04/00188 JLT LIQUIDATION JUDICIAIRE Prud'Hommes CLOTURE POUR INSUFFISANCE D'ACTIF MANDATAIRE AD HOC RECEVABILITE DE LA DEMANDE GARANTIE DE L'AGS Appelant: CGEA de Marseille Intimée: 1) Mme Gyslaine DE X... 2) Me Martine BONARDI LEVASSEUR, es qualité de mandataire ad hoc de la SARL STEMM RACINE CARRE FAITS ET PROCÉDURE: Mme Gyslaine DE X... a été embauchée par la SARL STEMM, exerçant sous l'enseigne "Racine Carré" en qualité de coiffeuse par contrat à durée indéterminée du 2 novembre 1994. Le Tribunal de Commerce de Marseille, par jugement du 13 janvier 1999, a ouvert à l'égard de la SARL STEMM une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du même jour et a désigné Maître BONARDI LEVASSEUR aux fonctions de liquidateur. Mme DE X... a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 18 janvier 1999. Le Tribunal de Commerce de Marseille, par jugement du 30 août 2001, a prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs. Par jugement du 18 décembre 2001, le Conseil des Prud'Hommes de Clermont-Ferrand a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné le liquidateur à payer à la salariée diverses sommes et a déclaré le jugement opposable au CGEA de Marseille. Par arrêt du 14 janvier 2003, la Cour d'Appel de Riom a infirmé le jugement et déclaré la procédure engagée par Mme DE X... irrégulière et nulle depuis son origine au motif que le mandataire n'avait plus qualité pour représenter la société STEMM. La salariée a, alors, à nouveau saisi le conseil de prud'hommes de CLERMONT- FERRAND en appelant en cause Me BONARDI, désignée, à sa demande, en qualité de mandataire ad hoc de la société STEMM par ordonnance du 17 avril 2003. Le conseil de prud'hommes, par jugement du 8 décembre 2003, a: 1) dit que la forclusion n'est pas applicable à Mme DE X... du fait du non respect par le liquidateur de l'article 78 du décret du 27 décembre 1985, celui-ci n'ayant pas
informé les salariés à titre individuel, 2) fixé la créance de Mme DE X... dans la liquidation de la société STEMM aux sommes de : - 12 195,92 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, - 4 936,60 ç à titre d'heures supplémentaires non réglées, - 8 491,72 ç à titre de rappel de salaire, 3) condamné Me BONARDI LEVASSEUR, ès qualité de mandataire ad hoc, à verser à Mme DE X... la somme de 609,80 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, 4) débouté les parties de toutes demandes complémentaires, 5) constaté que le jugement est opposable au CGEA de Marseille. Le CGEA de Marseille a relevé appel de ce jugement le 9 janvier 2004. PRÉTENTIONS DES PARTIES: Le CGEA de Marseille, concluant à la réformation du jugement, demande à la Cour de débouter Madame DE X... de l'intégralité de ses demandes. Y... fait valoir que le Conseil des Prud'Hommes a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée et l'adage "non bis in idem" puisque le litige opposant Madame DE X... à son employeur a déjà été tranché par l'arrêt de la Cour d'Appel de Riom du 14 janvier 2003 et qu'en conséquence l'action de Madame DE X... est irrecevable. Y... précise que la clôture pour insuffisance d'actifs empêche la résurgence du droit d'exercer individuellement une action contre le débiteur et que la salariée ne saurait, en raison de cette clôture, bénéficier de la garantie de l'AGS. Y... ajoute que les formalités de publicité au BODACC prescrites par l'article 152 du décret du 27 décembre 1985 ont été régularisées le 19 septembre 2001, que cet article ne prévoit nullement une information individuelle des salariés s'agissant de la forclusion et que le Conseil des Prud'Hommes en rejetant la forclusion a commis une confusion entre les articles 152 et 78 du décret. Me BONARDI LEVASSEUR qui a déposé des conclusions en qualité de liquidateur de la société STEMM, précise, à l'audience, qu'elle intervient en
qualité de mandataire ad hoc de cette société. Elle demande: 1) de constater que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire qui a entraîné la radiation de la société STEMM du registre du commerce et de dire, en conséquence, que la procédure est entachée d'une irrégularité de fond par application de l'article 117 du nouveau code de procédure civile car dirigée contre un défendeur inexistant. 2) subsidiairement, de réformer le jugement et de déclarer Mme DE X... forclos en ses demandes. Elle fait valoir que l'état des créances a été publié le 27 juin 2001 et que Mme DE X... a saisi le conseil de prud'hommes trois mois après, soit après l'expiration du délai de deux mois imposé par l'article L 621-125 du code de commerce à peine de forclusion. Madame DE X... demande à la Cour de confirmer le jugement sauf à porter à 22000,00 ç le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui octroyer la somme de 1250,00 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle soutient que l'appel formé par le CGEA est irrecevable car intervenu hors délai. Elle estime que ses demandes sont recevables, le litige actuellement soumis à la Cour, ne concernant pas les mêmes parties que le précédent puisqu'il l'oppose à Maître BONARDI es qualité de mandataire ad hoc de la société STEMM. Elle ajoute que la Cour d'Appel dans son arrêt du 14 janvier 2003 n'a pas tranché dans son dispositif tout ou partie du principal puisqu'elle a simplement statué sur l'irrecevabilité de la demande de la salariée. Elle estime pouvoir agir après le jugement de clôture, sa créance née après l'ouverture de la procédure collective n'étant pas concernée par le principe de la non reprise des poursuites individuelles. Elle soutient que ni la société STEMM ni le liquidateur n'ont respecté la procédure prud'homale, en particulier l'article L122-14 du Code du
