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11/07/2024 | FRANCE | N°23/06625

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 juillet 2024, 23/06625


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°326/2024



N° RG 23/06625 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UI5D













M. [X] [Z]



C/



S.A.S. FAIRSON INVENTAIRE







Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024



à :Me LAISNE

Me VERRANDO





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET D

U DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉB...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°326/2024

N° RG 23/06625 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UI5D

M. [X] [Z]

C/

S.A.S. FAIRSON INVENTAIRE

Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024

à :Me LAISNE

Me VERRANDO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Avril 2024

En présence de Madame [D] [L], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 04 Juillet 2024

****

APPELANT :

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Louise LAISNE de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 68066 2023 003714 du 24/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

S.A.S. FAIRSON INVENTAIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Séverine LANDAIS, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

EXPOSÉ DU LITIGE

La société anonyme Fairson Inventaires dont l'activité consiste à effectuer des inventaires pour ses clients commerçants, emploie habituellement plus de 100 salariés et applique dans ses rapports avec eux la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999.

M. [X] [Z] a été embauché par la société Fairson Inventaires, en qualité d'opérateur d'inventaire, statut employé, suivant contrat de travail à durée déterminée signé le 29 janvier 2019 à effet au 1er février 2019 au motif d'un 'accroissement temporaire d'activité lié à la réalisation d'une prestation d'inventaire' dans le cadre d'un contrat d'inventaire avec la société Market Ernée ce, jusqu'à la fin de la période d'inventaire définie au contrat de travail. Ce contrat de travail a pris fin le 1er février 2019 au terme de la journée de travail de M. [Z].

Par un nouveau contrat de travail à durée déterminée du 4 février 2019 à effet au 7 février 2019, M. [Z] a été engagé au même poste au motif d'un 'accroissement temporaire d'activité lié à la réalisation d'une prestation d'inventaire' dans le cadre d'un contrat d'inventaire avec la société Blue Box Fougères ce, jusqu'à la fin de la mission d'inventaire indiquée en motif. Le contrat de travail a pris fin à l'issue de la journée de travail du salarié du 7 février 2019.

 ***

M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Laval par requête en date du 19 mars 2019 de voir :

- Requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée

- Condamner la SA Fairson inventaires au paiement de :

- 3 000 euros à titre d'indemnité de requalification

- 256 euros bruts à titre de rappel de salaire

- 25,60 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

- 1 521 euros nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 042 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 304 euros au titre des congés pays y afférents

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat ;

- 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- L'application des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

- La rectification des certificats de travail, attestations Pôle Emploi et bulletins de paies conforment au jugement à intervenir avec astreinte de 50 euros par jour de retard pour chacun de ces documents

- L'exécution provisoire du jugement à intervenir

- La condamnation de la SA Fairson inventaires aux dépens

La SA Fairson inventaires a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Le condamner au paiement de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Le condamner à verser 1 000 euros pour procédure abusive

- Le condamner aux dépens.

Par jugement rendu le 10 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Laval a :

- Dit qu'il ne peut être fait état de la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [Z]

- Dit que les contrats de travail à durée déterminée de M. [Z] sont réguliers;

- Débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné M. [Z] à verser à la société Fairson Inventaires 200 euros pour procédure abusive;

- Condamné M. [Z] à verser à la société Fairson Inventaires 200 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné M. [Z] aux entiers dépens.

***

M. [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe de la cour d'appel d'Angers en date du 4 novembre 2019.

Par arrêt en date rendu le 20 janvier 2022, la cour d'appel d'Angers a :

- Confirmé le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Laval le 19 octobre 2019 sauf en ce qu'il a condamné M. [X] [Z] à verser à la société Fairson Inventaires la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Débouté la société Fairson Inventaires de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

- Condamné M.[Z] à verser à la société Fairson Inventaires la somme 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel;

- Débouté M. [Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel

- Condamné M. [Z] aux entiers dépens de la procédure d'appel, avec autorisation pour la SELARL Lexavoué Rennes Angers, en la personne de Me Benoit Georges, avocat au barreau d'Angers, de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [Z] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par décision du 11 octobre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

- Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Rennes ;

- Condamné la société Fairson inventaires aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Fairson inventaires et la condamne à payer à la SCP Gadiou et Chevallier la somme de 3 000 euros.

