No 2233
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Mme Fatima X... a subi en 1989 une plastie mammaire pour hypertrophie et ptose, alors qu'elle n'était âgée que de 19 ans.
A la suite de cette intervention, Mme X... a présenté des cicatrices larges et pigmentées.
Après avoir consulté deux médecins, elle s'est adressée, le 15 avril 1993, au docteur Y... qui, le 3 juin, a réalisé, sous anesthésie générale, une reprise de toutes les cicatrices et a prescrit une radiothérapie superficielle sur les aréoles ainsi que l'irridiation des cicatrices verticales et horizontales.
Un surdosage au cours des séances de radiothérapie réalisées au CENTRE JEAN PERRIN par le docteur Z... devait provoquer une brûlure totale et bilatérale des mamelons et des aréoles de la patiente, qui a nécessité des soins au cours du mois de juin 1993.
L'année suivante, Mme X... a, à nouveau, consulté le docteur Y... qui a pratiqué, le 24 juin 1994, une dermo-pigmentation pour reconstituer deux plaques aréolo-mamelonnaires dont la constatation de l'échec devait conduire le praticien à proposer une révision en plusieurs temps opératoires : les 23 mars - 29 mai 1995.
Bien qu'avisée des risques inhérents aux prothèses mammaires (possibilités de fuites du seul type de prothèses alors autorisées), Mme X... a accepté la mise en place de telles prothèses laquelle fut effectuée le 31 octobre simultanément avec la reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire et du mamelon.
Une rectification était opérée le 4 mars 1996 permettant d'obtenir un résultat satisfaisant malgré la persistance du problème de la plaque aréolo-mamelonnaire.
Cependant, le dégonflement en 1997 de la prothèse gauche a conduit à son remplacement en mai 1997. Puis un dégonflement des deux prothèses se produisait en 1998. Elles furent remplacées en avril 1999.
Se plaignant essentiellement de l'aspect inesthétique de sa poitrine, mais également de douleurs au niveau du sein droit, Mme X... a sollicité, en la procédure de référé, l'organisation d'une mesure d'expertise.
Enfin, Mme X... subissait un nouveau dégonflement de la prothèse droite entre les deux examens pratiqués par l'expert judiciaire. No 2233
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Au vu des conclusions de celui-ci, Mme X... a sollicité l'indemnisation de son préjudice devant le Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND lequel, par jugement en date du 30 juin 2004, a condamné in solidum le docteur Z..., le CENTRE JEAN PERRIN et le docteur Y... à payer à :
- Mme X... la somme de 27.000 ç en réparation de son préjudice, outre la somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- la CPAM du PUY-DE-DOME la somme de 7.623,70 ç, outre celle de 600 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Appelante de cette décision dans des conditions de forme dont la régularité n'est pas contestée, le docteur Y... en sollicite, par voie de conclusions signifiées le 17 mai 2005, l'infirmation demandant à titre principal qu'il soit dit qu'elle n'avait commis aucune faute et n'était pas responsable des préjudices
subis par Mme X....
Subsidiairement, elle estime excessives les sommes allouées à celle-ci et conclut à une diminution des sommes à lui allouer et au paiement d'une indemnité de 3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ses écritures signifiées le 11 février 2005, Mme X... conclut à la confirmation du jugement, sauf à porter à :
- 10.000 ç le montant des dommages-intérêts à lui allouer au titre du prix des souffrances,
- 10.000 ç au titre du préjudice esthétique,
- 10.000 ç au titre du préjudice psychologique,
- 1.000 ç au titre de la gêne dans la vie courante,
outre 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle demande, en outre, paiement par l'appelante de la somme de 6.000ç au titre du remplacement des prothèses et celle de 15.000 ç au titre du défaut d'information.
De ce même chef, Mme X... demande au docteur Z... paiement d'une somme de 5.000 ç.. No 2233
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Celui-ci et le CENTRE JEAN PERRIN, par voie de conclusions signifiées le 20 janvier 2005, offrent une indemnisation sur les bases suivantes ;
- ITT et ITP de 20% : 640 ç
- préjudice esthétique : 3.050 ç
- prix des souffrances endurées : 3.050 ç.
Ils concluent, par contre, au rejet de toute indemnisation du chef d'un défaut d'information et à un partage par moitié avec le docteur
Y... des indemnisations pouvant être accordées.
