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17/05/2022 | FRANCE | N°19/01957

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 17 mai 2022, 19/01957


17 MAI 2022



Arrêt n°

CV/SB/NS



Dossier N° RG 19/01957 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJQE



Etablissement CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER [5]

/



[S] [W]

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY gref

fier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



Etablissement CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER [5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité a...

17 MAI 2022

Arrêt n°

CV/SB/NS

Dossier N° RG 19/01957 - N° Portalis DBVU-V-B7D-FJQE

Etablissement CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER [5]

/

[S] [W]

Arrêt rendu ce DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Claude VICARD, Conseiller

Mme Frédérique DALLE, Conseiller

En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

Etablissement CENTRE DE LUTTE CONTRE LE CANCER [5] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Remy MASSET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CUSSET/VICHY et par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. [S] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Arnaud REMEDEM suppléant Me Sabine BLANC-BARBIER de la SCP BLANC-BARBIER-VERT-REMEDEM & ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIME

Après avoir entendu Mme VICARD, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 28 Février 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé le 03 MAI 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle les parties ont été informées que la date de ce prononcé était prorogée au 17 MAI 2022 conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [S] [W] a été engagé en qualité d'ouvrier spécialisé par le Centre de Lutte contre le cancer [5], à compter du 1er avril 1999, suivant plusieurs contrats à durée déterminée dits 'contrats emploi consolidé'.

A compter du 1er avril 2002, M. [W] a été recruté en qualité d'ouvrier qualifié entretien bâtiment à temps plein, sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, régi par la convention collective des Centres de Lutte contre le Cancer.

Le 22 mars 2013, il a été reconnu travailleur handicapé.

Le 07 décembre 2016, le Centre de Lutte contre le cancer [5] a notifié à M. [W] un avertissement pour dénigrements, propos et écrits calomnieux envers ses collègues de travail et sa hiérarchie.

Par requête du 09 février 2017, M. [W] a saisi la juridiction prud'homale en annulation de cet avertissement, sollicitant par ailleurs l'allocation de dommages et intérêts pour avertissement abusif et harcèlement moral.

Par jugement du 1er octobre 2018, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt de la cour d'appel de Riom du 13 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Clermont- Ferrand a :

- dit et jugé que l'exécution du contrat de travail a été respectée et qu'il n'existe pas de déloyauté émanant de l'employeur;

- constaté qu'il n'existe pas de harcèlement moral;

- dit et jugé que l'avertissement délivré à M. [W] le 07 décembre 2016 est parfaitement justifié;

- débouté M. [W] de l'intégralité de ses prétentions;

- condamné M. [W] aux frais et dépens.

Parallèlement à cette première instance prud'homale, M. [W], après avoir été convoqué à un entretien préalable tenu le 6 septembre 2017 et à une commission paritaire de conciliation en date du 18 septembre 2017, a été licencié par courrier du 22 septembre 2017.

Le 16 février 2018, il a saisi le conseil de prud'hommes de Clermont- Ferrand en contestation de son licenciement et indemnisation afférente.

Par jugement du 16 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Clermont- Ferrand a :

- dit et jugé recevables et en partie bien fondées les demandes présentées par M. [W] ;

- pris acte du désistement de M. [W] de ses demandes d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents ;

- dit et jugé que le licenciement de M. [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamné le Centre de Lutte contre le cancer [5] à lui payer les sommes suivantes :

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;

- débouté M. [W] de sa demande de remise de documents rectifiés sous astreinte ;

- débouté Monsieur [W] du surplus de ses demandes ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné d'office, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le Centre de Lutte contre le cancer [5] à rembourser à Pôle Emploi le montant des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à M. [W] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

- débouté le Centre de Lutte contre le cancer [5] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné ce dernier aux entiers dépens.

Le 7 octobre 2019, le Centre de Lutte contre le cancer [5] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 18 septembre 2019.

La procédure d'appel a été clôturée le 31 janvier 2022 et l'affaire appelée à l'audience de la chambre sociale du 28 février 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 mai 2020, le Centre de Lutte contre le cancer [5] conclut à l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct.

L'employeur rappelle tout d'abord que la médecine du travail a déclaré M. [W] apte à son poste à plusieurs reprises en 2017; qu'il a refusé, malgré de nombreux rappels, d'accepter l'aménagement de poste préconisé par le médecin du travail et continué à négliger les tâches qui lui étaient confiées; qu'il ne lui a nullement été demandé d'effectuer des missions supplémentaires du fait de cet aménagement, son planning de travail étant nettement moins lourd que celui de ses collègues; que par ses refus répétés d'exécuter les tâches demandées, le salarié a commis des actes d'insubordination.