Pour statuer en ce sens, la cour de cassation a motivé comme suit sa décision:

'Pour rejeter la demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'arrêt relève que selon l'accord du 10 mai 2010 relatif à l'activité d'optimisation linéaire, annexé à la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire, la prestation d'optimisation linéaire consiste en des activités d'inventaires et d'assistance pour les linéaires et que selon l'article 1.2 de cet accord, le contrat d'intervention à durée déterminée d'optimisation linéaire est conclu spécifiquement pour pourvoir l'emploi par nature temporaire d'un salarié affecté à une action d'optimisation de linéaires en application des dispositions de l'article L. 1242-2, 3 , du code du travail.

Il retient que l'employeur applique cette convention et a pour activité la réalisation d'inventaires, laquelle fait partie des prestations d'optimisation linéaire.

Après avoir relevé que les deux contrats avaient pour motif un accroissement temporaire d'activité lié à la réalisation d'une prestation d'inventaire, il en conclut qu'ils doivent être qualifiés de contrats d'intervention au sens de l'accord précité conformément à l'article L. 1242-2, 3 , du code du travail, peu important qu'ils précisent au surplus l'existence de cet accroissement.

En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a substitué un motif à celui mentionné dans le contrat de travail, a violé le texte susvisé'.

M. [Z] a saisi la cour de renvoi par déclaration au greffe en date du 21 novembre 2023.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 7 mars 2024, M. [Z] demande à la cour d'appel de :

- Déclarer recevable et bien-fondé son appel ;

- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Laval en ce qu'il a :

- Dit que les contrats de travail à durée déterminée de M. [Z] sont réguliers;

- Débouté M. [Z] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à verser à la SA Fairson inventaires 200 euros pour procédure abusive et 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

- Requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- Condamner la SA Fairson inventaires à verser à M. [Z] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- Condamner la SA Fairson inventaires à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

- 256 euros bruts à titre de rappel de salaire ;

- 25,60 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

- 1 521 euros nets à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 042 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 304,20 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat ;

- Condamner la SA Fairson inventaires à rectifier les certificats de travail, reçus pour solde de tout compte, attestation pôle-emploi et bulletins de paye, conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

- Débouter la SA Fairson inventaires de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- Condamner la SA Fairson inventaires aux entiers dépens

M. [Z] fait valoir en substance que:

- Le motif retenu 'd'accroissement temporaire d'activité lié à la réalisation d'une prestation d'inventaire (...)' dans les deux contrats de travail à durée déterminée est purement fictif puisque l'activité de la société consiste précisément à réaliser des inventaires, ce qui constitue son activité normale et permanente ;

- Le contrat de travail du type de celui visé par l'accord annexé à la convention collective, soit le 'contrat d'intervention à durée déterminée d'optimisation linéaire', ne correspond pas à ceux qui ont été conclus avec le salarié qui sont des contrat de travail à durée déterminée classiques pour accroissement temporaire d'activité; le terme 'd'optimisation linéaire' n'y est même pas évoqué ; l'employeur ne peut invoquer un contrat d'usage ; un seul contrat de travail à durée déterminée ne peut contenir deux motifs de recours; le motif du contrat à durée déterminée fixe les limites du litige au cas où la qualification du contrat est contestée;

- La période d'essai ne pouvait être d'un jour, alors que la durée minimale du contrat était fixée à une heure;

- L'accroissement temporaire d'activité ne figure pas à la liste énoncée par l'article L1242-7 du code du travail permettant de fixer une durée imprécise à un contrat de travail à durée déterminée; les contrats doivent être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Il s'est tenu à la disposition de l'employeur entre les deux contrats, soit pendant quatre jours et doit percevoir un rappel de salaire correspondant à cette période ;

- La procédure ne présente aucun caractère abusif.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 mars 2024, la SA Fairson inventaires demande à la cour d'appel de :

- Déclarer M. [Z] non fondé en son appel, l'en débouter

A titre principal,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Laval notamment en ce qu'il a:

- débouté M. [Z]:

- de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

- de ses demandes d'indemnités et dommages intérêts liées à la requalification;

- de sa demande de rappels de salaires et de congés payés y afférents ;

- de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

- condamné M. [Z] à verser :

- 200 euros de dommages et intérêts à la SA Fairson inventaires pour procédure abusive ;

- 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

- Apprécier dans de plus justes proportions les demandes et prétentions de M. [Z] dans la limite de :

- 123,24 euros nets au titre de l'indemnité de requalification

- 123,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 12,32 euros bruts au titre des congés payés afférents

- 123,34 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Apprécier dans de plus justes proportions les prétentions indemnitaires de M. [Z]

- Rejeter toute prétention contraire comme non recevable et dans tous les cas non fondée.

