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19/07/2024 | FRANCE | N°24/00315

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 19 juillet 2024, 24/00315


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/138

N° RG 24/00315 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U7OU



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Véronique PUJES, Conseillère à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,



Statuant sur l'appel formé le 11 Juillet 2024 à 10

H43 par :



M. [F] [E]

né le 05 Juin 1991 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1], non comparant



hospitalisé au CHU ...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/138

N° RG 24/00315 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U7OU

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Véronique PUJES, Conseillère à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,

Statuant sur l'appel formé le 11 Juillet 2024 à 10H43 par :

M. [F] [E]

né le 05 Juin 1991 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1], non comparant

hospitalisé au CHU Guillaume Régnier Rennes

ayant pour avocat Me Nawal SEMLALI, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 05 Juillet 2024 par le Juge des libertés et de la détention de RENNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;

En présence de [F] [E], régulièrement avisé de la date de l'audience, assisté de Me Nawal SEMLALI, avocat

En l'absence du tiers demandeur, régulièrement avisé, qui à fait parvenir des pièces au greffe le 18 Juillet 2024, lesquelles ont été mises à la disposition des parties,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 11 Juillet 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En l'absence du représentant de l'établissement de soins, régulièrement avisé, ayant adressé des pièces le 11 Juillet 2024 et un certificat de situation le 18 Juillet 2024, lesquels ont été mis à disposition des parties,

Après avoir entendu en audience non-publique le 18 Juillet 2024 à 11H00 l'appelant et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

EXPOSE DU LITIGE

Par décision du directeur du Centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes en date du 24 juin 2024, notifiée le 25 juin 2024, rendue au visa de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, M. [E] a fait l'objet d'une admission en hospitalisation sans son consentement à la demande d'un tiers (sa soeur) après établissement d'un certificat médical du docteur [C] du 24 juin 2024 faisant état d'une agitation avec hétéro-agressivité, notamment à l'égard du père, d'hallucinations auditives et d'un délire de persécution chez ce patient connu pour des antécédents schizophréniques et en rupture de traitement.

Aux termes d'un certificat médical établi le 25 juin 2024 (certificat des '24 heures'), le docteur [S] a préconisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète et continue au regard de l'état de santé de M. [E] caractérisant une urgence psychiatrique.

Le certificat médical des '72 heures' établi le 27 juin 2024 par le docteur [R] a conclu également au maintien de la prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète continue en rappelant le contexte de rupture thérapeutique depuis plusieurs mois ayant présidé à une décompensation délirante avec hétéro-agressivité et en rapportant la teneur de l'entretien du jour-même avec un contact médiocre, un discours désorganisé associé à des éléments de persécution et l'absence d'adhésion au traitement.

Par décision du 27 juin 2024, notifiée le jour-même, le directeur de l'établissement de soins a maintenu les soins psychiatriques de M. [E] sous la forme d'une hospitalisation complète, dont il fixait la durée à un mois.

Par requête du 1er juillet 2024, le directeur de l'établissement de soins a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 5 juillet 2024, notifiée à M. [E] le 6 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de l'hospitalisation complète.

M. [E] en a interjeté appel reçu le 11 juillet 2024 au greffe ; les personnes intéressées ont été avisées le 11 juillet 2024 par le greffe de l'examen de l'appel à l'audience du 18 juillet 2024 à 11 heures.

Le procureur général, régulièrement avisé, a sollicité par avis écrit du 11 juillet 2024, la confirmation de l'ordonnance entreprise.

Le 18 juillet 2024 à 8h56, l'établissement de soins a adressé à la cour le certificat de situation concernant M. [E], lequel a été transmis par mail au conseil de l'intéressé le jour-même à 9h02.

A l'audience, M. [E] a exposé oralement sa demande et ses arguments.

Aux termes de ses conclusions qu'elle a développées et complétées oralement à l'audience, son conseil demande de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- constater la nullité de l'ordonnance entreprise ;

et, statuant à nouveau,

- constater que la procédure d'hospitalisation est irrégulière ;

- infirmer l'ordonnance entreprise ;

- ordonner la main-levée de l'hospitalisation de M. [E] ;

- lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Au soutien de son moyen tiré de l'irrégularité, M. [E] fait valoir que :

- le certificat médical initial, insuffisamment motivé et dont la mention ' péril imminent' est barrée et remplacée par la mention manuscrite ' risque grave', ne vise ni ne caractérise l'urgence ni le risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne physique, conditions pourtant exigées par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique relatif à l'hospitalisation sous contrainte à la demande d'un tiers en cas d'urgence ; en outre, ce certificat laisse apparaître que le rédacteur a souligné à la main la mention ' péril imminent pour la santé' en fin d'acte, empêchant ainsi, par cette contradiction de mentions, de vérifier le fondement légal de la mesure d'hospitalisation de M. [E] et d'en effectuer le rée contrôle ;

- l'avis du psychiatre visé par l'article L. 3211-12-4 alinéa 3 du code de la santé publique n'a pas été communiqué dans le délai légal de 48 heures, ce qui fait nécessairement grief du fait que ni l'intéressé ni son conseil n'ont été en mesure de connaître et discuter en temps utile et dans le respect du principe du contradictoire la situation de M. [E] et les arguments du médecin psychiatre.

