La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2008 | FRANCE | N°415

France | France, Cour d'appel de riom, Ct0193, 02 septembre 2008, 415


02 / 09 / 2008
Arrêt no VN / DB / IM

Dossier no07 / 00724
Christophe X...
/
Josiane Y... épouse Z..., Joël Z... Arrêt rendu ce deux Septembre deux mille huit par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

Mme Chantal SONOKPON, Conseiller, Président suppléant, nommée par ordonnancede Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de RIOM en date du 4 décembre 2007 en remplacement de Monsieur RANCOULE, président titulaire empêché
M. Jean Luc THOMAS, Conseiller
M. Vincen

t NICOLAS, Conseiller
En présence de Madame Dominique BRESLE greffier lors des débats et du pr...

02 / 09 / 2008
Arrêt no VN / DB / IM

Dossier no07 / 00724
Christophe X...
/
Josiane Y... épouse Z..., Joël Z... Arrêt rendu ce deux Septembre deux mille huit par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

Mme Chantal SONOKPON, Conseiller, Président suppléant, nommée par ordonnancede Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de RIOM en date du 4 décembre 2007 en remplacement de Monsieur RANCOULE, président titulaire empêché
M. Jean Luc THOMAS, Conseiller
M. Vincent NICOLAS, Conseiller
En présence de Madame Dominique BRESLE greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. Christophe X...... 75017 PARIS Représenté et plaidant par Me Patrick de CLERCK avocat au barreau de PARIS

APPELANT
ET :
Mme Josiane Y... épouse Z...... 63800 COURNON D'AUVERGNE Représentée et plaidant par Me François POULET avocat au barreau de RIOM (SPC AMBIEHL KENNOUCHE TREINS POULET VIAN)

M. Joël Z...... 63800 COURNON D'AUVERGNE Représentée et plaidant par Me François POULET avocat au barreau de RIOM (SPC AMBIEHL KENNOUCHE TREINS POULET VIAN)

INTIMES
Après avoir entendu Monsieur NICOLAS Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 16 Juin 2008, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le président, à laquelle ce dernier a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du code de procédure civile : Jacques X... était usufruitier du château de la Roche, sis à Chaptuzat, dans le Puy de Dôme. Il est décédé le 9 octobre 2000.
Ses deux enfants, Christophe X... et Véronique X..., épouse de M. N..., sont devenus, du fait de son décès, propriétaires indivis du château.
Le 16 octobre 2000, Christophe X... a mis à la disposition de M. Joël Z... et de son épouse Josiane Y... (les époux Z...) un logement situé dans une dépendance du château.
Au mois de mai 2002, les époux Z... ont quitté ce logement.
Aux motifs qu'ils auraient été liés à Christophe X... par un contrat de travail, pour effectuer des prestations de gardiennage, de visite du château et d'entretien de son parc, les époux Z... ont saisi chacun le Conseil de Prud'hommes de Riom, le 3 mars 2006, pour voir constaté qu'ils ont été licenciés de manière abusive, voir en conséquence condamné Christophe X... à leur payer des dommages-intérêts, une indemnité compensatrice de congés payés et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par deux jugements en date du 9 mars 2007, le Conseil de Prud'hommes après avoir constaté :- qu'un contrat avait existé entre les époux Z... et Christophe X... ;- que la rupture du contrat de travail s'imposait à ce dernier ;- que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, a condamné Christophe X... à payer aux époux Z..., à chacun, 6. 600 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, 2. 200 € au titre de l'indemnité de préavis, 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a débouté les époux Z... du surplus de leurs demandes.

Ces jugements ont été notifiés à Christophe X... par lettres recommandées avec demande d'avis de réception.
Par lettre recommandée expédiée le 23 mars 2007, Christophe X... a interjeté appel de ces deux jugements.
Vu les conclusions de Christophe X... déposées au greffe le 17 avril 2008, et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles il demande :- que les deux jugements du 9 mars 2008 soient infirmés ;- que subsidiairement soit constaté que si un contrat de travail a été conclu entre les époux Z... et M. Jacques X..., le décès de ce dernier y a mis fin ;- que subsidiairement, soit constaté qu'entre lui et les époux Z... ne sont pas réunis les éléments d'un contrat de travail ;- que subsidiairement, soit constaté, au regard de l'article L. 122-14-5 du code du travail, qu'ils n'ont pas subi de préjudice.

