COUR D'APPEL DE RENNES
N° 24/140
N° RG 24/00322 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VAKH
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Véronique CADORET, Présidente de chambre à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211- 12-4 du code de la santé publique, assisté de Julie FERTIL, greffière,
Statuant sur l'appel formé le 18 Juillet 2024 par :
M. [V] [X]
né le 01 Avril 1977 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
actuellement hospitalisé au l' EPSM [3]
ayant pour avocat Me Elodie BRAULT, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 17 Juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention de VANNES qui a rejeté sa requête tendant à sa demande de mainlevée de soins psychiatriques sans consentement ;
En l'absence de [V] [X], régulièrement avisé de la date de l'audience, représenté par Me Elodie BRAULT, avocat
En l'absence du mandataire judiciaire à la protection des majeurs, l'UDAF du Morbihan, régulièrement avisé,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 18 juillet 2024, lequel a été mis à disposition des parties,
En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé, qui a adressé un certificat de situation du 23 juillet 2024, lequel a été mis à disposition des parties,
Après avoir entendu en audience publique le 25 Juillet 2024 à 11 H 00 l'avocat de l'appelant en ses observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
M. [V] [X] a fait l'objet, par le directeur du Centre Hospitalier de [Localité 2] le 25 août 2022, d'une décision d'admission initiale en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète puis a été admis à nouveau en hospitalisation complète sur décision d'admission transfert à l'Etablissement public de santé mentale [3] le 23 septembre 2022.
Par décisions successives, le directeur de l'EPSM [3] a maintenu les soins psychiatriques de M. [V] [X] sous la forme d'une hospitalisation complète.
En dernier lieu, par ordonnance en date du 05 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes, sur saisine du directeur de l'établissement hospitalier, a maintenu la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet M. [V] [X].
Le 28 juin 2024, le directeur de l'établissement hospitalier a maintenu à nouveau M. [V] [X] en hospitalisation complète.
Sur demande de mainlevée de M. [V] [X] le 09 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes a statué à nouveau le 17 juillet 2024 et, aux termes de son ordonnance, a maintenu la mesure d'hospitalisation complète.
M. [V] [X] a interjeté appel de cette ordonnance par un courriel transmis à la cour d'appel le 18 juillet 2024 à 14h46.
A l'audience s'étant tenue à hauteur d'appel, représenté par son conseil, M. [V] [X] sollicite l'infirmation de la décision déférée.
Il fait valoir, d'une part une irrégularité de la procédure pour défaut de production des pièces utiles et spécialement 'des certificats mensuels, décisions de maintien et les dernières décisions du juge des libertés et de la détention', un défaut de communication des pièces en temps utile, un défaut d'information de la commission départementale des soins psychiatriques, un défaut d'avis du collège et une impossibilité de vérification de la date de notification de la décision de maintien du 28 juin 2024, le document de notification étant daté du 27 juin 2024, et dès lors de vérification de la date de prise de connaissance par le patient de ses droits.
Le président d'audience, rappelant la transmission par l'établissement hospitalier, sur demande du greffe de la cour, d'une précédente décision du juge des libertés et de la détention en date du 05 juin 2024 ayant ordonné la maintien de la mesure, invite le conseil de l'appelant à faire toutes observations sur la recevabilité d'éventuelles irrégularités en ce qu'elles seraient antérieures à l'audience à l'issue de laquelle il a été statué par ordonnance du 05 juin 2024.
L'UDAF du Morbihan, maintenue en qualité de curateur de M. [V] [X] pour l'assister dans la gestion de ses biens, avec les pouvoirs renforcés définis à l'article 472 du code civil, et dans les décisions concernant sa personne sa personne, dans le cadre d'une mesure de curatelle renforcée renouvelée par décision du juge des tutelles de Vannes en date du 08 avril 2024, n'a pas comparu.
Le ministère public a transmis, le 18 juillet 2024, un avis aux termes duquel il sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes de l'article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance.
Selon l'article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
En l'espèce, M. [V] [X] a formé le 18 juillet 2024 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes en date du 17 juillet 2024.
Cet appel, régulier en la forme, sera donc déclaré recevable.
Sur la régularité de la procédure
Aux termes de l'article L. 3216-1 du Code de la Santé publique, la régularité des décisions administratives peut être contestée devant le juge des libertés et de la détention, et en cas d'irrégularité, celle-ci n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
La saisine du juge des libertés et de la détention prévue par l'article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique doit être accompagnée des avis et pièces tel que prévu par les articles R. 3211-12, -24 et -26 du même code afin de permettre au juge judiciaire de contrôler la régularité des décisions administratives et le cas échéant de statuer sur leur contestation.
- Sur la recevabilité des irrégularités
La décision, par laquelle le juge des libertés et de la détention ordonne la poursuite de la mesure, valide la procédure antérieure, de sorte qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office aucune irrégularité, antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge s'est prononcé, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge.