Il expose ensuite que le salarié critiquait régulièrement sa hiérarchie, notamment lors de réunions de service; qu'il a ainsi pu dénigrer son supérieur hiérarchique devant un prestataire extérieur; qu'il a par ailleurs quitté une réunion de service le 11 août 2017 avant la fin et sans y être invité, remettant ainsi publiquement en cause l'autorité de son supérieur hiérarchique.

Il avance également que M. [W] a accusé de façon calomnieuse l'un de ses collègues, M. [L], avec l'intention de lui nuire; que l'intimé n'est aucunement en mesure de prouver les accusations proférées envers son collègue, lequel, profondément affecté, a été placé en arrêt maladie et a saisi la direction d'une plainte à l'encontre de M. [W] pour harcèlement.

Il souligne enfin la mauvaise ambiance et les relations de travail dégradées que le comportement de M. [W] a générées, notamment en contraignant les autres à exécuter ses tâches en ses lieu et place.

Il ajoute que les agissements de M. [W], sa conduite agressive envers ses collègues, ses propos calomnieux et ses critiques envers sa hiérarchie ont créé un climat trouble au sein de l'équipe; que l'avertissement qui lui a été notifié n'a pas eu d'effet sur son comportement, son agressivité ayant persisté envers ses collègues.

L'appelant soutient enfin que M. [W] ne rapporte aucunement la preuve d'agissements de harcèlement ou de comportements vexatoires de nature à établir une exécution déloyale du contrat de travail ni la preuve d'un préjudice moral.

Aux termes de ses écritures notifiées le 28 février 2020, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur aux frais irrépétibles et dépens;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral distinct.

- constater une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ;

- le condamner à lui payer la somme de 35.998 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- constater que les procédures diligentées par l'employeur témoignent d'une démarche pour le moins vexatoire ;

- le condamner en conséquence à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ;

- condamner l'employeur à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ce, en sus des entiers dépens d'appel.

M. [W] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse; que l'employeur ne peut se servir de l'avertissement du 7 décembre 2016 dès lors qu'il est infondé et vexatoire; qu'il ne rapporte aucunement la preuve de son insubordination ni son refus d'exécuter les tâches demandées; qu'il l'a mis en difficulté et en situation d'échec en lui confiant des missions supplémentaires alors que son poste devait être aménagé.

Le salarié dénie également les critiques et dénigrements reprochés à l'encontre de ses collègues et de sa hiérarchie; que s'agissant des accusations portées à l'encontre de M. [L], il n'appartient nullement à l'employeur d'en apprécier la nature.

Il conteste ensuite la dégradation des conditions de travail de l'équipe, l'employeur ne pouvant se prévaloir d'une situation qui en réalité lui incombe. Il rappelle à cet égard que le climat général de l'établissement était tendu; qu'il a lui- même fait l'objet d'agissements vexatoires et de dénigrements répétés quant à la qualité de son travail, tendant à le déconsidérer.

Il ajoute que la procédure de licenciement s'inscrit en ligne directe de l'avertissement et vient sanctionner des faits ayant déjà fait objet d'une sanction disciplinaire.

Il soutient enfin avoir fait l'objet d'une mise à l'écart professionnelle et d'une dévalorisation de ses aptitudes et de sa personne; que ces éléments démontrent la volonté sous-jacente de l'employeur de le retirer de ses effectifs; que l'attitude vexatoire de l'employeur et les dénigrements dont il a été victime lui ont causé un préjudice moral.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°- Sur la rupture du contrat de travail :

Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Selon la règle prétorienne 'non bis in idem', un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits. En revanche, si des faits de même nature se répètent, l'employeur peut tenir compte des fautes antérieures pour sanctionner plus sévèrement les dernières fautes commises et la persistance d'un agissement fautif après une sanction justifie une nouvelle sanction.

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. [W] le 22 septembre 2017, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'Cher monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 6 septembre dernier auquel nous vous avons convié par courrier recommandé du 28 août.

Vous vous êtes présenté à cet entretien accompagné de monsieur [M] [C], délégué du personnel et secrétaire CGT du CHSCT.

Nous avons écouté vos explications, puis nous avons tenu à votre demande le 18 septembre dernier une Commission paritaire de conciliation qui a abouti à un procès-verbal de non conciliation.

En effet, vos explications n'ont pu être considérées comme probantes pour exonérer votre responsabilité personnelle dans les faits fautifs graves reprochés. Vous vous êtes en effet contenté de tenter de vous justifier en portant à nouveau des accusations et critiques graves et sans fondement, ni justificatif mettant en cause vos collègues de travail et votre hiérarchie.

