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04/09/2024 | FRANCE | N°21/07431

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 04 septembre 2024, 21/07431


5ème Chambre





ARRÊT N° 280



N° RG 21/07431 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SH4D



(Réf 1ère instance : 20/00796)









CRCAM D'ILLE-ET-VILAINE



C/



Mme [T] [I] veuve [W]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

As...

5ème Chambre

ARRÊT N° 280

N° RG 21/07431 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SH4D

(Réf 1ère instance : 20/00796)

CRCAM D'ILLE-ET-VILAINE

C/

Mme [T] [I] veuve [W]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et Madame Isabelle OMNES, lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Mai 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'ILLE ET VILAINE, société coopérative à capital variable,

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [T] [W], agissant tant en son nom qu'en qualité d'héritière de son défunt mari Monsieur [B] [W].

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent PETIT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

Le 2 janvier 1992, M. [B] [W] a souscrit auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (ci-après dénommée CRCAM d'Ille-et-Vilaine) un contrat d'assurance décès n° 01978845780 au profit de son épouse, Mme [T] [W].

Le 25 janvier 2018, M. [B] [W] a résilié son contrat d'assurance-décès avec effet au 3 avril 2018.

M. [B] [W] est décédé le [Date décès 6] 2019.

Ne parvenant pas à obtenir le versement du capital garanti, par acte du 24 janvier 2020, Mme [T] [W] a fait assigner la CRCAM d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal judiciaire de Rennes en nullité de l'acte de résiliation.

Par jugement en date du 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :

- débouté Mme [T] [W] de sa demande de nullité de l'acte de résiliation du 25 janvier 2018, relative au contrat d'assurance décès n° 01978845780 souscrit par M. [B] [W] auprès de la CRCAM d'Ille-et-Vilaine,

- dit que la CRCAM d'Ille-et-Vilaine a manqué à son obligation d'information et de conseil,

- condamné la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à payer à Mme [T] [W] la somme de 112 174,55 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2020,

- condamné la CRCAM d'Ille-et-Vilaine aux dépens,

- condamné la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à payer à Mme [T] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le 26 novembre 2021, la CRCAM d'Ille-et-Vilaine a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 29 mars 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit qu'elle a manqué à son obligation d'information et de conseil et l'a condamnée à payer à Mme [T] [W] la somme de 112 174,55 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2020, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

- confirmer le jugement pour le surplus,

En conséquence :

- débouter Mme [T] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- évaluer la perte de chance de ne pas résilier le contrat à 30 % maximum, et limiter en conséquence la condamnation à son encontre à la somme maximale de 35 423 euros,

En tout état de cause :

- condamner Mme [T] [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] [W] aux entiers dépens d'instance et d'appel, qui seront recouvrés par la société Bazille-Tessier-Preneux, avocats aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2024, Mme [T] [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à lui payer la somme de 3 000 euros de frais irrépétibles, ainsi que les dépens,

- réformer en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

Au principal :

- constater la nullité pour vice du consentement de l'acte de résiliation, en date du 25 janvier 2018, du contrat d'assurance décès-invalidité conclu le 2 janvier 1992 entre la banque et M. [B] [W],

- condamner la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à lui payer la somme de

118 078,47 euros au titre du capital décès arrêté à la date du décès de M. [B] [W], avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal judiciaire,

En premier subsidiaire :

- dire que la CRCAM d'Ille-et-Vilaine a manqué à son obligation d'information et de conseil lors des opérations de résiliation du contrat,

- condamner la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à lui payer la somme de

118 078,47 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, sauf application d'un coefficient de perte de chance,

En deuxième subsidiaire :

- constater la réalisation du risque invalidité chez M. [B] [W] à la date du 31 décembre 2017,

- condamner la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à lui payer comme venant aux droits de son mari défunt M. [B] [W], la somme de 115 774,56 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

En toute hypothèse :

- débouter la CRCAM d'Ille-et-Vilaine de toutes ses demandes,

- condamner la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la nullité de l'acte de résiliation pour vice du consentement

