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11/07/2024 | FRANCE | N°21/03900

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 juillet 2024, 21/03900


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°316/2024



N° RG 21/03900 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYXN













M. [C] [O]



C/



S.A.S.U. TP [L]











Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024



à :Me GRENARD

Me LOUVEL





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉ

RÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audien...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°316/2024

N° RG 21/03900 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RYXN

M. [C] [O]

C/

S.A.S.U. TP [L]

Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024

à :Me GRENARD

Me LOUVEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Mai 2024 devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [H] [G], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [C] [O]

né le 27 Février 1968 à [Localité 9] (35)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substituée par Me Justine COSNARD, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. TP [L] Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Catherine LEMOINE, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SASU TP [L] est une entreprise de travaux publics qui loue des machines de travaux publics avec chauffeur et intervient sur les chantiers de travaux publics. Elle emploie habituellement plus de 11 salariés. Elle applique la convention collective nationale des travaux publics.

Le 29 août 2006, M. [C] [O], né le 27 février 1968, a été embauché en qualité de chauffeur de tractopelle selon un contrat à durée indéterminée à temps complet, niveau II, position 2, coefficient 140, par la SASU TP [L]. Sa rémunération mensuelle brute s'élevait en dernier lieu à 2.095,59 euros bruts.

Entre 2010 et 2018, M. [O], souffrant de douleurs lombaires chroniques, a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail de sorte qu'il n'a été présent que durant 6 années pour une ancienneté de 12 ans et 5 mois.

Le 13 janvier 2011, il a été reconnu travailleur handicapé.

Le 20 décembre 2018, à l'occasion d'une visite médicale de reprise, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail « son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 janvier 2019, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé le 25 janvier suivant, auquel il ne s'est pas présenté.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 janvier 2019, il s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement. La société TP [L] lui a versé une indemnité de licenciement de 6.980 euros.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Malo par requête en date du 4 décembre 2019 afin de voir :

- Au titre de la rupture du contrat de travail, dire que le licenciement de M. [O] est nul et qu'il portera les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui allouer les sommes suivantes :

- Indemnité de préavis 4 191,18 euros,

- Congés sur préavis (caisse de congés payés du bâtiment) mémoire.

- Indemnité de Licenciement 6 890,00 euros

- Indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité,

15 000,00 euros,

- Dommages et intérêts pour perte d'emploi 23 051,49 euros,

- Indemnité de procédure 3 000,00 euros,

- Enjoindre à la SASU TP [L], prise en la personne de son représentant légal, d'établir l'attestation destince à la Caisse des congés payés du batiment et d'en justifier aupres de M. [O] dans les 8 jours de la condamnation à intervenir à defaut de quoi courra une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant un délai d'un mois, passé lequel délai il sera a nouveau fait droit, étant précisé que le conseil de prud'hommes se réservera compétence pour liquider l'astreinte et éventuellement l'aggraver a nouveau,

- Au titre des intérêts, que les indemnités allouées en réparation du dommage causé par la rupture du contrat de travail porteront intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande à son employeur, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires; le tout avec capitalisation des intérêts pour autant qu'ils seront dus pour une année entière,

- Condamner la SASU TP [L], prise en la personne de son représentant légal en tous les dépens de l'instance, outre ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la décision à intervenir.

La SASU TP [L] a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Dire et juger que l'inaptitude de M. [O] n'a pas une origine professionnelle ; à défaut, se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint-Malo pour statuer sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de la SASU TP [L] à son obligation de sécurité;

- Dire et juger qu'aucun manquement de la SASU TP [L] à son obligation de sécurité n'est caractérisé;

- Dire et juger que l'inaptitude de M. [O] n'est pas imputable à un manquement fautif de la SASU TP [L] ;

- Dire et juger qu'aucun manquement de la SASU TP [L] à son obligation de reclassement n'est caractérisé ;

- Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse: ;

- Débouter, en conséquence, M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner M. [O] à payer à la SASU TP [L] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner M. [O] aux entiers dépens.

Par jugement en date du 27 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Malo a :

- Dit et jugé que le licenciement de M. [O] pour inaptitude et impossibilité de reclassement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné M. [O] à payer à la SASU TP [L] la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

***

M. [O] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 28 juin 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 1er février 2022, M. [O] demande à la cour d'appel de :

- Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [O] contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo le 27 mai 2021 (RG F 20/00005),

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [O] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence et à titre principal,

- Dire et juger nul le licenciement de M. [O] pour cause de discrimination et/ou harcèlement,

- Condamner la SASU TP [L] à payer à M. [O] les sommes suivantes :

- 6 286,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 628,67 euros au titre des congés payés afférents en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à défaut, 4 191,18 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis en cas de validation du licenciement,

- 7 124,60 euros de rappel d'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, ou à défaut, 117,30 euros de rappel d'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle,

- 23 051,49 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul,

- 15 000 euros de dommages et intérêts pour les préjudices subis à cause de la discrimination et/ou du harcèlement moral,