Nous avons donc le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute aux motifs suivants:

Malgré un avertissement notifié le 07 décembre 2016, vous ayant demandé de cesser vos critiques, dénigrements, propos et écrits calomnieux envers vos collègues de travail et votre hiérarchie, vous avez récidivé en la matière, tout en refusant d'exécuter loyalement votre contrat de travail (respect de votre planning de tâches).

Suite à votre visite de reprise de travail auprès de la Médecine du Travail le 10 février 2017 nous avons respecté les demandes du docteur [U] d'aménagement de poste et préconisations d'effectuer des rondes partielles type sécurité.

Le 04 mars 2017 dans le cadre de la tenue de votre entretien annuel d'évaluation, 2 points vous ont été rappelés : Respecter le travail et les plannings ; et ne pas laisser de tâches à ses collègues

Le 14 mars s'est tenue une seconde visite auprès de la Médecine du Travail confirmant le besoin d'aménagement de poste, mais vous avez refusé de signer la fiche de poste aménagé en prétextant qu'elle n'était pas conforme aux prescriptions du médecin du travail.

Le 18 avril 2017, a eu lieu une nouvelle visite Médecine du Travail, à la suite de laquelle le docteur [U] a confirmé que la fiche de poste était adaptée, puis à nouveau suite à une nouvelle visite de suivi.

Le 14 juin nous avons dû vous adresser un email de rappel aux fins de respecter la fiche de poste.

Malgré ce, 28 juin: Mr [D] vous a dû vous notifier un rappel à l'ordre concernant le non respect de votre tâches, notamment les levées de réserve, suite aux rondes sécurité et le renfort des portes coupes feu en vous demandant de les réaliser sous quinzaine.

Néanmoins, le 31 juillet: Monsieur [D] a constaté que la plupart des réserves n'étaient pas levées et que le planning des tâches à nouveau n'était pas respecté. Le 3 juillet il avait déjà dû confier à un de vos collègues un relamping du 1er étage de l'hospitalisation, que vous n'aviez pas fait et ce suite à une relance de la coordinatrice de nuit.

Le 11 août lors de la réunion de service vous n'avez pas apporté d'explications valables à ce non-respect de votre planning de tâches et avez quitté la réunion de service.

Fin août, les tâches que vous n'aviez pas faites ont donc dû être confiées à vos collègues de travail Messieurs [N] et [P] et ont été réalisées en 1,5 jour chacun, ce qui démontre leur caractère réalisable.

Mi- août, nous avons été saisis par Monsieur [L] d'une alerte concernant sa situation suite à la plainte que vous aviez déposée à son encontre.

Cette alerte a donné lieu à une enquête interne confirmant le caractère fautif répété de vos comportements.

Nous avons été informés le 18 août du classement sans suite de la plainte que vous aviez déposée en février 2017 contre Monsieur [L].

Début septembre nous avons reçu de notre avocat une copie des pièces déposées dans le cadre de votre action prud'homale, incluant notamment cette plainte avec votre PV d'audition et avons pris connaissance des accusations de vols au sein du Centre [5] que vous aviez faites contre Monsieur [L], qui est en arrêt maladie suite à cette plainte.

Les motifs de votre licenciement sont donc :

1) Refus d'exécuter les tâches demandées pouvant entraîner un risque pour la sécurité des biens et des personnes et insubordination, tel que constaté après relance du 28 juin, les 3 juillet, 31 juillet et 11 août derniers.

2) Critiques répétées et dénigrement envers la hiérarchie, confirmées après enquête interne de fin août et lors de votre audition devant la Commission de Conciliation.

3) Accusations calomnieuses de vol au sein du Centre [5] envers Mr [L]. Le Centre [5] a pris connaissance de la plainte déposée contre Mr [L] début septembre lors de la réception de la copie du PV d'audition. Ces accusations de vol au sein de [5] ne sont fondées sur aucun élément concret et la plainte a été classée sans suite. Cela relève de l'intention de nuire et dégrade l'ambiance du service. La situation d'alerte pour souffrance morale faite mi-août par Mr [L] en arrêt de travail a donné lieu à enquête interne qui nous amène à intervenir pour protéger sa santé et sa sécurité.

4) Dégradations des conditions de travail et des relations de travail des collègues qui doivent récupérer le travail que vous ne faites pas et critiques répétées envers les collègues (renouvelées lors de l'entretien préalable ) générant un climat social insoutenable pour vos collègues, mais aussi perturbant le climat social de l'ensemble de l'Etablissement.

