l'exploitation de la branche d'activité agricole susvisées'.

Par ce courrier, la société ENVIGO exposait qu'en conséquence de cette cession, 'le contrat de travail des salariés (...) dédiés à l'activité ainsi cédée a vocation à être transféré automatiquement' à la société cessionnaire et que certains de ces salariés étaient titulaires d'un mandat de représentant du personnel. Elle sollicitait, en conséquence, l'autorisation du transfert du contrat de travail de ces salariés protégés, parmi lesquels M. [Y]. L'autorisation a été donnée selon décision du 20 novembre 2017.

Le 2 novembre 2017, une convention a été conclue entre la société cédante et la société cessionnaire afin de mettre M. [Y] à la disposition de cette dernière dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail, cette convention rappelant que M. [Y] exerce son activité au sein d'une entité économique autonome, que la cession de cette entité emporte, par application de l'article L 1224-1 du code du travail, 'le transfert des contrats de travail de l'ensemble des salariés participant à l'activité économique de l'entité cédée' et qu'en application de l'article L 2414-1 du code du travail, le transfert des contrats de travail des délégués du personnel - dont celui de M. [Y] - compris dans l'entité ne pourra intervenir qu'après que l'inspecteur du travail l'aura autorisé.

Bien que l'acte de cession ne soit pas versé aux débats, il est suffisamment démontré par les pièces produites que l'activité cédée présente les caractères d'une entité économique autonome au sens de l'article L 1224-1 du code du travail. Outre que la saisine de l'inspecteur du travail supposait nécessairement l'existence d'un projet de transfert d'une entité économique autonome, ce caractère a été reconnu par toutes les parties concernées dans les actes visés ci-dessus et il est expressément précisé que la cession a porté sur 'la branche d'activité agricole relative à l'élevage et à la vente d'animaux de race canine de type Beagle, le stock canin de type Beagle et les immeubles afférents à l'exploitation de la branche d'activité agricole susvisées'. La société MBR FARMS a ainsi acheté un ensemble organisé de personnes et de moyens permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant une finalité économique clairement identifiée avec une organisation autonome.

La société MBR FARMS conteste l'existence d'une entité économique autonome au motif que la partie contenant les activités commerciales et administratives n'aurait pas fait l'objet de l'achat et elle se prévaut d'une photographie aérienne du site de [Localité 4] sur lequel elle a entouré d'un cercle la partie des installations reprises et d'un autre cercle la partie conservée par la société ENVIGO. Cependant, le fait qu'une partie des installations du site de [Localité 4] ait été conservée par la société ENVIGO n'est pas de nature, en lui-même, à écarter le caractère autonome de l'entité reprise en l'absence de tout autre élément. Il convient de relever que non seulement l'activité commerciale de vente a été comprise dans la cession mais que la société cessionnaire a reconnu, en procédant à l'acquisition, qu'il s'agissait d'une entité économique autonome.

Il est vrai que la saisine de l'inspecteur du travail ne se justifiait qu'en présence d'un transfert partiel d'activité mais ce caractère partiel ne peut, en lui-même, avoir pour effet de faire disparaître l'existence d'une entité économique autonome.

L'employeur soutient qu'en présence d'un transfert partiel d'activité, les institutions représentatives du personnel devaient disparaître au motif que celles-ci auraient porté sur l'intégralité de l'entreprise, mais un transfert partiel ne met nullement obstacle à la poursuite des mandats de représentants du personnel dès lors que ces derniers sont affectés à l'activité transférée et que le transfert porte sur une entité économique autonome dont l'activité est poursuivie après le transfert dans les mêmes conditions qu'auparavant.

Or, M. [Y] explique qu'à la suite de la cession, l'établissement dédié à l'élevage canin est resté un établissement distinct de l'entreprise d'accueil et qu'il a conservé son autonomie. Il précise que l'activité d'élevage canin a été conservée avec ses propres locaux, son propre personnel, ses propres moyens matériels et sa propre organisation.

