4ème Chambre
ARRÊT N° 169
N° RG 23/01535
N° Portalis DBVL-V-B7H-TSZD
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Avril 2024, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 27 Juin 2024, prorogée au 25 Juillet 2024
****
APPELANTS :
Monsieur [M] [G]
né le 03 Mars 1973 à [Localité 9]
[Adresse 1] [Localité 2]
Représenté par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Madame [J] [N] épouse [G]
née le 27 Mars 1973 à [Localité 8]
[Adresse 1] [Localité 2]
Représentée par Me Dominique LEYER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉES :
S.A. SMA
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.S. ABGRALL-DELANOE
Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège et exerçant à l'enseigne ORIANCE
[Adresse 10] [Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel CUIEC de la SCP CUIEC, Plaidant, avocat au barreau de BREST
Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société L'AUXILIAIRE
Société d'assurance à forme mutuelle, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4] [Localité 5]
Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
aux lieu et place de Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Exposé du litige :
Suivant acte authentique du 3 avril 2017, M. [M] [G] et Mme [J] [N] épouse [G] ont acquis un appartement T6 dans un immeuble soumis au régime de la copropriété situé [Adresse 1] à [Localité 2].
Avant de prendre possession des lieux le 7 décembre 2017 et suivant devis du 30 mai 2017, M. et Mme [G] ont confié à la société Abgrall-Delanoë, la fourniture et la pose d'une baie vitrée aluminium comportant trois vantaux coulissants, pour un coût de 4 359,26 euros TTC.
Après la réalisation des travaux, les époux [G] se sont plaints d'infiltrations d'eau dans les angles bas du châssis et d'imprégnation d'eau de la plaque de plâtre contiguë au dormant.
Les interventions de la société Abgrall-Delanoë et notamment le changement de la baie en mai 2018 n'ont pas permis de solutionner les désordres.
Par ordonnance du 5 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a fait droit à la demande d'expertise judiciaire présentée par les époux [G].
L'expert, Mme [B], a déposé son rapport le 28 février 2020.
Par actes d'huissier des 12 et 15 janvier 2021, M. et Mme [G] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Brest la société Abgrall-Delanoë, ainsi que la société L'Auxiliaire, en qualité d'assureur décennal de la société Abgrall-Delanoë en indemnisation de ses préjudices.
Par acte d'huissier du 12 août 2021, la société Abgrall-Delanoë a fait assigner en garantie la société SMA Courtage, devenue SMA, son assureur.
Par un jugement en date du 17 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Brest a :
- dit n'y avoir lieu à rejeter les écritures signifiées par M. et Mme [G] le 9 février 2022 ;
- fixé la réception de l'ouvrage réalisé par la société Abgrall-Delanoë au 7 décembre 2017, avec réserves tenant aux finitions intérieures et extérieures et à la présence de griffures sur la menuiserie alu ;
- rejeté les demandes de M. et Mme [G] fondées sur l'article 1231-1 du code civil
- condamné M. et Mme [G] à payer la société L'Auxiliaire la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné M. et Mme [G] aux dépens ;
- condamné M. et Mme [G] à supporter un tiers du coût de l'expertise ;
- condamné la société Abgrall-Delanoë à supporter un tiers du coût de la mesure d'expertise ;
- condamné la société SMA à supporter un tiers du coût de l'expertise ;
- rejeté le surplus des demandes.
M. et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Rennes le 13 mars 2023, intimant la société SMA, la société Abgrall-Delanoë et la société L'Auxiliaire.
Dans leurs dernières conclusions en date du 7 juin 2023, M. et Mme [G] au visa des articles 1792 et suivants du code civil, demandent à la cour de :
- réformer le jugement dont appel
A tire principal,
- déclarer la demande des époux [G] recevable et bien fondée ;
En conséquence,
- juger que les désordres affectant l'ouvrage rendent l'appartement de M. et Mme [G] impropre à son usage ;
- juger que la société Abgrall-Delanoë a engagé sa responsabilité décennale ;
- condamner en conséquence la société Abgrall-Delanoë in solidum avec la société SMA à payer aux époux [G] :
- la somme de la somme de 14 155,79 euros au titre des travaux de reprise, ladite somme étant indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction en prenant en compte comme indice de référence les dates des devis retenus par l'expert ;
- la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice de jouissance, somme à parfaire au jour où la décision à intervenir sera définitive ;
- la somme de 1 383,70 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation des divers préjudices matériels ;
Subsidiairement,
-juger que les travaux réalisés par la société Abgrall-Delanoë n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art, de sorte que cette société a commis une faute dans l'exécution du contrat passé avec les demandeurs ;
- condamner solidairement la société Abgrall-Delanoë et la société L'Auxiliaire à payer aux époux [G] :
- la somme de la somme de 14 155,79 euros au titre des travaux de reprise, ladite somme étant indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction en prenant en compte comme indice de référence les dates des devis retenus par l'expert ;
- la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de leur préjudice de jouissance, somme à parfaire au jour où la décision à intervenir sera définitive ;
- la somme de 1 383,70 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation des divers préjudices matériels ;
En tout état de cause,
- condamner la société Abgrall-Delanoë à verser la somme de 6 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Abgrall-Delanoë aux entiers dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire et les frais d'huissier dont distraction au profit de Me Dominique Leyer.