En l'espèce, statuant sur appel de la décision du juge des libertés et de la détention ayant statué par ordonnance du 17 juillet 2024 sur une demande de main-levée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement dont fait l'objet M. [V] [X], la cour n'a pas plus de pouvoir que le juge ayant pris l'ordonnance présentement contestée.
Or, la décision initiale de placement de M. [V] [X] en hospitalisation complète sans consentement, prononcée en 2022, a été suivie de divers avis médicaux, décisions de l'établissement hospitalier ordonnant le maintien de la mesure et décisions judiciaires statuant sur la régularité et le bien fondé de cette même mesure, dans le cadre de contrôles obligatoires périodiques ou de contrôles sur demandes de main-levée du patient.
En dernier lieu, par ordonnance en date du 05 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes, sur saisine du directeur de l'établissement hospitalier, a maintenu la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet M. [V] [X].
Aussi, en raison du mécanisme de 'purge' des irrégularités consacré dans le présent contentieux, sera constatée l'irrecevabilité d'éventuelles irrégularités de la procédure de placement ou de maintien du placement de M. [V] [X] en hospitalisation complète sans consentement, en ce qu'elles sont antérieures à l'audience du 04 juin 2024 à l'issue de laquelle il a été statué par ordonnance du 05 juin 2024.
- Sur le défaut de production des pièces utiles et sur le défaut de communication des pièces en temps utile
Le conseil de M. [V] [X] soulève le défaut 'des certificats mensuels, décisions de maintien et dernières décisions du juge des libertés et de la détention'.
Or, sur demande de la cour, a été transmise avant l'audience la décision du juge des libertés et de la détention ayant, en dernier lieu, exercé un contrôle semestriel obligatoire sur la régularité et le bien fondé du maintien de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement dont fait l'objet M. [V] [X].
Le caractère irrévocable de cette décision n'est pas contesté et elle purge la procédure de ses éventuelles irrégularités antérieures au 04 juin 2024, de sorte qu'il ne peut être fait grief au centre hospitalier de n'avoir pas transmis toutes les décisions, admnistraitives ou judiciaires, et tous les certificats antérieurs.
Ont par ailleurs été transmis, par le centre hospitalier, la décision de M. Le directeur de l'EPSM [3] en date du 28 juin 2024 portant maintien de M. [V] [X] en soins psychiatriques du 28 juin au 28 juillet 2024, sous la forme d'une hospitalisation complète, ainsi que le certificat établi à la même date par le Docteur [W], psychiatre de l'établissement d'accueil, sur lequel cette décision s'est appuyée, outre l'ordonnance déférée et prononcée sur une demande de main-levée du patient intervenue le 09 juillet 2024 soit dans les jours suivants le certificat mensuel du 28 juin 2024.
Aussi et sous réserve de l'examen ci-après des autres moyens ci-avant listés, il ne peut être retenu le défaut'des certificats mensuels, décisions de maintien et dernières décisions du juge des libertés et de la détention', soutenu par M. [V] [X].
Quant à l'absence de communication des pièces par le centre hospitalier dans le délai de 5 jours imparti à l'article R 3211-27 du Code de la santé publique, il n'est pas justifié par l'appelant du grief étant résultant pour lui d'une transmission de certaines pièces au-delà de ce délai. Il convient notamment de relever que, jusqu'aux toutes dernières heures ayant précédé l'audience, le conseil de M. [V] [X] a pu adapter ses conclusions, au vu des dernières pièces adverses, et les transmettre ainsi que soutenir à l'audience le dernier état de ses demandes et moyens, le tout en temps utile.
Aussi, ces moyens seront écartés.
- Sur l'impossibilité de vérifier la date de notification de la décision de maintien du 28 juin 2024 et la connaissance par le patient de ses droits
Le 28 juin 2024, le directeur de l'établissement hospitalier a maintenu M. [V] [X] en hospitalisation complète.
Le document de notification de cette décision à M. [V] [X] est daté, sous le nom du patient et au-dessus de sa signature, du 27 juin 2024, soit la veille de la date de ladite décision. Ceci, relevant manifestement d'une erreur purement matérielle, ne permet certes pas une vérification effective des conditions et spécialement du jour de la notification au patient de la décision dont s'agit du 28 juin 2024.
Toutefois M. [V] [X], qui notamment a pu solliciter la main-levée de la mesure le 09 juillet 2024 devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes, lequel a statué par l'ordonnance déférée du 17 juillet 2024, ne justifie pas d'un grief résultant de cette erreur de date.
Ce moyen sera donc rejeté comme étant inopérant.
- Sur le défaut d'avis du collège
Il résulte de l'article L 3211-9 du Code de la santé publique que, pour l'application du II des articles L 3211-12 et L 3211-12-1 et des articles L 3212-7, L 3213-1, L 3213-3 et L 3213-8, le directeur de l'établissement d'accueil du patient convoque un collège composé de trois membres appartenant au personnel de l'établissement.
