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24/05/2007 | FRANCE | N°274

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre civile 1, 24 mai 2007, 274


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

Du 24 mai 2007

Arrêt no -CB/SP-

Dossier n : 06/00131

DE BOREE DIFFUSION DISTRIBUTION, Marius X... / S.A.R.L. PASTRE et FILS

Arrêt rendu le VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE SEPT

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Gérard BAUDRON, Président

M. Claude BILLY, Conseiller

Mme Marie-Claude GENDRE, Conseiller

En présence de :

Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

Jugement Mixte, origine Tribunal de Grande Instanc

e de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 30 Novembre 2005, enregistrée sous le n 04/2685

ENTRE :

S.A.R.L. DE BOREE DIFFUSION DI...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

Du 24 mai 2007

Arrêt no -CB/SP-

Dossier n : 06/00131

DE BOREE DIFFUSION DISTRIBUTION, Marius X... / S.A.R.L. PASTRE et FILS

Arrêt rendu le VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE SEPT

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Gérard BAUDRON, Président

M. Claude BILLY, Conseiller

Mme Marie-Claude GENDRE, Conseiller

En présence de :

Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

Jugement Mixte, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 30 Novembre 2005, enregistrée sous le n 04/2685

ENTRE :

S.A.R.L. DE BOREE DIFFUSION DISTRIBUTION

53, rue Fernand Forest

Z.I. de l'Artière

63540 ROMAGNAT

M. Marius X...

167 Boulevard André Boste

63270 VIC LE COMTE

représentés par Me Martine-Marie MOTTET, avoué à la Cour

assistés de Me REBOUL-SALZE de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

S.A.R.L. PASTRE et FILS

Soulages

43230 CHAVANIAC

représentée par Me Sébastien RAHON, avoué à la Cour

assistée de Me Pierre LACROIX de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de CLERMONT FD

INTIMEE

M. BILLY, rapporteur, après avoir entendu, en application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, à l'audience publique du 30 Avril 2007, sans opposition de leur part, les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, en a rendu compte à celle-ci dans son délibéré, pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, par lui indiquée, où a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du nouveau code de procédure civile :

No 06/131 - 2 -

Attendu que Monsieur X... est l'auteur et la S.A.R.L. EDITIONS DE BORÉE l'éditeur d'un ouvrage publié en 2003 et intitulé "Mémoires d'hier - La Haute-Loire 1900-1920" dont l'objet est de présenter des cartes postales anciennes avec des commentaires ;

Que la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PASTRE ET FILS, soutenant avoir acquis les droits d'édition de la collection MARGERIT-BREMOND, avec l'achat le 4 novembre 1981 d'un fonds de commerce de cartes postales de Monsieur et Madame A... qui eux-mêmes l'avaient acquis en 1968 de Léon B..., a demandé de prendre certaines mesures pour mettre un terme à la contrefaçon alléguée de certaines cartes postales de ce fonds ;

Que le tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND, par jugement du 30 novembre 2005, a ordonné la cessation d'exploitation du dit ouvrage sous astreinte, ordonné la confiscation des exemplaires et des matrices de fabrication et plaques d'imprimeur, ordonné une expertise du préjudice de la société PASTRE et condamné in solidum la S.A.R.L. EDITIONS DE BORÉE et de Monsieur X... à payer à celle-ci 2.000 € de provision et 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'ils en ont interjeté appel par déclaration du 16 janvier 2006 ;