La CRCAM d'Ille-et-Vilaine indique que le premier juge a justement débouté Mme [W] de sa demande de nullité de l'acte de résiliation fondée sur l'existence de manoeuvres dolosives de sa part ayant entraîné l'erreur de son époux lors de la résiliation au visa de l'article 1130 du code civil. Elle soutient que la jurisprudence citée par Mme [W], appliquant les vices du consentement à une résiliation, n'est pas transposable en l'espèce en ce que la jurisprudence citée vise une résiliation amiable alors que l'acte de résiliation résulte d'une demande unilatérale de M. [W], celui-ci souhaitant clôturer tous les comptes ouverts auprès d'elle en raison d'un contentieux entre sa fille et son beau-fils et l'établissement bancaire. Elle ajoute que Mme [W] ne démontre pas l'existence d'une manoeuvre, d'un mensonge ou d'une dissimulation intentionnelle et que le fait d'affirmer que le préposé de la banque a voulu tromper son époux en lui présentant la résiliation parmi d'autres documents ne caractérise pas l'intention dolosive de la banque. Elle conteste le fait que la résiliation ait été faite à sa seule initiative sans demande de la part de M. [W]. Elle précise que M. [W] n'a pu être trompé par les termes de l'acte qu'il a signé, l'intitulé mentionnant clairement qu'il s'agit d'une demande de résiliation du contrat de prévoyance. Elle indique que M. [W] ne se trouvait pas dans l'incapacité de comprendre et de signer cet acte de résiliation dénué de toute ambiguïté.

Elle conteste également avoir commis la moindre réticence dolosive en exposant que Mme [W] ne démontre pas une quelconque dissimulation intentionnelle de sa part.

Enfin, elle réfute avoir induit en erreur M. [W] sur l'objet de la résiliation et fait valoir que l'erreur sur la valeur n'est pas une cause de nullité.

Mme [W] critique le jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande de nullité de la résiliation en invoquant une jurisprudence qui a annulé une résiliation d'un contrat pour dol par rétention d'information. Elle rétorque à l'appelante qui lui oppose que la résiliation visée dans cette jurisprudence résultait d'une résiliation amiable et donc d'un acte synallagmatique, que tous les actes juridiques, dès lors qu'ils manifestent un consentement, sont susceptibles d'être affectés par un vice du consentement et que les actes unilatéraux n'en sont pas exemptés.

Elle soutient que la résiliation faite lors du rendez-vous du 25 janvier 2018 au sein du bureau du conseiller clientèle encourt la nullité pour dol. Elle affirme que c'est à l'initiative du conseiller bancaire que M. [W] a signé la résiliation du contrat et qu'aucune demande préalable n'avait été faite en ce sens par M. [W] et aucune information préalable ne lui avait été donnée, ni avant le rendez-vous ni au cours de celui-ci. Elle conteste le fait d'avoir voulu résilier tous les comptes et placements détenus dans les livres de la banque. Elle considère que le fait d'avoir soumis à la signature de M. [W], sans demande ni information préalable de celui-ci, noyé au milieu d'autres documents, l'acte de résiliation constitue des manoeuvres dolosives ou à tout le moins un dol par rétention d'information. Elle ajoute que M. [W] n'avait aucun intérêt à signer cette résiliation, étant dans un état de santé très précaire et se sachant condamné à brève échéance.

A défaut de retenir la qualification de dol, elle demande de retenir l'erreur sur l'objet de la résiliation. Elle soutient que l'erreur ne porte pas sur le prix mais bien sur la substance des droits qu'il perdait par cette résiliation, M. [W] ignorant tout de l'objet du contrat auquel la banque lui faisait renoncer.

Aux termes des dispositions de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Le premier juge a justement rappelé que le consentement de la partie qui s'oblige est une condition d'appréciation de la validité d'une convention et que l'acte de résiliation du contrat n'emporte pas la conclusion d'un nouveau contrat avec de nouvelles obligations mais constitue un acte relatif à l'exécution du contrat entre les parties de sorte que le moyen tiré des manoeuvres dolosives, s'agissant de la résiliation d'un contrat, ne peut prospérer.

