COUR D'APPEL
DE RIOM
2ème Chambre
ARRET N
DU : 30 Janvier 2007
AFFAIRE N : 06/00169
Christophe X... / Mireille X... épouse Y..., Daniel X..., Huguette X... épouse Z..., Régis A..., Jacques X...
BP/AMB/VR
ARRÊT RENDU LE trente Janvier deux mille sept
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Brigitte PETOT, Président
Mme Françoise GOUJON, Conseiller
Mme Anne CONSTANT, Conseiller
GREFFIER :
Melle Valérie ROBIN, Greffier lors de l'appel de la cause et du prononcé
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 15 Décembre 2005, enregistrée sous le n 01/4195
ENTRE :
M. Christophe X...
Le Martinet
63850 SAINT GENES CHAMPESPE
Représenté par Me Jean-Paul LECOCQ (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP TEILLOT - BLANC-BARBIER - CHAPUT-DUMAS (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
APPELANT
ET :
Mme Mireille X... épouse Y...
La Beaubie
63113 PICHERANDE
Représentée par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP CHERRIER-VENAT - TERRIOU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006/000585 du 10/03/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RIOM)
M. Daniel X...
...
63116 BEAUREGARD L'EVEQUE
Représenté par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP CHERRIER-VENAT - TERRIOU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
Mme Huguette X... épouse Z...
...
63510 AULNAT
Représentée par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP CHERRIER-VENAT - TERRIOU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
M. Régis A...
...
63510 AULNAT
Représenté par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP CHERRIER-VENAT - TERRIOU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
M. Jacques X...
Summery
63113 PICHERANDE
Représenté par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour)
Plaidant par la SCP CHERRIER-VENAT - TERRIOU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006/000584 du 10/03/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RIOM)
INTIMES
DEBATS :
Après avoir entendu à l'audience publique du 19 Décembre 2006, Mme PETOT Président en son rapport, les représentants des parties en leurs plaidoiries ou explications, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle ce dernier a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur est la suivante, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Il est actuellement procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage des successions de François X..., décédé le 30 avril 1996 et de Marie-Louise B..., son épouse commune en biens, décédée le 23 décembre 2004 ;
Les défunts époux laissent pour leur succéder leurs 6 enfants :
- Mireille X... épouse Y...,
- Daniel X...,
- Huguette X... épouse Z...,
- Régis X...,
- Jacques X...,
- Christophe X....
Christophe X... a souhaité sortir de l'indivision et a assigné les cohéritiers devant le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand.
Un jugement en date du 20 novembre 2002 a :
- ordonné le partage judiciaire de la succession de François X...,
- désigné Maître C... notaire à Tauves et à défaut le Président de la Chambre des notaires pour procéder aux opérations des partage,
- ordonné une expertise.
Un jugement en date du 15 décembre 2005 a :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Marie-Louise B..., sauf meilleur accord, ordonné le tirage au sort du mobilier ou à défaut sa licitation,
- désigné pour y procéder Maître C... notaire à Tauves,
- donné acte aux parties de leur accord sur l'évaluation des actifs mobiliers et immobiliers de la succession, conformément au rapport de l'expert,
- dit que Christophe X... doit rapporter à la succession de Marie-Louise B... le solde des causes du jugement du 22 janvier 2003 et à la succession de François X... la somme de 15.244,90 euros,
- dit que Jacques X... doit rapporter à la succession de François X... la somme de 6.800 euros et de 3.003 euros, outre l'indemnité d'occupation depuis le 18 octobre 2003, ainsi que les fermages échus depuis le 23 décembre 2004 aux successions confondues,
- fixé la créance de salaire différé de Régis X... à la somme de 37.883,72 euros, d'Huguette X... à la somme de 44.986,91 euros, de Jacques X... à la somme de 23.677,32 euros,
- débouté Christophe X... de sa demande tendant au remboursement par Jacques X... de la somme de 21.078,90 euros au titre des lauzes,
- débouté Jacques X... de sa demande tendant à voir condamner Christophe X... à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de soins prodigués à Marie-Louise B...,
- ordonné l'attribution préférentielle à Jacques X... des biens immobiliers indivis, à charge pour lui de régler la soulte consécutive,
- donné acte aux défendeurs de leurs accords intervenus quant à la répartition des sommes correspondant aux salaires différés ; dit cet accord inopposable à Christophe X...,
- renvoyé les parties devant le notaire liquidateur,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Christophe X... a régularisé un appel général de ce dernier jugement ;
Il demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2006 de réformer le jugement sur 3 points : l'attribution préférentielle des biens indivis, la créance de l'indivision au titre des lauzes, sa créance de salaire différé.