Attendu que, soutenant que Jean-Pierre C..., décédé en 1949, éditait des cartes postales à partir de ses propres photographies et de celles prises par d'autres, qu'il a cédé son activité en 1936 à son fils, Léon B..., mort sans descendance en 1987, lequel a adopté d'autres signatures pour éditer ses propres clichés, que le patrimoine de cartes postales a été liquidé début 1966 et que le musée CROZATIER au PUY a acquis le matériel le plus ancien et quelques plaques de verre, que Monsieur A... a acheté l'ensemble du stock photos, plaques de verre et clichés celluloïd et toutes les cartes postales restantes, qu'il a revendu toutes les cartes, ainsi que les plaques et clichés les plus anciens (1900-1930) le 8 janvier1980 à Monsieur D... qui a édité des cartes postales et des livres (éditions ARSERE et DEMO) et indique avoir revendu l'ensemble à Monsieur PASTRE le 15 décembre 1983 et avoir revendu 10.000 cartes postales à Monsieur X..., que Monsieur A... a ensuite vendu le fonds de commerce qui lui restait à la S.A.R.L. PASTRE, que l'acte notarié du 4 novembre 1981 ne mentionne pas de droit d'auteur ni de contrat d'édition, et que Léon B... ne comparaît qu'en qualité d'éditeur, que les cartes litigieuses ne constituent pas une oeuvre d'art mais décrivent des scènes de la vie de tous les jours, que la société PASTRE n'a pas été investie des droits moraux de l'auteur, que l'action concerne les oeuvres du fonds MARGERIT-BREMOND dont la cession n'est mentionnée par aucune acte, que le droit d'exploitation doit être reconnu à tout propriétaire de support, original ou copie, sans préférence pour la qualité du support, que la société PASTRE ne justifie pas de l'accord écrit de l'auteur pour lui céder le bénéfice du contrat d'édition, que ces mêmes cartes ont été éditées par d'autres (ARSERE, DEMO, MB, ARTIGES, ISABEY), qu'il n'existe pas ici de contrat d'édition, que le fonds de commerce a été exploité par Madame A... et que Monsieur A... n'a donc rien pu céder, que la protection du droit de l'auteur a pris fin au 1er janvier 2000, qu'une grande partie des clichés a plus de cent ans, que les contrats liés à l'exploitation d'un fonds de commerce n'entrent pas dans sa composition et ne sont pas transmis avec le fonds, que la société PASTRE n'a pas exploité les oeuvres de Monsieur B..., qu'il n'y a pas de concurrence déloyale, la S.A.R.L. DE BORÉE DIFFUSION DISTRIBUTION et Monsieur X... concluent à l'infirmation du jugement, au débouté de la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PASTRE ET FILS et à sa condamnation à leur payer 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

No 06/131 -3-

Attendu que, alléguant qu'elle exploite entre autres l'oeuvre "MARGERIT-BREMOND" composée de plusieurs centaines de photos et cartes postales, principalement prises avant guerre par Léon B... né le 25 juin 1894 et son père Jean-Pierre B..., qu'ils utilisaient le logo MB, qu'elle a acquis les droits d'édition via l'acquisition du fonds de commerce d'édition de cartes postales de Monsieur et Madame A..., que l'éditeur transmet le bénéfice du contrat d'édition qu'il exploite lorsqu'il cède son entier fonds de commerce d'édition, que le livre de Monsieur X... a inséré 54 cartes postales correspondant à des clichés de l'oeuvre MARGERIT-BREMOND, portant toutes le logo MB au recto, sans qu'elle ait jamais été consultée, que le droit de reproduction est lié au droit d'édition, qu'il s'agit d'actes de contrefaçon, que les photographies sont des oeuvres originales reflétant la personnalité de leurs auteurs, dont le but artistique était de fixer les scènes de la vie quotidienne de leur époque, d'en rendre compte par le cadrage, la prise de vue, le choix et l'attitude de certains personnages, les jeux de lumière, etc.., que certaines sont d'ailleurs exposées dans certains musées, qu'il n'y a pas de litige relatif au droit moral de l'auteur, que les supports n'emportent en soi aucun droit, que seuls l'auteur et ses ayants droits peuvent contester la forme d'une cession de droit d'auteur, que l'absence de contrat d'édition formalisé s'explique par le fait que la famille C..., auteur des photographies, avait elle-même créé son fond d'édition, que certains sigles peuvent correspondre au nom de l'imprimeur et non de l'éditeur, qu'il a pu y avoir des autorisations ponctuelles de co-édition, que la loi du 27 mars 1997 a porté à 70 ans la protection du droit patrimonial après le décès de l'auteur et que ce délai s'applique immédiatement à tous les droits d'auteur non épuisés à cette date et même à ceux tombés dans le domaine public au 1er juillet 1995 mais protégés dans un autre Etat membre, qu'elle exploite bien le fond B... et que les appelants ne sont pas recevables à invoquer une non exploitation de sa part, que son préjudice résulte de la dépréciation de l'oeuvre qui a eu une diffusion massive, et de ce qu'elle n'a perçu aucun bénéfice sur le tirage diffusé, la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PASTRE ET FILS demande de confirmer le jugement, sauf à condamner les appelants à lui payer 54.000 € en réparation du préjudice résultant de la dépréciation de la collection MARGERIT-BREMOND et une provision de 8.000 € sur sa perte de bénéfices et 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et subsidiairement de les condamner in solidum à lui payer 54.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ;