Travail et qu'en conséquence son licenciement est totalement irrégulier. Elle considère qu'aucune forclusion ne peut lui être opposée dans la mesure où elle demande réparation d'un préjudice causé par une irrégularité de fond ou de procédure de son licenciement. Elle souligne qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été réglées et qu'elle occupait un emploi ne correspondant nullement à sa classification. Elle soutient qu'aucune forclusion ne peut être opposée à ses demandes au titre des heures supplémentaires et du rappel de salaire dans la mesure où l'information individuelle de chaque salarié concernant d'une part, la nature et le montant des créances admises ou rejetées, d'autre part, la date du dépôt au greffe du relevé des créances et enfin le délai de forclusion de deux mois à compter de la publication dans un journal d'annonces légales n'a pas été délivrée. Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises. DISCUSSION Sur la recevabilité de l'appel La décision ayant été notifiée le12 décembre 2003, l'appel régularisé le 9 janvier 2004, estrecevable au regard du délai d'un mois prescrit par les articles 538 du Nouveau Code de Procédure Civile et R 517-7 du Code du Travail. Sur la régularité de la procédure Me BONARDI n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière au regard des dispositions de l'article 117 du nouveau code de procédure civile au motif qu'elle serait dirigée contre une personne inexistante. Le fait que la clôture de la procédure, publiée au BODACC le 19 septembre 2001, ait entraîné la radiation d'office de la société STEMM du Registre du Commerce et de Sociétés, ne peut rendre irrégulière la procédure engagée par Mme DE X... puisque la personnalité morale d'une société dissoute subsiste aussi longtemps que les droits et
obligations à caractère social ne sont pas liquidés. La désignation d'un administrateur ad'hoc ayant précisément eu pour objet de permettre, dans le cadre de la présente procédure, la représentation de cette société qui n'avait plus la capacité d'agir en justice, la procédure est régulière. Sur la recevabilité des demandes de Mme DE X... Z... l'adage "non bis in idem" ni l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 14 janvier 2003 ne peuvent être opposés à Mme DE X... dans la mesure où il a seulement été statué sur l'irrégularité de la procédure dirigée contre le liquidateur dont le mandat avait pris fin. Cette décision ne peut faire obstacle à l'examen de la demande au fond opposant la salariée au mandataire ad hoc de la société STEMM et au CGEA. Selon les dispositions de l'article L 622-32 du code de commerce, le jugement de clôture de la liquidation judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux créanciers dont la créance est née régulièrement après l'ouverture de la procédure collective. En l'espèce, la créance de Mme DE X... au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est née à la date du licenciement, le 18 janvier 1999, soit postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective. Mme DE X... est donc recevable à agir contre la société STEMM prise en la personne de Me BONARDI, en sa qualité de mandataire ad'hoc, pour voir fixer sa créance à ce titre. Par ailleurs, Mme DE X... ne peut se voir opposer la forclusion tirée du non respect du délai de deux mois prévu par l'article L 621-125 du code de commerce en ce qu'elle demande la réparation du préjudice causé par l'irrégularité de fond ou de procédure de son licenciement, cette action étant distincte de celle ouverte par l'article L 621-125. La créance invoquée au titre du rappel de salaire et des heures
supplémentaires, née du contrat de travail, a, quant à elle, une origine antérieure à la procédure collective. Elle devait faire l'objet de la procédure de vérification des créances dans les conditions de l'article L 621-125 du code de commerce qui prévoit que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé de créances peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité prescrite par ce texte. Cependant, le délai de forclusion de deux mois ne peut être opposé au salarié que si cette mesure de publicité a été régulièrement effectuée et, notamment, en application de l'article 78 du décret du 27 décembre 1985, si la créance en cause a donné lieu à une information individuelle au salarié concerné portant, d'une part, sur la nature et le montant des créances admises ou rejetées, d'autre part, sur la date du dépôt au greffe du relevé des créances et enfin sur l'existence et le point de départ du délai de forclusion. En l'espèce, il est versé aux débats plusieurs courriers adressés à Mme DE X... par le liquidateur de la société STEMM l'informant du règlement de différentes sommes, lui précisant que les relevés de créances salariales ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Marseille le 8 mars 1999 et lui rappelant qu'elle dispose d'un délai de deux mois à peine de forclusion pour saisir le conseil de prud'hommes à compter de la publication de l'avis de dépôt au greffe des relevés des créances dans un journal d'annonces légales. Y... convient de relever que ces courriers, qui ne sont pas datés, ne comportent pas la date à laquelle a eu lieu la publication des relevés des créances dans un journal d'annonces légales et, par conséquent, le point de départ du délai de forclusion. Cette forclusion ne peut donc être opposée à Mme DE X... Y... s'ensuit que, si Mme DE X... a perdu, en conséquence de la clôture de la
