COUR D'APPEL DE RIOM 2ème Chambre
ARRET N DU : 14 Février 2006 AFFAIRE N : 05/01024 Philippe X... / Anne-Laure Y... épouse X... Z.../AMB/VR ARRÊT RENDU LE quatorze Février deux mille six COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Jacques HEDERER, Premier A... Mme Brigitte PETOT, A... Mme Françoise GOUJON, B... GREFFIER : Melle Valérie C..., Greffier lors de l'appel de la cause et du prononcé Jugement JAF, origine Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 10 Mars 2005, enregistrée sous le n 04/1191 ENTRE : M. Philippe X... 12, Impasse de la Gouyatine 40000 MONT DE MARSAN Représenté par Me Barbara GUTTON-PERRIN (avoué à la Cour) Plaidant par Me REBOUL-SALZE de la SELARL AUVERJURIS (avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND) APPELANT ET : Mme Anne-Laure Y... épouse X... 20 rue Blatin 63000 CLERMONT-FERRAND Représentée par Me Martine-Marie MOTTET (avoué à la Cour) Plaidant par la SCP SAGON BOILEAU (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND) INTIMEE DEBATS :
Après avoir entendu à l'audience tenue en chambre du conseil du 18 janvier 2006, Mme GOUJON B... en son rapport, les représentants des parties en leurs plaidoiries ou explications, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par M HEDERER Premier A..., audience à laquelle Mme PETOT A... a lu le dispositif de l'arrêt dont la teneur est la suivante, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Philippe X... et Anne-Laure Y... se sont mariés sans contrat le 9
octobre 1998 à CLERMONT- FERRAND.
Ils ont eu deux enfants : Lucie née le 28 mai 1999 et Alix née le 16 décembre 2000.
Par jugement en date du 10 mars 2005, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande Instance de CLERMONT- FERRAND a :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari
- ordonné les mentions légales en marge des actes d'état civil
- désigné le A... de la chambre départementale des notaires aux fins de procéder à la liquidation des droits pécuniaires des parties - fixé au 26 mars 2004 la date des effets du divorce entre les époux condamné le mari à payer à son épouse la somme de 1 ç à titre de dommages intérêts
- dit que l'autorité parentale sera exercée en commun par les deux parents sur les enfants, leur résidence habituelle étant fixée chez leur mère
- dit que le père exercera ses droits de visite et d'hébergement à l'amiable et en cas de difficultés, chaque week-end des semaines impaires du samedi 12 heures au dimanche 19 heures et pendant la moitié des vacances scolaires avec alternance ( première moitié les années paires, seconde moitié les années impaires ) à charge pour lui d'aller chercher les enfants et de les ramener soit à l'école soit au domicile de la mère
- fixé à 640 ç soit 320 ç par enfants la pension alimentaire mensuelle due par le père à la mère des enfants, le condamnant à paiement en tant que de besoin
- condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 1 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile
- dit que le mari supportera les dépens.
Par déclaration en date du 8 avril 2005, Philippe X... a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 29 juin 2005, le conseiller de la mise en état a assorti de l'exécution provisoire les dispositions du jugement relatives au droit de visite et d'hébergement et dit que Philippe X... devra communiquer à la mère le lieu de vacances des enfants pendant l'été 2005. Madame Y... a été déboutée de sa demande de provision à valoir sur sa part de communauté.
Dans ses conclusions récapitulatives en date du 25 novembre 2005, l'appelant demande à la Cour de réformer la décision et de prononcer le divorce aux torts exclusifs de son épouse ; il conclut à la confirmation des mesures provisoires mise en place par l'ordonnance de non conciliation sauf à modifier ses droits de visite et d'hébergement qu'il entend exercer à l'amiable et à défaut d'accord, le premier week- end de chaque mois du vendredi soir au dimanche soir en tenant compte des horaires de trajet aérien entre CLERMONT-FERRAND et BORDEAUX ou BIARRITZ, les enfants devant dans la mesure du possible voyager par avion, la mère prenant à sa charge les trajets aller et le père les retours outre le transport entre MONT de MARSAN où il demeure et BORDEAUX ou BIARRITZ aller et retour ; il conclut à un droit d'hébergement pendant la totalité des vacances de février, Pâques et Toussaint et la moitié des vacances scolaires de Noùl et des grandes vacances la charge des trajets devant être partagée (aller à la mère, retour au père).
