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21/12/2006 | FRANCE | N°718

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre civile 1, 21 décembre 2006, 718


COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

Du 21 décembre 2006

Arrêt no -BG/SP/MO -

Dossier n : 06/00615

COMMUNE DE MASSIAC / Jean-Louis MIQUEL, Marie-Anne X... épouse Y...

Arrêt rendu le VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE SIX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Gérard BAUDRON, Président

M. Claude BILLY, Conseiller

M. Bruno GAUTIER, Conseiller

En présence de :

Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

Jugement Au fond, origine Trib

unal de Grande Instance d'AURILLAC, décision attaquée en date du 01 Février 2006, enregistrée sous le n 04/0072

ENTRE :

COMMUNE DE MASSIAC ag...

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

Du 21 décembre 2006

Arrêt no -BG/SP/MO -

Dossier n : 06/00615

COMMUNE DE MASSIAC / Jean-Louis MIQUEL, Marie-Anne X... épouse Y...

Arrêt rendu le VINGT ET UN DECEMBRE DEUX MILLE SIX

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. Gérard BAUDRON, Président

M. Claude BILLY, Conseiller

M. Bruno GAUTIER, Conseiller

En présence de :

Mme Sylviane PHILIPPE, Greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AURILLAC, décision attaquée en date du 01 Février 2006, enregistrée sous le n 04/0072

ENTRE :

COMMUNE DE MASSIAC agissant par son maire

Mairie

15500 MASSIAC

représentée par la SCP Jean-Paul LECOCQ - Alexis LECOCQ, avoués à la Cour

assistée de Me Z... de la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. Jean-Louis Y...

Mme Marie-Anne X... épouse Y...

Le Moulin Grand

route de Bonnac

15500 MASSIAC

représentés par Me Martine-Marie MOTTET, avoué à la Cour

assistés de Me Colette A..., avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND

INTIMES

No 06/615 -2-

Après avoir entendu à l'audience publique du 27 novembre 2006 les représentants des parties, avisés préalablement de la composition de la Cour, celle-ci a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par le Président, à laquelle a été lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Vu le jugement rendu le 1e février 2006 par le Tribunal de Grande Instance d'Aurillac qui a condamné la COMMUNE de MASSIAC à payer aux époux Y... les sommes de 58.678,19 € en réparation de leur préjudice économique et financier et 15.000 € à chacun, en réparation de son préjudice moral, relevant l'obstruction de fait à laquelle elle s'était livrée, pour les empêcher d'exécuter les travaux de réparation et d'entretien indispensables du barrage hydraulique qui leur appartenait ;

Vu les conclusions d'appel signifiées par la COMMUNE de MASSIAC, le 23 octobre 2006, soulevant l'incompétence des juridictions judiciaires, et concluant, au besoin, qu'elle n'a jamais contrevenu à ses obligations envers les époux Y... et qu'en tout état de cause, n'était établie aucune relation directe de causalité entre le dommage allégué et l'arrêté municipal du 18 juillet 1996 ;

Vu les conclusions signifiées par les époux Y..., le 9 novembre 2006, tendant à la confirmation de la décision déférée sauf à élever la condamnation, au titre du préjudice économique et financier, à la somme de 61.668,73 € outre intérêts et à ajouter une somme de 5.134 € en réparation de la perte de retraite pour l'exploitant ;