Et en tout état de cause,

- Décharger la SA Fairson inventaires de toute condamnation pécuniaire.

- Condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

La société Fairson Inventaire fait valoir en substance que:

- L'accord du 10 mai 2010 étendu par arrêté du 19 décembre 2011 relatif à l'optimisation linéaire contient des dispositions en son article 1 relatives au contrat de travail à durée déterminée d'optimisation linéaire; les contrats signés avec M. [Z] ne contiennent aucune dénomination cantonnant leur qualification à un simple accroissement temporaire d'activité ; le caractère saisonnier d'un emploi tout comme le recours au contrat de travail à durée déterminée d'usage peut être justifié par un accroissement temporaire d'activité ;

- Nonobstant l'activité habituelle d'inventaire de la société, elle doit faire face à chaque début de mois à un accroissement temporaire de son activité habituelle en raison du surcroît de demandes liées à l'établissement des bilans comptables ; il est justifié de pics d'activité pour l'année 2019 ;

- Le contrat de travail à durée déterminée conclu pour une prestation d'optimisation linéaire entre dans la catégorie des contrats d'usage ; M. [Z] savait parfaitement qu'il était engagé pour une mission particulière et ponctuelle ; sa lettre de candidature du 22 janvier 2019 en témoigne ; aucune requalification en contrat de travail à durée indéterminée ne saurait intervenir ;

- M. [Z] ne peut solliciter une indemnité de requalification égale à 3.000 euros alors qu'il a travaillé à peine 10 heures et a perçu au total une rémunération brute de 123,24 euros ;

- La majoration du préavis n'est pas due puisqu'elle est conditionnée, lorsque le salarié a le statut de travailleur handicapé, à l'exécution effective du préavis;

- Il n'est justifié d'aucun préjudice lié à une remise tardive des documents de fin contrat ; il n'est pas justifié d'un refus de la société de remettre ces documents ;

- M. [Z] n'est pas resté à la disposition de l'employeur entre les deux contrats ;

- M. [Z] est très actif sur différents sites juridiques en ligne sur lesquels, sous le pseudonyme de '[P]', il se vante d'un nombre important de procès engagés (au nombre de 43) et de son taux de réussite dans ses initiatives contentieuses ; il produit des éléments sur un état de surendettement qu'il n'appartient pas à l'employeur de combler ; il est demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 mars 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 15 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée:

En vertu de l'article L1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Aux termes de l'article L1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié (...)

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (...) ;

4° Remplacement d'un chef d'entreprise (...) ;

5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime (...) ;

6° Recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d'un objet défini lorsqu'un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d'entreprise le prévoit (...).

L'article L1242-12 alinéa 1er du même code dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il est constant que l'énonciation du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée telle qu'elle figure dans le contrat fixe les limites du litige en cas la qualification du contrat de travail est contestée.

Il résulte des dispositions de l'article L 1245-1 et L1245-2 du même code, qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des articles L 1242-1 à L 1242-4 (...) et que si le juge fait droit à la demande du salarié, il lui alloue une indemnité à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En l'espèce, les relations contractuelles de travail entre la société Fairson Inventaire et ses salariés sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire et de l'accord du 10 mai 2010 étendu par arrêté du 19 décembre 2011 relatif à l'activité d'optimisation linéaire.

L'article 1.2 de l'accord du 10 mai 2010 relatif à l'activité d'optimisation linéaire indique que 'la prestation d'optimisation linéaire consiste essentiellement dans des actions de montage des têtes de gondole, d'activités d'inventaires, des implantations, de l'assistance pour les linéaires mais également pour des actions anti-ruptures (encore appelées vigilance sur les linéaires)'.