Christophe X... demande aussi qu'ils soient chacun condamnés à lui payer la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, il a prétendu que la procédure ne serait pas régulière, faute pour les époux Z... d'avoir formé une demande à l'encontre de sa soeur.
Vu les conclusions des époux Z..., déposées au greffe le 11 juin 2008, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles ils demandent chacun que les jugements du conseil de prud'homme soient confirmés et que Christophe X... soit condamné à leur payer à chacun la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR
Sur la recevabilité
Attendu que l'appel, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du nouveau Code de procédure civile et R. 517-7 du Code du travail, est régulier en la forme ;
Au fond
Attendu que Christophe X... expose :- que son père s'occupait seul du château en sa qualité d'usufruitier ;- qu'il ignorait donc tout de la gestion de celui-ci ;

- que quelques jours après le décès de son père, les époux Z..., qu'il n'avait jamais vus, l'ont contacté pour lui dire qu'ils avaient récemment conclu un contrat de location avec son père, afin d'occuper un appartement se trouvant dans une dépendance du château ;- qu'après s'être assuré auprès d'une voisine, Mme C..., qui connaissait bien son père, que celui-ci avait eu l'intention de donner en location ce logement aux époux Z..., et n'ayant aucune raison de douter de la bonne foi de ces derniers, il a convenu avec eux d'un rendez vous le 16 octobre 2000, pour leur permettre de rentrer dans les lieux ;- qu'ainsi, à cette date, Mo Q..., huissier de justice à Riom, a établi un état des lieux, et ce jour, les époux Z... lui ont dit que les chèques et le dépôt de garantie se trouvaient à Paris, dans les papiers personnels de son père ;- que n'ayant pas trouvé ces documents dans les affaires de ce dernier, il a pris conscience qu'il avait été dupé par les époux Z... ;- qu'il leur a envoyé une lettre en date du 13 mars 2001 pour leur demander de quitter les lieux ;- qu'au mois de décembre 2001, ils sont partis en laissant sur place des vêtements et une moto ;- que le 24 décembre 2001, il a fait constater leur départ par Mo Q... ;

Attendu que les époux Z... exposent de leur côté :- qu'ils ont été embauchés par Christophe X... en qualité de gardiens du château ;- qu'ils ont effectué aussi des prestations d'entretien du parc et de réception du public ;- que la mise à leur disposition du logement situé dans l'enceinte du château constituait, en l'absence de versement d'un salaire, la seule contrepartie de leur travail ;- que compte tenu de l'exiguïté du logement, Christophe X... les avait autorisés à déposer leurs effets personnels dans le château et la ferme attenante ;- qu'ils ont pris quelques jours de congés au mois de décembre 2001 ;- qu'à leur retour, au début du mois de janvier 2002, ils ont eu la surprise de constater que Christophe X... avait coupé l'alimentation en eau de leur logement, qu'il ne leur avait pas restitué les clés du château et qu'il avait ajouté des cadenas aux différentes entrées de celui-ci ;

Attendu que sur leur demande, la formation des référés du Conseil de Prud'homme, tout en considérant en définitive qu'elle n'avait pas compétence pour trancher ce litige, a, par deux ordonnances des 4 février et 19 février 2002, enjoint à Christophe X... de mettre à la disposition des époux Z... leurs effets personnels et de réalimenter en eau le logement.
Attendu que le 19 février 2002, Christophe X... a saisi le Tribunal de Grande Instance de Riom pour voir ordonner l'expulsion des époux Z... de son logement ;
Attendu que par jugement du 6 mai 2004, le tribunal de grande instance de Riom a débouté Christophe X... de sa demande, et en outre, l'a condamné notamment à payer aux époux Z... une somme de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Attendu que Christophe X... a interjeté appel de ce jugement et la présente cour, par arrêt du 1er décembre 2005, a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance, aux motifs que quelle que soit la convention conclue, c'est indûment que Christophe X... soutenait que les époux Z... étaient occupants sans droit ni titre ;
Attendu que Christophe X... a formé un pourvoi contre cet arrêt et la Cour de Cassation, par arrêt du 7 février 2007 l'a cassé, mais seulement en ce qu'il l'a condamné à payer aux époux Z... 2. 000 € pour procédure abusive ;
Attendu que la présente Cour d'Appel, autrement composée, a, par arrêt du 4 juin 2008, infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Riom en ce qu'il a condamné Christophe X... à payer cette somme de 2. 000 € ;
1. Sur l'existence d'un contrat de travail conclu par les époux Z... avec Jacques X...
Attendu que Christophe X... soutient :- que les époux Z... n'ont pu s'installer dans le château au mois de juin 2000 qu'avec l'accord de Jacques X... ;- que leurs rapports avec ce dernier étaient nécessairement soumis à la convention collective des jardiniers-gardiens de propriété privée ;- qu'il ne pouvait dès lors en l'espèce s'agir d'un contrat de travail de droit commun ;- que les relations de travail ayant débutées entre les époux Z... et Jacques X... au mois de juin 2000, le décès de ce dernier a mis fin au contrat de travail en application de l'article 12 f de la convention collective précitée ;