LA COUR

Attendu que, par acte du 15 mai 1996, les époux Y..., propriétaires d'un barrage privé à vocation hydroélectrique, établi sur la rivière l'Allagnon, jouxtant un terrain de sport aménagé par la COMMUNE de MASSIAC, ont assigné cette dernière en référé, exposant qu'un sinistre avait affecté leur ouvrage, le 5 novembre 1994, ce qui impliquait des travaux de réparation mais que la municipalité avait refusé le passage nécessaire aux camions pour y procéder ; que, par ordonnance du 3 juillet 1996, une ordonnance de référé a condamné la COMMUNE de MASSIAC à laisser aux époux Y... et tous intervenants de leur chef, avec tous engins nécessaires, un libre accès de la route au barrage, pour exécuter les travaux d'entretien de cet ouvrage et ce sous astreinte, décision confirmée par arrêt de la Cour d'Appel de Riom du 20 mars 1997 ; que, par acte du 8 juillet 1997, les époux Y... ont fait assigner, à nouveau, la COMMUNE de MASSIAC, ajoutant que quelques jours après la première ordonnance de référé, le maire avait pris un arrêté, limitant, de fait, le passage des véhicules de chantier et qu'ils avaient, des lors, subi des préjudices économiques, financiers et moraux extrêmement importants, liés à l'impossibilité de faire fonctionner correctement le barrage, ce dont ils demandaient réparation ; que, par le jugement du 30 juin 1998, le Tribunal de Grande Instance d'Aurillac a sursis à statuer, dans l'attente du recours formé par les époux Y... devant la Cour Administrative d'Appel de Lyon, contre l'arrêté municipal en cause, qui finissait par le rejeter ; que le 7 mai 2004, le Juge de l'Exécution de Murat

No 06/615 - 3 -

liquidait l'astreinte prononcée par le Juge des Référés, le 3 juillet 1996, et condamnait la COMMUNE de MASSIAC à payer aux époux Y... la somme de 1.825 € à titre principal ; que, par la décision déférée, le premier juge a retenu que la COMMUNE de MASSIAC, en toute mauvaise foi, avait empêché les époux Y... d'utiliser le passage qui leur était réservé, la référence à la sécurité du public étant un pur artifice pour éviter d'exécuter des engagements de droit privé ; qu'au regard des éléments produits, elle a, dès lors, condamné la COMMUNE de MASSIAC à verser aux époux Y... 58.678,19 € en réparation de leur préjudice économique et financier et 30.000 € en réparation de leur préjudice moral ;

Attendu qu'en ses écritures d'appel, la COMMUNE de MASSIAC soulève que le débat ne paraît pas relever de la compétence judiciaire ; qu'elle considère que l'acte d'acquisition des époux Y... ne comporte, spécifiquement, aucun droit d'accès à quoi que ce soit et qu'il faut remonter à un acte de cession de 1955, intervenu avec M. B... pour y trouver des dispositions concernant le droit d'accès de la route au barrage, avec camions ; qu'elle soulève, encore, que la procédure relative aux droits d'accès par enclave n'a jamais été mise à exécution ; qu'elle considère que la transformation des lieux, à l'origine à finalité purement rurale, en un lieu de production d'électricité, constitue, en tout état de cause, une manifeste aggravation de servitude imposée à la COMMUNE de MASSIAC ; qu'enfin, elle souligne que l'arrêté municipal du 18 juillet 1996 n'a pu produire des effets qu'entre le 18 juillet et le 30 août 1996 en sorte que les conséquences économiques, en suite d'un arrêté, validé en sa légalité par toutes les juridictions administratives, n'ont pu être que des plus minimes et sont sans rapport avec le préjudice allégué ; que les époux Y... répliquent disposer d'un droit très ancien à l'usage de l'eau, que les autres riverains doivent respecter ; qu'ils soutiennent qu'il appartenait à la COMMUNE de MASSIAC de réaliser un accès le plus sécurisé possible pour les campeurs et qu'il n'y a jamais eu aggravation de la servitude ; qu'ils déclarent justifier d'un préjudice économique et financier au titre des frais engagés sur le barrage, de l'impossibilité d'effectuer les travaux en temps utile et des pertes de production électrique ; qu'ils relèvent que le moyen d'incompétence des tribunaux judiciaires au profit des juridictions administratives a été soulevé tardivement et se trouve, comme tel, aujourd'hui, absolument irrecevable ; qu'ils soulignent, enfin, que les préjudices subis ne se limitent nullement aux conséquences de l'arrêté du 18 juillet 1996 et à la période allant de cette date jusqu'au 30 août 1996 et rappellent les nombreux refus d'accès de la COMMUNE de MASSIAC, parfaitement décrits par constats d'huissier et attestations ;

