12/06/2007
Arrêt no
JLT/DB/IM
Dossier no06/01140
Gérard X...
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BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL
Arrêt rendu ce douze Juin deux mille sept par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Louis GAYAT DE WECKER, Président de chambre
M. J.L. THOMAS, Conseiller
M. Christophe RUIN, Conseiller
En présence de Madame Dominique BRESLE greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
M. Gérard X...
...
43000 LE PUY EN VELAY
Représenté et plaidant par Me Gérard Y... avocat au barreau du PUY EN VELAY
APPELANT
ET :
BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
...
B.P. 53
63002 CLERMONT FERRAND CEDEX 1
Représentée et plaidant par Me Dominique Z... avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Après avoir entendu Monsieur THOMAS Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 21 Mai 2007, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par M. le président, à laquelle ce dernier a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du nouveau code de procédure civile :
FAITS ET PROCÉDURE
M. Gérard X... a été embauché en qualité d'attaché commercial, par la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL (BPMC), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 15 juillet 1972.
Il a exercé son activité auprès de plusieurs agences situées dans le département de la HAUTE-LOIRE, et avait la qualité de délégué syndical depuis plusieurs années.
Par jugement du 17 février 2004 confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de RIOM du 9 juin 2004, le Tribunal Correctionnel du PUY EN VELAY a condamné le salarié pour exhibition sexuelle.
Suite au jugement, la BPMC a convoqué le salarié à un entretien préalable le 18 mars 2004 et, du fait de sa qualité de salarié protégé, elle a adressé le 31 mars 2004 une demande d'autorisation de licenciement à l'Inspecteur du Travail, laquelle lui a été refusée suivant courrier du 12 mai 2004, eu égard au caractère non définitif du jugement.
Postérieurement à la décision de la Cour d'Appel, et après recours gracieux de la BPMC, l'Inspecteur du Travail a autorisé le licenciement de M. X... selon courrier du 20 août 2004 et l'employeur a notifié à ce dernier son licenciement pour faute grave suivant courrier du 8 septembre 2004.
Le 15 février 2005, suite au recours hiérarchique du salarié, l'autorisation de licenciement a été annulée par le Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité.
Le 20 avril 2005, la BPMC a refusé à M. X... sa réintégration.
Saisi par le salarié d'une demande en contestation de son licenciement, le Conseil des Prud'hommes du PUY EN VELAY, par jugement du 20 avril 2006, a déclaré le licenciement fondé sur une faute grave du salarié et débouté celui-ci de l'intégralité de ses demandes.
M. X... a interjeté appel de cette décision le 4 mai 2006.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. X..., concluant à la réformation, fait valoir que l'annulation de l'autorisation de licenciement par le Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, est devenue définitive de sorte que son licenciement est intervenu en l'absence d'autorisation préalable recevable.
Il rappelle qu'en application des dispositions de l'article L.412-19 du code du travail, son licenciement est frappé de nullité dans la mesure où il viole la protection légale accordée aux délégués syndicaux.
Il prétend que sa qualité de salarié protégé doit s'apprécier au jour du départ de la procédure de son licenciement, de sorte qu'il bénéficiait toujours de son mandat de délégué syndical et de la protection afférente au 8 septembre 2004.
Il soutient avoir toujours conservé sa qualité de salarié protégé dans la mesure où son remplacement se justifiait uniquement pendant la période de son arrêt maladie et que sa dispense de travailler était sans incidence sur son mandat de délégué syndical.
Il ajoute que la sanction est intervenue plus de 14 mois après que l'employeur ait eu connaissance des faits fautifs en violation des dispositions de l'article L.122-44 du Code du Travail et que son licenciement est intervenu avant même que la décision concernant sa culpabilité soit définitive, de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il précise qu'en application des dispositions de l'article 26-2 de la Convention Collective, son licenciement lui octroie le bénéfice d'une indemnité de rupture équivalente à 18 mois de salaires. Il demande la condamnation de son employeur au paiement, avec intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes, des sommes de :
15.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la protection légale des délégués syndicaux,
60.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
35.401,32 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
3.933,48 € au titre de l'indemnité de préavis,
393,34 € à titre de complément d'indemnité de congés payés,
2.000,00 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL, concluant à la confirmation, expose que le salarié ne bénéficiait plus de la protection prévue à l'article L.412-19 du Code du Travail, dès à compter de son remplacement le 4 avril 2003, de sorte que son licenciement ne nécessitait pas d'autorisation préalable par l'Inspection du Travail.
Elle estime qu'eu égard à l'absence de protection légale de l'appelant, l'annulation postérieure du Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité de la décision de l'Inspection du Travail, est sans incidence sur la régularité de son licenciement.
Elle précise que le délai de 2 mois prévu par l'article L.122-44 du Code du Travail en matière de sanction est interrompu par l'enclenchement de poursuites pénales, de sorte que la sanction des faits fautifs ne saurait être déclarée comme violant lesdites dispositions.
Elle ajoute qu'à compter du jour où elle a eu connaissance des faits, elle a immédiatement suspendu le contrat du salarié avec maintien de sa rémunération et que, s'agissant d'une poursuite disciplinaire, la prescription prévue à l'article précitée était suspendue.
Elle rappelle qu'elle a procédé au licenciement de l'employé dans le cadre de la procédure prévue à l'article 28 de la Convention Collective, à savoir la rupture du contrat de travail en cas de condamnation et non pas sur les faits fautifs.
Elle fait valoir que s'agissant d'un licenciement pour faute grave l'employé ne saurait prétendre au bénéfice des indemnités de préavis et de congés payés, de même que l'indemnité de rupture prévue par l'article 26-2 de la Convention Collective, lequel concerne les licenciements pour motif non disciplinaire.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.
