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02/05/2007 | FRANCE | N°06/1850

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre sociale, 02 mai 2007, 06/1850


06/1850

Prud'Hommes

JLT

Le refus du salarié d'un reclassement emportant modification du contrat de travail ne peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement

Appelante : S.A.S. SOCOPA

Intimé : Monsieur André X...

FAITS ET PROCÉDURE

M. André X... a été embauché en qualité d'ouvrier désosseur, par la S.A.S. SOCOPA, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 1er avril 1997.

Il a été victime d'un premier accident du travail le 21 octobre 1998, puis d'un second le 30 avril 1999 pour lequel il a ét

é placé en arrêt de travail jusqu'au 19 septembre 2001.

A l'issue des deux visites de reprise des 20 septembre et...

06/1850

Prud'Hommes

JLT

Le refus du salarié d'un reclassement emportant modification du contrat de travail ne peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement

Appelante : S.A.S. SOCOPA

Intimé : Monsieur André X...

FAITS ET PROCÉDURE

M. André X... a été embauché en qualité d'ouvrier désosseur, par la S.A.S. SOCOPA, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 1er avril 1997.

Il a été victime d'un premier accident du travail le 21 octobre 1998, puis d'un second le 30 avril 1999 pour lequel il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 19 septembre 2001.

A l'issue des deux visites de reprise des 20 septembre et 4 octobre 2001, il a été déclaré inapte au poste de désosseur.

Le 4 novembre 2001, il a refusé l'offre de reclassement proposée sur le site de VILLEFRANCHE.

Il a été licencié le 15 novembre 2001.

Saisi par le salarié, le Conseil des Prud'Hommes de MONTLUÇON, par jugement du 30 juin 2006, a condamné la S.A.S. SOCOPA à payer à M. X... la somme de 18 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ainsi que celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La S.A.S. SOCOPA a interjeté appel de cette décision le 26 juillet 2006.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.S. SOCOPA, concluant à la réformation, explique qu'elle a proposé au salarié un reclassement à un poste administratif, après consultation régulière des délégués du personnel, et que celui-ci a refusé ladite proposition suivant courrier du 4 novembre 2001.

L'employeur soutient avoir satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où aucun autre poste ne correspondait aux prescriptions médicales du salarié, dans la mesure où l'activité de boucherie implique nécessairement la confrontation avec la chaîne du froid.

Il expose que le salarié a refusé l'offre de reclassement au motif qu'elle impliquait une perte de salaire, alors même qu'elle n'impliquait aucun déménagement, et que la diminution dérisoire de 40 € de son salaire mensuel était compensée par le versement de sa rente AT.

Il sollicite de la Cour qu'elle déboute M. X... de l'intégralité de ses demandes et qu'elle le condamne au versement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

M. X..., concluant à la confirmation sauf à porter à 25000,00 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner l'employeur à lui payer la somme supplémentaire de 2000,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il demande, en outre, que la somme allouée produise des intérêts de retard à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il expose que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une recherche loyale et sérieuse de reclassement et il fait valoir que le poste proposé par l'employeur entraînait une diminution conséquente de son salaire et de son coefficient et qu'il s'agissait par conséquent d'une modification de son contrat de travail.

Il estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en ce qu'il repose sur son refus quant au poste de reclassement proposé alors qu'il ne pouvait être licencié pour avoir refusé la modification de son contrat de travail.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises.

DISCUSSION

Sur la recevabilité

La décision contestée ayant été notifiée le 4 juillet 2006, l'appel régularisé le 26 juillet 2006, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.517-7 du Code du Travail.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L 122-32-5 du code du travail, "si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. S'il ne peut proposer un autre emploi, l'employeur est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. (...) L'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions".

Il résulte de ce texte que l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé. Le reclassement doit s'opérer dans un emploi adapté aux capacités du salarié et aussi comparable que possible au précédent, sans modification du contrat de travail. Si l'employeur propose un poste de reclassement comportant une modification du contrat de travail, le salarié est en droit de le refuser et son refus ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans une telle hypothèse, il appartient à l'employeur soit de formuler de nouvelles propositions soit de procéder au licenciement en cas d'impossibilité de proposer un autre poste.

En l'espèce, le médecin du travail, dans son avis du 4 octobre 2001, a estimé que M. X... est "inapte à la reprise du poste. Pas d'exposition au froid. Pas de mouvements répétitifs et forcés de la main gauche. Pas de port de gants métalliques main gauche. Postes proposés: saisie informatique, boucherie du personnel (vente exclusivement), entretien espaces verts".

Il résulte des éléments versés aux débats qu'à la suite de cet avis, l'employeur a réuni les délégués du personnel et qu'il a ensuite proposé au salarié, par lettre du 26 octobre 2001, un reclassement dans un poste d'employé administratif sur le site de VILLEFRANCHE d'ALLIER avec une affectation à mi-temps au service Informatique et à mi-temps au service Gestion Matière.

