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13/08/2024 | FRANCE | N°24/00380

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 13 août 2024, 24/00380


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/186

N° RG 24/00380 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VDIW



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eri

c LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 12 Août 2024 à 17H04 par la CIMADE:



M. [U] [X]

né le 11 Juillet 2000 ...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/186

N° RG 24/00380 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VDIW

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Benoit LHUISSET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 12 Août 2024 à 17H04 par la CIMADE:

M. [U] [X]

né le 11 Juillet 2000 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Frédéric SALIN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 10 Août 2024 à 18H15 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les moyens d'irrégularité soulevés, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [X] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-six jours à compter du 11 Août 2024 à 24H00;

En l'absence de représentant du préfet de Loire Atlantique, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 13Août 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 12 Août 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [U] [X], assisté de Me Frédéric SALIN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique, par visioconférence, le 13 Août 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de M. [U] [S], interprète en langue Arabe, ayant préalablement prêté serment, l'avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 13 Août 2024 à 15H00, avons statué comme suit :

Monsieur [U] [X] a notamment été condamné par jugement en date du 11 avril 2023 à une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans, en répression de faits de vol avec violence.

Le préfet de Loire Atlantique a placé en rétention administrative le 7 août 2024, notifié le même jour, au centre de rétention administrative (CRA) de Rennes pour une durée de 4 jours, Monsieur [U] [X] du fait qu'il n'est pas en possession d'un document d'identité ou d'un titre de voyage, qu'il est sans garantie de représentation et ne possède pas de domicile fixe ;

Monsieur [U] [X] a introduit une requête à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative ;

Par requête motivée en date du 2 mai 2024, reçue le 9 août 2024 à 20h14 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de Loire Atlantique a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [U] [X].

Par ordonnance rendue le 10 août 2024, le juge des libertés et de la détention, a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [U] [X] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 août 2024 à 17h04, Monsieur [U] [X] a formé appel de cette ordonnance.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, les moyens suivants :

- le manquement aux règles de consultation du fichier FAED

- le défaut d'avis au procureur de la république de la mesure de placement en rétention administrative

Le procureur général, suivant avis écrit du 12 août 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.

Monsieur [U] [X] est présent à l'audience et n'a pas souhaité offrir de nouveaux éléments concernant sa situation. Son conseil a soutenu les moyens d'irrégularités de la procédure tels que pris dans le mémoire de l'appelant.

En réponse, le représentant de la Préfecture de Loire Atlantique, par mémoire en date du 13 août 2024, a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise en indiquant que le premier moyen soulevé n'était pas constitutif d'un grief.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions fixées par l'article L142-2 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [U] [X] soutient que la requête serait irrégulière en ce que la consultation du FAED, qui aura permis l'arrestation de l'intéressé a été formalisée par un agent de police judiciaire dont rien ne permet de vérifier l'habilitation effective, faute de précision sur ses références précises.

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

L'article L142-2 du CESEDA dispose qu'en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L821-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en 'uvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Sur ce sujet précis,1 il est encore rappelé que l'article 8 du décret n°87-249 du 8 avril 1987 dispose que :

' Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale. »

De plus, l'article 15-5 du code de procédure pénale dispose que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».

Enfin, il a été admis que la seule mention de cette habilitation en procédure suffisait à en établir la preuve (C.Cass Crim 03/04/24 n°23-85.513).

En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que le rapport d'identification dactyloscopique établi après consultation du FAED, supporte le nom du fonctionnaire de police, Mme [F], qui a procédé à la consultation dudit fichier. Il convient également de relever que ledit document porte expressément la mention de la signalisation de cet enquêteur par sa hiérarchie pour ce qui concerne la consultation du fichier utilisé.

Par suite, aucun élément extérieur ne permet de remettre en cause les mentions de cette pièce, qui fait donc foi au regard des exigences textuelles et jurisprudentielles précitées.

En conséquence, la consultation du fichier FAED doit être jugée parfaitement régulière et le moyen sera rejeté comme étant inopérant.

Sur le moyen tiré du non-respect des conditions de l'article L741-8 du CESEDA :

Le conseil de Monsieur [U] [X] soutient que le procureur de la république n'aurait pas été régulièrement averti du placement en rétention administrative de l'intéressé dès lors que les documents produits évoquent le « maintien » et non le placement en rétention de l'appelant, de même que par le fait que le délai lié à ce placement initial se rapporterait à l'ancienne législation et non aux dispositions les plus récentes.

L'article L741-8 du CESEDA dispose que le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'avis donné au procureur de la république par voie de mails le 7 août 2024 à 9h57 et 9h58, rappelle en objet qu'il porte l'information du maintien en mesure de rétention administrative de Monsieur [U] [X]. Pour autant, ces mails sont accompagnés d'un courrier soulignant le transfert de Monsieur [U] [X], à sa sortie de détention le même jour, vers un centre de rétention administrative, outre l'information d'une transmission sans délai, par télécopie, d'une copie de la décision de placement en rétention administrative de l'appelant.

Ce faisant, cet avis ne comporte aucun caractère d'incertitude sur la date et le moment de mise en 'uvre du dispositif de rétention, au vu des informations fournies et alors que la décision administrative elle-même a été adressée à l'autorité judiciaire, de sorte que l'information s'est faite conformément aux prescriptions imposées.

En outre, il convient de rappeler que si le procureur de la république doit être avisé de la mesure, rien n'exige de formuler dans cette transmission une référence aux délais concernés par cette mesure, de sorte que le caractère erroné de la durée initiale de rétention donnée dans les courriels précités est parfaitement indifférente et ne saurait supporter le moindre grief complémentaire.

Se faisant, l'avis a bien été donné sans retard à l'autorité judiciaire et qu'il ne résulte pas de cette situation un grief pour Monsieur [U] [X], ses droits en la matière ayant été respectés.

La cour considère donc qu'il convient de rejeter ce moyen comme étant inopérant.

Sur le fond :

Monsieur [U] [X] n'est porteur d'aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité. Il n'a pas de domicile stable et ne justifie d'aucune forme d'installation pérenne et régulière sur le territoire national alors qu'il s'est déjà soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement du territoire. Il ne dispose d'aucune relation familiale en France. Il n'est pas inséré sur le plan professionnel.

Il est, de ce fait, dépourvu de toutes garanties sérieuses de représentation et dans ces circonstances, la mesure d'éloignement est de nature à assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national délivrée contre l'intéressé et ce, alors qu'il a déjà fait usage de plusieurs identités alternatives.

Enfin, en conformité avec les dispositions de l'article L.741-3 et L.751-9 du CESEDA, cette prolongation est strictement motivée par la reconnaissance d'une citoyenneté et l'éventualité d'un rendez-vous consulaire auprès des autorités marocaines ou tunisiennes, l'attitude de Monsieur [U] [X] consistant à refuser de collaborer aux démarches destinées à établir sa nationalité avec certitude et conduisant à devoir multiplier les entreprises auprès de pays tiers, dont la concrétisation n'a pu être raisonnablement opérée durant la période initiale de rétention.

En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 11 août 2024, pour une période d'un délai maximum de vingt-six jours dans des locaux non pénitentiaires.

La décision dont appel est donc confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 10 août 2024,

Rappelons à Monsieur [U] [X] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Fait à Rennes, le 13 Août 2024 à 15H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [U] [X], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00380
Date de la décision : 13/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-13;24.00380 ?
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