Les appelants font valoir à titre liminaire que la société Abgrall-Delanoë ne peut soutenir que les désordres ont une cause extérieure à ses travaux en raison d'une maçonnerie en mauvais état présentant des fissures infiltrantes anciennes qu'il ne lui a pas été demandé de réparer. Ils relèvent que la société ne reprend pas l'intégralité des conclusions de l'expert qui a considéré que la fissure du muret n'est pas la cause des infiltrations, qu'elle est le passage préférentiel de l'eau qui s'infiltre par le dessus et que la société qui a pu constater ce défaut avant la pose de la menuiserie aurait dû réparer le seuil fissuré et proposé ces travaux supplémentaires avant de poser la menuiserie et non poser une cornière d'habillage en PVC.
A titre principal, les maîtres d'ouvrage recherchent la responsabilité décennale de la société Abgrall-Delanoë. Ils soutiennent avoir tacitement réceptionné les travaux par la prise de possession des lieux le 7 décembre 2017, que les infiltrations n'ont été constatées qu'à compter du 9 décembre suivant dès le premier épisode de pluie. Ils estiment que le désordre présente une nature décennale et sollicitent l'indemnisation des travaux de reprise telle qu'évaluée par l'expert à 13327,45€ TTC en y ajoutant la somme de 828,34€ pour les travaux muraux visés dans sa note 4.
Ils invoquent un préjudice de jouissance important lié au fait de vivre dans un environnement dégradé, également pendant l'expertise du fait de la dépose du doublage et à l'anxiété lors d'épisodes de fortes pluies et demandent l'indemnisation des équipements qu'ils ont dû acquérir pour récupérer l'eau et le montant de l'acompte versé à la commande de la première fenêtre.
Subsidiairement, en l'absence de réception tacite, ils invoquent la responsabilité contractuelle de la société Abgrall-Delanoë fondée sur son obligation de résultat et relèvent que les désordres mettent en évidence qu'elle n'est pas remplie.
Dans ses dernières conclusions en date du 6 septembre 2023, la société SMA demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes formulées par M. et Mme [G] à l'encontre de la SMA ;
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 17 novembre 2022 en ce qu'il a :
- fixé la réception de l'ouvrage réalisé par la société Abgrall-Delanoë au 7 décembre 2017, avec réserves, tenant aux finitions intérieures et extérieures et à la présence de griffures sur la menuiserie alu ;
- condamné la société SMA anciennement SMA Courtage à supporter un tiers du coût de la mesure d'expertise ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- débouter M. et Mme [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à l'encontre de la SMA ;
- débouter la société Abgrall-Delanoë de toutes ses demandes, fins et conclusions présentées à l'encontre de la SMA ;
Subsidiairement,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 17 novembre 2022 en ce qu'il a :
- fixé la réception de l'ouvrage réalisé par la société Abgrall-Delanoë au 7 décembre 2017, avec réserves, tenant aux finitions intérieures et extérieures et à la présence de griffures sur la menuiserie alu ;
- condamné la société SMA anciennement SMA Courtage à supporter un tiers du coût de la mesure d'expertise ;
- rejeté le surplus des demandes ;
Par conséquent,
- débouter M. et Mme [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions présentées à l'encontre de la SMA ;
- débouter la société Abgrall-Delanoë de toutes ses demandes, fins et conclusions présentées à l'encontre de la SMA ;
Très subsidiairement,
- limiter le montant de l'indemnisation pouvant être octroyée au titre des travaux réparatoires à hauteur de 6 592,06 euros ;
- débouter M. et Mme [G] de leur demande présentée à l'encontre de la SMA au titre du préjudice de jouissance ;
- débouter la société Abgrall-Delanoë de sa demande de garantie présentée à l'encontre de la SMA au titre du préjudice de jouissance ;
- débouter M. et Mme [G] de leur demande présentée à l'encontre de la SMA au titre de leurs « préjudices divers » ;
- constater l'opposabilité de la franchise de la société Abgrall-Delanoë et déduire ainsi la franchise applicable des éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société SMA dans les intérêts de M. et Mme [G] ;
En toutes hypothèses,
- condamner M. et Mme [G], ou toute partie succombant, à payer à la société SMA une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;
- débouter la société Abgrall-Delanoë de sa demande de condamnation formulée à l'encontre de la société SMA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. et Mme [G], ou toute partie succombant, aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise judiciaire.