Le 4 novembre 2001, M. X... a refusé cette proposition en expliquant qu'elle entraînait une baisse importante de salaire ainsi qu'une chute de coefficient. Il a alors été convoqué, le 8 novembre 2001, à l'entretien préalable à son licenciement. Aux termes de la lettre du 15 novembre 2001, celui-ci est motivé de la manière suivante:

"Par courrier recommandé en date du 26 octobre 2001, nous vous avons proposé le reclassement suivant sur notre site de VILLEFRANCHE d'ALLIER: Qualification/emploi: Employé administratif (...). Enfin, nous avons recherché au sein du Groupe SOCOPA les possibilités qui pourraient exister correspondant aux prescriptions du médecin du travail. Nous avons bien reçu votre courrier en date du 4 novembre 2001 nous informant que vous refusiez cette proposition de reclassement à VILLEFRANCHE d'ALLIER ou éventuellement dans le groupe SOCOPA.

Lors de l'entretien que nous avons eu ensemble le 13 novembre 2001, nous avons refait le point avec vous sur les possibilités de reclassement à VILLEFRANCHE d'ALLIER et dans le groupe SOCOPA. Vous nous avez confirmé que vous refusiez la proposition de reclassement à VILLEFRANCHE d'ALLIER ou éventuellement dans le groupe SOCOPA.

En conséquence, conformément à l'article L 122-32-5 du code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude physique et refus d'accepter le poste de reclassement proposé".

Il ressort des termes de cette lettre que le licenciement est motivé par le refus de M. X... du poste proposé à VILLEFRANCE d'ALLIER.

Or, alors que le salarié percevait un salaire de base mensuel de 8111,00 F (1236,51 €), le salaire proposé au titre du reclassement n'était que de 7800,00 F (1189,10 €) et M. X... perdait la rémunération au titre des heures de pause (521,43 F ou 79,49 €) et la prime d'habillage (100,00 F ou 15,24 €). En outre, son coefficient passait de 160 à 140 de la classification OQ 1 à 140 de la classification ES2, ce qui aurait nécessairement eu une incidence négative sur sa rémunération future.

Il n'est, en conséquence, pas sérieusement contestable que cette baisse de rémunération constituait une modification du contrat de travail de l'intéressé, l'employeur ne pouvant se prévaloir de l'attribution au salarié d'une rente Accident du Travail pour contester cette modification.

Il s'ensuit que M. X... ne pouvait être licencié pour avoir refusé une telle modification.

Si l'employeur fait aussi référence, dans la lettre de licenciement, à des "recherches au sein du Groupe SOCOPA", il ne justifie pas avoir fait d'autres propositions de reclassement au salarié ni de l'impossibilité du reclassement.

Il produit les demandes qu'il a faite à différents sociétés du groupe de postes correspondants aux prescriptions du médecin du travail ainsi que les réponses indiquant l'absence de postes disponibles mais, en ne faisant que transmettre les prescriptions du médecin du travail et enregistrer les réponses des établissements concernés sans rechercher si le reclassement aurait été possible notamment en procédant à des transformations ou des aménagements de poste, l'employeur ne peut prétendre avoir satisfait à son obligation de recherche d'un poste de reclassement.

Contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, le refus de M. X..., exprimé dans sa lettre du 4 novembre 2001, ne portait que sur le poste proposé à VILLEFRANCE d'ALLIER et non à un reclassement "dans le Groupe SOCOPA".

En l'état, il n'est nullement démontré que le reclassement n'était pas possible alors que l'entreprise appartient à un groupe qui compte, selon les pièces produites, près de 7000 salariés et que M. X... n'avait pas posé de conditions particulières.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats et, notamment, du salaire que percevait M. X..., le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 18000,00 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L 122-32-7 du code du travail, la somme allouée étant de nature à permettre la réparation du préjudice résultant du licenciement.

Sur les intérêts

La somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présente un caractère exclusivement indemnitaire et produira, en conséquence, intérêts à compter du 30 juin 2006, date du jugement du conseil de prud'hommes.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile

En application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'employeur doit payer à M. X..., en plus de la somme allouée en première instance sur le même fondement, la somme de 1000,00 € au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement :

En la forme,

- Déclare l'appel recevable,

Au fond,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Dit que la somme allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse produira intérêts à compter du 30 juin 2006,

- Dit que la S.A.S. SOCOPA doit payer à M. André X... la somme de 1000,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- Dit que la S.A.S. SOCOPA doit supporter les dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/1850
Date de la décision : 02/05/2007
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Maladie - Accident du travail ou maladie professionnelle - Inaptitude au travail - Obligation de reclassement - Manquement - Caractérisation

Ne satisfait pas à son obligation de reclassement l'employeur qui ne fait que transmettre les prescriptions du médecin du travail et enregistrer les réponses des établissements du groupe auquel il appartient, sans rechercher si le reclassement aurait été possible notamment en procédant à des transformations ou des aménagements de poste.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montluçon, 30 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2007-05-02;06.1850 ?
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