Il demande à la Cour de :
- dire que Jacques X... doit payer à l'indivision la somme de 21.078,90 euros représentant le préjudice causé à l'indivision à la suite de l'enlèvement des lauzes,
- chiffrer à 5.345,32 euros le montant de sa créance de salaire différé, sous réserve d'actualisation au jour du partage, à intervenir conformément aux dispositions légales applicables,
- statuer ce que de droit sur l'accord intervenu entre les défendeurs concernant le partage de la somme de 134772,61 euros, par parts égales,
- lui accorder l'attribution préférentielle de l'intégralité des biens immobiliers en application des articles 832 et suivants du Code Civil et L.321-24 du Code Rural, pour la valeur de 189.223 euros,
- donner acte à Christophe X... de son accord pour régler la soulte due aux cohéritiers,
- subsidiairement, lui attribuer préférentiellement une superficie de 23 hectares (E4, E5, E6, E7, E8, E9, E77, E79, E81, E106, E14P, E16) pour la commune d'Egliseneuve d'Entraigues et ordonner la licitation des biens pour le surplus, suivant cahier des charges qui sera établi par la SCP Teillot Blanc-Barbier Chaput -Dumas sur une mise à prix à fixer par le Tribunal,
- confirmer le jugement déféré pour le surplus.
Par conclusions signifiées le 28 août 2006, Mireille X... épouse Y..., Daniel X..., Huguette X... épouse Z..., Régis X... et Jacques X... demandent que le jugement soit confirmé et que Christophe X... soit condamné aux dépens d'appel.
Christophe X... soulève le caractère peu sérieux de la demande de Jacques X... tendant à se voir attribuer préférentiellement les biens immobiliers dépendant de l'indivision, qu'il n'a formulée que tardivement ; il fait valoir que son frère ne justifie pas de la manière dont il envisage de payer la soulte, alors que lui-même a obtenu des accords bancaires ; il affirme qu'il répond par ailleurs à toutes les conditions nécessaires pour se voir attribuer les biens de l'indivision, qu'il est exploitant agricole de plus de 53 hectares, qu'il est propriétaire de plus de 5 hectares, qu'il dispose des moyens nécessaires pour poursuivre son exploitation et a participé effectivement à la mise en valeur des biens indivis ; il rappelle que l'attribution préférentielle est de droit lorsque la surface d'exploitation n'excède pas certaines limites, fixées par décret ; subsidiairement, il s'estime fondé à prétendre à l'attribution de 23 hectares situés à proximité des terres qu'il exploite en qualité de gérant de la SCEA du Martinet, la licitation devant être ordonnée pour le surplus ;
Les intimés font valoir pour leur part que Jacques X..., contrairement à son frère Christophe, a toujours participé à l'exploitation des terres familiales, d'abord comme aide familial puis, depuis l'année 1983,en qualité de fermier et que l'attribution du domaine lui permettra de recourir sans problème à un prêt lui permettant de faire face au règlement de la soulte ; ils expliquent la tardiveté de la demande d'attribution préférentielle par le fait que les intimés avaient conclu un accord, chacun des 5 cohéritiers recevant une parcelle correspondant à ses droits et s'engageant à consentir un bail rural écrit à Jacques X... sur les parcelles mises dans leur lot, cet accord n'ayant pu se concrétiser en raison de la demande subséquente formée par Christophe X... portant sur la totalité des terres ;
Christophe X... affirme que son frère Jacques a procédé à la modification de la toiture des bâtiments situés sur la parcelle E9 en récupérant les lauzes qui la couvraient et qu'il doit en rapporter la valeur à la succession ; les intimés demandent que le jugement soit confirmé en ce qu'il a estimé qu'aucune preuve n'était apportée du bien fondé de cette demande ;
Les parties ne critiquent pas en cause d'appel le montant des créances de salaires différés revenant à Régis, Huguette et Jacques X..., telles que fixées par le Tribunal ; Christophe X... sollicite cependant que sa propre créance soit reconnue, faisant observer qu'elle n'avait pas été contestée par les parties adverses lors des opérations d'expertise ainsi que dans leurs conclusions de première instance.
CELA ETANT EXPOSE :
Attendu que bien que Christophe X... ait interjeté un appel général, seules sont remises en question en cause d'appel les dispositions du jugement qui sont relatives à l'attribution préférentielle, à la créance de l'indivision au titre de l'enlèvement des lauzes et à sa créance de salaire différé ;
Attendu que pour le surplus, les dispositions du jugement déféré seront confirmées.