S'agissant de l'irrégularité, son conseil ajoute à l'audience qu'il apparaît qu'il bénéficie d'une mesure de curatelle mais que son curateur n'a pas été convoqué.

Sur le fond, l'appelant estime que les conditions de son hospitalisation sans consentement telles que prévues par l'article L. 3212-1 ne sont plus réunies puisqu'il consent au traitement et cherche un nouveau psychiatre ; que son état mental ne nécessite donc plus de surveillance médiclae constante.

M. [E] a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur les moyens d'irrégularité

1- Sur le moyen tiré de l'absence de convocation du curateur

Il résulte des articles 468, dernier alinéa, du code civil, R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique, ensemble les articles 117 et 118 du code de procédure civile, que le curateur est informé de la saisine du premier président en charge du contrôle de l'hospitalisation sans consentement de la personne sous curatelle et convoqué par tout moyen, à peine de nullité (1re Civ., 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.869).

Si le document daté du 11 juillet 2024 adressé par l'établissement de soins à la cour accompagnant l'envoi des pièces du dossier de M. [E] porte l'indication d'une mesure de protection juridique, à savoir une curatelle, force est de constater qu'aucun document ne vient étayer cette mention, que ce soit dans la décision de première instance qui ne l'évoque pas, ou dans les pièces adressées par le centre hospitalier ou même encore dans les écrits du tiers demandeur datés du 16 juillet 2024. Le courrier de transmission des pièces au juge des libertés et de la détention du 1er juillet 2024 ne fait d'ailleurs pas mention d'une mesure de curatelle ou même de tutelle ; si la date du 24 juin 2024 y est portée comme 'date de début de mesure', la question peut se poser de la nature de la mesure concernée puisque la seule débutant à cette date est bien la mesure d'hospitalisation sans consentement.

M. [E], quand bien même déclare t'il à l'audience faire effectivement l'objet d'une mesure de curatelle, ce qu'il n'a jamais indiqué lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention (cf procès-verbal d'audition du 5 juillet 2024) ni même dans sa déclaration d'appel, ne justifie lui-même aucunement de cette mesure par la production par exemple d'une décision de justice.

Dans ces conditions, le moyen soulevé est mal fondé.

2 - Sur le moyen tiré du certificat médical initial

Selon l'article L. 3212-3 alinéa 1 du code de la santé publique :

'En cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.'

Comme exactement relevé par M. [E], le certificat médical initial du 24 juin 2024 comporte la mention manuscrite 'risque grave' remplaçant la mention 'péril imminent' indiquée dans le modèle de certificat utilisé par le praticien rédacteur sous le visa de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique.

Le fait qu'en bas du certificat a été laissée la mention pré-imprimée ' il existe un péril imminent pour sa santé', même surlignée manuscritement, ne créé pour autant aucune confusion sur le cadre juridique de la mesure d'hospitalisation sans consentement de M. [E], à la demande d'un tiers en urgence en considération d'un risque grave comme tel expressément mentionné dans le certificat médical contesté.

Le certificat médical initial s'inscrivant bien dans l'hypothèse d'une hospitalisation sans consentement au regard d'un risque grave précisé dans l'acte en l'état d'une agitation, d'un comportement avec mise en péril et d'hallucinations auditives, aucune irrégularité n'en résulte, de sorte que là encore, le moyen est mal fondé.

3- Sur le moyen tiré de l'avis de situation

L'article 3211-12-4 alinéa 3 du code de la santé publique dispose que :

'L'appel formé à l'encontre de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est pas suspensif. Le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue alors à bref délai dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Lorsque l'ordonnance mentionnée au même premier alinéa a été prise en application de l'article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l'établissement d'accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d'appel au plus tard quarante-huit heures avant l'audience.'

En l'espèce, il est établi qu'un certificat de situation a été rédigé par le docteur [J] le 17 juillet 2024, à destination de la cour. Comme indiqué ci-dessus, ce document a été transmis au greffe par mail le 18 juillet 2024 à 8h56 et transmis immédiatement au conseil de M. [E] à 9h02.