Attendu que les époux Z... soutiennent au contraire qu'ils n'ont conclu de contrat qu'avec Christophe X... ;
Attendu qu'aucune des pièces produite par Christophe X... ne fait la preuve de la conclusion d'un contrat de travail entre son père et les époux Z... ; que notamment, Mmes D..., E..., F..., M. A... Elmar, Mr et Mme G..., M. B..., dans leurs attestations, ne font pas état d'une telle convention ou ne relatent pas des faits à partir desquels son existence pourrait être déduite ; que sa soeur, dans son attestation, n'en fait pas état également ;
Attendu en conséquence que le moyen tiré de l'application en la cause de la convention collective nationale des jardiniers-gardiens de propriété privée, et spécialement de son article 12 f, est inopérant ;
Attendu par ailleurs que les époux Z... n'allèguent pas avoir formé leur demande contre Christophe X..., ès qualités d'héritier de son père ; que la demande de Christophe X... tendant à faire constater que cette demande serait irrecevable doit donc être rejetée ;
2. Sur l'existence d'un contrat de travail conclu par les époux Z... avec Christophe X...
Attendu que le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ;
que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
a) sur l'exécution d'un travail
Attendu en l'espèce que Christophe X... soutient qu'il n'a jamais embauché les époux Z..., motifs pris de ce que l'offre d'emploi dans le journal du chasseur français du mois de novembre 1999, à laquelle ils ont répondu, émanait de son père, que le no de téléphone qui y figurait était celui de son père et qu'elle avait été payée par ce dernier ;
qu'il ajoute que toutes les attestations des époux Z... antérieures au 16 octobre 2000 doivent être écartées dès qu'aucun de ces témoins ne disent l'avoir vu ; que leurs attestations postérieures au mois de mai 2002 doivent être aussi écartées ; que durant l'été et les fins de semaine, les visites ainsi que l'entretien de sa propriété étaient assurées par sa soeur ;
Attendu que les époux Z... soutiennent au contraire que le no de téléphone figurant dans l'offre était celui de Christophe X..., que ce dernier s'est toujours domicilié à l'adresse qui y était mentionnée, soit ... à Paris, qu'ils lui ont envoyé une lettre en date du 27 novembre 1999, après l'avoir contacté téléphoniquement, et qu'ils n'ont pu dès lors s'installer dans le château à la fin du mois de juin 2000 qu'avec son accord ;
qu'ils prétendent aussi avoir, dès ce mois, commencé leur travail de gardien du château, d'entretien des jardins et de réception du public aux fins de visites ;
Attendu tout d'abord qu'il ressort du procès-verbal d'état des lieux dressé le 16 octobre 2000 par Mo Q..., huissier de justice, que ce jour là Christophe X... a entendu louer le logement sis dans l'une des tours du château aux époux Z... ; que le 24 décembre 2001, lorsqu'il a demandé à cet huissier de constater qu'ils n'étaient pas là, il lui a dit avoir mis à leur disposition ce logement ; qu'il s'ensuit que dès le 16 octobre 2000, pour le moins, Christophe X... a été lié aux époux Z... par une convention, sans qu'il apparaisse nécessaire de vérifier si elle a été conclue entre eux avant ;
Attendu ensuite que plusieurs des attestations de témoins produites par les époux Z..., dans les formes prévus par l'article 202 du code de procédure civile, font la preuve que postérieurement au 16 octobre 2000, ils ont effectué des prestations de gardiennage et de visite du château, sans qu'il soit nécessaire, pour les motifs sus-exposés, d'examiner leurs autres attestations relatant des faits antérieurs à cette date ;
qu'ainsi, il ressort des attestations de Mesdames Françoise H..., Marie-Line I... et de M. David T..., que lors de la préparation de la manifestation " le triangle des arts " au château de la Roche, et pendant son déroulement, les 30 novembre, 1er et 2 décembre 2001, les époux Z... assuraient les fonctions de gardiens ;
qu'il ressort de celle de Jean-Christophe J..., qui, le 22 juillet 2002, pour un mariage, a réalisé un feu d'artifice au château, que les époux Z... lui sont apparus comme les gardiens de celui-ci ; qu'il en a été de même pour Mme Dominique K..., photographe, qui, le 18 juillet 2001, pour les besoins de sa profession, avait été faire des photos au château et qui, selon ses propres termes, a été reçue par les époux Z..., " gardiens du château " ;