A titre principal, la société SMA se fondant sur les dispositions de l'article 563 du code de procédure civile soutient que les appelants ne peuvent se prévaloir du fondement décennal de la responsabilité de la société auquel ils avaient expressément renoncé en première instance au profit d'un fondement contractuel au motif que les travaux n'avaient pas été réceptionnés. Elle en déduit que la demande en appel sur le fondement décennal est irrecevable.
Elle ajoute qu'en première instance, M et Mme [G] n'avaient présenté aucune demande à son encontre, de sorte que leur demande de garantie en appel est irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile.
Subsidiairement, elle soutient ne pas devoir sa garantie en qualité d'assureur décennal de la société Abgrall-Delanoë jusqu'au 31 décembre 2017, en l'absence de réception des travaux. Elle estime qu'aucune réception tacite ne peut être constatée, en l'absence de volonté dépourvue d'équivoque des appelants de les accepter. Elle relève que la prise de possession seule ne suffit pas à démontrer la réception tacite.
Elle ajoute que la réception judiciaire suppose que l'ouvrage soit en état d'être reçu et donc d'être utilisé conformément à sa fonction, ce qui n'est pas le cas ; que les époux [G] ont toujours critiqué les travaux et faisaient état d'une erreur de coloris du vantail droit, de traces de griffures sur les vantaux intérieurs et extérieurs, de ce que la menuiserie laissait passer le vent et le bruit et n'assurait pas le clos, que les infiltrations ont été observées dès le début du mois de décembre 2017. Elle fait remarquer qu'en tout état de cause une réception judiciaire serait prononcée avec une réserve relative à la fonction de clos et de couvert, ce qui permet de rechercher uniquement la responsabilité contractuelle du constructeur.
Par ailleurs, elle fait observer qu'elle n'était plus l'assureur de la société Abgrall-Delanoë à la date des travaux incriminés exécutés en mai 2018 qui ont seuls été examinés par l'expert. Elle estime en outre que les travaux de maçonnerie ne peuvent être imputés à son assuré car ils ne relèvent pas de ses prestations, que la réfection du revêtement de sol sur l'ensemble de la surface n'est pas justifiée et que les travaux de menuiserie sont d'un coût excessif. Au regard de la date de la réclamation, alors que la police était résiliée et resouscrite, elle indique ne pas être tenue des dommages immatériels dont elle conteste le montant considéré excessif, les préjudices divers sollicités.
Dans ses dernières conclusions en date du 4 juillet 2023, la société Abgrall-Delanoë demande à la cour de :
A titre principal,
- dire et juger irrecevables les demandes de M. et Mme [G] ;
- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- débouter la société SMA de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner conjointement et solidairement M. et Mme [G] à verser à la société Abgrall-Delanoë la somme de 3 059,26 euros restant due à la concluante avec intérêts au taux légal depuis les conclusions valant mise en demeure du l5 mars 2022 et jusqu'à parfait paiement ;
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du 17 novembre 2022 en ce qu'il a fixé la réception judiciaire de l'ouvrage réalisé par la société Abgrall-Delanoë au 7 décembre 2017 avec réserves tenant aux finitions intérieures et extérieures et à la présence de griffures sur la menuiserie alu ;
- condamner la société SMA en qualité d'assureur de la responsabilité décennale de la société Abgrall-Delanoë à la garantir et à la relever indemne de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre en principal, intérêts, dommages-intérêts, frais, dépens et accessoires ;
Très subsidiairement, sur la responsabilité contractuelle,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme [G] fondée sur l'article 1231-l du code civil ;
- dans le cas contraire dire et juger qu'il existe des causes étrangères à la société Abgrall-Delanoë à l'origine des désordres ;
- dire et juger que la société Abgrall-Delanoë sera exonérée de sa responsabilité à concurrence de 50 % ;
- réduire par conséquent de moitié le montant des indemnisations pouvant être allouées à M. et Mme [G] ;
- fixer le coût total des travaux de reprise à la somme de 6 592,06 euros dont 3 296,03 euros à la charge de la société Abgrall-Delanoë ;
- débouter M. et Mme [G] de leur demande au titre du préjudice de jouissance ;
- subsidiairement, fixer ce préjudice a la somme de 1 000 euros dont 500 euros à la charge de la société Abgrall-Delanoë ;
- débouter M. et Mme [G] de leur demande au titre des préjudices divers ;
En tout état de cause,
- condamner conjointement et solidairement M. et Mme [G] à verser à la société Abgrall-Delanoë la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire ;
- si mieux n'aime la cour, condamner la société SMA à verser cette somme de 6 000 euros à la société Abgrall-Delanoë et la condamner aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire ;
- subsidiairement condamner la société SMA à garantir et à relever indemne la société Abgrall-Delanoë de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre au titre des frais et dépens.