S'il est exact que ce certificat n'a pas été établi et communiqué au plus tard 48 heures avant l'audience, il demeure :

- qu'il est de jurisprudence constante qu'aucune sanction n'est liée au non-respect de ce délai, seul l'absence du certificat au jour de l'audience étant susceptible d'être sanctionnée ;

- qu'il était eau cas d'espèce au dossier avant les débats et que tant l'appelant que son conseil ont pu en prendre connaissance dans un temps permettant d'en apprécier et d'en discuter le cas échéant le contenu et ses conséquences.

Le moyen est par conséquent là encore mal fondé.

II - Sur le fond

Il ressort du certificat médical initial du 24 juin 2024 que M. [E] a été adressé au centre hospitalier Guillaume Rgnier en raison d'une agitation avec hétéro-agressivité notamment vis à vis de son père, d'un comportement avec mise en péril, d'hallucinations auditives et de délires de persécution chez un patient connu pour des antécédents schizophréniques.

Les certificats médicaux des 24 heures et 72 heures, établis respectivement les 25 et 27 juin 2024, confirmaient les troubles précités :

- dans le certificat du 25 juin 2024, le docteur [S], médecin psychiatre, fait état d'une admission pour décompensation aigue d'un trouble psychiatrique chronique, en rupture thérapeutique ; depuis son admission et à l'examen clinique du 25 juin, il est noté une tension interne palpable, une instabilité psychomotrice, une désorganisation idéique et comportementale, des idées délirantes de persécution auxquelles il adhère totalement ; il refuse la prise orale de médicaments ;son état de santé constitue une urgence psychiatrique; le discernement est altéré et ne permet pas l'obtention d'un consentement libre et éclairé ;

- dans le certificat du 27 juin 2024, le docteur [R], médecin psychiatre, rappelle les circonstances de l'admission de M. [E] pour décompensation délirante dans un contexte de rupture thérapeutique depuis plusieurs mois avec mise en danger de lui-même et des autres dans des situations d'excès de vitesse ; le 27 juin, le contact est qualifié de médiocre, réticent, la tension interne était partiellement contenue, le discours restait désorganisé avec des éléments de persécution envers la famille ; il est relevé l'absence d'adhésion au traitement et à l'hospitalisation.

Les deux praticiens concluent à la nécessité du maintien des soins sous contrainte.

L'avis médical motivé du docteur [J], psychiatre de l'établissement, daté du 17 juillet 2024, confirme ces éléments et la conclusion sur la nécessaire poursuite des soins psychiatriques en hospitalisation complète; en effet, le déni des troubles et de la nécessité des soins reste actuel et massif et le patient reste projectif et persécuté par certaines personnes ; il souhaite arrêter le traitement médicamenteux très rapidement.

Les déclarations faites par M. [E] à l'audience ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations et avis médicaux précités.

En effet, si l'appelant, par l'intermédiaire de son conseil, déclare avoir conscience de l'utilité des soins qu'il compte poursuivre auprès d'un psychiatre libéral si la mesure est levée, il doit être rappelé que lors de son admission, M. [E] était précisément en rupture de son traitement.

Par ailleurs, il a indiqué lors de l'audience souhaiter retrouver une 'activité et une motricité corporelle' sans être explicite sur les moyens qui lui permettraient d'atteindre cet état et alors que le 17 juillet 2024, son déni de ses troubles et son absence d'adhésion aux soins restaient présents avec la volonté d'arrêter le traitement médicamenteux.

Ainsi, il résulte suffisamment de ce qui précède que l'état mental de M. [E] imposait des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, que ses troubles rendaient impossible son consentement et qu'il existait un risque grave d'atteinte à son intégrité ; à ce jour, l'adhésion aux soins pourtant indispensables n'est pas acquise.

Il en résulte que les soins sont toujours justifiés, sous forme d'hospitalisation complète, cette mesure étant proportionnée et adaptée à l'état du patient.

Les conditions légales posées par l'article L.3212-1 du code de la santé publique pour la poursuite de l'hospitalisation se trouvant réunies, la décision déférée sera confirmée.

In fine, le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est accordé à l'appelant.

PAR CES MOTIFS :

Disons que la procédure d'hospitalisation sans consentement de M. [E] est régulière ;

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 5 juillet 2024 ;

Accordons à M. [E] le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rennes, le 19 Juillet 2024 à 09H00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,Véronique PUJES, Conseillère

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [F] [E] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00315
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;24.00315 ?
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