7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°318/2024
N° RG 21/04024 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RZL6
M. [J] [X]
C/
M. [I] [K]
Copie exécutoire délivrée
le :11/07/2024
à :Me CLAEYS
Me FOUQUAUT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2024 devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [E] [M], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [J] [X]
né le 25 Octobre 1951 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Marie- Caroline CLAEYS de MC2 AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 352380022021008774 du 09/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Monsieur [I] [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Arnaud FOUQUAUT, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jean BIEN, Plaidant, avocat au barreau des DEUX -SEVRES
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [K] et [W] [K], son épouse, retraités, sont propriétaires du manoir de [Adresse 3] situé à [Localité 5] dans les Côtes d'Armor, qu'ils occupent en alternance avec leur domicile parisien.
Selon contrat du 4 mars 2016 à effet du 15 mars suivant, M. [I] [K] a donné à bail à M. [X], né en 1951 et son épouse, née en 1948, une maison de gardien située dans le parc du manoir, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 480 euros. Le loyer n'a jamais été réglé, ni réclamé.
Parallèlement M. [K] et M. [X] ont convenu que ce dernier réalisera pour le compte du premier des travaux d'entretien du parc (tonte, entretien des plates-bandes, taille des haies), à raison de 15 heures par mois, payées 150 euros par chèque emploi service universel, volume horaire ramené à 5 heures par mois à compter du mois d'avril 2018 et le salaire mensuel à 50,35 euros.
A compter du printemps 2019, tant les relations entre les époux [X] que celles entre M. [X] et les époux [K], se sont détériorées.
Cette situation a conduit au départ de Mme [X] du domicile conjugal à la fin du mois d'avril 2019, puis au départ de M. [X] de la maison de gardien courant juin 2019, qui vidait les lieux et remettait les clefs du logement à M. [K] le 30 juillet 2019.
Par courrier recommandé en date du 26 juin 2019, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le juillet suivant.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 juillet 2019, il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave
***
Sollicitant la requalification à temps plein de son contrat de travail, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Guingamp par requête en date du 4 novembre 2019 afin de voir :
- Requalification du contrat de travail à temps plein depuis son embauche le 4 mars 2016
- Rappel de salaires 71 464,83 euros
- Congés payés afférents 7 146,48 euros
- Indemnité pour travail dissimulé 11 924,88 euros
- Dire que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,
- Indemnité pour irrégularité de procédure 1 987,48 euros
- Indemnité compensatrice de préavis 3 974,96 euros
- Congés payés afférents 397,49 euros
- Indemnité de licenciement 1 697,64 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement abusif 7 950,00 euros
- Dommages et intérêts pour préjudice moral 5 000,00 euros
- Remboursement de la somme de 632,73 euros au titre du gaz restant dans la citerne et de la somme de 600,00 euros au titre du potager
- Intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2019, date de la réception de la lettre recommandée;
- Ordonner la remise de bulletins de salaire et de documents de fin d'emploi conformes au jugement (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et se réserver le droit de liquider l'astreinte;
- Condamner M. [K] à verser à M. [X] la somme de : 2 500 euros sur le fondement des article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- Dépens ;
- Exécution provisoire du jugement ;
- Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
M. [K] a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes comme n'étant ni fondées ni justifiées ;
- Reconventionnellement condamner M. [X] :
- Au paiement d'une somme de 2 000 euros pour procédure abusive;
- Au paiement de la somme de 2 750 euros en réparation du préjudice subi du fait des dégâts occasionnés dans le logement donné en location :
- Au paiement de la somme de 187,40 euros au titre de 50 % des frais d'huissier indument supportés par M. [K];
- A verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- Aux entiers dépens
Par jugement en date du 1er juin 2021, le conseil de prud'hommes de Guingamp a:
- Rejeté la requalification du contrat de travail de M. [X] à temps plein depuis son embauche le 4 mars 2016;
- Débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents à cette demande ;
- Dit et jugé qu'il n'y a pas de travail dissimulé de la part de M. [K].
- Débouté M. [X]:
-de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ;
-de sa demande d'irrégularité de procédure ;
- Dit et jugé que c'est à tort que M. [K] a qualifié les faits fautifs reprochés à M. [X] de faute grave et que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamné M. [K] à payer à M. [X] :
- 53,29 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 131,18 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et 13,18 euros au titre des congés payés afférents
- 632,73 euros au titre du remboursement du gaz;
- 131,18 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Rappelé que la condamnation au paiement des sommes dues au titre du salaire et de ses accessoires est exécutoire de plein droit ;
- Dit que les condamnations à paiement de créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter· de la saisine de prud'hommes, et que les condamnations à paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- Ordonné à M. [K] de délivrer les bulletins de salaire (pour le préavis), attestation pôle emploi, le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, dûment remplis et conformes à la présente décision, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et par document, à compter de la 3ème semaine de la notification du présent jugemen, astreinte que le conseil se réserve le droit de liquider ;
- Se déclarer incompétent pour connaître de la demande présentée par M. [K] au titre des réparations locatives au profit du juge des contentieux de la protection ;
- Renvoyé les parties, si elles le souhaitent, à mieux se pourvoir sur cette demande ;
- S'est déclaré incompétent pour connaître de la demande présentée par M. [K] au titre du remboursement des frais de l'état des lieux au profit du juge des contentieux de la protection ;
- Renvoyé les parties, si elles le souhaitent, à mieux se pourvoir sur cette demande ;
- Débouté M. [X] de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [K] aux entiers dépens et ce conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
- Débouté M. [K] du surplus de ses autres demandes.