qu'il ressort de celle de M. Thierry L..., qu'au mois de juin 2001, M. Z..., qui lui avait apporté en réparation une tondeuse, lui est apparu comme étant le gardien du château de la Roche ; que Christophe X... soutient qu'il s'agit d'une attestation de complaisante, mais, ayant été rédigée dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, elle présente toutes les garanties suffisantes pour emporter la conviction ;
qu'il ressort aussi de celle de M. Richard V..., que les époux Z... ont encadré à deux reprises aux mois de juillet et août 2001 la visite du château par un groupe adhérent d'une association ;
qu'il ressort enfin de l'attestation de Mme Christine M..., secrétaire d'un établissement privé d'enseignement, qu'au mois de juillet 2001, les époux Z... ont fait visiter le château à un groupe d'élèves et sont apparus comme étant " les gardiens et concierges du château " ;
Attendu que Christophe X... produit des attestations, de son beau-frère M. N..., de Mmes E..., F... et C..., celle de M Elmar A..., desquelles il ressort selon lui que sa soeur assurait l'entretien de la propriété durant l'été et les fins de semaine, et que l'organisation de la manifestation du " triangle des arts ", qui s'était tenue à la fin du mois de novembre et au début du mois de décembre 2001, avait été confiée à Mme E... ;
Attendu toutefois que ces témoignages n'établissent pas que les époux Z..., postérieurement au mois d'octobre 2000, n'ont jamais accompli de prestations de gardiennage ou de visite du château ;
Attendu en effet et tout d'abord, que celui de Mme C... n'a pas de force probante dès lors qu'elle ne fait que rapporter des propos qui lui ont été tenus par Christophe X... ; que M. N... déclare qu'il a l'habitude d'entretenir depuis plusieurs années avec son beau-frère le jardin du château, qu'aucune autre personne, en dehors de M. L..., ne fait ce travail ; que cependant, ce témoignage n'établit pas que les époux Z... n'ont jamais fait de prestations de gardiennage ; que Mme F... déclare que lors de son séjour au château, durant l'été 2001, dans une chambre d'hôte, elle a été accueillie par Christophe X... et sa soeur, que ces derniers assuraient les visites et l'entretien du jardin du château et que les époux Z... " à aucun moment " ne lui ont paru exercer un travail ; que toutefois, cette personne n'a séjourné que quelques jours au château de la Roche, et son témoignage apparaît donc insuffisant pour établir que les époux Z... n'ont effectué aucune prestations de travail ;
Attendu il est vrai que les attestations de M. L... et de Mme E..., rédigées dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, tendent à établir cette absence de prestation, puisque M. L... affirme que Christophe X... assurait lui même l'entretien du jardin, qu'il était assisté pour les visites guidées du château seulement par Mme E..., qu'il n'a jamais vu les époux Z... accomplir une quelconque prestation concernant le château ; que Mme E... déclare pour sa part qu'il n'a jamais été demandé aux époux Z... d'effectuer les visites ;
Mais attendu que ces déclarations sont contredites par celles des témoins des époux Z... dont les attestations ont été ci-dessus analysées, témoins qui en outre ne les connaissaient pas avant de venir au château, alors que M. L... et Mme E... entretiennent manifestement des relations avec Christophe X... depuis un certain temps ; que leurs témoignages n'ont donc pas suffisamment de force probante pour établir que les époux Z... n'ont jamais effectué de prestations de travail au profit de Christophe X... ;
b) sur l'exécution d'une prestation de travail sous l'autorité de Christophe X...
Attendu que les époux Z... soutiennent que le lien de subordination se déduit des nombreuses prestations de gardiennages, d'entretien du château et de réception du public qu'ils ont effectuées ; qu'ils font aussi état d'un projet de contrat de travail en date du 16 octobre 2000 établi par Christophe X..., exposent avoir acheté du matériel de bricolage pour faire de menus travaux ; précisent aussi qu'ils connaissaient le code du système d'alarme du château ;
