La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946281

France | France, Cour d'appel de riom, Chambre sociale, 24 mai 2005, JURITEXT000006946281


04/02599 JLT Prud'Hommes

USAGE ABUSIF DE LA CLAUSE DE MOBILITÉ

Appelant : Madame Christine X...

Intimé : la S.N.C. EUROPA DISCOUNT

Intervenant : l'ASSEDIC de la Région AUVERGNE

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Christine X... a été embauchée par la S.N.C. EUROPA DISCOUNT, à temps partiel puis à temps complet, en qualité de caissière-réassortisseuse par un contrat à durée indéterminée en date du 12 octobre 1992.

Par un avenant en date du 24 septembre 1993, elle a accédé à la catégorie employé puis, à compter du 1er juin 1997, au

poste d'adjoint responsable de magasin et, suite à un accord d'entreprise du 16 mars 1999, au poste de pilote....

04/02599 JLT Prud'Hommes

USAGE ABUSIF DE LA CLAUSE DE MOBILITÉ

Appelant : Madame Christine X...

Intimé : la S.N.C. EUROPA DISCOUNT

Intervenant : l'ASSEDIC de la Région AUVERGNE

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Christine X... a été embauchée par la S.N.C. EUROPA DISCOUNT, à temps partiel puis à temps complet, en qualité de caissière-réassortisseuse par un contrat à durée indéterminée en date du 12 octobre 1992.

Par un avenant en date du 24 septembre 1993, elle a accédé à la catégorie employé puis, à compter du 1er juin 1997, au poste d'adjoint responsable de magasin et, suite à un accord d'entreprise du 16 mars 1999, au poste de pilote.

A compter du 4 septembre 1999, elle a bénéficié d'un congé parental d'éducation pendant un an. Elle a repris le travail le 4 septembre 2000.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 décembre 2000, son employeur lui a annoncé sa mutation au magasin ED de TASSIN LA DEMI LUNE, mutation qu'elle a refusée le 18 décembre suivant.

Elle a été licenciée par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 janvier 2001.

Saisi par la salariée, le Conseil de Prud'Hommes de Moulins, par jugement du 18 mars 2003, a débouté Mme X... de ses demandes.

Le 18 avril 2003, Mme X... a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme X..., concluant à la réformation, sollicite :

1) de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

2) de condamner la S.N.C. EUROPA DISCOUNT à lui payer les sommes de :

- 42685,00 ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 730,00 ç à titre d'heures supplémentaires;

- 45,73 ç à titre de remboursement de frais de déplacement pour se rendre à l'entretien préalable;

- 258,00 ç à titre de retenue injustifiée sur sa dernière feuille de salaire

- 800,00 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient, qu'à son retour de congé maternité, elle a fait l'objet de harcèlement de la part de son employeur afin de la contraindre à démissionner.

Elle expose que l'objet de la clause contractuelle de mobilité prévue par son contrat de travail a été détourné, la mutation, qu'elle a refusée, ayant pour but de permettre à son employeur de la licencier, ce dernier sachant qu'elle allait la refuser compte tenu de sa situation familiale.

La salariée prétend qu'aucun élément ne démontre la situation réelle du magasin de TASSIN LA DEMI LUNE nécessitant sa mutation et ajoute qu'elle voit mal comment elle aurait pu être transférée sur le poste d'un salarié dont le contrat de travail était suspendu en raison d'un accident du travail.

Elle souligne aussi que son employeur affirme avoir voulu la muter en raison de la qualité de son travail alors qu'il lui reprochait, à peine un mois auparavant, une insuffisance professionnelle grave.

Elle déclare enfin avoir effectué des heures supplémentaires et en réclame le paiement ainsi que le remboursement des frais de déplacement pour se rendre à l'entretien préalable et le remboursement de la retenue injustifiée de salaire.

La S.N.C. EUROPA DISCOUNT, concluant à la confirmation, sollicite de déclarer bien fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme X... et de dire qu'elle a été remplie de l'intégralité de ses droits.

Elle fait valoir que le contrat de travail de Mme X..., régularisé le 12 octobre 1992, prévoyait expressément une clause de mobilité géographique et estime qu'en ayant refusé la mutation au magasin de TASSIN LA DEMI LUNE, la salariée a manqué gravement à ses obligations contractuelles ce qui justifie son licenciement.

Elle précise que la mise en oeuvre de cette clause était parfaitement justifiée car le magasin de TASSIN LA DEMI LUNE était confronté à un absentéisme important ainsi qu'à des difficultés de recrutement rendant le climat social tendu et le management du personnel problématique.