***
M. [X] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 1er juillet 2021.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 25 février 2022, M. [X] demande à la cour d'appel de :
- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp en date du 1er juin 2021 en ce qu'il a :
- Rejeté la requalification du contrat de travail de M. [X] à temps plein depuis son embauche le 4 mars 2016,
- Débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents à cette demande,
- Dit et jugé qu'il n'y a pas de travail dissimulé de la part de M. [K],
- Débouté M. [X] :
- de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
- de sa demande d'irrégularité de procédure,
- En ce qu'il a condamné M. [K] à payer à M. [X] sur le quantum :
- 53,29 euros brut au titre de l'indemnité de licenciement,
- 131,18 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et 13,18 euros au titre des congés payés afférents,
- 632,73 euros au titre de remboursement du gaz,
- 131,18 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté M. [X] de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau
- Requalifier le contrat de travail de M. [X] en contrat de travail à temps plein depuis son embauche le 4 mars 2016.
- Condamner M. [K] à verser à M. [X] la somme brute de 52 744,74 euros, à titre de rappel de salaire outre 5 274,47 euros au titre des congés payés y afférents.
- Condamner M. [K] à verser à M. [X] la somme de 11 924,88 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [X] dépourvu de toute cause réelle et sérieuse mais condamner M. [K] à ce titre :
- 3 974,96 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 397,49 euros au titre des congés payés y afférents,
- 1 697,64 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 7 950 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier sans cause réelle et sérieuse,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.
A titre subsidiaire,
- Condamner M. [K] au paiement d'une somme de 1 987,48 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de procédure.
- Confirmer le jugement en ses autres dispositions.
- Condamner M. [K] à payer à M. [X] une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
- Condamner M. [K] aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 6 décembre 2021, M. [K] demande à la cour d'appel de :
A titre principal
- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp en ce qu'il a :
- Rejeté la requalification du contrat de travail de M. [X] à temps plein depuis l'embauche le 4 mars 2016 ;
- Débouté M. [X] de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents ;
- Débouté M. [X] de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
- Débouté M. [X] :
- De sa demande de dommages et intérêts au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
- De sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure
- De sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure pénale
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et condamné M. [K] à payer M. [X] les sommes suivantes :
- Indemnité de licenciement 53,29 euros
- Indemnité compensatrice de préavis 131,18 euros
- Congés payés afférents 13,11 euros
- Remboursement du gaz 632,73 euros
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 131,18 euros
- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes reconventionnelles au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
Et statuant à nouveau,
- Débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes comme n'étant ni fondées ni justifi ées.
- Condamner M. [X] au paiement d'une somme de 2 000 euros pour procédure abusive
A titre subsidiaire
- Confirmer en son entier le jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp,
En toutes hypothèses,
- Condamner M. [X] à verser à M. [K] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Fouquaut conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 16 avril 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 14 mai 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet :
Pour infirmation, M. [X] soutient que :
-pour retenir une durée de 15 heures de travail par mois, le conseil de prud'hommes a divisé le salaire de 150 euros par le taux horaire du Smic de 10 euros ; il en a déduit que la durée de travail hebdomadaire étant inférieure à 8 heures, le Cesu faisait office de contrat de travail (article L1271-5 du code du travail) ;
-or le loyer de 480 euros qu'il a été dispensé de verser (ainsi dans son courrier du 22 avril 2018, M. [K] affirme mensongèrement « qu'à date vous êtes à jour de vos obligations prévues dans le cadre du bail que nous avons signé ensemble en 2016 »), s'analyse en réalité en un salaire qui le rétribuait donc pour 48 heures par mois (480 / 10) ce qui, ajouté aux 15 heures mensuelles portait sa durée de travail à 63 heures mensuelles (à cet égard la diminution du temps de travail, ramené à 5 heures par mois à compter de mai 2018 s'est faite en dehors de toutes les règles), ce qui rendait dès lors obligatoire l'établissement d'un contrat écrit ; l'absence d'écrit fait présumer un emploi à temps complet, présomption qui ne peut être combattue par l'employeur qui la conteste, que par la démonstration :
$gt;de la durée exacte mensuelle convenue ;
$gt;que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler,
$gt;que le salarié n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
-M. [K] échoue à renverser cette présomption :
$gt;de première part, l'attestation de Mme [V] divorcée [X] est contredite par celles de M. [F] et de Mme [T] qui certifient qu'il travaillait à temps plein ;
$gt;de seconde part, la superficie très importante du parc du château rend matériellement impossible l'entretien du jardin (et en particulier la tonte, le désherbage et la taille), le nettoyage et l'évacuation des déchets, l'achat des fournitures et les déplacements induits, l'accueil des professionnels devant intervenir et les tournées de vérifications quotidiennes dans le parc, en seulement 15 heures mensuelles ;
-en procédant par compensation avec les loyers, le rappel de salaire pour un temps complet, s'établit, pour la totalité de la relation de travail (mai 2016 ' juin 2019) à 52.744,74 euros outre 5.274,47 euros de congés payés y afférents.