Il conclut enfin à la condamnation de Madame Y... à lui payer 2 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Philippe X..., contestant les griefs retenus par le premier juge
selon lesquels il n'aurait pas assumé sa paternité et aurait mal supporté les responsabilités inhérentes à la vie de famille, soutient que son épouse, refusant de s'installer à ANGOULÊME, où il avait un poste de praticien hospitalier, et où elle même, médecin également, aurait pu s'installer à la fin de son clinicat à LIMOGES, a tout mis en oeuvre pour revenir à CLERMONT-FERRAND pour rejoindre sa propre famille, le contraignant à un sacrifice professionnel pour un poste aléatoire.
Il fait état d'un abandon moral de la part de cette dernière, notamment lors de la naissance de leur fille aînée exposant que dès le début de son congé de maternité elle est partie s'installer chez ses parents puis est allée en vacances pendant un mois dans le midi avec sa mère.
Il expose que Madame Y... engageait des dépenses inconsidérées, souscrivait des emprunts sans son accord, lui laissant supporter les charges familiales, et affirme qu'elle a résilié seule le bail du domicile conjugal, s'installant en mars 2004 au domicile de sa mère, avec les enfants sans le tenir informé et après avoir déménagé du mobilier et des effets personnels.
Monsieur X... expose qu'en cours de procédure, n'ayant plus de poste disponible à CLERMONT-FERRAND, il a dû chercher un nouvel emploi et a été embauché en qualité de praticien hospitalier à MONT de MARSAN à compter du 5 septembre 2005 où il a loué une maison lui permettant d'accueillir ses filles ; que dès lors ses droits de visite et d'hébergement doivent être réorganisés, l'avion étant à son sens le moyen de transport le plus adapté.
Il s'oppose à toute augmentation de pension alimentaire faisant valoir que Madame Y... a des revenus sensiblement égaux aux siens et que la somme fixée par le premier juge couvre largement les besoins d'enfants âgés de 5 et 6 ans.
Anne-Laure Y..., intimée, conclut par écritures en date du 29 décembre 2005, à la confirmation de la décision en ce qu'elle a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari.
Elle demande que lui soit allouée une somme de 5 000 ç à titre de dommages- intérêts et que les droits de visite et d'hébergement du père sur les deux enfants soit organisé de la façon suivante : le 1er week-end du mois des semaines impaires du samedi 12 heures au dimanche 19 heures à charge pour lui de l'exercer en Auvergne et la moitié des vacances scolaires avec alternance à charge pour le père de chercher les enfants au domicile de la mère et de les y ramener, sans qu'il n'y ait lieu à partage des frais de trajet.
Madame Y... conclut à l'augmentation de la part contributive de Monsieur X... à l'entretien des enfants à 900 ç par mois soit 450 ç par enfant et sollicite 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait état du désintérêt de son époux pour la vie de famille qui s'est manifesté dès la naissance de Lucie lorsqu'il s'est refusé de se rendre à son chevet puis a refusé de s'occuper de l'enfant n'adressant plus la parole à son épouse ; elle admet que la situation s'est ensuite stabilisée jusqu'à la naissance de leur deuxième enfant en décembre 2000 en suite de quoi il est parti travailler à ANGOULÊME , lui laissant la responsabilité du ménage.
