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30/08/2024 | FRANCE | N°24/00408

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 30 août 2024, 24/00408


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/203

N° RG 24/00408 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VEPR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Caroline BRISSIAUD, conseiller à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée d

e Eric LOISELEUR, greffier placé lors des débats et de Julie FERTIL, greffier lors de la mise à disposition,



Statuant sur l'appel for...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/203

N° RG 24/00408 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VEPR

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Caroline BRISSIAUD, conseiller à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Eric LOISELEUR, greffier placé lors des débats et de Julie FERTIL, greffier lors de la mise à disposition,

Statuant sur l'appel formé le 30 Août 2024 à 09H08 par Monsieur le Préfet d'Ille et Vilaine :

M. [E] [T]

né le 22 Février 1993 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Olivier CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 29 Août 2024 à 15H11 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a constaté l'irrégularité de la procédure, dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [E] [T] et condamné M. Le Préfet d'Ille et Vilaine, es-qualité de représentant de l'État à payer à Me Olivier CHAUVEL la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet ;

En présence de M. [H] [O], attaché d'administration de l'Etat, membre du Pôle Régional Contentieux de la Préfecture d'Ille et Vilaine et de Mme [Z] [I], attaché d'administration de l'Etat, membre du Pôle Régional Contentieux de la Préfecture d'Ille et Vilaine, représentants le préfet d'Ille et Vilaine, munis d'un pouvoir,

Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 30 Août 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence de [E] [T], représenté par Me Olivier CHAUVEL, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 30 Août 2024 à 15 H 00 l'avocat et les représentants du préfet en leurs observations, M. [X] [Y], interprète en langue Arabe, ayant été convoqué pour les besoins de la procédure ;

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Monsieur [E] [T], né le 22 février 1993 à [Localité 1] au Maroc, de nationalité marocaine a fait l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour pendant un an prise le 5 novembre 2023 par le Préfet d'Ille-et-Vilaine qui lui a été notifiée le même jour.

Par arrêté du 25 août 2024 notifié le jour même à l'intéressé, le préfet d'Ille-et-Vilaine a placé Monsieur [E] [T] en rétention et ce dernier a été admis au centre de rétention administrative de [Localité 2] à compter du 25 août 2024 à 15heures10.

Par requête reçue le 28 août 2024 à 15heures 10, le préfet d'Ille-et-Vilaine a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention administrative de Monsieur [E] [T].

Par ordonnance du 29 août 2024 à 15 heures 11, le juge des libertés et de la détention a :

- constaté l'irrégularité de la procédure,

- dit n'y avoir lieu à prolongation du maintien de Monsieur [E] [T], dans des locaux non pénitentiaires,

- condamné M. Le Préfet d'Ille-et-Vilaine, es qualité de représentant de l'Etat, à payer à Me Olivier Chauvel, conseil de l'intéressé qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Pour statuer ainsi, le juge des libertés et de la détention a retenu que : '«. Au vu des dispositions de l'article L. 741-10 du CESEDA ci-dessus rappelées, il est constant que l'information ainsi délivrée à l'étranger sur son droit à un recours dans les suites du placement en rétention est erronée et est de nature à le priver de la possibilité d'exercer effectivement ce recours, le délai étant ramené de 4 jours à 48 heures, Cette erreur de notification a nécessairement porté grief à l'intéressé et ce d'autant qu'il est constaté que Monsieur [E] [T] n'a déposé aucun recours sans qu'il ne puisse être écarté que cette absence de recours soit liés à l'erreur de notification initiale.'

Le 30 août 2024 à 9heures08, le Préfet d'Ille-et-Vilaine a interjeté appel de cette ordonnance en contestant le fait que l'erreur dans la notification des délais de recours faite à M. [T] lui ait fait grief.

A l'audience du 30 août 2024 à 15 heures, la Préfecture d'Ille-et-Vilaine, répondant à l'irrecevabilité de la déclaration d'appel soulevée à titre liminaire par Me Chauvel, considère que la déclaration d'appel était incluse dans la délégation de signature versée aux débats.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

- qu'au vu des jurisprudences du conseil d'Etat et de la Cour de Cassation, la sanction de l'erreur de notification des délais des voies de recours ne peut être que l'inopposabilité desdits délais,

- que M. [T] aurait donc pu déposer un recours contre l'arrêté de placement en rétention au jour de l'audience devant le juge des libertés et de la détention voire même à l'audience de ce jour,

- qu'à la lecture de l'ordonnance déférée, on peut même se demander si sous couvert de nullité de la procédure, celui-ci n'a pas en réalité exercé son recours contre l'arrêté de placement en rétention en soulevant le défaut de notification de celui-ci,

- qu'en toutes hypothèses, M. [T] ne dit pas quels griefs ayant porté substantiellement atteinte à ses droits, il aurait pu soulever en l'espèce. La lecture de la procédure démontre qu'il n'avait en réalité aucun moyen pour contester utilement l'arrêté de placement.