L'employeur ajoute avoir fait appel à Mme X... en raison de son expérience et non pas dans le but qu'elle refuse cette mutation, accompagnée d'ailleurs d'une hausse de sa rémunération, afin de la licencier, ni dans le but de remplacer le salarié pilote absent pour

accident du travail.

L'intimée affirme ne jamais s'être livrée à un quelconque harcèlement sur la personne de Mme X... et explique que les pièces versées aux débats ne constituent que de simples rappels à l'ordre et non des sanctions, la salariée ayant eu besoin de se voir rappeler les procédures internes en vigueur à son retour de congé parental.

Elle estime enfin ne rien lui devoir au titre de prétendues heures supplémentaires effectuées ni à celui des frais de déplacement pour se rendre à l'entretien préalable, du remboursement de la retenue injustifiée de salaire et de la prime de fin d'année.

L'ASSEDIC de la Région AUVERGNE ne comparaît pas ni personne pour elle. Comme elle a été régulièrement convoquée par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 4 février 2005, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises. DISCUSSION

Sur la

recevabilité

La décision contestée ayant été notifiée le 25 mars 2003, l'appel, régularisé le 18 avril 2003, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du nouveau code de procédure civile et R 517-7 du code du travail.

Sur le licenciement

Aux termes de la lettre du 18 janvier 2001, le licenciement est ainsi motivé :

"Pour des raisons touchant à la réorganisation des secteurs, nous avons été amené à vous proposer un changement de vos conditions de travail par courrier recommandé du 12 décembre 2000. Proposition que

vous avez refusée par courrier du 18 décembre 2000 que nous avons reçu le 21 décembre 2000. Après avoir attiré votre attention sur les conséquences du refus d'accepter votre mutation au magasin de Tassin La Demi Lune, vous avez au cours de notre entretien, réaffirmé votre position. Or, notre décision de vous muter dans cet établissement répond à une nécessité de l'entreprise au regard de l'organisation mise en place; d'autre part, nous vous rappelons que la possibilité d'une mutation avait été contractuellement prévue et acceptée par vous. La société ayant donc fait une stricte application de cette clause contractuelle, nous nous voyons donc contraints de prendre acte de votre refus de mutation et de cesser notre collaboration".

Le contrat de travail de Mme X... comporte une clause par laquelle il est expressément stipulé que le lieu de travail ne constitue pas un élément essentiel du contrat de travail et que la salariée s'engage à accepter toute mutation qui n'affecterait ni sa classification ni sa rémunération dans un des magasins EUROPA DISCOUNT RHONE ALPES.

En présence d'une cette clause, l'employeur avait la possibilité, dans le cadre de son pouvoir de direction, de muter la salariée dans l'un des magasins de la zone visée sans que Mme X... puisse valablement s'y opposer.

Toutefois, le refus de la salariée ne peut être considéré comme fautif s'il apparaît que l'employeur a commis un abus de droit en mettant en oeuvre la clause de mobilité et que sa décision a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise.

Pour expliquer sa décision, l'employeur fait valoir qu'au cours des semaines 46 à 52 de l'année 2000, le magasin de Tassin La Demi Lune a dû faire face à l'absence de plusieurs salariés (entre 3 et 4 selon les périodes) pour cause de maladie ou d'accident du travail et qu'il a dû recruter des intérimaires (entre 2 et 4 selon les périodes).

Selon l'employeur, en procédant à la mutation de Mme X..., il s'agissait , "en raison de son expérience", de "renforcer l'équipe d'agents de maîtrise du magasin de Tassin", sa mission étant "de stabiliser l'équipe d'employés en participant aux processus de recrutement, de formation et d'intégration".

Cependant, il ne ressort d'aucun des éléments versés aux débats que le magasin de Tassin La Demi Lune avait besoin de voir renforcer ainsi son équipe d'encadrement, les difficultés invoquées ne révélant pas en elle-même un tel besoin. En outre, à supposer ce besoin établi, il ne ressort pas non plus des pièces produites que la société EUROPA DISCOUNT, qui, selon ses propres explications, dispose d'un certain nombre de magasins, notamment dans le "secteur Rhône-Alpes", ne pouvait y faire face sans procéder à la mutation d'une salariée travaillant dans un magasin situé à près de deux cent kilomètres.