Rien ne permet de remettre en cause les éléments d'appréciation versés aux débats qui font apparaître que la société MB FARMS a repris l'activité d'élevage et de vente d'animaux de race canine avec les mêmes moyens matériels, techniques et humains avec la même finalité et qu'elle a poursuivi à l'identique cette activité avec les mêmes salariés.

Alors que l'employeur ne conteste pas avoir repris les contrats de travail de 12 salariés, M. [Y] se prévaut du registre du personnel de la société MB FARMS qui révèle que l'entité a conservé les 12 salariés présents au moment du transfert (alors que le seuil requis pour l'institution des délégués du personnel est de 11 salariés). L'organigramme de juin 2018 versé aux débats par l'employeur fait apparaître ce même effectif de 12 salariés (8 agents animaliers, 2 chefs d'équipe, dont M. [Y], un responsable des services support et un coordinateur QHSE) avec pour nouveau directeur le directeur général de la société MBR FARMS.

Dans ces conditions, en présence d'une entité économique autonome qui s'est poursuivie sans modification et dans les mêmes conditions qu'auparavant, les mandats de M. [Y] se sont maintenus au sein de l'entreprise d'accueil par application des articles L 2314-28 et L 2143-10 du code du travail, peu important que le transfert soit intervenu selon la procédure applicable au transfert partiel d'activité.

L'employeur ne saurait se prévaloir utilement des déclarations faites par le salarié dans son courrier du 26 septembre 2018 dans lequel il invoque 'la fin de (sa) protection de représentant du personnel' alors que son mandat de délégué du personnel était toujours en cours et qu'il a d'ailleurs contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes pour ce motif dès le 14 janvier 2019.

En droit, lorsque le mandat des représentants du personnel est ainsi maintenu, il se poursuit jusqu'à son terme, sauf à être réduit ou prorogé pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l'entreprise d'accueil, soit par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans les établissements absorbés, soit, à défaut, par accord entre l'employeur et les élus intéressés.

En l'espèce, dans la mesure où, au moment du licenciement, les mandats de M. [Y] étaient toujours en cours, l'employeur était tenu, préalablement, de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail.

En l'absence d'une telle autorisation, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement nul.

- Sur l'indemnisation du licenciement nul -

Selon l'article L. 1235-3-1 du Code du travail, en cas de nullité du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.

M. [Y] est donc en droit de solliciter, au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, le salaire qu'il aurait perçu depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de 2 ans, augmentée de 6 mois.

Pour déterminer le salaire de référence et le salaire qu'il aurait perçu en l'absence d'éviction, M. [Y] est bien fondé à retenir les salaires des mois complets (janvier 2017 à décembre 2017) en excluant la période pendant laquelle il a été placé en arrêt de travail pour maladie (du 15 janvier 2018 au 6 septembre 2018, date de la reprise). Il s'ensuit qu'il aurait perçu un salaire moyen de 2.085 euros par mois en moyenne. Compte tenu que son mandat expirait en février 2021, il est en droit de solliciter une indemnité correspondant à 2 ans de salaire augmentée de 6 mois de sorte que l'indemnité due doit être fixée à la somme de 2085 x 30 = 62.550 euros.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué à M. [Y] une somme inférieure.

M. [Y], né en 1966, a été licencié après 16 ans d'ancienneté (du 1er octobre 2002 au 27 septembre 2018) au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés, à l'âge de 52 ans. Il ne justifie pas de sa situation postérieure à la rupture du contrat de travail.

Compte tenu de ces éléments et de son salaire mensuel brut (2085 euros), il lui sera alloué la somme de 33.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul. Le jugement sera réformé sur ce point.

- Sur la demande de dommages-intérêts supplémentaires -

M. [Y] sollicite des dommages-intérêts pour réparation de son préjudice moral en expliquant avoir très mal vécu la perte injustifiée de son emploi, évoquant des conditions vexatoires de son éviction et une dégradation de son état de santé.

Cependant, le salarié ne justifie pas d'un préjudice qui ne serait pas réparé par les sommes allouées ci-dessus qui comprennent la réparation des préjudices matériels et moraux subis.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

- Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de procédure -

M. [Y] fait valoir que la convocation à l'entretien préalable ne mentionne pas l'objet de la convocation et qu'il était donc dans l'incapacité de savoir ce qui allait lui être annoncé et de préparer sa défense.