SUR L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE :
Attendu que tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte, de toute exploitation agricole constituant une unité économique, à la mise en valeur de laquelle il participe ou a participé effectivement ; qu'à défaut d'accord entre copartageants, la demande est portée devant le Tribunal, qui se prononce en fonction des intérêts en présence, en tenant compte de l'aptitude des postulants à gérer l'exploitation et à s'y maintenir et en particulier de la durée de la participation personnelle à l'activité de l'exploitation ;
Que la demande peut être présentée en tout état de cause, dès l'ouverture des opérations de partage ;
Attendu que l'article 832-1 du Code civil prévoit que l'attribution préférentielle puisse avoir lieu de plein droit lorsque l'exploitation agricole n'excède pas une certaine superficie, déterminée par décret, ce texte ne trouvant cependant pas application en la cause, en raison de la pluralité des postulants, dont la désignation doit se faire conformément aux critères déterminés par l'article 832 du Code civil ;
Attendu que les biens indivis consistent en parcelles et bâtiments situés sur les communes limitrophes de Picherande, d'Egliseneuve d'Entraigue, de saint Genès Champespe destinées à l'agriculture ; qu'ils constituent une unité économique ; que chaque postulant est exploitant agricole, Christophe à titre de gérant de la SCEA du Martinet ainsi que sur les terres dont il est propriétaire, que Jacques X... est fermier depuis l'année 1984 et est propriétaire de 11 hectares ; qu'ils ont une égale aptitude à gérer l'exploitation et à s'y maintenir ;
Attendu que Jacques X... a été aide familial sur l'exploitation de ses parents du 1er janvier 1981 jusqu'à la date à laquelle il est devenu fermier sur ces terres le 1er avril 1983 ; que Christophe X... a été aide familial sur ces terres du 8 mars 1984 au 1er octobre 1984 ;
Attendu que Jacques X... sera propriétaire de quelque 57 hectares au total, avec les 11 hectares qui lui sont déjà acquis, qui lui permettront de recourir sans problème à un prêt lui permettant de faire face au paiement de la soulte ;
Attendu que la demande d'attribution préférentielle partielle présentée par Christophe X..., qui aboutirait à un morcellement de l'héritage et à la division de l'exploitation, n'est pas de l'intérêt de l'exploitation agricole ;
Attendu qu'en fonction des intérêts en présence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'attribution préférentielle de Jacques X....
SUR LA CREANCE RECLAMEE AU TITRE DES LAUZES :
Attendu que les lauzes qui couvraient le corps de bâtiment situé sur la parcelle E9 à Egliseneuve d'Entraigues ont disparu entre l'ouverture de la succession de François X... et les opérations de l'expert, qui a constaté qu'en 2003,la couverture était faite de tôles et d'ardoises ; que ce corps de bâtiment étant affermé par les défunts époux à Jacques X..., il doit répondre, en sa qualité de preneur, des pertes qui sont arrivées pendant sa jouissance, sauf à démontrer qu'elles n'ont pas eu lieu par sa faute, la charge de la preuve étant inversée ; qu'il ne peut donc pas se contenter de se retrancher derrière l'absence de preuve de la partie adverse, et doit démontrer son absence de faute ; qu'en l'absence d'une telle démonstration, il doit garantie à l'indivision pour la perte des lauzes ; que la toiture n'était que partiellement couverte de ces pierres et que seule sera accordée l'indemnisation de la perte de 70 lauzes, dont la valeur sera estimée par le notaire.
SUR LES SALAIRES DIFFERES :
Attendu qu'aux termes de leurs conclusions de première instance, les intimés n'ont pas contesté le droit de leur frère Christophe à un salaire différé d'un montant de 5.345,23 euros, correspondant au travail accompli en qualité d'aide familial sur la propriété de ses parents pendant la période du 8 mars 1984 au 1er octobre 1984 ; qu'ils n'ont pas plus contesté ce droit devant l'expert, ayant expressément exprimé leur accord sur ce point ; que cet aveu des intimés apportent suffisamment la preuve de l'existence de la créance de Christophe X..., à qui sera reconnu le droit à un salaire différé de 5.345,23 euros ; que le montant en a été fixé à la date la plus proche possible du partage et qu'il n'y a pas lieu à réactualisation de la créance.
DEPENS :
Attendu que les dépens en ce compris le coût de l'expertise seront employés en frais privilégiés de partage ;
Que l'application de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas compatible avec l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Réformant,
Dit que Christophe X... a une créance de 5.345,23 euros sur l'indivision au titre de son salaire différé,
Dit que l'indivision a une créance sur Jacques X... au titre de l'enlèvement de 70 lauzes, qui seront estimées par le notaire,
Confirme le jugement déféré pour le surplus en toutes ses dispositions,
Dit que les dépens, en ce compris le coût de l'expertise, seront employés en frais privilégiés de partage, avec application de la loi sur l'aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président