La société rejoint l'argumentation de la société SMA quant à l'irrecevabilité des demandes des appelants sur le fondement de l'article 1792 du code civil en application de l'article 563 du code de procédure civile, pour avoir renoncé à l'invoquer devant le tribunal dans ses conclusions.
S'agissant de l'application de la responsabilité décennale, la société fait valoir que celle-ci est écartée en cas de manquement du maître d'ouvrage et que notamment le manquement de ce dernier à son obligation de renseignement exonère au moins partiellement le constructeur. Elle estime que ces principes sont applicables en l'espèce dans la mesure où les maîtres d'ouvrage sont intervenus sur ses ouvrages et surtout ne lui ont jamais signalé l'état très dégradé du voile béton et du potelet et n'ont jamais demandé la réfection de la maçonnerie. Elle soutient que comme l'a relevé l'expert, elle ne pouvait se convaincre du mauvais état du support et en déduit que les appelants doivent conserver une part de responsabilité à concurrence de 50%.
Elle conteste l'argumentation de la société SMA relative à l'absence de réception et relève qu'aucune pièce n'établit que les époux [G] aient fait preuve d'une volonté manifeste de ne pas accepter les travaux. Elle fait observer que la prise de possession n'a été précédée d'aucune réclamation ou mise en demeure, qu'est intervenue une réception tacite de l'ouvrage. La société demande en tout état de cause de confirmer le jugement qui a prononcé la réception judiciaire au 7 décembre 2017. Elle en déduit que la SMA doit sa garantie.
Subsidiairement, elle s'oppose à l'application de sa responsabilité contractuelle, puisque les dommages relèvent de la garantie légale qui ne permet pas d'appliquer la responsabilité contractuelle. Elle ajoute que la preuve de sa faute n'est pas démontrée et qu'elle peut se prévaloir de celle des appelants et de leur manquement sachant la maçonnerie défectueuse.
Concernant le coût de la baie, elle estime que le devis produit est surévalué, que les travaux de maçonnerie ne peuvent être mis à sa charge, puisque leur reprise est sans lien avec un désordre qui lui soit imputable et que les désordres ne justifient pas de refaire entièrement le sol du séjour. Se fondant sur les conclusions de l'expert, elle indique que les revêtements muraux ne sont pas dus car les maîtres d'ouvrage devaient les réaliser après la pose de la menuiserie.
Elle considère que le préjudice de jouissance est surévalué, ce d'autant que l'expert n'en fait pas état.
Elle demande le paiement du solde des travaux n'ayant reçu qu'un acompte de 1300€ et la garantie de son assureur responsabilité décennale.
Dans ses dernières conclusions en date du 5 septembre 2023, la société L'Auxiliaire demande à la cour de :
- dire et juger la cour non saisie de la prétention subsidiaire contre la société L'Auxiliaire formulée par M. et Mme [G] ;
- en toute état de cause, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de M. et Mme [G] dirigées à l'encontre de la société L'Auxiliaire ;
- en conséquence, confirmer le jugement du 17 novembre 2022 en ce qu'il a, notamment :
- rejeté les demandes de M. et Mme [G] fondées sur l'article 1231-1 du code civil ;
- condamné M. et Mme [G] à payer à la société L'Auxiliaire la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. et Mme [G] aux dépens ;
Y ajoutant,
- condamner M. et Mme [G] à verser à la société L'Auxiliaire la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- condamner M. et Mme [G] aux entiers dépens d'appel.
La société fait observer que les conclusions des appelants ne contiennent aucune argumentation à son encontre, qu'elle n'est jamais citée dans les développements de leurs écritures, la société SMA étant identifiée comme l'assureur décennal de la société Abgrall-Delanoë, qu'elle apparaît uniquement dans le dispositif comme assureur de la responsabilité contractuelle du constructeur. Elle en déduit qu'en application de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour n'est saisie d'aucune prétention.
Elle ajoute qu'elle est totalement étrangère au litige n'ayant pas participé aux opérations d'expertise, qu'aucune pièce ne démontre sa qualité d'assureur de la société Abgrall-Delanoë, qu'elle ne l'a d'ailleurs jamais été.
L'instruction a été clôturée le 5 mars 2024.