DISCUSSION
Sur la recevabilité
La décision contestée ayant été notifiée le 3 mai 2006, l'appel régularisé le 4 mai 2006, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.517-7 du Code du Travail.
Sur la qualité de salarié protégé
En application de l'article L. 412-18 du Code du Travail, le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu. La même procédure est applicable au licenciement des anciens délégués syndicaux pendant douze mois après la cessation de leurs fonctions, "lorsque celles-ci ont été exercées pendant un an au moins".
En l'espèce, le licenciement a été notifié le 8 septembre 2004 alors que, la veille, 7 septembre, le syndicat CGT avait informé l'employeur de la désignation d'un autre délégué syndical en remplacement, "à dater de ce jour", de M. X....
M. X... n'avait plus, en conséquence, la qualité de délégué syndical à la date du licenciement.
Il ne peut non plus se prévaloir de la protection accordée aux anciens délégués syndicaux.
S'il a exercé le mandat de délégué syndical depuis 1993 jusqu'au 4 avril 2003, il a fait l'objet d'un remplacement le 4 avril 2003.
Il est vrai que la lettre portant désignation d'un autre délégué syndical précise qu'il s'agissait seulement d'une désignation "à titre provisoire, pendant l'arrêt de travail de M. X..." lequel se trouvait alors absent pour cause de maladie.
Il s'ensuit, l'arrêt de travail ayant pris fin le 18 juillet 2004, que M. X... a recouvré son mandat de délégué syndical à cette date, même si l'employeur l'a alors dispensé de travail jusqu'au licenciement et qu'il a conservé cette qualité jusqu'au 7 septembre 2004, ce que confirme la désignation d'un autre délégué syndical à cette date.
Cependant, il demeure qu'à la date où son mandat a pris fin, le 7 septembre 2004, M. X... ne justifiait pas d'une année d'exercice de son mandat.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement est ainsi motivée:
"Vous avez été condamné pour exhibition sexuelle dans le cadre de vos fonctions par le Tribunal de Grande Instance du Puy-en-Velay, à 9 mois d'emprisonnement avec sursis et à verser aux parents de la victime une somme de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts; à la suite de votre appel, la Cour d'Appel de Riom a, le 9 juin 2004 confirmé la décision des premiers juges en considérant que vous étiez coupable de l'infraction qui vous était reprochée à l'encontre de Mélodie BOULARAND, jeune fille de 15 ans effectuant un stage au sein de la Banque".
L'employeur précise, dans sa lettre, que le licenciement est notifié "par référence à l'article 28 de la convention collective de la Banque".
M. X... n'est pas fondé à soutenir, en se référant aux dispositions de l'article L 122-44 du Code du Travail, que les faits seraient prescrits pour ne pas avoir fait l'objet de poursuites disciplinaires dans le délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
L'article L 122-44 dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires plus de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance à moins qu'il ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
En l'espèce, il n'est pas contesté que des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de M. X..., par la plainte des parents de la victime, dans le délai de deux mois suivant les faits d'exhibition sexuelle commis le 26 février 2003.
Ces poursuites ayant interrompu le délai de deux mois et M. X... ayant été convoqué à l'entretien préalable le 18 mars 2004 à la suite du jugement du tribunal correctionnel intervenu le 17 février 2004, le délai prescrit par l'article L 122-44 n'a pas couru.
Contrairement à ce que soutient encore le salarié, l'employeur était en droit d'engager la procédure disciplinaire sans attendre l'issue de la procédure pénale.
Le salarié n'est pas davantage fondé à invoquer le non-respect du délai d'un mois prévu par l'article L 122-41 du Code du Travail pour notifier le licenciement.
S'agissant du licenciement d'un salarié protégé, ce délai d'un mois court à compter du jour où l'employeur a reçu notification de l'autorisation de l'inspecteur du travail. En l'espèce, le licenciement est intervenu dans le délai d'un mois après la notification de la décision de l'inspecteur du travail intervenue le 20 août 2004. Le fait que cette autorisation ait été ultérieurement annulée ne saurait remettre en cause le fait que l'employeur a agi dans le délai qui lui était imparti.
Il ne saurait non plus être fait grief à l'employeur de ne pas avoir attendu l'issue du pourvoi en cassation formé par le salarié.
Il résulte, en effet, clairement, de la lettre de licenciement que celui-ci est intervenu par référence non pas aux faits fautifs eux-mêmes mais aux décisions des juridictions pénales et plus particulièrement à celle du 9 juin 2004. L'employeur a, en effet, explicitement fondé sa décision sur les dispositions de l'article 28 de la convention collective qui autorise le licenciement "d'un salarié condamné pour un crime ou pour un délit visés aux livres II, III et IV du code pénal, dès lors qu'il touche à l'honneur ou à la probité". Or, ce texte ne subordonne pas le prononcé du licenciement à l'issue d'un pourvoi en cassation.
Sur le fond, dans la mesure où les faits pour lesquels M. X... sont de ceux qui touchent "à l'honneur où à la probité", le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Il repose aussi sur une faute grave, le comportement de l'intéressé manifesté à l'égard d'une stagiaire pendant le temps et sur le lieu du travail, rendant impossible le maintien du contrat de travail même pendant la durée du préavis.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de congés payés afférente ainsi que de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement :
En la forme,
Déclare l'appel recevable,
Au fond,
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Dit que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
D. A... L. GAYAT DE WECKER
Le présent arrêt est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les conditions précisées dans l'acte de notification de cette décision aux parties.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, mais seulement de faire sanctionner la violation des règles de droit ou de procédure.