Elle expose que la famille s'est installée, d'un commun accord à CLERMONT- FERRAND en novembre 2003 et que la situation s'est à nouveau dégradée à partir de février 2004, lorsque, au retour d'un congrès, il ne lui a plus adressé la parole si ce n'est pour l'insulter s'excluant de plus en plus de la vie familiale.
Madame Y... fait état de violences verbales et physiques le 21 mars 2004, de l'abandon par son époux du domicile conjugal le 26 mars en déménageant ses affaires avec sa mère et son oncle, puis en emportant
du mobilier, ne faisant plus que de très brèves apparitions et ne contribuant plus à l'entretien du ménage, ce qui l'a contrainte à résilier le bail de l'appartement et à faire appel à ses parents.
Elle soutient que le comportement de son mari a pour cause une liaison notoire entretenue avec une collègue depuis le mois de juillet 2003 époque à laquelle il a cessé d'assumer normalement les charges du ménage, et vidé les comptes des enfants, la contraignant à emprunter pour assumer les charges courantes.
Madame Y..., exposant que le père des enfants savait, bien avant la comparution devant le conseiller de la mise en état en juin 2005, qu'il allait être nommé à MONTde MARSAN, alors que des postes étaient disponibles à proximité de CLERMONT- FERRAND, s'oppose à l'exercice d'un droit de visite en fin de semaine, ne serait ce qu'une fois par mois, en raison de la distance et des horaires d'avion inadaptés aux horaires scolaires des enfants sauf dans l'hypothèse où le père accepterait d'exercer ses droits en Auvergne.
A l'appui de sa demande d'augmentation de pension alimentaire, Anne-Laure Y... soutient que ses revenus sont inférieurs à ceux du père des enfants, que son statut actuel ne lui permet pas d'effectuer des gardes rémunératrices et fait état de frais lourds de garde d'enfants à domicile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2006 ; les pièces produites par l'appelant le 17 janvier 2006 numérotées de 156 à 181 seront écartées des débats. SUR QUOI
Attendu, sur les conditions dans lesquelles les époux se sont orientés professionnellement l'un et l'autre sur une carrière médicale à l'hôpital de CLERMONT- FERRAND en mai 2003 pour le mari, rejoint en septembre 2003 par son épouse et les enfants, qu'aucun élément du dossier n'établi que Monsieur X... ait été contraint dans cette décision, résultant de toute évidence du souhait non
blâmable de l'épouse de se rapprocher de sa famille, auquel le mari ne démontre pas avoir été opposé ;
Attendu que de même, les conditions dans lesquelles Philippe X... ne s'est manifesté auprès de sa femme que le surlendemain de la naissance de leur fille aînée en 1999, ne doivent pas donner lieu à débat dans la mesure où cet épisode, certes fâcheux eu égard à l'importance de cet événement, doit être replacé dans un contexte d'éloignement géographique auquel l'épouse avait consenti puisqu'elle s'était installée à CLERMONT- FERRAND chez ses parents pendant son congé prénatal alors que son époux travaillait à LIMOGES et est partie ensuite avec sa mère se reposer dans le midi ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la vie de famille a repris ensuite normalement et s'est selon, les termes de Madame Y..., stabilisée jusqu'à la naissance de leur deuxième enfant, Alix le 16 décembre 2000, le mari ayant trouvé un poste de praticien hospitalier à ANGOULÊME et la femme exerçant en tant qu'assistant hospitalo-universitaire à LIMOGES lieu du domicile conjugal ;
Attendu que le départ à CLERMONT- FERRAND a permis à la famille de se retrouver réunie en septembre 2003 ;
Attendu que les très nombreuses attestations versées de part et d'autre par les parties établissent que ce rapprochement familial n'a pas permis un resserrement des liens conjugaux malgré un voyage à