Motifs :
Sur les conclusions de l'expert :
Les investigations de l'expert lors des deux réunions dans l'appartement ont mis en évidence que la baie composée de trois vantaux est posée en applique sur un seuil métallique rapporté. Le responsable de la société Abgrall-Delanoë a précisé avoir recouvert l'ancienne cornière en acier galvanisé par deux profilés en PVC, l'une recouvrant le rejingot en béton, l'autre reposant sur le support en acier galvanisé
Mme [B] a confirmé les infiltrations aux angles intérieurs de la porte-fenêtre dénoncées par les appelants.
Elle a constaté d'une part sous l'angle gauche de la menuiserie, une infiltration faible qui traverse le muret en béton ( support de la baie) et passe devant la cormière en acier galvanisé et l'a imputée à un défaut de positionnement du joint compribande périmétrique dans l'angle du mur de la baie. Elle a précisé qu'a été reconstitué le rejingot avec une cornière en PVC qui recouvre le rejingot ciment existant et que la surépaisseur de mastic mis sur les côtés de la cornière écarte le joint du mur, créant un vide ; que ce type de pose n'est pas conforme aux recommandations de pose de l'annexe du DTU 36.5, puisque le joint n'est qu'imparfaitement comprimé dans l'angle. Elle en a conclu que le rejingot devait être reconstitué conformément au schéma du DTU accompagné du remplacement de la cornière en acier.
D'autre part, elle a constaté une fissure du muret en béton dans les deux angles de la baie, fissure traversante significative également d'une fissuration du rejingot qui constitue la partie supérieure du muret. Elle a estimé que cette fissure n'est pas la cause des infiltrations, mais qu'elle constitue le passage préférentiel de l'eau qui s'infiltre par le dessus et que si la fissuration du seuil ne pouvait pas être connue de la société Abgrall-Delanoë lors de la signature du devis, elle l'était avant la pose de la menuiserie. Elle en a déduit que cela impliquait la réparation du seuil et non de le masquer à l'aide de la cornière en PVC, ce qui est à l'origine du désordre.
Concernant l'infiltration dans l'angle droit de la menuiserie, formé par les profilés du montant et de la traverse basse du dormant, l'expert, qui ne l'a pas constaté les jours de ses déplacements sur site, a précisé qu'en l'absence de démontage, il n'était pas possible de déterminer s'il s'agissait d'un défaut de fabrication ou d'une déformation pendant le transport ou le levage jusqu'à l'appartement. Il a considéré que le cadre dormant est à remplacer.
Mme [B] a considéré que ces désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination.
Elle a évalué les travaux de menuiserie, maçonnerie, doublage et revêtement de sol à 13327,45 € TTC.
Sur la recevabilité des demandes de M et Mme [G] à l'égard de la société SMA :
Devant le tribunal, M et Mme [G] ne présentaient aucune demande de garantie contre la société SMA en qualité d'assureur de la société Abgrall-Delanoë, comme en témoignent leurs prétentions contenues dans leurs conclusions du 9 février 2022 reprises en page du 3 du jugement et leurs écritures précédentes du 14 septembre 2021 produites par la société Abgrall-Delanoë.
En appel, ils sollicitent la condamnation de la SMA in solidum avec son assuré au titre de la nature décennale des désordres.
Toutefois, comme le rappelle la SMA, l'article 564 du code de procédure civile prohibe les demandes nouvelles en appel, si ce n'est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Aucune de ces exceptions n'est applicable à l'espèce.
Par ailleurs, si l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles quand elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge, tandis que l'article 566 permet d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, encore faut-il que des prétentions contre cette partie aient été émises en première instance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de la part de M et Mme [G] à l'égard de la société SMA. Leurs demandes de condamnation à son encontre sont par suite irrecevables.
Sur la recevabilité de la demande de M et Mme [G] sur un fondement décennal :
En vertu de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel des prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. Toutefois, il est constant que nul ne peut se prévaloir en appel d'un moyen auquel il a expressément renoncé devant les premiers juges.
En l'espèce, dans leurs dernières écritures de première instance du 9 février 2022 au visa de l'article 1231-1 du code civil, M et Mme [G] ont indiqué en page 6 que l'assureur faisait observer avec justesse que les travaux critiqués n'avaient pas été réceptionnés de sorte que la responsabilité décennale de la société Abgrall-Delanoë ne pouvait être utilement recherchée et que dans ces conditions, ils modifiaient le fondement de leur demande.
Toutefois, il apparaît que dans leurs écritures postérieures respectivement des 15 mars et 21 mars 2022 rappelées dans le jugement, les sociétés Abgrall-Delanoë et SMA ont visé l'article 1792 du code civil et continuer à présenter à titre principal des prétentions relatives à l'existence d'une réception et à argumenter sur ce point alors que la réception constitue une condition de l'application de la responsabilité décennale des constructeurs, point qui a été examiné par le tribunal.