M. [K] réplique que :
-dans le cadre d'un Cesu, l'employeur, conformément à l'article L1271-5 du code du travail est dispensé de la conclusion d'un contrat de travail écrit dès lors que la durée hebdomadaire de travail est inférieure à 8 heures, ce qui est le cas en l'occurrence ;
-les dispositions légales sur la durée du travail et au travail à temps partiel ne s'appliquent pas aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale du particulier employeur du 24 novembre 1999 (Cass. Soc. 5 juillet 2017, n°16-10841) et le juge peut, sans inverser la charge de la preuve, estimer qu'un employé de maison engagé selon un contrat verbal, travaille à temps partiel ;
-M. [X] se garde bien de décompter le temps exact qu'il consacrait aux différents travaux d'entretien (et les attestations qu'il produit ne sont d'aucun secours à cet égard), étant rappelé que : la tonte de la pelouse intervient 12 fois par an pour une durée estimée à 2 h 30 par tonte, ramassage compris ; que la taille de la haie nécessite 6 jours de travail par an et le traitement des allées, 4 interventions par an pour deux heures à chaque passage ; que M. [X] ne s'occupait pas des parterres de fleurs (seule Mme [V] divorcée [X] s'y consacrait), ni des travaux d'entretien hors jardinage (réalisés par M. et Mme [K] exclusivement) ; en réalité, M. [X] partageait la presque totalité de son temps entre la pêche et son potager (mis gracieusement à disposition) ; M. [X] était totalement libre de gérer son emploi du temps à sa convenance et sa simple présence sur les lieux ne peut suffire à établir qu'il se tenait à la disposition permanente de son employeur et aucune prestation de gardiennage n'est caractérisée, au-delà de l'occupation du logement, assimilé à son lieu de travail (et comme telle impliquant logiquement une présence continue du locataire-salarié sur son lieu de travail).
Il est acquis aux débats que M. [X] avait pour activité principale le gardiennage de la maison de son employeur et l'exécution de travaux de jardinage et d'entretien des abords immédiats de celle-ci ; il s'en déduit que la convention collective des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 était applicable à la relation de travail (en ce sens, Cass. Soc. n°13-11388), visés dans les bulletins de paie édités par le service du Cesu, ce qu'au demeurant, le salarié ne remet pas en cause.
De la détermination de la convention collective applicable à la relation de travail dépend la question de l'application des dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel.
En effet, il résulte de la combinaison des articles L. 3123-14 du code du travail et L. 7221-2 du même code que les dispositions de ce code relatives à la durée du travail et au travail à temps partiel ne sont pas applicables aux employés de maison qui travaillent au domicile privé de leur employeur et sont soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999. (en ce sens, Soc. 17 octobre 2000, n° 98-43443, 16 juin 2021, n°19-19211). Ainsi, s'agissant du temps partiel, les dispositions de l'article L 3123-14 du Code du travail selon lesquelles le contrat doit être écrit et préciser la répartition de la durée du travail, qui ne sont pas visées par l'article L 7221-2, ne sont pas applicables aux employés de maison.
Dans ces conditions, par voie de confirmation du jugement, M. [X] ne peut qu'être débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.
Il appartient dès lors à la cour d'évaluer le nombre d'heures de travail accomplies par le salarié et de fixer les créances de salaire s'y rapportant (Soc., 7 décembre 2017, n° 16-12.809, Bull., n°210 ; Soc., 18 mars 2020, n°18-12.357).
Si les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux assistants maternels employés par les particuliers, qui sont soumis à la convention collective nationale du 1er juillet 2004, il n'en va pas de même de celles de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la preuve de l'existence ou du nombre des heures effectuées.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, les États membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE, gde ch.,14 mai 2019, aff. C-55/18, pt 60, Federación de Servicios de Comisiones Obreras, CCOO).