Attendu que Christophe X... soutient au contraire que les époux Z... ne prouvent pas l'existence de ce lien de subordination ; qu'ils pouvaient organiser leur vie à leur guise, qu'il ne leur a donné aucun ordre, aucune directive, n'a jamais contrôlé leur " prétendues prestations " ; qu'il ajoute ne leur avoir jamais remis les clés du château et qu'il n'a pas rédigé le projet de contrat du 16 octobre 2000 ; qu'il soutient enfin que les époux Z..., de leur propre initiative, ont participé à des visites du château, à des manifestations culturelles et à des mariages ;
Attendu toutefois et en premier lieu que M. Thierry L..., dans son attestation produite par les époux Z..., après avoir énoncé qu'au mois de juin 2001 M. Z... lui avait apporté une tondeuse en réparation, déclare que début juillet celui-ci et " son employeur Mr X... sont venus récupérer ladite tondeuse " ;
que Mme Marie-Thérèse O..., déclare dans son attestation produite par les époux Z... que sur les indications des gardiens du château, elle avait contacté le propriétaire des lieux afin d'obtenir des renseignements sur le tarif d'une réception qu'elle projetait d'organiser au mois d'août 2002 ; que " cette personne ", en réponse à la question de savoir si elle pouvait visiter le château, lui avait répondu que " pour le moment il y avait quelqu'un mais que les gardiens devaient partir prochainement " ; que certes, ce témoin n'indique pas à quelle époque il a téléphoné au propriétaire du château, mais le fait que les renseignements recherchés portaient notamment sur les tarifs de l'été 2002 permet de déduire que les faits qu'il relate sont postérieurs au 16 octobre 2000 ;
Attendu surtout que les époux Z... produisent le témoignage de Mme Christine M..., secrétaire d'un établissement d'enseignement privé ; que cette personne déclare que par téléphone, Mme P... enseignante et " M. X... " avaient convenu de la date de la visite des élèves au château et des tarifs ; qu'une divergence était apparue au sujet du montant de ces tarifs, Mme M... ayant compris que le coût par visiteur était de 20 F, alors que " M. X... " exigeait 25 F ; que ce témoin précise ensuite qu'au cours d'une conversation téléphonique ayant pour objet ce litige, M. X... lui a dit que si l'école ne lui donnait pas la somme qu'il demandait, il s'en moquerait, et que " les gardiens, en l'occurrence Mr et Mme Z... paieraient la différence " ;
Attendu que " M. X... ", désigné dans cette attestation, ne pouvait être que Christophe X..., puisqu'il est établi que la visite du château par les élèves de cet établissement est intervenue au mois de juillet 2001, soit bien après la mort de Jacques X... ;
Attendu ainsi qu'il ressort de ces attestations que Christophe X... a considéré au moins à deux reprises devant des témoins que les époux Z... étaient les gardiens de son château ;
Attendu ensuite et en second lieu qu'il n'a pas contesté l'allégation de ces derniers selon laquelle ils connaissaient le code du système d'alarme du château ;
qu'il soutient dans ses écritures qu'il ne leur avait jamais donné les clés de celui-ci alors qu'il a déclaré le contraire devant Mo Q..., lorsqu'à sa demande, cet huissier a dressé un procès-verbal de constat le 24 décembre 2001 ; qu'en effet, il lui a déclaré ce jour là que " lors de la prise de possession par les époux Z... du logement, il leur avait remis l'ensemble des clefs du château et des dépendances " ;
Attendu qu'il apparaît ainsi qu'il avait fourni aux époux Z... les moyens d'effectuer une prestation de gardiennage ;
Attendu en troisième lieu que ces derniers produisent, d'une part un carnet de " recettes dépenses " sur lesquels Mme Z... a inscrit notamment les sommes correspondant principalement aux recettes de " visites musée ", outre celles correspondant à d'autres prestations, et d'autre part, des photocopies de chèques émis au bénéfice de Christophe X... ;
que l'examen de ces pièces fait ressortir que la plus part des chèques, émis postérieurement au 16 octobre 2000, correspondent au prix de visites ou d'autres prestations inscrit dans le carnet de position de compte ;
