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16/07/2024 | FRANCE | N°24/03558

France | France, Cour d'appel de Rennes, Référés civils, 16 juillet 2024, 24/03558


Référés Civils





ORDONNANCE N°75



N° RG 24/03558 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4FM













L'ATELIER DU BOULANGER

C/



S.C.I. JMSR































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 16 JUILL

ET 2024





Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 02 juillet 2024



ORDONNANCE :



Contradictoire, prononcée publiquement l...

Référés Civils

ORDONNANCE N°75

N° RG 24/03558 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U4FM

L'ATELIER DU BOULANGER

C/

S.C.I. JMSR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 16 JUILLET 2024

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 juillet 2024

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée publiquement le 16 juillet 2024, par mise à disposition date indiquée à l'issue des débats

****

Vu l'assignation en référé délivrée le 13 juin 2024

ENTRE :

La société L'ATELIER DU BOULANGER, SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Brest sous le n° 952.863.207, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES, substitué par Me Anne-Marie CARO, avocate au barreau de RENNES

ET :

La société JMSR, SCI immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Brest sous le n°502.255.680, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Sandrine Vivier, avocate au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte du 20 juin 2023, M. [Z] [I] a vendu, moyennant le prix de 140'000'euros, à la société L'Atelier du Boulanger un fonds de commerce de boulangerie exploité dans des locaux sis à [Adresse 1], propriété de la société civile immobilière JMSR (dont les associés sont M. [Z] [I] à hauteur de 80 % et Mme [S] [O] à hauteur de 20 %), société qui, le même jour, a consenti à l'acquéreur du fonds un bail commercial.

Un litige étant survenu quant à l'encapsulage des éléments amiantés des locaux contractuellement mis à la charge du cédant et du bailleur, la société l'Atelier du Boulanger a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Brest qui, après expertise judiciaire ordonnée le 29 décembre 2023, a, par ordonnance du 22 avril 2024, notamment':

- condamné la société JMSR à verser à la société L'Atelier du Boulanger une provision de 45'984,65 euros au titre des travaux et 135'366,43'euros au titre de la perte d'exploitation,

- condamné la société JMSR à verser à la société L'Atelier du Boulanger une provision ad litem de 10 000 euros,

- condamné société JMSR à verser à la société L'Atelier du Boulanger la somme de 2'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette ordonnance a été signifiée par la société l'Atelier du Boulanger le 24 avril 2024.

La société JMSR a interjeté appel de cette décision par déclaration du 30 avril 2024.

Par exploit du 13 juin 2024, la société L'Atelier du Boulanger a fait assigner, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, la société JMSR en radiation de l'appel faute d'exécution de la décision critiquée.

Par exploit du 19 juin 2024, la société civile immobilière JMSR a fait assigner, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, la société L'Atelier du Boulanger aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire et, subsidiairement, aux fins que cette société constitue un garantie suffisante pour répondre de toutes restitutions. Elle sollicite, en outre, une somme de 2'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700'du code de procédure civile.

La bailleresse rappelle que le locataire s'est opposé à l'intervention de l'entreprise qu'elle avait désignée, puis, une fois l'expertise judiciaire ordonnée, n'a pas mandaté l'entreprise retenue par l'expert ce qu'elle a du faire.

Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux de réformation de l'ordonnance rendue, contestant toute responsabilité. Elle précise que son gérant, M. [I], a démonté comme prévu les plaques amiantées et les a remplacées, que cependant, à la suite d'une tempête ayant endommagé la couverture du local, elle a tenté de faire intervenir une société spécialisée ce à quoi son locataire s'est opposé, empêchant l'achèvement des travaux de désamiantage.

Elle s'interroge sur l'origine de la poussière d'amiante ponctuellement décelée et en tire la conséquence que c'est à tort que le juge des référés l'a condamnée. Elle ajoute que le préjudice est injustifié et contestable ce qui aurait dû conduire le juge des référés à rejeter les demandes de provision.

Elle ajoute que l'exécution de l'ordonnance engendre des conséquences manifestement excessives puisqu'elle n'est pas en mesure de régler le montant des sommes mises à sa charge, n'ayant d'autres ressources que les loyers de l'immeuble de [Localité 2] (local commercial et appartement). Elle soutient que la société L'Atelier du Boulanger, en situation financière très délicate, ne sera pas en capacité de restituer les fonds en cas d'infirmation, raison pour laquelle elle sollicite une garantie personnelle du créancier.

Elle conteste en tout état de cause la radiation faisant valoir l'impossibilité d'exécution dans laquelle elle se trouve.