Par ses écritures signifiées le 27 décembre 2004, la CPAM sollicite la confirmation du jugement et l'allocation d'une somme complémentaire de 1.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE
Attendu que la chronologie des interventions subies par Mme X... met en évidence que cette patiente a consulté le docteur Y... aux fins d'obtenir une amélioration des importantes séquelles cicatricielles qu'elle présentait après la plastie mammaire réalisée par un autre praticien, quatre années auparavant ; qu'elle a donc été sollicitée pour réaliser un geste de chirurgie réparatrice dont l'efficacité a été reconnue par le médecin-expert sans ambigu'té puisqu'il a précisé que les cicatrices verticales et horizontales bien que de qualité passable, déhiscentes et très légèrement pigmentées avaient été considérablement améliorées par rapport à l'aspect pré-opératoire initial où ces cicatrices étaient épaisses, fortement pigmentées et hypertrophiques, avec des aréoles aux mamelons invaginés ; que, par contre, les brûlures des aréoles, dues à un surdosage lors des séances de radiothérapie prescrites par le docteur Y..., laissent subsister un placard cicatriciel important, avec pigmentation irrégulière et cicatrices péri-aréolaires déhiscentes mais fines ;
Qu'en effet, l'appelante est intervenue à plusieurs reprises pour tenter d'améliorer la caractère inesthétique de ces brûlures dont le docteur Z... et le CENTRE JEAN PERRIN dont il était le salarié ne contestent aucunement qu'elles sont la conséquence d'une faute qui leur incombe, faute résultant de l'erreur de transcription du dosage ; que cette faute engageant leur responsabilité, ils sont tenus de réparer l'entier préjudice en résultant pour Mme X... ; qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher en ce qui les concerne s'ils ont failli à
leur devoir d'information ;
Attendu que le médecin-expert a souligné que le docteur Y... n'avait pas participé à la commission de cette faute et avait, au contraire, en ce qui concerne les gestes de chirurgie réparatrice, apporté à sa patiente des soins consciencieux et conformes aux données acquises de la science ; No 2233
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Attendu, par contre, qu'il est constant que dès la première consultation de Mme X..., le docteur Y... lui a préconisé la mise en place de prothèses mammaires afin de corriger les effets de l'échec de l'intervention initiales (de 1989) ;
Or attendu qu'outre les dégonflements successifs des prothèses qui ont dû être remplacées, leur mise en place a abouti à la formation d'une coque, complication n'impliquant aucun manquement du praticien dans la réalisation de son geste chirurgical ainsi que noté par l'expert judiciaire ; que, toutefois, la répétition des dégonflements attestent de l'insuffisance du matériel mis en place dont, doit-il être souligné, le remplacement a été assuré gracieusement par le laboratoire fournisseur des prothèses qui a ainsi au moins implicitement admis la défectuosité de son matériel, ce qui conforte la conclusion de l'expert selon laquelle la rupture des prothèses était due à une défaillance du matériel ;
Or attendu que le médecin est tenu à l'égard de son patient d'une obligation de sécurité de résultat pour le matériel qu'il utilise pour l'exécution d'un acte médical d'investigation ou de soins ; que les circonstances ci-dessus rappelées établissent de manière suffisante que les prothèses utilisées se trouvent directement à l'origine du dommage complémentaire de celui résultant des brûlures subi par Mme X..., laquelle a subi à plusieurs reprises un
affaissement symétrique ou non des seins, auquel il n'a pu être remédié qu'en recourant à de nouvelles interventions chirurgicales ; Attendu que le préjudice dont Mme X... sollicite réparation participe tant de la faute commise par le docteur Z... que du manquement du docteur Y... à son obligation de sécurité de résultat ; qu'elle sollicite, en conséquence, à bon droit leur condamnation in solidum à réparer ledit préjudice ; que la responsabilité de l'un et l'autre des praticiens étant ainsi retenue, il n'y a pas lieu d'analyser les prétentions de la victime qu'elle présente sur le fondement du défaut d'information, sauf à lui accorder double indemnisation d'un même préjudice, observation faite que la sanction du défaut d'information, qui s'analyse comme une perte de chance de refuser l'intervention dommageable, ne peut être que l'allocation d'une indemnisation correspondant seulement à un pourcentage dudit préjudice ;
Attendu cependant qu'il convient de préciser que dans leurs rapports entre eux chacun des praticiens sera tenu de supporter la moitié des indemnités ci-dessous fixées ; attendu qu'au vu des conclusions expertales, le préjudice de Mme X... s'établit de la manière suivante :
- ITT environ un mois et ITP 20% pendant deux mois : 1.000 ç ainsi qu'exactement apprécié par le Tribunal,
- frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation : 7.623,70 ç, No 2233
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- préjudice esthétique chiffré à 3/7 : 5.000 ç,
- prix des souffrances endurées : 8.000 ç, en considération des
multiples interventions subies par la victime,
- préjudice psychologique : 3.000 ç ; il est en effet constant que Mme X... subit un préjudice indépendant des autres chefs de préjudice dès lors que la perception qu'elle peut avoir de son propre physique est fortement perturbée, ce qui entraîne des difficultés relationnelles avec son entourage proche, ce alors que sa demande initiale de plastie mammaire, puis ses demandes successives de chirurgie réparatrice mais également esthétique (remodelage de sa poitrine et liposuccion au niveau trochantérien) attestent de l'importance qu'elle attache à sa silhouette ;
Attendu, par contre, qu'il ne peut lui être alloué aucune indemnité au titre de frais futurs de remplacement de prothèse dont elle ne justifie aucunement du coût, étant observé qu'aucun frais n'est resté à sa charge lors des interventions identiques antérieurement réalisées ;
Attendu qu'après déduction de la créance de la CPAM d'un montant de 7.623,70 ç, il revient à la victime la somme de 17.000 ç ;
Attendu, enfin, que la Cour confirmera purement et simplement le montant des indemnités allouées par le Tribunal en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme la décision déférée sur la responsabilité ;
La réformant sur le montant des indemnités allouées,
Condamne in solidum le docteur Z... et le CENTRE JEAN PERRIN d'une part, et le docteur Y... d'autre part, à payer à :
- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY-DE-DOME la somme de 7.623,70 ç au titre des prestations servies à Mme X..., outre la somme de 600 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Mme Fatima X... la somme de 17.000 ç à titre de dommages-intérêts outre celle de 1.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; No 2233
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Déboute Mme X... du surplus de ses prétentions.
Condamne in solidum le docteur Z... et le CENTRE JEAN PERRIN d'une part, et le docteur Y... d'autre part, aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle. Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, Président, et par Mme A..., Greffier présent lors du prononcé. le greffier le président