Attendu qu'il est acquis que, notamment à la suite de la crue du 5 novembre 1994, les époux Y... ont sollicité l'autorisation de traverser le terrain communal, en nature de camping municipal, afin de pratiquer des travaux de réparation et de restauration sur le barrage hydroélectrique dont ils sont propriétaires ; qu'ils saisissaient, même, le Juge des Référés qui, le 13 septembre 1995, prononçait la radiation de l'affaire, constatant que la COMMUNE de MASSIAC avait, enfin, fini par donner l'autorisation de pénétrer sur le terrain de camping, à compter du 1er septembre 1995 ; qu'à l'automne 1995, des contraintes climatiques ont à nouveau submergé le chantier à deux reprises, en sorte que pendant l'été 1996, les époux Y... notaient qu'il leur était toujours nécessaire de procéder à des travaux confortatifs sur le barrage ; que, par

No 06/615 - 4 -

ordonnance de référé du 3 juillet 1996, le Président du Tribunal de Grande Instance d'Aurillac condamnait la COMMUNE de MASSIAC à laisser aux époux Y... et à tous intervenants de leur chef, avec tous engins nécessaires, un libre accès, de la route au barrage, pour exécuter les travaux d'entretien de cet ouvrage, sous peine d'une astreinte de 2.500 € par infraction constatée, astreinte déjà liquidée à ce jour par le juge de l'exécution ; que, par arrêt du 20 mars 1997, la Cour d'Appel a confirmé cette décision, relevant qu'à l'époque, la COMMUNE de MASSIAC ne contestait pas l'existence d'une servitude, qui résultait des actes et qu'elle était, dès lors, sans droit à limiter l'exercice de cette servitude par des arrêtés qui constituaient des troubles ; que, ce nonobstant, le maire de la COMMUNE de MASSIAC avait pris, le 18 juillet 1996, un arrêté réglementant le passage d'engins de travaux, dans la traversée du camping municipal, de 13 heures à 14 heures, imposant ainsi des contraintes dont il est évident qu'elles ne peuvent que perturber un chantier ; que cet arrêté était rapporté le 30 août 1996 et qu'il lui a été substitué un nouvel arrêté, prévoyant l'obligation de passage au pas, précédé du gardien, mais supprimant la limitation horaire précitée ; que les juridictions administratives ont validé cet arrêté du 30 août 1996, relevant que le maire avait effectivement le pouvoir de s'opposer au passage des engins de travaux pour accéder au barrage appartenant aux époux Y..., en dépit de la servitude dont ils bénéficiaient ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que jusqu'à ce jour, le principe même d'une servitude de passage au profit des époux Y... et de toute personne de leur fait, pour les besoins du barrage, n'a jamais été contesté devant les juridictions, judiciaires ou administratives, qui toutes en ont fait mention et qu'elle relève, en tant que de besoin, de l'état d'enclave de ces derniers ; que, par la vente du 15 octobre 1955 avec M. B..., la COMMUNE de MASSIAC s'engageait expressément à un droit d'accès de la route au barrage, avec camion, pour le transport de tout matériau sur la voie d'accès qu'elle se proposait d'aménager sur le terrain acquis par ses soins, destiné à être établi en camping municipal ; que les époux Y... ont acquis de M. B..., en 1982, les droits fondés en titres pour l'exploitation des eaux provenant de la rivière l'Allagnon, en ce nécessairement compris les servitudes destinées directement ou indirectement au barrage hydroélectrique, son fonctionnement et son entretien ; qu'au reste, en accordant finalement, le 29 août 1995, une autorisation de passage à compter du 1er septembre 1995, le maire de la COMMUNE de MASSIAC faisait bien référence à la réfection de l'ouvrage bétonné "tel que figurant à l'acte notarié de 1955", preuve qu'à l'époque, il ne doutait pas des droits des époux Y..., en suite de cet acte notarié ; qu'il est acquis depuis très longtemps, en jurisprudence administrative, que si l'autorité publique peut aller à l'encontre des droits légitimes des cocontractants ou des tiers, au nom de l'intérêt public, c'est à charge d'indemnisation ; qu'encore, il convient de noter que l'incompétence des juridictions judiciaires, pour apprécier les conséquences d'une attitude fautive de la COMMUNE de MASSIAC, est soulevée pour la première fois en cause d'appel, aujourd'hui, alors qu'il est acquis qu'elle aurait dû l'être d'emblée, avant toute défense au fond ; que le premier juge a pertinemment relevé les nombreux constats d'huissier et les attestations délivrées par les entreprises de travaux, établissant la réalité de l'obstruction de fait, perdurante et réitérée, à laquelle se livrait la COMMUNE de MASSIAC, sous couvert d'arrêtés, pris certes dans l'intérêt de la sécurité des usagers des campings mais selon des modalités tellement contraignantes qu'elles aboutissaient à une interdiction de fait ;