La modification par les maîtres d'ouvrage du fondement dans leurs prétentions est dans ces conditions équivoque et ne peut être considérée comme une renonciation à un moyen au sens de l'article 563 du code de procédure civile leur interdisant de se prévaloir à nouveau de la responsabilité décennale, rendant leur demande sur ce fondement irrecevable.
En tout état de cause, le régime de la responsabilité décennale est d'ordre public et la cour peut examiner les faits qui lui sont soumis sur ce fondement, sans qu'il y ait lieu en l'espèce d'ordonner la réouverture des débats dès lors que les parties ont conclu en appel sur l'application de cette responsabilité.
Sur la responsabilité de la société Abgrall-Delanoë :
En vertu de l'article 1792 du code civil, tout constructeur est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou d'équipement le rendent impropre à sa destination.
En l'espèce, il n'est discuté par aucune des parties que la baie de dimension importante (photographie 762 du rapport d'expertise) mise en 'uvre dans l'appartement acquis par les appelants et dont elle assure le clos, constitue un ouvrage.
La réception :
Il est établi, selon la facture que la pose de cette baie est intervenue le 25 octobre 2017. A cette époque, M et Mme [G] n'avaient pas emménagé dans les lieux, ce qu'ils ont fait le 7 décembre 2017, chronologie qui ne fait l'objet d'aucun débat.
Le tribunal a estimé à juste titre que la réception tacite de la baie à cette date, invoquée par la société Abgrall-Delanoë devait être écartée dès lors que la seule prise de possession ne suffit pas à caractériser une volonté dépourvue d'équivoque d'accepter l'ouvrage de la part du maître de l'ouvrage et que selon la chronologie rapportée au rapport d'expertise, les appelants avaient relevé des défauts de finition intérieurs et extérieurs et se sont plaints d'une isolation acoustique insatisfaisante. En outre, à cette date, M et Mme [G] avaient seulement réglé un acompte de 1300€ et n'ont jamais payé le solde, ce qui exclut également que puisse être retenue une présomption de réception tirée de la prise de possession accompagnée d'un paiement intégral.
La société Abgrall-Delanoë a demandé la fixation d'une réception judiciaire à la date du 7 décembre 2017, ce qui suppose qu'à cette date la baie ait été en état d'être reçue, c'est-à-dire ne présentait pas de désordre majeur de nature à remettre en cause sa fonction d'assurer le clos de l'appartement et de permettre l'accès à la terrasse attenante.
M et Mme [G] ont indiqué avoir constaté peu de temps après leur installation dans l'appartement des infiltrations par la baie, sans être utilement contredit sur ce point. En effet, s'ils ont fait état avant d'emménager d'un défaut de finitions de la part du constructeur et de griffures, il ne résulte d'aucune pièce que lors de leur prise de possession le 7 décembre 2017, la baie présentait les infiltrations d'eau qui ont justifié les intervention ultérieures de la société Abgrall-Delanoë et de ce fait un défaut significatif d'une impossibilité de la recevoir.
Dès lors, le jugement qui a fixé la réception judiciaire de l'ouvrage au 7 décembre 2017 assortie de réserves liées au défaut de finitions intérieures et extérieures et aux traces de griffures sera confirmé.
*La nature des désordres :
Comme il a été rappelé plus haut, l'expert a confirmé l'existence des infiltrations par la baie.
Il a certes examiné l'ouvrage refait en 2018, mais la société Abgrall-Delanoë n'a pas fait état d'une modification de la technique de pose par rapport aux travaux initiaux de 2017 et il ne résulte d'aucun élément objectif que la tentative de solutionner le sinistre par cette société a aggravé les infiltrations dont se plaignaient les maîtres de l'ouvrage.
Par ailleurs, elles sont pour partie la conséquence de la fissuration du rejingot du muret qui permet l'accès à la terrasse et existait dans son état révélé lors de l'expertise dès 2017. L'expert a clairement exclu que la fissure du muret dans les deux angles de la baie soit la cause des infiltrations et a indiqué qu'elle permettait en revanche le passage de l'eau s'infiltrant par le rejingot au-dessus. Cette analyse technique n'est pas contredite. Si Mme [B] a indiqué que l'état de cette partie du muret n'était pas visible lors de la signature du devis en 2017, elle a précisé qu'il l'était lors des travaux, ce qui justifiait qu'il soit réparé et non masqué.
Par ailleurs, il n'est pas discutable que les passages d'eau constatées entraînent une impropriété à destination de l'ouvrage et cette analyse proposée par l'expert n'a donné lieu à aucune contestation ni aucun dire.
Ces désordres étant imputables aux travaux de la société Abgrall-Delanoë, il s'en déduit que sa responsabilité de plein droit est engagée par application de l'article 1792 du code civil.