Dans le contexte ainsi présenté, ce même accord définit le contrat d'intervention à durée déterminée d'optimisation linéaire comme 'un contrat de travail à durée déterminée conclu spécifiquement pour pourvoir l'emploi par nature temporaire d'un salarié affecté à une action d'optimisation de linéaires, en application de l'article L1242-2-3° du code du travail (...)'.

Force est de constater que le contrat de travail à durée déterminée signé le 29 janvier 2019, vise en son article 2 le motif suivant: 'Le contrat de travail est établi en raison d'un accroissement temporaire d'activité lié à la réalisation d'une prestation d'inventaire intervenant dans le cadre d'un contrat d'inventaire liant la société et la société Market Ernée, nécessitant impérativement le concours du salarié en vue des opérations suivantes: comptage des produits ainsi que tous les travaux liés aux fonctions (cf. 'Définition de la fonction')'.

Le contrat de travail à durée déterminée signé le 4 février 2019 mentionne le même motif à propos du client Blue Box Fougères.

Pour soutenir que les contrats litigieux sont des contrats d'intervention au sens des dispositions conventionnelles susvisées, la société Fairson Inventaire soutient avoir 'expliqué précisément le motif de recours à la conclusion des deux contrats de travail à durée déterminée sans retenir le motif d'accroissement temporaire d'activité (...)' et que 'l'existence d'un accroissement temporaire de l'activité n'est pas exclusive de la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée saisonnier ou d'un contrat de travail à durée déterminée dit d'usage'.

Or, aucun des deux contrats de travail à durée déterminée litigieux, dont l'objet était pourtant la réalisation d'inventaires dans le cadre d'une activité correspondant à l'objet social et d'ailleurs à la dénomination même de l'entreprise, ne contient la dénomination même de 'contrat d'intervention', de même qu'il n'est fait référence ni à l'accord du 10 mai 2010, ni au motif prévu pour le recours à un tel contrat, à savoir l'emploi par nature temporaire d'un salarié affecté à une action d'optimisation de linéaires, motif spécifique qui ne saurait être confondu avec celui d'un 'accroissement temporaire d'activité', seul visé aux contrats formant l'objet du présent litige.

Ainsi, s'il apparaît que les partenaires sociaux ont pu prévoir le recours à un contrat de travail à durée déterminée d'usage pour les tâches d'optimisation linéaire, force est de constater que le motif propre au recours à un tel contrat ne résulte nullement des contrats de travail à durée déterminée versés aux débats.

L'employeur fait valoir à titre subsidiaire que le motif tiré d'un accroissement temporaire de son activité se justifie dès lors 'qu'elle doit faire face, chaque début de mois, à un accroissement temporaire de son activité habituelle en raison du surcroît de demandes liées à l'établissement des bilans comptables'.

Il est constant que si l'accroissement temporaire d'activité doit correspondre à une variation ponctuelle qui n'est pas nécessairement exceptionnelle, pour autant cette variation ne doit pas intervenir de manière régulière puisque dans cette dernière hypothèse, faute d'être soumise à un aléa, la variation d'activité relèverait de l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En l'espèce, outre le fait que la société Fairson Inventaire écrit elle-même qu'elle fait face 'chaque début de mois' à un accroissement temporaire de son activité, ce qui exclut tout caractère aléatoire à la variation alléguée, le tableau qu'elle produit (pièce n°17) ne met pas en évidence de pics d'activité marqués systématiquement en début de mois, de même que le tableau présentant sur l'année 2019 les dates d'inventaire et le nombre des contrats de travail journaliers, n'est pas plus éclairant sur le caractère prétendument inhabituel des missions couvrant la période litigieuse du mois de février 2019, ayant pu justifier l'embauche de M. [Z] pour un 'accroissement temporaire d'activité'.

Il sera encore observé que les partenaires sociaux ont pris soin en préambule de l'accord du 10 mai 2010 d'indiquer: '(...) Toutefois, ces activités se déroulent autour d'actions limitées dans le temps, exclusivement liées à la saisonnalité des ventes, exercées de façon très ponctuelles, obligeant les organisateurs, afin de répondre au besoin du client dans le respect des droits des salariés, à un aménagement et une organisation du travail dans les limites et les garanties fixées par la loi'.