Ainsi, en cas d'admission du patient résultant d'une décision prise par le directeur de l'établissement de santé, il résulte de l'article 3212-7 du Code de la santé publique que, lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L 3211-9. Cette évaluation est renouvelable tous les ans. Ce collège recueille l'avis du patient. En cas d'impossibilité d'examiner le patient à l'échéance en raison de son absence, attestée par le collège, l'évaluation et le recueil de son avis sont réalisés dès que possible.
Le défaut de production d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés à cet article entraîne la levée de la mesure de soins.
Les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévus à cet article et à l'article L. 3211-11 sont adressés sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L.3222-5.
En l'espèce, M. [V] [X] a fait l'objet, par le directeur du Centre Hospitalier de [Localité 2] le 25 août 2022, d'une décision d'admission initiale en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète puis a été admis à nouveau en hospitalisation complète sur décision d'admission transfert à l'Etablissement public de santé mentale [3] le 23 septembre 2022.
Aussi, si une période continue de plus d'une année s'est écoulée à compter de son admission en soins, subordonnant le maintien de ces soins à une évaluation médicale approfondie réalisée par le collège mentionné à l'article précité L 3211-9, cet avis du collège s'est imposé sur une période bien antérieure antérieure au 04 juin 2024, date de l'audience à l'issue de laquelle s'est prononcée le juge des libertés et de la détention dans son dernier contrôle obligatoire, par une ordonnance devenue irrévocable. Entre cette date du 04 juin 2024 et ce jour, l'échéance d'une nouvelle période continue de plus d'une année n'est pas acquise.
Aussi, l'on peut comprendre qu'un nouvel du collège n'ait pas été encore réuni ni son avis émis et, quant au premier avis ayant fait suite à la première période continue d'une année depuis l'admission de M. [V] [X], il relevait d'un contrôle précédemment réalisé par des décisions devenues irrévocables.
Ce moyen sera dès lors écarté.
- Sur le défaut d'information de la commission départementale des soins psychiatriques
Il résulte de l'article L.3222-5 du Code de la santé publique que, dans chaque département, une commission départementale des soins psychiatriques est chargée d'examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre I du Livre II ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes.
Ses attributions sont listées à l'article L 3223-1 dudit code qui notamment prévoit que 'la commission (départementale des soins psychiatriques) (...) est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d'admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins'.
En application de l'article L .3212-7 dudit code, en son dernier alinéa, les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévues à cet article et à l'article L. 3211-11 sont adressés 'sans délai' par le directeur de l'établissement d'accueil à la commission départementale précitée.
Compte tenu des prérogatives offertes à la commission départementale des soins psychiatriques, qui notamment peut proposer au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du ressort duquel se situe l'établissement d'accueil du patient d'ordonner, dans les conditions définies à l'article L.3211-12 du code, la levée de la mesure en soins psychiatriques dont cette personne fait l'objet, l'absence de notification d'une décision d'admission fait nécessairement grief au patient.
En l'espèce, postérieurement au 04 juin 2024, soit par décision en date du 28 juin 2024, le directeur de l'établissement hospitalier a maintenu M. [V] [X] en hospitalisation complète.
Cette décision porte mention, en son article 4, qu'un avis de la décision sera adressé notamment à la commission précitée.
Toutefois il ne ressort d'aucune pièce de la procédure, telle que transmise par le centre hospitalier, qu'une copie de la décision du 28 juin 2024 ayant, postérieurement au dernier contrôle obligatoire du juge des libertés et de la détention, décidé du maintien de M. [V] [X] en hospitalisation complète sans son consentement pour une nouvelle durée d'un mois, a bien été adressée à la commission départementale des soins psychiatriques.
Le moyen doit être retenu et la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète de M. [V] [X] sera ordonnée.
Toutefois, cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi et la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité.
- Sur les dépens
Les dépens d'appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Véronique Cadoret, présidente de chambre, statuant publiquement, en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
DÉCLARONS M.[V] [X] recevable en son appel ;
CONSTATONS l'irrecevabilité d'éventuelles irrégularités de la procédure de placement ou de maintien du placement de M. [V] [X] en hospitalisation complète sans consentement, en ce qu'elles sont antérieures au 04 juin 2024 ;
INFIRMONS l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARONS la procédure irrégulière,
ORDONNONS la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l'hospitalisation complète, dont fait l'objet M. [V] [X] sur décision de maintien de ladite hospitalisation prise par M. Le directeur de l'EPSM [3] le 28 juin 2024 ;
DISONS toutefois que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures à compter du prononcé de la présente ordonnance, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi, et que la mesure d'hospitalisation complète prendra fin dès l'établissement de ce programme de soins ou au plus tard à l'issue du délai précité ;
LAISSONS les dépens d'appel à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 26 Juillet 2024 à 14h
LE GREFFIER PAR DELEGATION, Véronique CADORET, Présidente de chambre
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [V] [X] , à son avocat, au CH et curateur-tuteur
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD
Le greffier