La jurisprudence invoquée par Mme [W] n'est pas transposable en l'espèce s'agissant d'une résiliation qui résultait d'un accord des parties soit d'un contrat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mme [W] ne peut pas, non plus, soutenir que son époux a été trompé par le préposé de la banque qui lui a fait signer cette résiliation parmi d'autres documents et que la banque était seule à l'initiative de cette résiliation alors que le document présenté à la signature de M. [W] mentionnait clairement son objet, à savoir la résiliation, les références du contrat et son intitulé (valeur prévoyance).

Mme [W] ne démontre pas l'existence d'un acte positif de la CRCAM d'Ille-et-Vilaine caractérisant des manoeuvres et le mensonge constituant un dol.

S'agissant de la rétention dolosive d'information, Mme [W] ne caractérise pas non plus le caractère intentionnel de la dissimulation d'information sur la prévention et l'information de la résiliation qu'elle invoque.

En ce qui concerne l'erreur, elle est définie par l'article 1136 du code civil comme l'erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité.

Mme [W] soutient que l'erreur portait sur la substance des droits que son époux perdait par cette résiliation puisqu'il ignorait tout de l'objet du contrat auquel il a renoncé mais il a été précédemment rappelé que l'acte de résiliation mentionnait clairement son objet. De plus, il est constant que la non-révélation de la valeur de la prestation d'un contractant à l'autre est exclu du domaine du dol.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de nullité de l'acte de résiliation du 25 janvier 2018 pour vice du consentement.

- Sur le manquement au devoir d'information et de conseil

La CRCAM d'Ille-et-Vilaine sollicite la réformation du jugement qui a considéré qu'elle avait manqué à son obligation d'information. Elle critique le premier juge qui a retenu que l'initiative de la résiliation n'avait pas été prise par l'assuré et que de ce fait, elle devait démontrer s'être acquittée de son obligation d'information. Elle soutient que c'est M. [W] qui lui a demandé de résilier le contrat litigieux tel que cela résulte des mentions de l'acte de résiliation qui a été dressé conformément à la demande de l'assuré.

Elle ajoute que les échanges antérieurs à la résiliation démontrent la volonté de M. [W] de rompre tous liens contractuels avec elle et elle rappelle les termes de l'assignation délivrée par Mme [W] en ce sens.

Elle considère que le mail du 18 janvier 2018 adressé par M. [W] à la banque qu'il interroge sur l'augmentation du montant de la cotisation du contrat Valeur Prévoyance litigieux démontre que M. [W] se souvenait de ce contrat et de son contenu et que ce contrat était dans la discussion lors du rendez-vous du 25 janvier 2018. Elle rappelle, à ce titre, qu'elle avait adressé un relevé annuel d'information de ce contrat le 4 décembre 2017 de sorte que M. [W] avait une information précise et récente de l'existence et de la valeur de ce contrat et ce d'autant que le montant des cotisations était conséquent, ce qui l'a amené à interroger la banque à ce sujet dans le mail précité. Elle ajoute que M. [W] ne se trouvait pas dans l'incapacité de comprendre et de prendre conscience de la portée de sa résiliation et que seul son état de santé physique était dégradé.

Elle ajoute qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information et rappelle que M. [W] était gérant de la société Entreprise [B] [W] depuis 1993 et qu'il avait une parfaite connaissance et de l'expérience dans les contrats d'assurance, l'ensemble du matériel qu'il exploitait devant être assuré, outre le fait qu'il avait également une bonne connaissance des produits d'épargne.

A titre subsidiaire, elle demande de voir réduire le pourcentage de perte de chance à 30% du montant du capital en arguant que le jugement aurait dû tenir compte de la perte de chance de ne pas résilier le contrat et non de la perte de chance de percevoir le capital. Elle ajoute qu'il doit être pris en compte qu'en l'absence de résiliation, M. [W] aurait réglé les cotisations du contrat jusqu'à son décès le [Date décès 6] 2019 représentant une somme de 6 149,58 euros qu'elle demande de déduire de l'indemnisation à verser. Elle soutient que cette demande n'est pas une demande de compensation du capital décès mais seulement un argument destiné à apprécier la perte de chance.