Toutefois, la somme allouée ci-dessus à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul vise à réparer à la fois l'irrégularité de fond et l'irrégularité de forme affectant le licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué au salarié une somme distincte à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure.

- Sur la demande en indemnisation du temps passé en visite de reprise et des frais de route -

M. [Y] fait valoir que si le temps passé pour se rendre à la visite médicale ne peut être qualifié de temps de travail effectif, il doit néanmoins faire l'objet d'une indemnisation, qu'il s'agisse du temps passé ou des dépenses générées pour se rendre à l'examen.

Cependant, le salarié ne fournit aucune pièce justificative susceptible de démontrer qu'il aurait exposé des frais pour se rendre à la visite de reprise ayant eu lieu le 5 septembre 2018. Il résulte, en outre, du bulletin de salaire de septembre 2018 que son salaire a été payé au titre de la journée du 5 septembre 2018.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

- Sur la demande au titre d'un reliquat d'indemnité de licenciement -

En application de l'article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le salaire moyen des 3 ou 12 derniers mois travaillés précédant l'arrêt de travail pour maladie.

C'est donc à bon droit que M. [Y] sollicite que soit retenu le salaire de référence de 2 085,00 euros correspondant au salaire moyen des 12 derniers mois précédant son arrêt de travail pour maladie.

Compte tenu de son ancienneté (16 ans et 2 mois compte tenu de la durée du préavis), M. [Y] est bien fondé à soutenir que l'indemnité de licenciement à laquelle il peut prétendre s'établit à 9 500,65 euros.

Compte tenu de la somme déjà perçue (8 579,31 euros), sa demande en paiement de la somme complémentaire de 921,34 euros sera accueillie.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

- Sur les allocations Pôle Emploi -

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail que la condamnation de l'employeur à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités versées au salarié ne peut être prononcée que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11.

En l'espèce, le licenciement étant jugé nul comme ayant été prononcé à l'encontre d'un salarié protégé sans autorisation de l'inspecteur du travail, soit dans un cas autre que ceux prévus par l'article L. 1235-4, il n'y a pas lieu de condamner l'employeur à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités versées au salarié.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

- Sur la demande de remise de documents -

L'employeur devra remettre au salarié un bulletin de salaire, un solde de tout compte et une attestation destinée au POLE EMPLOI rectifiés conformément au présent arrêt.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles -

L'employeur, qui succombe au principal, devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, ce qui exclut qu'il puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

En cause d'appel, la société MBR FARMS sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'à verser à Monsieur [C] [Y] la somme de 2.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement sauf :

- en ce qui concerne le montant du salaire de référence retenu, le montant des sommes allouées au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur et le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul,

- en ce qu'il a alloué à Monsieur [C] [Y] une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et une somme pour irrégularité de procédure,

- en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [Y] de sa demande au titre d'un reliquat d'indemnité de licenciement,

- en ce qu'il a condamné la société MBR FARMS à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités versées à Monsieur [C] [Y] ;

- Infirmant sur ces points et statuant à nouveau :

- Dit qu'en application de l'article R. 1454-28 du Code du travail, le salaire mensuel brut de référence de Monsieur [C] [Y] s'élève à la somme de 2.085 euros,

- Condamne la société MBR FARMS à payer à Monsieur [C] [Y] les sommes de :

* 62.550 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,

* 33.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* 921,34 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement;

- Déboute Monsieur [C] [Y] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral et pour irrégularité de procédure;

- Dit n'y avoir lieu de condamner la société MBR FARMS à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités versées à Monsieur [C] [Y] ;

- Y ajoutant :

- Condamne la société MBR FARMS à remettre à Monsieur [C] [Y] un bulletin de salaire, un solde de tout compte et une attestation destinée au POLE EMPLOI rectifiés conformément au présent arrêt,

- Condamne la société MBR FARMS à payer à Monsieur [C] [Y] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société MBR FARMS aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02171
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.02171 ?
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