No 04/2247
Vu l'ordonnance rendue le 13 juillet 2004 par le Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Moulins qui a déclaré cette juridiction territorialement incompétente, au bénéfice du Tribunal de Grande Instance de Grasse, retenant que le fondement quasi contractuel de l'instance interdisait l'option prévue par l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit du demandeur ;
Vu les conclusions d'appel signifiées par Mme X..., le 9 novembre, 2004 tendant à faire juger compétent territorialement le Tribunal de Grande Instance de Moulins, tant sur le fondement quasi contractuel que sur le fondement délictuel ;
Vu les conclusions signifiées par la SA BIOTONIC, le 21 décembre 2004, tendant à la confirmation de la décision déférée, les règles de compétence devant s'apprécier au regard du fondement choisi à titre principal par Mme X..., à savoir l'existence d'un quasi-contrat, qui ne peut bénéficier des options ouvertes par l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La Cour
Attendu que par acte du 3 mars 2004, Mme X... a sollicité devant le Tribunal de Grande Instance de Moulins la condamnation de la SA BIOTONIC au paiement d'une somme de 23.950 euros à titre principal, s'appuyant sur des documents publicitaires dont elle avait été destinataire, lui certifiant un gain obtenu par loterie, fondant son action sur une responsabilité quasi contractuelle ; qu'elle avait, effectivement, reçu des prospectus publicitaires lui proposant des produits et l'informant, en outre, qu'elle avait gagné diverses sommes dont elle n'a jamais reçu le règlement, en dépit de ses multiples demandes relevant que son numéro d'identification était bien celui tiré au sort, lors de la loterie en cause ; que, d'emblée, la SA BIOTONIC a soulevé l'incompétence territoriale du Tribunal de
Grande Instance de Moulins, au motif que les règles procédurales en la matière attribuaient compétence au Tribunal dans le ressort duquel elle avait son siège social, à savoir le Tribunal de Grande Instance de Grasse ;
Attendu que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain, à une personne dénommée, sans mettre clairement en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer, sur le fondement de l'article 1371 du Code Civil ; que l'acceptation de cette délivrance, faite en l'espèce par un courrier de Mme X... à la SA BIOTONIC, mettant en demeure cette dernière de s'acquitter de sa promesse, tout en procédant à une commande de produits, but manifestement recherché par le démarcheur, donne bien naissance à un quasi-contrat ; que selon l'article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile, en matière contractuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ; qu'il n'est pas besoin de faire, comme opéré à tort par le premier juge, pour l'application de cet article, la distinction entre la nature "contractuelle" ou "quasi-contractuelle" des actions engagées, le texte n'opérant pas, lui-même, une telle distinction mais seulement entre matière contractuelle et matière délictuelle ; qu'au regard de cette seule option, il est manifeste que les quasi-contrats doivent être assimilés aux contrats, pour son application ; qu'il importe peu qu'il n'y ait pas eu de livraison effective, pourvu que le contrat liant les parties ait prévu un lieu de livraison ; que le document, envoyé à Mme X..., énonçait expressément que le rédacteur avait reçu l'ordre "de lui envoyer à son adresse, en recommandé, le chèque certifié" correspondant ;
Attendu, encore, qu'il convient de noter que la SA BIOTONIC s'est bien engagée à livrer au domicile de Mme X... divers produits,
passés en commande de façon accessoire, soi-disant pour concrétiser le gain déjà acquis et que si cette commande apparaît comme l'accessoire de la loterie, il ne fait aucun doute, sur le plan économique, qu'elle constitue le principal, en sorte que le quasi-contrat, né de la loterie, doit y être rattaché, y compris en ce qui concerne la compétence territoriale ; que toute la démarche commerciale de la SA BIOTONIC repose sur le lien intellectuel et, en fait, totalement fictif, qu'elle fait naître dans l'esprit de ses interlocuteurs, entre l'obtention de la somme promise et l'acquisition de produits qu'elle commercialise, acquisition d'autant plus tentante qu'elle paraît ne représenter qu'une dépense modique, au regard d'un gain substantiel présenté comme acquis ; qu'en l'espèce, divers produits ont été effectivement livrés au domicile de Mme X..., qui se trouve, dès lors, légitimement fondée à prétendre que le Tribunal de Grande Instance de Moulins est effectivement compétent pour connaître du litige, dès lors que sa compétence, fondée sur le lieu de la livraison effective des biens, doit être étendue à l'autre facette de la transaction ;
Attendu qu'ainsi, il y a lieu à réformation, le Tribunal de Grande Instance de Moulins étant déclaré territorialement compétent pour juger de l'action intentée par Mme X... contre la SA BIOTONIC ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme en totalité la décision déférée ;
Statuant à nouveau,
Dit le Tribunal de Grande Instance de MOULINS territorialement compétent pour connaître de l'action engagée par Mme X... contre la SA BIOTONIC sur le fondement de l'article 1371 du Code Civil ;
Condamne la SA BIOTONIC aux dépens de première instance et d'appel,
lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par M. BAUDRON, président, et par Mme PHILIPPE, greffier présent lors du prononcé. Le greffier le président