Elle ne peut s'en exonérer partiellement en invoquant une faute des maîtres de l'ouvrage pour ne pas avoir signalé l'état du voile béton.
Aucune pièce n'établit que les maîtres d'ouvrage disposent de compétences en matière de construction et particulièrement de maçonnerie et bénéficiaient d'une quelconque information sur l'état du dessus du muret. Surtout, l'intimée, chargée de réaliser la pose de la baie sur une maçonnerie préexistante devait en vérifier l'état et s'assurer qu'il lui permettait d'exécuter les travaux qui lui étaient confiés, ce qui n'est pas le cas.
La société Abgrall-Delanoë, en posant la baie sur un rejingot fissuré, ce qui était visible dès son intervention initiale en octobre 2017 a accepté le risque des désordres qui en est résulté. Il lui appartenait d'informer les maîtres de l'ouvrage de la nécessité de travaux de maçonnerie supplémentaires pour réparer le rejingot et non de le masquer avec une cornière d'habillage en PVC qui ne pouvait pas assurer l'étanchéité requise.
Aucun manquement ne peut être imputé aux maîtres d'ouvrage. Sa demande de partage de responsabilité sera en conséquence rejetée.
Sur l'indemnisation de M et Mme [G] :
Les dommages matériels :
L'expert a conclu à la nécessité de remplacer la baie, préconisation qui n'a conduit à la proposition d'aucune alternative technique de la part des parties. Sur la base du devis de la société Raub d'avril 2019, il a évalué le coût de ces travaux à la somme de 6731,67€TTC. Si la société Abgrall-Delanoë estime ce coût élevé, elle n'a pas soumis à l'expert de devis d'une entreprise tierce d'un montant significativement plus bas. En conséquence, cette somme sera retenue.
Concernant les travaux de maçonnerie évalués à 350€, la société intimée doit les supporter, dès lors qu'il s'agit de travaux indispensables à la suppression des désordres.
Il en est de même du coût de la reconstitution de la cloison de doublage en partie basse et en périphérie de la baie selon devis de juin 2019 d'un montant de 592,06€ TTC. A cet égard, l'expert a justement proposé d'écarter le coût des travaux muraux de 828,34€ TTC évoqué dans sa réponse au dire du 3 octobre 2019 dans la mesure où ces travaux étaient prévus par M et Mme [G] à la suite des travaux de menuiserie.
Concernant le revêtement de sol du séjour, les maîtres d'ouvrage ont produit un devis de la société Raub d'un montant de 5653,37€ TTC lequel concerne la réfection totale de la pièce. L'expert a retenu cette somme à raison d'une différence de teinte si les deux premières lames devaient être changées. Il apparaît que dans son courrier du 3 octobre 2019, il avait interrogé les appelants sur les motifs de cette réfection intégrale et sur la possibilité de remplacer les deux rangs de lames qui longent le mur de façade, puis rappelé dans son courrier du 27 janvier 2020 que le plancher était protégé par du carton (pièce 6 des appelants) et qu'il n'était pas démontré que les lames étaient atteintes par les perforations constatées sur la protection. En appel, M et Mme [G] qui doivent démontrer la réalité de leur préjudice ne fournissent pas d'éléments objectifs de nature à établir qu'un changement des seuls rangs de lames près de la façade entraînerait une différence de teinte particulièrement inesthétique ou que cette référence de parquet n'existe plus. En conséquence, l'indemnisation ne peut concerner la réfection totale du parquet et sera limitée à la partie dégradée sur la base du devis produit et pour une superficie de 2m² à 250€ TTC.
La société Abgrall-Delanoë sera condamnée à verser à M et Mme [G] la somme de 7923,73€ TTC. Cette somme sera indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre la date de dépôt de l'expertise et la date de l'arrêt.
Les appelants sollicitent une somme de 1383,70€ incluant la somme de 1300€ représentant l'acompte versé à la commande des travaux. Dès lors que les travaux ont été exécutés et réceptionnés et que les désordres font l'objet d'une réparation par équivalent, ils ne peuvent demander la restitution de cet acompte, le contrat de louage d'ouvrage confié à la société Abgrall-Delanoë n'étant pas résolu ou annulé. Seules les fournitures mises en 'uvre pour tenter de pallier les infiltrations leur seront accordées, soit 30,70€, l'aspirateur acquis pouvant être utilisé en dehors du sinistre.