Ainsi, il apparaît que l'activité normale de l'entreprise s'inscrit dans un contexte spécifique de fluctuation des ventes, ce qui explique que les partenaires sociaux aient prévu le recours à un contrat de travail à durée déterminée d'optimisation linéaire qui ne se confond pas avec un contrat de travail à durée déterminée pour surcroît temporaire d'activité.

Dès lors que le motif de recours figurant dans les deux contrats de travail à durée déterminée conclus entre la société Fairson inventaire et M. [Z] est erroné et injustifié, il convient, sans qu'il soit justifié d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, faisant application de l'article L1242-12 alinéa 1er du code du travail et infirmant de ce chef le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Laval, de prononcer la requalification des dits contrats en contrat de travail à durée indéterminée.

Pour soutenir que M. [Z] doit voir l'indemnité de requalification réduite à hauteur de 123,24 euros correspondant au total de la rémunération perçue pour les deux jours de travail accomplis les 1er et 7 février 2019, la société Fairson Inventaire relève que l'intéressé a travaillé au total à peine 10 heures.

Toutefois, aux termes de l'article L1245-2 alinéa 2 du code du travail, l'indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Dès lors que la rémunération brute horaire prévue aux deux contrats de travail a été fixée à 10,03 euros, un mois de salaire correspond à un montant de 1.521,25 euros que la société Fairson Inventaire sera condamnée à payer à M. [Z] à titre d'indemnité de requalification.

2- Sur la rupture et ses conséquences:

Dès lors que la relation contractuelle à durée déterminée est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, tandis qu'il n'a été procédé à l'envoi d'aucune lettre de licenciement dûment motivée conformé aux dispositions de l'article L1232-6 du code du travail, la rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2-1: Sur le préavis:

L'article L 1234-1 du code du travail dispose: 'Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ; (...)'.

L'article 19.1 de la convention collective nationale des prestataires de services dispose:

'19.1. Préavis

A. En cas de rupture du contrat de travail, sauf faute grave ou lourde ou force majeure, un préavis est dû par la partie qui prend l'initiative de la rupture.

Le non-respect de ce préavis réciproque impliquera le paiement de l'indemnité compensatrice.

B. La durée de ce préavis est calculée sur la base de l'horaire applicable dans l'entreprise. Elle est :

- de 1 mois pour les employés. En cas de rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, sauf en cas de faute grave ou lourde ou force majeure, cette durée est portée à 2 mois après 2 ans d'ancienneté ;

(...)'.

Par ailleurs, aux termes de l'article L5213-9 du code du travail, en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Il est constant que le doublement du préavis ou de l'indemnité compensatrice est dû même si le salarié n'avait pas révélé à l'employeur sa qualité de travailleur handicapé.

En l'espèce, il est justifié de la notification à M. [Z], en date du 26 janvier 2017, d'une décision de la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées octroyant à l'intéressé la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er août 2017 au 31 juillet 2019.

Au regard des dispositions de la convention collective applicable qui ne limitent pas l'indemnité de préavis sous le seuil d'un mois pour les employés dont l'ancienneté est inférieure à deux ans et compte-tenu de la qualité de travailleur handicapé de M. [Z] qui n'a pas lieu d'être exclue au motif allégué mais erroné que la majoration 'ne peut être appliqué à l'indemnité compensatrice de préavis', il convient, statuant dans la limite de la demande, de condamner la société Fairson Inventaire à payer à M. [Z] une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme de 3.042 euros brut outre 304 euros brut au titre des congés payés y afférents.

2-2: Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Faisant application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail plafonnant à un mois de salaire l'indemnité due au salarié dont l'ancienneté est inférieure à un an, compte-tenu de la très faible ancienneté du salarié et des circonstances de l'espèce, il est justifié de condamner la société Fairson Inventaire à payer à M. [Z] la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2-3: Sur la demande relative à la remise tardive des documents de fin de contrat:

Il est constant que M. [Z] qui a travaillé durant le mois de février 2019 au sein de la société Fairson Inventaires a perçu, suivant virement bancaire effectué le 25 février 2019, la rémunération correspondant aux deux jours de travail effectués les 1er et 7 février 2019.