L'absence de mise en place par l'employeur d'un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies. Il lui est ainsi possible d'utiliser d'autres moyens pour démontrer le temps de travail des salariés (qui doivent être conscients que leur temps de travail peut être évalué même en l'absence d'un système formel de mesure du temps de travail), les enregistrements de connexion par exemple.
A l'appui de sa demande, M. [X] verse aux débats :
$gt;un courrier du 6 mars 2016 que lui a adressé M. [K] : « Pour faire suite à la signature du bail intervenue cette semaine, nous vous confirmons par la présente notre accord pour que le règlement de votre loyer puisse intervenir en échange du gardiennage de notre propriété de [Adresse 3] et de travaux de jardinage à convenir ensemble, comme, par exemple : tontes, taillage de haies, entretien de plates-bandes, etc'. Comme convenu nous vous versons en complément une somme de nette de 150 euros par mois (par Cesu). Espérant avoir répondu à votre attente (') » ;
$gt;le contrat à effet du 15 mars 2016 aux termes duquel M. [K] donne à bail à M. [X] et son épouse un logement à usage d'habitation exclusivement sis au lieudit [Adresse 3], commune de [Localité 5] (22) de trois pièces d'une surface habitable de 71 m², d'une durée de trois ans, tacitement reconductible, moyennant le versement d'un loyer mensuel de 480 euros plus les charges, révisable annuellement selon l'indice de référence des loyers calculé par l'INSEE ;
$gt;l'attestation, produite par l'intimé, de Mme [V], ex-épouse de M. [X] qui expose que « Il était convenu qu'en l'échange de quelques travaux de jardinage dans le parc de M. et Mme [K], le loyer ne serait pas demandé. Il était également entendu que M. [X] serait rémunéré tous les mois et que notre consommation d'eau personnelle était gratuite pour l'année. Une provision de bois pour notre poêle était également à notre disposition gratuitement et le jardin à légumes disponible pour cultiver notre provision personnelle. (') M. [X] tondait les pelouses en saison, passait le rotofil à divers endroits, taillait les haies, les arbustes des parterres, traitait et désherbait les allées. Débroussaillage divers. Entretien divers. Surveillance des moutons. Surveillance générale. (') » ;
$gt;les bulletins de paie de M. [X] établis par le service du Cesu établissant qu'a été versée une somme de 150 euros nette par mois d'avril 2016 au mois de mars 2018 inclus puis de 50,35 euros d'avril 2018 à juin 2019 et 150 euros en juillet 2019 ;
$gt;les attestations de MM. [F] et [T] qui indiquent que M. [X] était gardien à plein temps et assurait l'entretien du parc de la propriété de M. [K] ;
$gt;une facture du 31 mai 2019 de 489,54 euros établie par M. [K] et adressée à M. et Mme [X], correspondant au loyer indexé du mois de juin 2019 à la suite d'un courrier de M. [K] du 31 mai 2019 : « (') Nous tenons à vous signifier par la présente que nous tenons à ce que cessent immédiatement tous les menus services que vous nous rendiez en échange de votre loyer. Dorénavant, nous vous demandons de bien vouloir respecter les clauses et conditions du bail que nous avons signées ensemble en mars 2016 (') A ce titre, vous voudrez bien trouver ci-joint votre facture pour le mois de juin 2019 que nous vous demandons de régler sans délai ('). »
Ce faisant, M. [X] apporte des éléments laissant supposer qu'il accomplissait davantage d'heures de travail que les 15 heures de travail (puis 5 heures à partir d'avril 2018) rémunérées par Cesu et la dispense de paiement du loyer de 480 euros s'analyse en réalité en un salaire qui le rétribuait donc pour 48 heures par mois (480 / 10 euros) ce qui, ajouté aux 15 heures mensuelles portait sa durée de travail à 63 heures mensuelles de mars 2016 à mars 2018 et 53 heures par mois d'avril 2018 à mai 2019, éléments en tout cas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
En réplique M. [K] produit,
$gt;un autre courrier de sa main, toujours daté du 6 mars 2016, mais différemment rédigé : « Pour faire suite à la signature du bail intervenue cette semaine, nous vous confirmons par la présente que nous vous verserons une somme nette de 150 euros par mois (par Cesu) pour des travaux de jardinage à convenir ensemble sur notre propriété de [Adresse 3], par exemple : tontes, taillage de haies, etc' Espérant avoir répondu à votre attente (') »
$gt;un courrier du 22 avril 2018 : « Pour faire suite à notre échange et répondre à votre demande d'alléger votre charge de travail, nous vous confirmons par la présente notre accord, à compter du 1er avril 2018, pour baisser de 15 à 5 le nombre d'heures qui vous sont rémunérées par Cesu pour divers travaux de jardinage sur notre propriété de [Adresse 3]. Nous profitons de ce courrier pour vous confirmer qu'à cette date, vous êtes à jour de vos obligations prévues dans le cadre du bail que nous avons signé ensemble en mars 2016. »
$gt;le témoignage de Mme [V] divorcée [X], qui indique : « J'ai aimé partager de nombreuses tâches avec M. [X] : taille des haies, ramassage des coupes, entretien des allées, ramassage des feuilles. Je taillais les hortensias seul ou avec Mme [K]. J'entretenais une partie des parterres et Mme [K] faisait le reste. Une partie du paillage des parterres a été faite par nous deux. Et l'autre partie, accompagnée par M. et Mme [K]. M. [X] tondait les pelouses en saison, passait le rotofil à divers endroits, taillait les haies, les arbustes des parterres, traitait et désherbait les allées ; débroussaillage divers. Entretien divers. Surveillance des moutons. Surveillance générale. Compte tenu de cette répartition des tâches, M. [X] affirmait à son entourage que ce poste lui convenait très bien et que cela lui représentait un quart temps. (')»
Les éléments ainsi versés aux débats par l'employeur qui se borne en définitive à critiquer les pièces produites par l'appelant, ne sont pas de nature à établir de manière objective et fiable le nombre d'heures de travail effectué par le salarié. En cet état, il sera considéré que M. [K] ne remplit pas la charge de la preuve qui lui revient, le salarié ayant de son côté apporté à la cour des éléments précis.
Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que M. [X] a bien effectué les 48 heures complémentaires par mois revendiquées au cours de la période en litige (de mars 2016 à mai 2019 ' il n'a en revanche pas accompli ces heures en juin et juillet 2019) de sorte qu'il y a lieu d'évaluer le montant des rappels de salaire de la façon suivante : dans la mesure où M. [X] percevait par Cesu un salaire brut de 196,54 euros pour 15 heures par mois et un salaire de 50,35 euros pour 5 heures par mois , il aurait dû percevoir pour les 48 heures accomplies au-delà, 3,2 fois plus soit 628,93 euros x 39 mois = 24.528,27 euros.
Par voie d'infirmation du jugement, M. [K] est condamné à payer à M. [X] la somme de 24.528,27 euros brut au titre du rappel de salaire outre la somme de 2 452,82 euros pour les congés payés y afférents .
Sur la demande au titre du travail dissimulé :
M. [X] fait valoir qu'en procédant par un système de compensation du salaire avec les loyers dus pour justifier d'un prétendu temps partiel inférieur à 8 heures hebdomadaires, M. [K] a éludé le paiement des charges sociales correspondant à la partie la plus importante de son salaire. L'intimé est donc redevable d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire soit 11.924,88 euros sur le fondement de l'article L8221-5 du code du travail.
M. [K] réplique que M. [X] n'ayant pas accompli d'heures au-delà de celles qui lui ont été rémunérées, il ne peut qu'être débouté de sa demande.
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3º Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L.8223-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que 'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.'
Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.
Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.
Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.
Le salaire est, en principe, payé en espèces par opposition à la fourniture d'avantages en nature. Il y a avantage en nature lorsque l'employeur fournit gratuitement ou à des conditions privilégiées des biens ou services (repas, logement, voiture, vêtements, matériel informatique') dont la charge incombe normalement au salarié. L'économie réalisée par le salarié qui évite ainsi une dépense constitue une forme de rémunération. Parce qu'ils font partie intégrante du salaire, les avantages en nature doivent faire l'objet d'une évaluation qui servira pour le calcul des cotisations et pour celui de diverses indemnités (préavis, congés payés, indemnisation maladie').
Les avantages en nature dont bénéficie le salarié doivent être évalués pour être intégrés dans l'assiette des cotisations, conformément à l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale.
À titre gratuit ou moyennant une part de contribution du salarié, non assimilable à un loyer, lorsque l'employeur met à la disposition du salarié un logement, celui-ci constitue un avantage en nature à inclure dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale. L'évaluation de l'avantage logement, pour le calcul des cotisations sociales, doit se faire conformément à l'arrêté du 10 décembre 2002. L'estimation de l'avantage d'un logement est évaluée forfaitairement ou peut être calculée, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues par le Code général des impôts (articles 1496 et 1516 du code général des impôts) et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires.
En résumé, l'avantage en nature logement consiste, pour un employeur, à mettre à la disposition d'un salarié un logement de fonction de manière gratuite. Cet avantage lié à l'hébergement gracieux d'un salarié est assimilé à une rémunération et doit, à ce titre, être évalué pour être soumis à cotisations sociales.