Mme [W] fait valoir que le devoir d'information et de conseil est un devoir général de tout banquier ou assureur et qu'il est exigé pendant toute la durée du contrat, y compris lors de la résiliation.

Elle expose que son mari n'a pas demandé la résiliation de son contrat par LRAR avec préavis de deux mois selon la procédure prévue par l'article L.113-12 du code des assurances mais que la résiliation a été obtenue par surprise et à l'initiative de l'assureur sans préavis. Elle indique que le devoir d'information était d'autant plus nécessaire que son mari avait un état de santé délabré et n'avait aucun intérêt à résilier cette assurance décès qu'il détenait depuis 26 ans outre le fait qu'il perdait la possibilité de souscrire un nouveau contrat d'assurance décès.

Elle fait valoir que le fait d'avoir adressé la lettre d'information annuelle ne prouve pas que son mari souhaitait résilier ce contrat. Au contraire, elle invoque un mail que les époux [W] ont adressé à la banque le 18 janvier 2018 dans lequel ils l'interrogent sur un prélèvement qui correspondait à une prime trimestrielle du contrat litigieux. Elle en déduit que son mari ne se souvenait pas du contrat litigieux et ce malgré la lettre du 4 décembre 2017 et relève que la banque ne justifie d'aucune réponse du conseiller à cette interrogation. Elle soutient que la banque a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de son mari et sa responsabilité délictuelle à son égard.

Elle expose que ce manquement au devoir d'information et de conseil consiste en une perte de chance, pour elle, de ne pas percevoir le capital décès qui lui était destiné en cas de non-résiliation du contrat. Elle argue qu'il ne lui parait pas opportun d'appliquer un coefficient de perte de chance puisque son époux n'aurait pas résilié le contrat mais s'en remet, néanmoins, à l'appréciation de la cour sur ce point. Elle considère que le taux de 30% n'est pas étayé par l'appelante.

Elle ajoute que la demande de compensation du capital décès avec les cotisations qui auraient continué à être prélevées par la banque jusqu'au décès si le contrat n'avait pas été résilié se heurte à la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances.

Aux termes des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est constant que l'obligation qui pèse sur l'assureur, à l'égard du candidat à l'assurance présente deux aspects complémentaires : le devoir d'information et le devoir de conseil. Ces devoirs commandent d'informer le candidat à l'assurance sur les caractéristiques et les risques des produits d'assurance qui sont proposés et sur leur adéquation à sa situation personnelle et à ses attentes. L'obligation de conseil peut fluctuer en fonction de paramètres tels que les renseignements fournis par le candidat, la connaissance personnelle qu'il a du risque à assurer ou des mécanismes de l'assurance, de ses besoins particuliers de couverture, ou de la précision, du caractère complémentaire et de la lisibilité des informations qui lui sont communiquées sur le produit d'assurance. Cette obligation d'information et de conseil persiste durant l'exécution du contrat, y compris lors de la résiliation. Dans ce cas, l'assureur peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il n'a pas attiré l'attention de l'assuré sur les conséquences de la résiliation si l'initiative n'a pas été prise par l'assuré.

La CRCAM d'Ille-et-Vilaine soutient que M. [W] a été à l'initiative de la résiliation du contrat Valeur Prévoyance en se fondant sur les termes de l'assignation délivrée par Mme [W]. Or les termes de cette assignation sont inopérants en ce qu'il importe de se replacer au moment précédant la résiliation pour apprécier l'intention des parties.

En l'occurrence, il résulte du mail adressé par les époux [W] le 18 janvier 2018 à l'établissement bancaire qu'ils n'ont pas entendu clôturer tous leurs placements et comptes ouverts au sein de l'établissement. Ce mail est ainsi rédigé : 'Bonjour M. [V],

Par la présente nous vous demandons ordres de vente :

des 2796 PS, comptes de M. et Mme [B] [W]

Egalement la vente des titres PEA de M. [W] ref 00428108672

En ce qui concerne le contrat Florige n°00428108790 au nom de M. [W], nous transmettre le relevé détaillé du contrat.