L'employeur ne peut sérieusement invoquer que le choix de Mme X... a été fait en raison de sa qualité d' "agent de maîtrise expérimentée" alors que, dans les semaines précédentes, il lui a envoyé pas moins de trois lettres pour lui reprocher de ne pas avoir effectué correctement son travail à plusieurs reprises.

Il apparaît, en effet, que, Mme X... ayant repris son travail le 4 septembre 2000 à la suite de son congé parental, s'est vue reprocher par courrier, dès le 17 novembre suivant, de ne pas respecter les procédures en vigueur dans l'entreprise (manque de productivité, non nettoyage du parking). Par courrier du 21 novembre suivant, il lui était adressé une "mise en garde" pour avoir été vue attablée à la boulangerie et pour avoir consommé une boisson en salle de repos sans preuve d'achat. Par courrier du 27 décembre 2000, ces griefs étaient confirmés malgré la contestation élevée par la salariée.

Il sera également relevé que la décision de muter Mme X... est

intervenue à peine plus de trois mois après sa reprise de travail alors que, depuis son embauche en 1992, elle avait toujours travaillé dans le magasin de MOULINS et après qu'elle ait, en vain, sollicité une prolongation de son congé parental.

En outre, l'employeur ne pouvait ignorer les charges de famille de la salariée et, en particulier, le fait qu'elle avait un enfant en bas âge.

Les reproches successifs faits à la salariée dans une courte période de temps mettant en évidence le mécontentement de l'employeur vis-à-vis de sa salariée, la mutation ainsi imposée alors qu'il ne pouvait ignorer les difficultés matérielles qui en résulteraient pour elle, révèle, en l'absence de toute justification d'un quelconque intérêt pour l'entreprise, son intention de provoquer un refus et de se séparer de sa salariée ou, à tout le moins, de prononcer à son encontre une sanction déguisée.

Il est ainsi suffisamment démontré que la clause de mobilité a été mise en oeuvre pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de Mme X...

Compte tenu de l'ancienneté de cette dernière (8 ans) et de son salaire, le préjudice résultant du licenciement sera réparé par l'allocation de la somme de 15000,00 ç à titre de dommages-intérêts. Sur les heures supplémentaires

A l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires qui auraient été effectuées en 1998, Mme X... n'apporte aucun élément d'appréciation autre qu'un tableau effectué par elle-même en

septembre 2000.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les frais de déplacement pour se rendre à l'entretien préalable

Mme X... ne justifiant pas des frais qu'elle a dû exposer pour se rendre à l'entretien préalable, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur la retenue effectuée sur la dernière feuille de paie

Le dernier bulletin de salaire fait apparaître un salaire brut de 7853,26 F correspondant à 151,67 heures de travail duquel a été déduite la somme de 1691,65 F (257,89 ç) correspondant à 32,67 heures.

Compte tenu que le contrat de travail a pris fin le 23 mars 2001, la déduction opérée sur le salaire mensuel de base n'apparaît nullement injustifiée et le jugement qui a débouté Mme X... de sa demande à ce titre sera également confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile

En application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la société EUROPA DISCOUNT doit payer à Mme X... la somme de 800,00 ç au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens d'appel

PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire : En la forme,

- Déclare l'appel recevable, Au fond, Infirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme Christine X... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Statuant à nouveau,

- Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que la S.N.C. EUROPA DISCOUNT doit payer à Mme Christine X... la somme de 15000,00 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Confirme le jugement en ses autres

dispositions, Y ajoutant,

- Dit que la S.N.C. EUROPA DISCOUNT doit payer à Mme Christine X... la somme de 800,00 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- Dit que la S.N.C. EUROPA DISCOUNT doit supporter les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de riom
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946281
Date de la décision : 24/05/2005
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du lieu de travail - Refus du salarié - Clause de mobilité - Usage abusif - Preuve - Charge - /

Le refus de mutation par un salarié dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité ne peut être considéré comme fautif s'il apparaît que l'employeur a commis un abus de droit en mettant en oeuvre la clause de mobilité et que sa décision a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise. En l'espèce, l'employeur ayant formé plusieurs griefs contre le salarié dans une courte période avant de lui annoncer une mutation, sans pouvoir justifier pour l'entreprise de l'intérêt de cette mutation, manifestait ainsi son intention de prononcer une sanction déguisée. La preuve est ainsi rapportée que la clause de mobilité a été mise en oeuvre pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.riom;arret;2005-05-24;juritext000006946281 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award