qu'ainsi, Mlle U..., le 3 juin 2001, a émis au bénéfice de Christophe X... un chèque de 1. 722 F 50, et cette somme est inscrite dans le carnet de position de compte, en recette, à la date du 3 juin 2001, avec la mention " baptême " ; que le 17 avril 2001, Mme R... a émis aussi un chèque au bénéfice de Christophe X..., et cette somme est aussi inscrite dans le carnet de position de compte, en recette, à la même date, avec la mention " visite musée " ;
Attendu que Christophe X... soutient qu'il n'y a jamais eu de comptabilité entre lui et les époux Z..., et qu'il n'a jamais reçu de leurs mains la moindre somme ;
Attendu toutefois que le fait que les époux Z... aient pu faire des photocopies de ces chèques, et la corrélation qui existe entre la plus part et les écritures du carnet de position de compte, prouvent qu'ils ont assuré à de nombreuses reprises, postérieurement au 16 octobre 2000, l'encaissement de sommes qui étaient remises par des clients, en contrepartie de prestation de visites ou de locations de salles du château ; que la perception de telles sommes, qui au bout d'une année, était d'un montant non négligeable (ainsi, à la fin de l'année 2001, elles avoisinaient au total 23. 000 F), sans contestation particulière de la part de Christophe X..., permet de déduire qu'elles l'ont été en réalité en exécution de directives données aux époux Z... ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de déduire de l'ensemble de ces éléments que ces derniers, postérieurement au 16 octobre 2000 et jusqu'à la fin de l'année 2001, ont effectué des prestations de travail dans un état de subordination à l'égard de Christophe X... ;
c) sur l'exécution d'un travail sous l'autorité de Christophe X... moyennant une rémunération
Attendu que les époux Z... soutiennent que la mise à leur disposition d'un logement constituait la seule contrepartie de leur prestation de travail ;
Attendu que Christophe X... prétend au contraire qu'il n'a eu de cesse de contester leur présence dans ce logement, peu après leur prise de possession des lieux, et qu'ils se sont maintenus dans les lieux contre sa volonté ;
Attendu toutefois qu'il résulte du procès-verbal d'état des lieux établi par Mo Q... le 16 octobre 2000 que selon Christophe X..., il a donné en location la " petite maison de gardiens " aux époux Z... ; qu'en dépit de cette qualification ainsi donnée à cette convention, il ne leur a jamais réclamé le paiement d'un loyer ; que dans un courrier en date du 13 mars 2001 adressé à Mme Z..., il lui indique avoir compris qu'elle n'avait " en fait signé aucun engagement de location " et qu'elle n'en avait jamais eu l'intention ; que toutefois, il ne précise pas dans ses écritures à quel titre selon lui il a en définitive " mis à disposition " ce logement aux époux Z..., termes qu'il a employé lorsqu'il a fait appel à nouveau à Mo Q... le 24 décembre 2001 ; que par la suite, il déclarera que les époux Z... occupaient son logement sans droit ni titre, thèse qui a été rejetée par le Tribunal de Grande Instance de Riom, puis par la présente cour dans son arrêt du 1er décembre 2005 ; que lors de son audition du 30 novembre 2002 par les services de gendarmerie, dans le cadre d'une enquête pour travail dissimulé, à la question qui lui était posée de savoir pour quelles raisons il n'avait pas demandé à M. Z... le paiement des arriérés de loyers, il a répondu que celui-ci avait beaucoup de frais et qu'il ne pourrait rien payer ; qu'il apparaît toutefois étonnant qu'un bailleur renonce aussi facilement au paiement d'une dette de loyer au seul motif que son locataire affirme qu'il ne peut pas la payer ;
Attendu en réalité que les déclarations imprécises et contradictoires de Christophe X..., au sujet de cette " location ", le fait aussi qu'il n'ait jamais réclamé le paiement d'un loyer aux époux Z..., permettent de déduire, ainsi que le soutiennent ces derniers, que la jouissance gratuite de " la petite maison de gardiens " constituait la contrepartie de leur prestation de travail ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de déduire de l'ensemble de ces éléments que Christophe X... et les époux Z... ont été liés par un contrat de travail depuis au moins le 16 octobre 2000 ;
3. sur la rupture du contrat de travail