La société L'Atelier du Boulanger s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et réclame une somme de 3'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle discute tant l'existence de moyens sérieux de réformation, se fondant sur le comportement fautif de la bailleresse et son préjudice, que l'absence de conséquences manifestement excessives.

Les deux procédures (arrêt de l'exécution provisoire et radiation) ont été jointes le 25 juin 2024.

SUR CE :

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire':

Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile :

«'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives'».

Ces conséquences sont appréciées tant au regard des facultés de payement du débiteur qu'en considération des facultés de remboursement du créancier en cas d'infirmation du jugement.

Il appartient à la partie qui entend se prévaloir de ces dispositions de rapporter la preuve de ce que les conditions cumulatives qu'elles prévoient sont satisfaites. Si l'une fait défaut, la demande doit être rejetée.

Il résulte du travail parfaitement clair et étayé de l'expert judiciaire [L] que l'immeuble litigieux présente une pollution à la fibre d'amiante résultant de deux désordres distincts et indépendants l'un de l'autre (note n° 2 du 19'janvier 2024)':

- d'une part, les travaux de dépose du faux plafond non maîtrisés réalisés par M. [I], gérant de la société JMSR, qui ont pollué le rez-de-chaussée (où se trouve la boulangerie, le fournil et les locaux annexes)

- d'autre part, les dégradations de la couverture par la tempête Ciaran qui a provoqué une fracture de tôles d'amiante ciment à l'origine d'une pollution de l'étage (accès fermé).

L'expert précise que les locaux donnés à bail, pollués par des fibres d'amiante (poussières et débris amiantés présents dans les différents locaux et qui seront prompts au ré-envol à l'occasion de la reprise de l'activité et de la montée en température des fours), sont impropres à leur destination et doivent être interdits d'accès à toute personne n'ayant pas une nécessité absolue d'y pénétrer. Il ajoute M.'[I], non qualifié, devait faire appel à une société de désamiantage certifiée.

Les analyses réclamées par l'expert ont confirmé la présence de fibres d'amiante.

Dans sa note n° 9, l'expert a chiffré, au vu des devis recueillis, les travaux de désamiantage et de dépollution et la pose d'un faux plafond coupe feu à la somme de 45'984,65 euros TTC.

La société L'atelier du Boulanger a mandaté la société d'expertise comptable Finexsi pour évaluer sa «'perte de chiffre d'affaires'» et ses «'gains manqués'». Les travaux non contradictoires effectués par cette société peuvent être résumés ainsi':

période

11/2023 05/2024

06/2024 05/2025

total

perte CA

316067

208727

524795

gains manqués

189513

146108

335622

Dans son ordonnance du 22 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Brest a, au visa de l'article 835 al 2 du code de procédure civile («'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'»), alloué à la société L'Atelier du Boulanger les provisions suivantes': 45'984,65'euros au titre des travaux, 135'366,43'euros au titre de la perte d'exploitation et 10'000'euros à titre de provision ad litem, retenant que l'obligation de la bailleresse n'était pas sérieusement contestable.

Si ce point paraît établi au regard des agissements de la société JMSR qui a procédé à des travaux (irréguliers) sur des éléments amiantés et a ainsi généré une grave pollution du site justifiant que la locataire s'oppose, dans ces conditions, à la poursuite des travaux, il est, en revanche, établi que les travaux de dépollution préconisés par l'expert ont, en définitive, été commandés et payés par la bailleresse ainsi qu'elle en justifie (factures TNS Dépollution de 33'708,30'euros, pièces 56 à 58 de la société JMSR) de même que les contrôles effectués depuis (cf. sa pièce n° 61). Celle-ci a, de plus, sollicité l'autorisation de l'expert pour faire exécuter au plus vite les travaux de faux plafond (devis Berthou).

En l'état de ces éléments, il existe un moyen sérieux de réformation de l'ordonnance critiquée quant à l'allocation d'une provision au locataire destinée au coût des travaux préconisés par l'expert, peu importante la circonstance tirée de ce qu'il s'agisse d'un fait postérieur à cette décision, la cour tenant évidemment compte de l'évolution du litige.

S'agissant de la provision de 135'366,43'euros allouée au titre de la perte d'exploitation, il est incontestable que les agissements de la société JMSR qui a procédé sans qualification ni précautions suffisantes à des travaux sur des éléments amiantés ayant généré une pollution et provoqué la fermeture de la boulangerie depuis le mois de novembre 2023, ont engendré pour la société L'Atelier du Boulanger une perte d'exploitation significative sur laquelle celle-ci est fondée à obtenir une provision. Il est, en revanche, exact que le juge des référés a retenu, à tort, que la société Finexsi était intervenue comme sapiteur ce qui n'est manifestement pas le cas puisque cette dernière a établi un rapport non contradictoire à la seule demande de la société locataire. Ce rapport est un élément du débat qui doit être pris en considération mais avec toutes les réserves qui s'imposent. La provision à valoir sur ce préjudice qui n'a pu être discutée dans le cadre de l'expertise, est, en principe, contestable en son montant et doit dès lors être cantonnée à la somme de 90'000'euros.