liquidation judiciaire intervenue avant la saisine du conseil de prud'hommes, le droit d'agir en paiement contre le débiteur relativement à cette créance, elle reste recevable à voir fixer cette dernière dès lors qu'elle n'est pas éteinte. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé la demande recevable. Sur le licenciement Y... résulte des éléments versés aux débats que le licenciement de Mme DE X... s'inscrit dans un cadre collectif concernant moins de 10 salariés. Y... s'ensuit que devaient être observées les dispositions de l'article L 122-14 du code du travail et que le licenciement ne pouvait intervenir qu'après convocation de l'intéressée à un entretien préalable. Or, il ne ressort pas de la lettre de licenciement ni d'aucune des pièces produites que cette formalité ait été respectée. Par ailleurs, l'article L 321-6 du code du travail prévoit que le salarié à qui est proposé une convention de conversion bénéficie d'un délai de quinze jours pour donner sa réponse et que ce délai court à compter de l'entretien préalable. En l'espèce, ce délai n'a pas été respecté puisque la lettre de licenciement du 18 janvier 1999 précise seulement qu'un formulaire d'adhésion est adressé à la salariée pour lui permettre de bénéficier d'une convention de conversion et qu'elle dispose d'un délai de réflexion de quinze jours expirant le 1er février 1999 à minuit. Enfin, la lettre de licenciement ne fait aucunement état d'une recherche de reclassement et ne précise pas que le reclassement ait été impossible, la seule référence à la cessation d'activité de l'entreprise ne pouvant dispenser l'employeur d'une telle recherche. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Compte tenu de l'ancienneté de la salariée et de son salaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de Mme DE X... à la somme de 12195, 92 ç, cette somme étant de nature à réparer le préjudice
subi du fait du licenciement. Sur le rappel de salaires Mme DE X... justifie avoir obtenu le certificat d'aptitude professionnelle "coiffure mixte" le 24 juin 1982 et le brevet professionnel le 27 juin 1984. Avant d'entrer au service de la société STEMM, elle avait une expérience professionnelle de 10 ans postérieure à l'obtention du diplôme. Par application des dispositions de la convention collective nationale de la coiffure, ces diplômes et son expérience permettaient l'application du coefficient 185 et l'attribution d'un salaire horaire de 47,72 F jusqu'au 1er janvier 1997 et de 48,52 F ensuite. La salariée est donc bien fondée à solliciter un rappel de salaire correspondant à la différence entre ce qu'elle a perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir, soit, compte tenu de la prescription quinquennale rendant sa demande irrecevable pour la période antérieure au mois de mai 1998, la somme de 2810,01 ç. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a admis la demande dans son principe mais infirmé en ce qui concerne le montant. Sur les heures supplémentaires Mme DE X... produit plusieurs attestations qui démontrent qu'elle travaillait entre 12 heures et 14 heures et qu'elle ne prenait pas la pause de 40 minutes à laquelle elle avait droit pour déjeuner. Elle est donc bien fondée à solliciter de fixer sa créance à ce titre à la somme de 5846,60 F, compte tenu de la prescription quinquennale, à laquelle s'ajoute la majoration de 25 % pour heures supplémentaires soit 1461,65 F et l'indemnité compensatrice de congés payés soit 730,82 F, ce qui représente une créance totale de 8039,07 F ou 1225,55 ç. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a admis la demande dans son principe mais infirmé en ce qui concerne le montant. Sur l'AGS L'article L 143-11-1 du code du travail dispose que la garantie du CGEA couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et
qu'elle s'applique aux créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire. Y... s'ensuit que la garantie s'applique aux indemnité dues à Mme DE X... du fait de son licenciement notifié le 18 janvier 1999, la liquidation judiciaire ayant été prononcée le 13 janvier précédent. Aux termes de l'article L 143-11-1, la garantie s'applique aussi aux sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et, en conséquence, aux sommes dues à Mme DE X... au titre du rappel de salaire et des heures supplémentaires. La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs n'a pas pour effet de faire disparaître cette garantie. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit qu'il est opposable au CGEA. Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile Y... n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens. PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement : En la forme, - Déclare l'appel recevable, Au fond, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives au rappel de salaires et aux heures supplémentaires et à l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Réformant sur ces points et statuant à nouveau, - Fixe la créance de Mme Gyslaine DE X... sur la société STEMM à la somme de 2810,01 ç au titre du rappel de salaires, - Fixe la créance de Mme Gyslaine DE X... sur la société STEMM à la somme de 1225,55 ç au titre des heures supplémentaires, - Déboute Mme Gyslaine DE X... de sa demande au titre de l'article 700 dunouveau code de procédure civile, - Dit que chacune des parties conservera les dépens qu'elle a exposés.