*Les dommages immatériels :
Les photographies annexées à l'expertise démontrent que les désordres ont conduit à un environnement dégradé de la principale pièce de l'appartement. En effet, les doublages latéraux ont été abimés sur une surface cependant limitée. Les tentatives de réparation et les opérations d'expertise ont conduit à l'enlèvement du doublage sous la baie, situation qui a duré pendant plusieurs années. Par ailleurs, il est justifié de l'inquiétude des appelants lors de leurs absences des lieux en lien avec la possibilité d'infiltrations dans l'appartement en dessous en cas de fortes pluies. Leur préjudice de jouissance est dès lors caractérisé. Toutefois, l'indemnisation sollicitée à hauteur de 18000€ est excessive au regard des justificatifs fournis et sera fixée à 3000€ mise à la charge de la société Abgrall-Delanoë.
Sur la garantie de la société SMA :
La société SMA ne discute pas qu'elle était l'assureur de la responsabilité décennale de la société Abgrall-Delanoë à la date des travaux en octobre 2017. Elle justifie que le contrat a été résilié à effet du 1er janvier 2018. Cependant, elle ne peut se prévaloir de ce que les travaux de reprise examinés par l'expert ont été réalisés en 2018 après résiliation de la police. En effet, les désordres initiaux étaient de même nature. Si les travaux de reprise n'ont pas été satisfaisants et ne pouvaient l'être puisque partie de leur origine (fissuration du rejingot) n'avait pas été prise en compte, il n'est pas démontré qu'ils se sont aggravés. En effet, au-delà des seules affirmations des maîtres d'ouvrage dans leur présentation des faits, aucune constatation objective ne corrobore une augmentation des quantités d'eau s'infiltrant par la baie. La société SMA sera en conséquence tenue de garantir la société Abgrall-Delanoë des dommages matériels.
Concernant les dommages immatériels, les conditions particulières du contrat produites par l'assureur révèlent qu'ils sont garantis.
En vertu de l'article L 124-5 du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la résiliation et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation quel que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation du contrat que si au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable.
En l'espèce, la société Abgrall-Delanoë revendique la garantie de la SMA. Sans discuter que la garantie des dommages immatériels est souscrite en base réclamation, elle ne justifie cependant pas ne pas avoir resouscrit cette garantie auprès d'une autre compagnie à compter du 1er janvier 2018 ou l'avoir souscrit en base fait dommageable, alors qu'elle est nécessairement détentrice de cette information. Elle ne démontre pas de ce fait que la société SMA est tenue de la garantir au titre de la période subséquente de dix ans. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.
Par ailleurs, la société SMA est fondée à opposer à son assuré la franchise prévue au contrat sans qu'il y ait lieu de la calculer, cette opération étant réalisée dans le cadre de l'exécution de la présente décision.
Sur la demande en paiement du solde des travaux :
La société Abgrall-Delanoë justifie avoir uniquement reçu un acompte de 1300€ lors de la commande des travaux régulièrement déduit de sa facture. Demeure impayé un solde de 3059,26€, à propos duquel M et Mme [G] ne fournissent aucune explication. Ils seront condamnés au paiement de cette somme. Le jugement est réformé de ce chef.
Les créances réciproques des parties se compenseront à due concurrence.
Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.
La société Abgrall-Delanoë garantie par la société SMA sera condamnée à verser à M et Mme [G] une indemnité de 5000€ au titre de leur frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les demandes des autres parties sont rejetées en ce compris celles présentées par la société l'Auxiliaire contre M et Mme [G] qui ne perdent pas leur procès au sens de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Abgrall-Delanoë garantie par la société SMA sera condamnée aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise ainsi qu'aux dépens d'appel. les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare irrecevables les demandes de M et Mme [G] contre la société SMA,
Déclare recevables les demandes de M et Mme [G] fondées sur la responsabilité décennale,
Confirme le jugement quant à la fixation de la réception judiciaire des travaux au 7 décembre 2017,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Abgrall-Delanoë à verser à M et Mme [G] les sommes de :
- 7923,73€ TTC indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre la date de dépôt de l'expertise et la date de l'arrêt au titre des travaux de reprise,
- 30,70€ TTC au titre des mesures pour pallier les désordres,
- 3000€ au titre du préjudice immatériel,
Condamne la société SMA à garantir la société Abgrall-Delanoë des condamnations au titre des dommages matériels (7923,73€ indexés, 30,70€)
Déclare opposable à la société Abgrall-Delanoë la franchise prévue au contrat de la société SMA,
Condamne M et Mme [G] à verser à la société Abgrall-Delanoë la somme de 3059,26€ au titre du solde des travaux,
Ordonne la compensation des créances respectives de M et Mme [G] et de la société Abgrall-Delanoë à due concurrence,
Condamne la société Abgrall-Delanoë garantie par la société SMA à verser à M et Mme [G] une somme de 5000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Déboute les autres parties de leurs demandes à ce titre pour les frais irrépétibles,
Condamne la société Abgrall-Delanoë garantie par la société SMA aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Po / Le Président empêché,
N. MALARDEL