Attendu que les époux Z... font valoir qu'ils ont adressé une lettre recommandée à Christophe X... aux termes de laquelle ils lui indiquaient qu'ils considéraient le contrat de travail rompu du fait de son attitude ; qu'en les expulsant de leur logement de fonction, il était en effet à l'origine de la rupture du contrat de travail, rupture qui devait donc s'analyser en un licenciement abusif ;
Attendu que par lettre du 31 mai 2002, dont la réception n'a pas été contestée par Christophe X..., les époux Z... lui ont fait savoir qu'en raison de la fermeture du château avec des cadenas et des chaînes, l'enfermement des outils de jardinage et de bricolage dans la ferme, la fermeture des pièces du musée, la coupure en alimentation de leur logement en eau pendant près de trois mois, ils ne pouvaient plus depuis le début de l'année 2002 exercer leur emploi de gardien ;
que le résultat de toutes ces actions à leur encontre entraînait dès lors " de sa part " une rupture abusive du contrat de travail à la date du 31 mai 2002 ;
Attendu que le 15 janvier 2002, Mo S..., huissier de justice à Riom, a constaté à la demande des époux Z..., qu'il n'y avait pas d'eau dans leur logement " sis dans l'enceinte du château " ; que le portail en bois permettant l'accès à l'enceinte du château était fermé par deux cadenas ; que la porte d'accès au bureau des visites était aussi cadenassée, de même que les portails d'accès à la cour de la ferme ; que la porte du château était fermée à clés ;
Attendu qu'en procédant ainsi à la fermeture de tous ces accès, en omettant aussi de faire rétablir l'eau immédiatement, en dépit d'une ordonnance de la formation des référés du Conseil de Prud'hommes en date du 19 février 2002 qui lui enjoignait de le faire dans les huit jours de son prononcé, Christophe X... a empêché les époux Z... d'accomplir leurs prestations de gardiens et commis par suite des manquements suffisamment graves à ses obligations contractuelles ;
Attendu que ces manquements lui étant imputables il convient dès lors de considérer que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail contenue dans la lettre des époux Z... en date du 31 mai 2002 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
4. Sur les demandes d'indemnisation
Attendu que faute pour les époux Z... de justifier de la valeur locative du logement dont ils avaient la jouissance, et par conséquent de la valeur de cette prestation en nature qui était constitutive de leur rémunération, ils ne peuvent demander à Christophe X..., au regard de l'article L. 122-8 du code du travail, le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;
Attendu qu'ils avaient moins de deux ans d'ancienneté au moment de la rupture de leur contrat de travail ; que par suite, ils ont droit, en application de l'article L. 122-14-5 du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice qu'ils ont subi ;
Attendu qu'il y a lieu, en raison de leur ancienneté à la date de la rupture du contrat, et des conditions qui ont entouré cette rupture, de réparer ce préjudice, ainsi qu'ils le sollicitent, par l'allocation à chacun d'une indemnité de 6. 600 € ;
Attendu dès lors qu'il convient de confirmer partiellement les jugements du conseil de prud'homme ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme les deux jugements du Conseil de Prud'hommes de Riom, sauf en ce qu'ils ont condamné Christophe X... à payer aux époux Z..., à chacun, une somme de 2. 200, 00 € (DEUX MILLE DEUX CENTS EUROS) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
et statuant à nouveau sur le chef infirmé
Déboute Joël Z... et Josiane Y... de leur demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Christophe X... à payer à Joël Z... et à son épouse Josiane Y..., à chacun, la somme de 1. 500, 00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) ; rejette la demande de Christophe X... fondée sur cet article ;
Condamne Christophe X... aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
D. BRESLE C. SONOKPON
Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Ct0193
Numéro d'arrêt : 415
Date de la décision : 02/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Riom, 09 mars 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2008-09-02;415 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award