No 06/615 - 5 -

Attendu que le premier juge avait justement noté qu'étaient fournies des pièces techniques et comptables, établissant les pertes financières, suite aux pertes de production en raison de l'impossibilité d'effectuer des travaux en temps utile ; que la liquidation du préjudice doit naturellement s'effectuer, non seulement au vu de la courte période intervenue entre l'arrêté du 18 juillet 1996 auquel il a été spontanément mis fin, au vu de son caractère déraisonnable manifeste, souligné par les autorités de tutelle, le 30 septembre 1996 mais également de l'ensemble des interdictions, prohibition et entraves apportées aux travaux, avec toutes conséquences, et dont les juridictions judiciaires n'ont cessé d'être saisies, d'abord en référé ; que, selon attestations comptables, les coûts supplémentaires suite à l'impossibilité d'effectuer les travaux en temps utile ont représenté en 1995 et 1996, 3.280,25 € (21.517 F) somme à laquelle il fallait ajouter 3.780,74 € (24.800 F) suite à un changement de conception, toujours lié à cette impossibilité d'effectuer les travaux normalement ; qu'à côté de ces dépenses et frais supplémentaires pour travaux, se sont ajoutées des pertes de production électrique, donc des recettes moindres, mettant gravement en jeu l'équilibre financier de l'entreprise et obligeant à l'apport supplémentaire de fonds propres ; que l'endettement auquel a dû procéder, par ailleurs, le chef d'entreprise a lui-même généré des frais de découvert bancaire élevés ; qu'enfin, au soutien de leurs droits, les époux Y... ont dû faire procéder à de multiples constats d'huissier et engager des frais divers, correspondant à des frais de déplacement, frais téléphoniques et de courrier pendant les années 1996 ; qu'au vu des éléments fournis, il apparaît donc à la Cour que par légère réformation, il convient de condamner la COMMUNE de MASSIAC à verser aux époux Y... la somme totale de 61.662,73 € en réparation de leur préjudice économique et financier ; que, s'agissant du préjudice financier complémentaire, inhérent à une perte de retraite de l'exploitant sur 20 ans, elle-même consécutive à la perte de revenus, le lien de causalité direct et certain entre les agissements dénoncés et le préjudice invoqué ne ressort pas suffisamment du dossier ; que s'agissant du préjudice moral, il apparaît à la Cour qu'une somme de 3.000 € à chacun des époux Y... sera satisfactoire, sans pour autant dénier l'existence de soucis et de tracas ; que l'équité commande d'allouer aux époux Y..., pour les frais non taxables inutilement exposés par leurs soins en cause d'appel, une somme de 4.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme la décision déférée, sauf à arrêter le préjudice économique et financier des époux Y... à la somme de 61.668,73 € outre intérêts légaux à compter de la décision entreprise sur 58.678,19 € et leur préjudice moral à la somme de 3.000 € chacun ;

Rejette pour le surplus ;

No 06/615 - 6 -

Ajoutant,

Condamne la COMMUNE de MASSIAC à verser aux époux Y..., par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une somme de 4.500 € ;

Condamne la COMMUNE DE MASSIAC aux dépens d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 718
Date de la décision : 21/12/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Aurillac, 01 février 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2006-12-21;718 ?
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