Attendu que, sur la qualité d'oeuvre d'art, les appelants produisent un courrier dactylographié, visiblement adressé par Monsieur X... à son avocat, où il écrit que "son fils Léon B... qui a repris l'affaire familiale a retiré quelques clichés (anciens) de mauvaise qualité qui ne sont que des rééditions peu recherchées par les collectionneurs et a édité de nouvelles cartes qui ne sont pas de la qualité de son père ; il entrait dans une démarche commerciale et éditait de nombreuses vues générales et peu d'événementielles" ;

Que, alors que la période des cartes reproduites dans le livre est 1900 - 1920, où Jean-Pierre B... avait 34 à 54 ans et son fils entre 3 et 23 ans, ce qui autorise à attribuer au père la quasi-totalité des photographies visées, les appelants reconnaissent la qualité artistique personnelle de celles de Jean-Pierre B..., qui avait une démarche autre que "commerciale", et donc artistique, et recherchait des événements, et des vues précises, ce qui est confirmé par leur examen, montrant outre des paysages et monuments, des scènes de la vie en ville et à la campagne, ainsi que par l'appréciation de l'ouvrage "Un siècle de photographie au Puy : 1850-1950", dont un extrait est également produit par les appelants, qui indique que Pierre B... "était plus sensible au paysage", qu'il avait également fait des photographies des jubilés du Puy (en 1910, 1921 et 1932), des établissements scolaires et réalisé des commandes de particuliers, et qui relève que le talent du fils "reste en deçà de celui de son père" ;

No 06/131 -4-

Que les oeuvres de Jean-Pierre B... justifient donc en toute hypothèse la protection de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le droit moral de l'auteur n'est pas en cause ;

Attendu qu'il résulte de l'article L 132-1 du code de la propriété intellectuelle que Monsieur Léon B... n'a pu éditer, publier et diffuser en cartes postales les photographies de son père et les siennes qu'en vertu d'un contrat d'édition, certainement tacite ;

Qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article L 132-16 du même code, la cession du fonds de commerce d'édition emporte cession du contrat d'édition, réputé transmis en même temps que le fonds dès lors que l'auteur, estimant que ses intérêts n'étaient pas gravement compromis par cette cession, ne s'y est pas opposé ;

Qu'il en résulte que la Société PASTRE est bien titulaire du contrat d'édition des oeuvres de Messieurs B... père et fils, en vertu des cessions de fonds de commerce B... - A... et G... PASTRE ;

Que les appelants ne justifient pas de l'intervention de Monsieur D... dans cette suite, laquelle résulte seulement d'une attestation de ce dernier, alors qu'il n'est pas justifié qu'un contrat d'édition lui ait été cédé, de surcroît avec l'accord de Monsieur B..., et que c'est le même fonds de commerce d'édition qui a été vendu par B... à A... et par ce dernier à PASTRE ;

Que la propriété de supports ne donne aucun droit d'édition ;

Que la S.A.R.L. PASTRE justifie donc de ses droits à défendre ses droits d'éditeur ;

Attendu que les appelants n'ont aucun droit ni intérêt à soutenir que celle-ci n'aurait pas exploité les oeuvres transmises, alors d'ailleurs que la S.A.R.L. PASTRE démontre le contraire par la production de factures d'impressions et de ventes de 1989 à 2005 ;

Attendu que, sur la durée de la protection, l'article L 123-1, modifié par la loi du 11 mars 1997, la fixe à soixante dix ans après l'année civile du décès de l'auteur ;

Qu'il résulte de l'application combinée de la directive CE 93/98 du 29 octobre 1993 et de l'article 16, II de la loi de 1997 que la nouvelle durée était immédiatement applicable aux protections en cours au 1er juillet 1995 ;

Que Jean-Pierre C... étant décédé en 1949 et son fils en 1987, cinquante ans ne s'étaient pas écoulés entre leurs décès et l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de sorte que la protection existait toujours en 2003, lors de l'édition du livre litigieux ;

Attendu que le jugement ne peut donc qu'être confirmé ;

Attendu que, sur le préjudice, il convient d'ajouter à la mission de l'expert celle de déterminer la dépréciation éventuelle des cartes postales utilisées dans le livre ;

No 06/131 -5-

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme entièrement le jugement,

Précise toutefois que l'expert devra en outre dire s'il existe une dépréciation des cartes postales figurant dans l'ouvrage litigieux de Monsieur X... du fait de cette exposition, et, dans l'affirmative, donner une évaluation de cette dépréciation,

Condamne la S.A.R.L. DE BORÉE DIFFUSION DISTRIBUTION et Monsieur X... in solidum à payer à la S.A.R.L. ETABLISSEMENTS PASTRE ET FILS la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Les condamne aux dépens de l'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 274
Date de la décision : 24/05/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, 30 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2007-05-24;274 ?
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