Me Chauvel soulève à titre liminaire que la déclaration d'appel doit être signée par le préfet ou par un délégataire dûment habilité. Tel ne serait pas le cas en l'espèce dès lors que la délégation de signature, que le préfet avait toute latitude pour rédiger, ne vise pas l'acte de déclaration d'appel, qui est un acte juridique très précis, visé comme tel dans le CESEDA et qui ne peut être assimilée à une saisine, un mémoire ou une requête.

Le parquet général sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant qu'une jurisprudence constante de la Cour de Cassation juge qu'en cas d'absence de notification d'un délai de recours ou de notification d'un délai de recours erroné, la seule conséquence est qu'aucun délai n'est plus opposable à l'intéressé, sans entraîné la nullité de la décision notifiée (Civ 2è, 12 février 2004, Civ 3è 3 mars 2016 n°15-12.129).

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la déclaration d'appel

L'article R.743-11 du CESEDA dispose 'qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel(...)'

Il résulte de l'article 2 de l'arrêté portant délégation de signature à M. [D] en date du 9 octobre 2013, que celui-ci a délégation du préfet pour 'signer, dans le cadre des instances devant les juridictions de l'ordre adminsitratif et judiciaire, les saisines, les mémoires en défense et tous autres mémoires, les requêtes et toutes correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département d'Ille-et-Vilaine'.

Il résulte des articles 3 et 4 dudit arrêté qu'en cas d'absence combinée de M. [D] et de M. [O], la délégation de signature qui leur est dévolue serait notamment exercée par Mme [Z] [I].

En l'espèce, la préfecture d'Ille-et-Vilaine a transmis au greffe de la cour, dans le délai légal, une ' requête en appel de l'ordonnance de madame le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de rennes du 29 août 2024" signée par Mme [Z] [I].

Dans la mesure où la délégation de signature produite couvre toutes saisines ou toutes requêtes faites auprès de toutes les juridictions judiciaires et qu'aucune forme particulière n'est exigée par le texte précité pour la déclaration d'appel, rien ne s'oppose à ce que celle-ci revête comme en l'espèce , la forme d'une requête que Mme [I] avait donc pouvoir de signer.

Ce moyen d'irrecevabilité de la déclaration d'appel n'étant pas fondé, il sera rejeté.

Sur la régularité de la procédure

En l'espèce, l'article L. 741-10 du CESEDA dans sa rédaction issue de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 entrée en vigueur le 15 juillet 2024,' l'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention dans un délai de quatre jours à compter de sa notification'.

Il est constant au vu des pièces du dossier qu'à deux reprises, en raison de formulaires pré-imprimés qui n'ont pas été mis à jour, M. [T] s'est vu notifier un délai de recours de 48 heures alors qu'en réalité, il disposait de quatre jours à compter de sa notification pour exercer un recours, le cas échéant, contre l'arrêté de placement en rétention administrative.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge des libertés et de la détention a considéré que cette notification erronée avait fait grief à M. [T].

Il est en effet certain, que celui-ci aurait pu exercer un recours lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention sans que l'on puisse lui opposer une irrecevabilité liée à la tardiveté de son recours. Mais encore eut-il fallu que celui-ci soit informé de cette possibilité en temps utile.

Or, il est incontestable que ce dernier n'a pas été correctement informé de ce droit.

Cette information erroné a pu laisser penser à M. [T] qu'aucun recours n'était plus possible après l'écoulement du délai de 48 heures et il n'a pu redécouvrir l'existence de ce droit, que le jour de l'audience ce qui lui laissait peu de temps pour préparer utilement son recours.

En toutes hypothèses, il n'aurait pas pu bénéficier d'un délai de recours effectif d'une durée de 96 heures comme le prévoit la loi.

Par ailleurs, pour démontrer l'existence d'un grief, M. [T] ou son conseil n'ont pas à démontrer, a posteriori, quel moyens ils auraient utilement pu faire valoir contre l'arrêté de placement ainsi que les chances de succès de celui-ci.

Le grief existe du seul fait d' avoir privé M. [T] d'une information éclairée sur la possibilité qu'il avait d'introduire et de préparer un recours en bénéficiant d'un délai effectif de 4 jours.

L'ordonnance sera donc confirmée.

Sur les dépens et la demande au titre des frais irrépétibles

Il conviendra de laisser les dépens à la charge du trésor public.

Il y a lieu de faire partiellement droit à la demande formée par Me Chauvel en condamnant M. Le Préfet d'Ille-et-Vilaine, es qualité de représentant de l'Etat, à payer à Me Olivier Chauvel, conseil de l'intéressé qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

Nous, Caroline BRISSIAUD, conseillère déléguée par le premier président, assistée de Julie FERTIL, greffier, statuant publiquement et en dernier ressort,

Déclarons l'appel recevable ;

Rejetons le moyen tiré de l'irrecevabilité de la déclaration d'appel,

Confirmons l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Condamnons M. Le Préfet d'Ille-et-Vilaine, es qualité de représentant de l'Etat, à payer à Me Olivier Chauvel, conseil de l'intéressé qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.,

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Fait à Rennes, le 30 Août 2024 à 17H30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [E] [T], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00408
Date de la décision : 30/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-30;24.00408 ?
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