Veuillez transférer les sommes à percevoir sur le compte de M. et Mme 00428108000

Un prélèvement de 1 024,93 euros effectué le 09.01.18 merci de me redonner son attribution (une prime en débit')

Dans l'attente de votre confirmation de ventes, veuillez agréer, Monsieur, nos sincères salutations.'

Il résulte de ce mail que les époux [W] ont seulement souhaité vendre les parts sociales de leur compte commun et des titres détenus par M. [W] dans le cadre d'un PEA ainsi que le compte Florige. M. [W] n'a pas sollicité, au terme de ce mail, la résiliation du contrat Valeur Prévoyance de sorte que l'appelant ne peut affirmer que les époux [W] voulaient clore l'intégralité de leurs comptes et placements ouverts dans l'établissement.

La CRCAM d'Ille-et-Vilaine ne justifie pas que M. [W] aurait sollicité cette résiliation du contrat Valeur Prévoyance par un autre courrier ni lors du rendez-vous du 25 janvier 2018. La simple mention sur l'acte de résiliation qu'il fait suite à la demande de l'assuré est insuffisante, à elle seule, au vu du mail précité, à affirmer que M. [W] était à l'initiative de cette résiliation.

De plus, le fait que l'appelant ait adressé une lettre d'information annuelle le 4 décembre 2017 sur le contrat litigieux, dont Mme [W] ne conteste pas la réception, est sans incidence puisque quelques jours après, M. [W] interroge la banque sur l'attribution du prélèvement, ne se rappelant pas qu'il s'agissait de la prime trimestrielle du contrat Valeur Prévoyance. Mme [W] relève justement à ce titre que la banque ne justifie pas de la réponse du conseiller à M. [W] à son interrogation.

Par ailleurs, le fait que M. [W] ait été chef d'entreprise est sans incidence en l'espèce. Au contraire, il est justifié que bien qu'âgé de 67 ans, il présentait un état de santé mauvais et avait tout intérêt à conserver le contrat d'assurance décès dont la limite de garantie était de 75 ans et qu'il détenait depuis 26 ans, son médecin attestant qu'il était 'parfaitement conscient de son état de santé précaire et des risques de décès.

Le premier juge a, dans ces conditions, relevé à bon droit que la résiliation du contrat litigieux était hautement préjudiciable à M. [W] et aux bénéficiaires dont son épouse et qu'il revenait à la CRCAM d'Ille-et-Vilaine de l'informer des conséquences négatives de la résiliation, ce qu'elle n'a pas fait. Le jugement a considéré à bon droit que le manquement de la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à son obligation d'information était caractérisé.

S'agissant des conséquences de la résiliation, le jugement a justement relevé que le dommage consiste en la perte de chance de Mme [W] de percevoir le capital décès revalorisé à la date du décès de M. [W] représentant une somme de 118 078,47 euros et que cette perte de chance était très élevée à hauteur de 95%. L'appelante invoque un taux de perte de chance de 30% mais sans préciser la raison pour laquelle le taux retenu par le jugement serait trop élevé. La CRCAM d'Ille-et-Vilaine affirme qu'en l'absence de résiliation, M. [W] aurait du procéder au règlement des cotisations qui correspond à une somme de 6 149,58 euros qu'il convient de déduire de l'indemnisation à verser à Mme [W] mais elle ne produit aucune pièce de nature à justifier du montant de ces cotisations de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire cette somme.

Le jugement, qui a condamné la CRCAM d'Ille-et-Vilaine à verser à Mme [W] la somme de 112 174,55 euros (95% de 118 078,47 euros) et ce avec intérêts à compter de la date de l'assignation, sera confirmé. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires de Mme [W] relatives à la réalisation du risque invalidité et ses conséquences.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, la CRCAM d'Ille-et-Vilaine sera condamnée à verser à Mme [W] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine à verser à Mme [T] [W] née [I] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine aux entiers dépens d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/07431
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;21.07431 ?
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