Concernant vos explications lors de l'entretien préalable et lors de la Commission de conciliation , celles-ci ont surtout à nouveau consisté à mettre en cause vos collègues de travail les accusant de mots blessants à votre encontre, qui ne sont aucunement démontrés ou leur reprochant de ne respecter leurs horaires et plannings de tâches en faisant des pause-café de plus d'1 heure par jour, sans apporter aucun élément de nature à établir la réalité de telles accusations.

Concernant les critiques de votre hiérarchie, vous avez confirmé lors de la réunion de la Commission de Conciliation Paritaire des propos dénigrants qui émaneraient d'entreprises extérieures, voire de médecin d'autre établissement de santé, mettant en cause les qualités professionnelles de monsieur [D], sans apporter non plus le moindre début de preuve.

Concernant les propos et écrits calomnieux envers monsieur [L], vous avez, lors de l'entretien préalable et la Commission de conciliation, à nouveau réitéré sans preuve malgré le classement sans suite de la plainte des accusations de vol à l'encontre de monsieur [L].

Lors de la Commission de conciliation vous avez sollicité une affectation à un autre poste de travail dans un autre service, mais vos agissements répétés ne rendent plus possible votre maintien au sein de notre Etablissement et compte tenu de leur gravité auraient pu justifier un licenciement pour faute grave au regard des risques qu'ils font peser sur la santé et la sécurité de vos collègues de travail .Votre persistance à dénigrer vos collègues et votre hiérarchie et à sciemment omettre de réaliser les tâches qui vous incombent rendent impossible le maintien de votre contrat de travail.

Néanmoins nous tenons compte de votre ancienneté acquise pour vous notifier un simple licenciement pour faute sérieuse.(...)'.

Il ressort des énonciations de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que quatre principaux griefs sont formulés à l'encontre de M. [W]:

1°- insubordination caractérisée par un refus répété d'exécuter les tâches demandées;

2°- critiques répétées envers la hiérarchie

3°- accusations calomnieuses de vol au sein du centre envers M. [L] avec intention de nuire

4°- Mésentente et relations de travail dégradées avec l'ensemble des membres de l'équipe de travail perturbant le fonctionnement du service

S'agissant des trois derniers griefs invoqués, il est constant que M. [W] s'est vu notifier un avertissement le 07 décembre 2016 notamment pour avoir adressé le 11 octobre 2016 une lettre au siège national de la CFDT, contenant des dénonciations calomnieuses et diffamantes à l'encontre de M. [L], délégué syndical CFDT, accusé de délits de violation de domicile, agression, dégradation de matériel et de collusion avec la CGT.

La lettre d'avertissement somme M. [W] de cesser définitivement ces comportements et dénonciations calomnieuses entraînant un climat de trouble avec ses collègues de travail.

Or, il est tout aussi constant que le 19 février 2017, soit moins de trois mois après la notification de cet avertissement ultérieurement validé par arrêt confirmatif de la cour d'appel de Riom, M. [W] a déposé une plainte pénale à l'encontre de M. [L] pour harcèlement moral, en l'accusant également, dans son procès- verbal d'audition, de faits de vols (matériaux, outils, groupe électrogène...) au préjudice du centre.

Cette plainte a été classée sans suite pour absence d'infraction le 20 juin 2017. Il est en outre rappelé que tant la juridiction prud'homale que la cour d'appel de Riom, dans leurs décisions respectives des 1er octobre 2018 et 13 octobre 2020, ont estimé qu'aucun fait ou agissement, notamment de la part de M. [L], ne laissait présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral subi par M. [W].

A la suite de cette plainte pénale, M. [L], qui a été convoqué par les services de police, a été placé plusieurs mois en arrêt maladie et a alerté, le 07 août 2017, l'employeur de la mise en danger de sa santé et de sa sécurité.

Entendu le 25 août 2017 dans le cadre d'une enquête interne 'signalement risques psychosociaux' déclenchée à la suite de cette doléance, M. [L] a indiqué 'se sentir en danger face à l'attitude provocatrice répétée de M. [W]'.

A l'issue de la visite médicale de pré- reprise organisée le 1er septembre 2017, le médecin du travail a déclaré M. [L] apte à reprendre son poste, sous réserve 'd'éviter les contacts avec son collègue de travail M. [W]'.

Au vu de ce qui précède, l'intimé ne peut sérieusement soutenir que le conflit l'opposant à M. [L], perturbant le climat social du service, aurait un caractère strictement personnel et ne concernerait en rien l'employeur.