Aucune contestation utile n'est élevée par l'intimé relativement à l'avantage en nature invoqué par le salarié, étant rappelé que M. [K] a reconnu dans un des deux courriers daté du 6 mars 2016 (dont les termes sont confirmés dans la lettre du 31 mai 2019), que la dispense de paiement du loyer convenu (qui n'a, de fait, jamais été réglé ni réclamé), « intervenait en échange du gardiennage de la propriété de [Adresse 3] et de travaux de jardinage à convenir ensemble », et que la production des bulletins de salaire établi par le service du Cesu-Urssaf permet de vérifier l'absence de toute mention à ce sujet. L'employeur a donc habillé un avantage en nature non déclaré, (plus de trois fois supérieur à la rémunération versée par Cesu) en bail à titre onéreux.
Il s'ensuit que l'intention de dissimuler l'avantage en nature ainsi accordé par l'employeur est caractérisé en l'espèce.
Le montant de cette indemnité doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat.
Cette indemnité forfaitaire, qui répare le préjudice subi par le salarié du fait du travail dissimulé, a un caractère indemnitaire. Les sommes versées à ce titre aux salariés ne sont donc pas soumises à cotisations sociales.
Il convient donc de faire droit à la demande d'indemnité pour travail dissimulé, conformément aux dispositions de l'article L8223-1 du code du travail et de condamner M. [K] à verser à M. [X] la somme de 6 mois x 694,44 euros (moyenne du salaire des 6 derniers mois, soit 5 heures / mois outre les heures complémentaires) = 4.166,64 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
Par voie d'infirmation du jugement, M. [K] est condamné à payer à M. [X] la somme de de 4.166,64 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur le licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement, qui circonscrit le litige, est ainsi motivée :
'Lors de notre entretien du lundi 8 juillet 2019, en présence de [D] [G] (Conseiller agréé), vous ont été exposées les circonstances qui nous ont amenées à procéder aujourd'hui à votre licenciement pour foute grave. Nous vous avons rappelé lors de cet entretien le déroulé des faits qui nous ont conduit à prendre cette décision.
Le mercredi 22 mai, nous avons eu à votre demande un entretien en présence de mon épouse et de moi-même au cours duquel vous nous avez demandé de revoir les conditions dans lesquelles vous exerciez votre activité. Après un échange sur vos demandes, nous vous avons demandé un délai de réflexion avant de revenir vers vous.
Dès le lendemain, 23 mai, à l'occasion d'une rencontre dans le jardin, vous m'avez demandé quelle était la réponse que nous avions décidé d'apporter à vos demandes. Je vous ai alors confirmé que, comme convenu ensemble la veille, nous vous apporterions une réponse, mais que rentrant sur la capitale dans l'après-midi, nous aurions l'occasion d'en reparler à mon retour.
C'est alors que vous vous êtes emporté en me tenant des propos particulièrement méprisants et en soulignant que vous n'aviez pas apprécié certains propos tenus la veille par mon épouse sur votre travail.
Je vous ai alors expliqué qu'il s'agissait d'un fâcheux malentendu qui ne justifiait nullement votre colère.
Le lendemain, 24 juillet alors que j'étais reparti, mon épouse est allée vers vous pour regretter votre interprétation erronée des propos qu'elle avait tenu lors de notre entretien du 22 mai.
Vous vous êtes emporté une nouvelle fois, avec des propos dans lesquels se disait une haine sous-jacente pour ce qu'elle représentait en tant qu'habitante du «château»...
Vous l'avez invitée à poursuivre cette discussion en présence de votre épouse, Madame [R] [X], et vous avez alors continué votre harangue avec des propos injurieux.
Mon épouse a été tellement choquée par cette violence verbale incontrôlée qu'elle a préféré se retirer n'ayant jamais été traitée de la sorte et comprenant qu'aucun dialogue constructif ne pouvait s'établir avec vous.
Pendant toute cette scène, Madame [R] [X] n'a pas dit un mot alors que vous cherchiez manifestement son appui. Aussitôt mon épouse sortie, elle l'a suivie pour partager ensemble toute son incompréhension sur l'attitude de son mari.
Le lendemain, Madame [R] [X] quittait une nouvelle fois et définitivement son domicile.
Pour ce qui concerne mon épouse et moi-même, il était alors devenu évident que nous ne pourrions plus jamais construire une relation de confiance avec vous à la suite de la violence des propos que vous nous aviez tenu.
Suite à tous ces faits inacceptables, nous vous confirmons notre décision et vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.'
Il résulte de l'article L1232-1 du code du travail que, pour que la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c'est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l'existence ou la matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c'est-à-dire que les faits invoqués par l'employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
La faute grave, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis prévu à l'article L1234-1 du code du travail. La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d'appréciation ou l'insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l'employeur (la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l'employeur, en revanche, d'établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. La sanction disciplinaire prononcée par l'employeur, y compris une mesure de licenciement, ne doit pas être disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l'employeur à l'encontre du salarié n'est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes.
Si les faits invoqués, bien qu'établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif.