Enfin et concernant la provision ad litem, la décision du premier juge n'est pas sérieusement critiquable, celui-ci ayant tiré les conséquences de la situation financière délicate dans laquelle se trouve la locataire du fait des agissements de la bailleresse (qui l'a privée de ressources) en lui allouant de ce chef une somme de 10'000'euros.

La société civile immobilière JMSR soutient que l'exécution de la décision engendre des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation financière.

À l'appui de son argumentation, elle verse aux débats son bilan arrêté au 31 décembre 2023 qui fait apparaître, d'une part, des capitaux propres à hauteur de 42'809 euros pour un capital social de 1'000'euros (après des exercices bénéficiaires) et, d'autre part, un endettement en légère diminution au cours de l'année 2023 (de 295'656 euros à 279'687 euros).

Il doit également être tenu compte de ce que la société JMSR a, depuis, supporté le coût des travaux préconisés par l'expert.

La situation patrimoniale de ses associés est inconnue. M. [I] (associé à 80'%) a toutefois cédé le fonds de commerce de boulangerie moyennant le prix de 140'000'euros qu'il a encaissé. Il est a priori en capacité de faire un apport en capital à la société (étant rappelé qu'il s'agit d'une société civile et que l'associé est tenu de contribuer aux pertes à proportion de son capital).

En l'état de ces éléments, il n'est pas démontré que le payement d'une provision limitée à la somme de 100'000'euros (provision ad litem comprise) engendre des conséquences manifestement excessives.

Il convient, en conséquence, de cantonner à la somme de 90'000'euros la provision accordée au titre de la perte d'exploitation et de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne le payement d'une provision de 45'984,65'euros allouée au titre des travaux de reprise dont le versement injustifié en raison de l'exécution intervenue engendrerait des conséquences manifestement excessives.

La demande de garantie sollicitée par la société JMSR sera rejetée, sauf à cette dernière à financer le coût d'une caution bancaire.

Sur la demande de radiation :

L'article 524 du code de procédure civile dispose que, lorsqu'une décision est assortie de l'exécution provisoire, le premier président (ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état) «'peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision'».

En l'espèce, la société JMSR, condamnée le 22 avril 2024 à verser diverses sommes à titre provisionnel à la société L'Atelier du Boulanger, n'a strictement rien versé à sa créancière depuis la signification de l'ordonnance effectuée le 24 avril. Elle a, en revanche, financé les travaux de dépollution (qui entraient dans la sphère de la condamnation), mais ceux-ci ne représente qu'environ 31,5 % des sommes en définitive retenues.

En l'état de ces éléments et du défaut d'exécution, il convient de prononcer la radiation de l'appel.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

La société JMSR qui échoue pour l'essentiel en ses prétentions supportera la charge des dépens.

Elle devra, en outre, verser à la société L'Atelier du Boulanger une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance rendue contradictoirement :

Vu les articles 514-3 et 524 du code de procédure civile :

Arrêtons l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance rendue le 22 avril 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Brest en ce qu'elle a condamné la société civile immobilière JMSR à verser à la société L'Atelier du Boulanger une provision de 45'984,65'euros au titre des travaux.

Cantonnons l'exécution provisoire dont est assortie l'ordonnance précitée à la somme de 90'000'euros, s'agissant de la perte d'exploitation.

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assortie cette décision en ce qui concerne la perte d'exploitation cantonnée à la somme de 90'000'euros, la provision ad litem de 10'000'euros et la somme allouée au titre des frais irrépétibles.

Constatons le défaut de payement de ces sommes et ordonnons la radiation de l'affaire enrôlée au répertoire général sous le n° 24/02657 attribuée à la 5ème chambre de la cour d'appel.

Rappelons que cette affaire ne pourra être remise au rôle qu'avec notre autorisation sollicitée par simple requête et sur justification de l'exécution (payement de la somme de 102'000 euros).

Condamnons la société civile immobilière JMSR aux dépens.

Condamnons la société civile immobilière JMSR à payer à la société L'Atelier du Boulanger une somme de 1'500'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Référés civils
Numéro d'arrêt : 24/03558
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;24.03558 ?
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