Conformément à ce qui était annoncé par l'employeur, le certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle emploi ont été adressés dans le délai de trois jours maximum après paiement des missions, M. [Z] reconnaissant lui-même que les dits documents lui ont été transmis le 26 février 2019, soit le lendemain du paiement du salaire.

Il n'est justifié d'aucun manquement fautif de la société Fairson Inventaire quant à l'envoi des documents de fin de contrat de travail et hormis le fait pour le salarié d'invoquer une situation de surendettement, il ne justifie d'aucun préjudice subi en lien avec le manquement invoqué.

M. [Z] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts par voie de confirmation du jugement entrepris sur ce point.

3- Sur la demande relative aux salaires interstitiels:

M. [Z] qui a donc travaillé au sein de la société Fairson Inventaires les 1er et 7 février 2019 affirme qu'il est resté 'dans l'attente de travailler pour la société Fairson' entre les deux contrats, qu'il ignorait la durée de chaque mission et a donc droit au paiement des quatre jours ouvrables séparant les deux contrats de travail à durée déterminée.

Pour autant, M. [Z] ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il se soit tenu à la disposition de l'employeur entre les deux contrats, étant encore observé qu'il écrivait à la société Fairson Inventaire le samedi 2 février 2019 en indiquant qu'il serait disposé à accepter une autre mission, sauf le mardi 5 février 2019, ce dont il s'évince que l'intéressé qui avait lui-même pris d'autres engagements dans l'intervalle séparant les deux contrats, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe.

Le jugement entrepris qui a débouté M. [Z] de ce chef de demande sera confirmé.

4- Sur la demande de remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte:

En application de l'article R 1234-9 du Code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L 5421-2 et transmet ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L 5312-1.

Par ailleurs, en application des articles L 1234-19 et D 1234-6 du même code, un certificat de travail doit être remis au salarié.

Enfin, l'article L 3243-2 impose la remise au salarié d'un bulletin de paie, dont le défaut de remise engage la responsabilité civile de l'employeur.

En application de ces textes, il est justifié de condamner la société Fairson Inventaire à remettre à M. [Z], dans le délai de trente jours suivant la notification du présent arrêt, un certificat de travail et une attestation destinée à France Travail rectifiés conformément à la décision rendue, ainsi qu'un bulletin de salaire mentionnant les différentes sommes allouées.

Il n'est pas justifié d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire.

5- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive:

La société Fairson Inventaire, qui évoque le quantum des demandes du salarié en comparaison de la très faible durée d'emploi ainsi que l'activité intense entretenu par ce dernier sur des forums internet sur lesquels il évoque un nombre conséquent de procédures engagées, motivées par 'son expérience et ses besoins financiers', ne démontre ce faisant pas d'abus du droit d'ester en justice de la part de M. [Z], lequel obtient gain de cause sur sa demande en requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'en ce qui concerne diverses demandes indemnitaires qui en découlent.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné le salarié à payer de ce chef la somme de 200 euros à la société Fairson Inventaire.

6- Sur les dépens et frais irrépétibles:

La société Fairson Inventaire, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, de même que le jugement entrepris sera infirmé en ce que M. [Z] a été condamné à payer à la société Fairson Inventaire la somme de 200 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et en paiement d'un rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la période séparant les deux contrats de travail à durée déterminée ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Prononce la requalification des contrats de travail à durée déterminée conclus les 29 janvier 2019 et 4 février 2019 en contrat de travail à durée indéterminée ;

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Fairson Inventaire à payer à M. [Z] les sommes suivantes:

- 1.521,25 euros à titre d'indemnité de requalification

- 3.042 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 304 euros brut à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis

- 150 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Fairson Inventaire à remettre à M. [Z], dans le délai de trente jours suivant la notification du présent arrêt, un certificat de travail et une attestation destinée à France Travail rectifiés conformément au présent arrêt, ainsi qu'un bulletin de salaire mentionnant les différentes sommes allouées ;

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte provisoire ;

Déboute la société Fairson inventaire de sa demande à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;

Condamne la société Fairson Inventaire aux dépens de première instance et d'appel;

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions légales et réglementaires sur l'aide juridictionnelle.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 23/06625
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.06625 ?
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