Venise pour Noùl 2003 ; que Philippe X... perturbé par une évolution de carrière ne correspondant pas à ses attentes, et par la maladie de son père, s'est montré de plus en plus distant et froid envers son épouse, tout particulièrement au retour d'un congrès à Orlando en février 2004 ensuite duquel elle s'est trouvée confrontée à un mutisme total de son époux et à de fréquentes absences ; qu'Anne-Laure Y... quant à elle, a pris seule l'initiative de demander la résiliation du bail du domicile conjugal, le 15 mars 2004 au mépris des dispositions de l'article 1751 du code civil, étant rappelé que l'autorisation de résider séparément n'a été donnée que le 22juin 2004 ; qu'ils ont l'un et l'autre pris du mobilier dans l'appartement ;
Attendu qu'il est ainsi suffisamment démontré par les pièces régulièrement versées aux débats et contradictoirement débattues, que toute vie commune a cessé de leur fait à l'un et à l'autre, que ne subsiste aucun espoir raisonnable de la voir reprendre et qu'il existe à la charge de l'un et l'autre des époux des faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ; qu'il convient en conséquence de réformer la décision déférée et de prononcer le divorce aux torts partagés des époux ;
Attendu que la décision sera également réformée sur les dommages intérêts, chacun des époux ayant contribué à la rupture du lien conjugal, et Madame Y... ne justifiant pas d'un préjudice spécifique étranger à celui résultant de la rupture du lien conjugal ;
Attendu - sur les mesures concernant les enfants - que la situation a évolué depuis le prononcé de la décision déférée et également depuis l'ordonnance du conseiller de la mise en état, Monsieur X... étant domicilié à MONT de MARSAN ;
Attendu que rien n'établit que le père se désintéresse de ses deux petites filles qui ont 6 et 5 ans ; qu'il convient d'organiser des droits permettant à ces deux enfants de rester en contact régulier avec leur père malgré la séparation de leurs parents ;
Attendu que la distance, sur un axe routier, ferroviaire et même aérien peu commode, ne permet pas d'envisager la persistance d'un droit de visite et d'hébergement dit " classique " ; qu'imposer aux enfants un long trajet en fin de semaine, ou les soumettre à des horaires d'avion fluctuant, serait contraire à leur intérêt étant précisé qu'il n'existe pas de liaison aérienne CLERMONT-FERRAND MONT de MARSAN et qu'il s'y ajouterait encore une longue route ;
Attendu dès lors que le droit de visite du père en fin de semaine sera fixé une fois par mois, le premier week-end, du samedi midi au dimanche 19 heures sauf meilleur accord, à charge pour lui d'exercer ce droit en Auvergne ; que son droit d'hébergement sera fixé pendant la totalité des vacances de Toussaint, et la moitié des vacances de Noùl, février, Pâques et des grandes vacances, les trajets étant à sa charge ;
Attendu, sur la pension alimentaire, qu'eu égard aux revenus respectifs des parents, quasiment similaires, aux besoins des enfants qui n'ont pas sensiblement augmenté depuis l'ordonnance de non conciliation et aux charges induites par les transports supportés intégralement par le père, il n'y a pas lieu à augmentation de la pension alimentaire ; que la décision sera confirmée de ce chef ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant contradictoirement, publiquement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel recevable,
AU FOND
REFORME partiellement la décision,
PRONONCE le
PRONONCE le divorce des époux Philippe X... et Anne - Laure Y... à leurs torts partagés,
DIT n'y avoir lieu à dommages intérêts,
DIT que Philippe X... exercera ses droits de visite sur ses filles Lucie et Alix, à défaut de meilleur accord, le premier week-end de chaque mois du samedi midi au dimanche 19 heures à charge pour lui de se rendre en Auvergne, et son droit d'hébergement la totalité des vacances de Toussaint, et la moitié de celle de Noùl, février, Pâques et des grandes vacances à charge pour lui d'assumer la charge des trajets selon le mode de transport le plus approprié,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONFIRME pour le surplus la décision déférée,
DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier
Le Premier A...
Valérie C...
Jacques Héderer