En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l'indemnité compensatrice de congés payés, de l'indemnité de licenciement, du préavis ou de l'indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).
Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. Dans tous les cas, l'indemnité compensatrice de congés payés reste due.
M. [K] verse aux débats, pour établir la faute grave :
$gt;l'attestation de Mme [W] [K], son épouse : « Le vendredi 24 mars 2019, deux jours après l'entretien demandé par M. [X], auquel j'ai participé avec mon mari, je croise M. [X] au jardin. Celui-ci, guère aimable, répond à peine à mon « bonjour » et sur un ton de colère, me fait part de « l'humiliation ressentie à la suite de propos que j'avais formulés lors de l'entretien, propos « qui lui restaient en travers de la gorge ». Je cherche à comprendre les raisons de son ressentiment, lui soulignant une mauvaise interprétation de sa part de mes propos, tout en regrettant et en m'excusant que cela ait pu le mettre dans un tel état. Loin de le calmer, mes paroles le rendent de plus en plus véhément, affirmant que son épouse partage ses sentiments et désaccords vis-à-vis de mon époux et de moi-même.
Je lui propose donc de poursuivre cette explication entre nous trois : M. [X], Mme [X] et moi-même à leur domicile où sa femme se trouve. Nous nous rendons dans leur logement et son épouse vient nous rejoindre dans la salle.
Pendant peut-être dix ou quinze minutes, M. [X] me déverse sa colère, mépris, haine avec une violence verbale visant à faire mal. Ses injures à mon égard tournent en boucle autour de deux points :
$gt;une mise à distance méprisante : il ne m'appelle plus par mon prénom comme c'était le cas depuis toujours, mais « Mme [K] » ; mon mari et moi sommes des « parisiens », « grands-bourgeois », « chatelains », qualificatifs jetés à la figure. « Je ne suis pas votre obligé » ajoute t-il ;
$gt;l'avarice : mon mari et moi-même sommes des radins, comme tous ceux de notre espèce, incapables du moindre geste financier, ne le payent pas pour ce qu'il nous a offert (framboisiers, produits de sa pêche, etc'), se considérant comme un être que nous dupions, « le dindon de la farce » pour reprendre ses mots.
M. [X] n'écoute rien de ce que j'essaie de lui dire. Je lui dis que je ne comprends pas ce revirement de sa part alors qu'il nous témoignait toute sa confiance une semaine plus tôt après la première tentative de départ de son épouse. C'est un autre homme que j'ai devant moi, un être emporté par la colère et la haine !
J'ai la gorge sèche, jamais on ne m'a parlé ainsi. L'émotion est la plus forte, les larmes me montent aux yeux. Je suis confondue par tant de violence. Je ne veux plus rester en ce lieu, aucun dialogue n'est possible avec M. [X], il n'écoute pas.
(') A peine arrivée chez moi, je découvre que Mme [X] m'a suivie. Je lui demande ce qu'elle pense de tout cela. Elle me répond : « je suis perdue, je ne sais plus où j'en suis. » J'ai devant moi une femme aussi déstabilisée que je le suis moi-même. Le lendemain, Mme [X] quitte définitivement son mari. Quelques jours plus tard, M. [X] abandonne son logement de [Adresse 3], sans un mot à notre égard et sans plus jamais revenir y habiter. (') ».
$gt;l'attestation de Mme [R] [V] divorcée [X] : « En février 2019, M. [X] décide de demander une augmentation de salaire. Un an avant il avait demandé une diminution d'heures. Il a entamé ses calculs, m'en parlant peu. Je sentais un malaise. Puis est arrivée sa décision de prendre un rendez-vous, à savoir le mercredi 22 mai 2019 vers 18 h 30. Je n'ai pas voulu l'accompagner, le connaissant. Il est revenu très agité. Il n'acceptait pas le délai de réflexion demandé par M. et Mme [K]. Le vendredi 24 mai 2019, Mme [K] s'est présentée chez nous pour s'entretenir avec nous deux. J'ai été témoin d'un débat houleux entre M. [X] et Mme [K]. Mme [K] a quitté notre logement en pleurs. Je ne supportais plus les mots si violents si haineux de M. [X]. J'ai aussitôt décidé de partir le lendemain matin (') ».