Celui- ci produit par ailleurs les témoignages concordants et circonstanciés de Messieurs [A] [N], [Y] [P], [F] [E] et [S] [D], collègues et supérieurs hiérarchiques de M. [W], lesquels font tous état de leur profonde lassitude à travailler avec celui- ci, qui les dénigre sans cesse, les insulte, les menace et se décharge de son travail sur eux. Tous disent souffrir de l'ambiance de travail lourde que le comportement de l'intéressé génère.

Par courrier électronique du 28 août 2017, M. [D], directeur technique et supérieur hiérarchique direct de M. [W], informe M. [Z], directeur général adjoint du centre [5] et Mme [G], directrice des ressources humaines, de ce que le 08 août 2017, l'intimé a passé son temps à le critiquer et le dénigrer auprès d'un artisan qui en a été choqué.

Dans ce courrier électronique (pièce appelant n° 56), M. [D] ajoute: 'J'en ai assez des attitudes dénigrantes de M. [W] qui me mettent en cause en permanence. Quand je lui demande de faire son travail comme lors de la dernière réunion de service, il trouve toujours des excuses pour ne pas le faire et me répond que c'est moi qui suis en cause par mon management et qu'il a des preuves contre moi par rapport à mes anciens employeurs. Je n'en peux plus d'être calomnié et vous demande de prendre toute disposition pour que soit respecté mon honneur et mon intégrité'.

De tout de ce qui précède, il s'évince ainsi qu'en dépit de précédents rappels à l'ordre (courrier du 03 août 2010 lui reprochant le ton violent et agressif employé à l'encontre d'une salariée du centre, rappel à l'ordre verbal par le président du CHSCT en septembre 2014 quant à des insultes proférées à l'encontre de ses collègues), d'une réunion d'apaisement en septembre 2016, puis d'un avertissement infligé le 07 décembre 2016 le sommant de cesser les calomnies entraînant un climat de trouble avec ses collègues de travail, M. [W] a réitéré des agissements similaires au cours du premier semestre 2017, en déposant une plainte pénale pour des faits non avérés à l'encontre de M. [L] et en dénigrant son supérieur hiérarchique auprès d'un prestataire extérieur.

Au regard de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, les trois derniers griefs, dont la matérialité est établie, caractérisent suffisamment une cause réelle et sérieuse de licenciement et ce, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant le premier grief invoqué.

Aussi, la cour, par infirmation du jugement entrepris, dit que le licenciement de M. [W] repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute purement et simplement celui- ci de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

2°- Sur la remise sous astreinte de documents de fin de contrat rectifiés:

La cour déboute M. [W] de ce chef de demande et confirme en conséquence le jugement déféré sur ce point.

3°- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le 09 février 2017, M. [W] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale subséquente du contrat de travail.

Par jugement du 1er octobre 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Riom du 13 octobre 2020, M. [W] a été débouté de ce chef de demande.

Dans la présente instance, il formule à nouveau une demande en réparation du préjudice moral subi du fait d'agissements de harcèlement et de comportements vexatoires, lesquels, sauf à se heurter à l'autorité de chose jugée, ne peuvent porter que sur la période postérieure au 09 février 2017.

Or, M. [W] ne rapporte aucunement la preuve de l'existence de tels agissements ou de comportements vexatoires, après cette date, de nature à établir une exécution déloyale du contrat de travail.

Il sera en conséquence débouté de ce chef de demande dont la preuve du bien- fondé n'est rapportée ni dans son principe ni dans son quantum. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

4°- Sur le remboursement des allocations chômage :

Le licenciement du salarié ayant été jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour infirme en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné, en application de l'article L. 1235- 4 du code du travail, le remboursement par le Centre [5] des indemnités chômage susceptibles d'avoir été versées à M. [W].

5°- Sur les frais irrépétibles et dépens :

Au vu des développements précédents, il apparaît que l'action en contestation de son licenciement et indemnisation afférente introduite par M. [W] n'était pas fondée. Le jugement déféré sera dès lors infirmé, en ce qu'il a condamné l'appelante à payer au salarié la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens de première instance.

M. [W], partie qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera débouté de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles et supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [S] [W] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et de remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés;

Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [S] [W] repose sur une cause réelle et sérieuse;

Déboute en conséquence M. [W] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif;

Y ajoutant,

Déboute M. [W] de sa demande en indemnisation de ses frais irrépétibles;

Condamne M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel;

Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le Greffier, Le Président,

S. BOUDRY C. RUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01957
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;19.01957 ?
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