Il convient de préciser que cette altercation s'inscrit dans un contexte de tensions manifestes caractérisé :
$gt;par la demande de M. [X] d'augmentation de son salaire (étant rappelé qu'il était rémunéré 10 euros de l'heure à raison de 5 heures mensuelles depuis avril 2018 contre 15 heures par mois les deux années précédentes), voire de régularisation de sa situation au regard des organismes de sécurité sociale et de refus opposé par ses employeurs (avec lesquels il entretenait jusque-là, des relations sinon amicales, du moins très cordiales, les parties s'appelant par leur prénom),
$gt;par le sentiment d'être à la merci de son employeur relativement à sa situation de locataire redevable de loyers impayés et donc expulsable à tout moment (inquiétude qu'il avait d'ailleurs manifestée un an auparavant au point que M. [K], dans sa lettre du 23 avril 2018 avait estimé nécessaire de le rassurer sur cette question, en lui écrivant de manière fictive qu'il était à jour de ses loyers) ; à cet égard la cour observe que sitôt passée l'altercation, M. [K] a réclamé par courrier du 30 mai 2019 (et pour la première fois), le paiement du loyer, à savoir celui de juin 2019, demande réitérée en juillet 2019 ;
$gt;le ressenti par M. [X], d'une forme de paternalisme ou d'un mépris de classe, réel ou supposé, et l'absence de gratitude de son employeur pour les services qu'il lui rendait, sur fond de crise conjugale avec Mme [X] et de sentiment de persécution sous-jacent, médicalement attesté par certificat de son médecin traitant du 5 juillet 2019.
De surcroit, et surtout, il n'est ni allégué, ni a fortiori démontré, qu'au-delà de la colère manifestée par M. [X], celui-ci ait outrepassé la liberté d'expression qui était la sienne en proférant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs au sens des dispositions de l'article L1121-1 du code du travail et encore moins qu'il ait adressé des menaces ou commis des violences physiques contre l'employeur ' ce nonobstant le fait que Mme [K], qui avait manifestement la conviction de se montrer généreuse envers M. [X], ait pu sentir sa confiance trahie.
Par voie de confirmation du jugement, il y a donc lieu de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'absence de faute grave, M. [X], qui avait 3 ans et 5 mois d'ancienneté (1er mars 2016 au 31 juillet 2019) à la date de la rupture, est fondé à percevoir :
$gt;une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, sur la base d'un salaire de référence de 694,44 euros à hauteur d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté et au prorata des 5 mois restants soit 694,44 x ¿ x 3 + 694,44 x ¿ x 5/12 = 520,83 + 72,33 = 593,16 euros.
$gt;une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 1.388,88 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 138,88 euros ;
$gt;une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre un et 4 mois de salaire, s'agissant d'une entreprise de moins de 11 salariés. M. [X] était âgé de 68 ans au moment de la rupture et ne justifie aucunement de sa situation en particulier au regard de droits à la retraite ni de son expérience antérieure. Il soutient sans en justifier qu'il a dû se réfugier au camping de [Localité 4] après avoir quitté la maison de gardien du manoir de [Adresse 3]. M. [K] est condamné à lui verser la somme de 2.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le quantum, le jugement est infirmé sur tous ces points.
Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il résulte de ces dispositions que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, M. [X] qui réclame 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi « du fait des circonstances vexatoires du licenciement au motif que les accusations dénuées de tout fondement sur les propos insultants qu'on lui prête ont entrainé une altération de son état de santé et une déstabilisation psychologique majeure justifiant un suivi spécialisé et un traitement médical », ne démontre pas avoir subi un préjudice moral distinct de celui d'ores et déjà compensé par l'octroi de dommages-intérêts pour rupture abusive.
Le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur ce chef de demande et il convient de la réparer en déboutant M. [X] de cette demande par voie de confirmation du jugement.
Tant M. [X] que M. [K] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [K] à verser à M. [X] la somme de 632,73 euros au titre du remboursement du gaz de la citerne, sans développer aucun moyen.
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce dernier chef.
Conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1344-1 du code civil, les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Le conseil de prud'hommes puis la cour ayant fait droit, au moins partiellement, aux demandes de M. [X], M. [K] ne peut qu'être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive. Le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur ce chef de demande, il convient de réparer cette omission en en déboutant M. [K].
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [X] les frais non compris dans les dépens . M. [K] est condamné à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
M. [K], qui est débouté de sa demande d'indemnité de procédure est condamné aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
-Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Guingamp du 1er juin 2021 sauf en ce qu'il a déclaré le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse, rejeté la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, et condamné M. [K] aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
-Condamne M. [I] [K], à payer à M. [J] [X] :
$gt;la somme de 24.528,27 euros à titre de rappel de salaire pour les heures complémentaires effectuées outre la somme de 2 452,82 euros pour les congés payés y afférents .
$gt;la somme de 4.166,64 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
$gt;la somme de 593,16 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
$gt;la somme de 1.388,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 138,88 euros ;
$gt;la somme de de 2.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
$gt;la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par M. [X] en première instance et en appel ;
-Dit que les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées seront dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère de salaire et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
-Répare les omissions de statuer du jugement du conseil de prud'hommes de Guingamp et :
$gt;Déboute M. [X] de sa demande en dommages et intérêts pour les circonstances vexatoires du licenciement ;
$gt;Déboute M. [K] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
-Déboute M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne M. [K] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président