En conséquence et à titre subsidiaire,

- Dire et juger dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [O] pour cause de manquements à l'obligation de préserver sa santé,

- Condamner la SASU TP [L] à payer à M. [O] les sommes suivantes :

- 6 286,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 628,67 euros au titre des congés payés afférents en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à défaut, 4 191,18 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis en cas de validation du licenciement,

- 7 124,60 euros de rappel d'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, ou à défaut, 117,30 euros de rappel d'indemnité de licenciement en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle,

- 23 051,49 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des manquements de l'employeur à son obligation de préserver la santé de son salarié et le maintien dans l'emploi de son salarié handicapé,

Y additant,

- Condamner la SASU TP [L] à payer à M. [O] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 4 novembre 2021, la SASU TP [L] demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Malo le 27 mai 2021

- Débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Débouter M. [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [O] à payer à la SASU TP [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. [O] aux entiers dépens.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 16 avril 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 14 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I.Sur la discrimination et/ou le harcèlement moral et la nullité du licenciement :

En droit,

Sur la discrimination :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, en vigueur du 2 mars 2017 au 24 mai 2019 :

« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.»

Autrement dit, la discrimination est un traitement défavorable subi par un salarié fondé sur un motif prohibé figurant dans la liste énoncée à l'article L. 1132-1 du code du travail. Pour caractériser une discrimination, il faut donc qu'un motif illicite soit invoqué et qu'il soit caractérisé.

La discrimination inclut tout agissement lié à un motif prohibé subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Il n'est pas nécessaire que le salarié ait subi en outre une différence de traitement en termes de rémunération ou de toute autre mesure visée à l'article L. 1132-1.

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement d'un motif prohibé, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs prohibés, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

Aux termes de l'article L. 1133-1 du code du travail, l'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. Dans ce cas, la différence de traitement fondée sur un motif discriminatoire est établie mais elle est justifiée par cette exigence essentielle.

L'article L1133-3 du code du travail dispose que : Les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

L'article L.5213-6 du code du travail dans sa version applicable au litige, énonce en effet que : «Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1 à 4 et 9 à 11 de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.

Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.»

Selon l'article L. 1132-4, « Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre (') est nul. »

En application de cet article et de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'appréciation par les juges du fond de la matérialité des éléments de fait fondant la demande au titre de la discrimination est souveraine (en ce sens, Soc., 23 novembre 2016, pourvoi n° 15-17.496) ; en revanche, la cour de cassation contrôle la notion d'éléments laissant supposer une discrimination (en ce sens, Cass. Soc. 26 avril 2017, n°14-29089). L'appréciation de l'existence d'éléments objectifs et étrangers à toute discrimination est souveraine sous réserve que les juges du fond ne statuent pas par des motifs impropres

M. [O] invoque, au titre des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination les faits suivants, qu'il reproche à son employeur :

$gt;avoir été moins bien rémunéré que ses collègues occupant des emplois similaires et ce durant plus d'un an (une différence d'environ 1 € de l'heure)  ; lorsqu'il s'en est ému auprès de son employeur, ce dernier a régularisé sans explication cette différence de traitement, mais seulement pour l'avenir (à compter de mars 2018) ;

$gt;avoir été écarté d'une affectation sur le chantier Eurovia à cause de la « gêne » occasionnée par ses arrêts maladie ; volontairement, son employeur n'a pas fait le nécessaire pour le maintenir dans l'emploi ;

$gt;avoir été positionné du 25 au 28 juin 2018 sur des chantiers avec un équipement non compatible avec son état de santé, à savoir la conduite d'une tractopelle sans siège ergonomique comportant une bonne suspension ;

$gt;s'être vu confié le 29 juin 2018 des tâches qui, d'une part, n'entrent pas dans ses fonctions et qui, d'autre part, sont incompatibles avec les prescriptions du médecin du travail [port de charges lourdes, travail au sol] (pose de réseaux et étalement de sable) ; L'avis d'aptitude avec réserve rendu par le Médecin du Travail le 27 juin 2018 (2 jours après la reprise) précise « apte à la reprise au poste de travail : conducteur de pelle mécanique avec siège ergonomique comme défini dans la fiche de poste de 2015 ».

$gt;avoir subi une agression verbale le 2 juillet 2018 de la part de [K] [L], son patron, qui l'a traité de fainéant ' comportement agressif à son égard qu'il avait déjà dénoncé à l'inspection du travail en 2016 ; le lendemain, il a de nouveau été placé en arrêt maladie, cette fois-ci pour syndrome anxiodépressif majeur.

Pour établir ces éléments, M. [O] produit :

*la décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé prise à son endroit par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées le 13 janvier 2011 et son renouvellement le 10 mai 2016;

*un avis du médecin du travail du 20 mars 2013 lors d'une visite de pré-reprise de M. [O] : « Afin d'éviter une nouvelle rechute douloureuse lors de la reprise, il conviendrait qu'il dispose d'un siège avec une bonne suspension sur la pelle afin de réduire son exposition aux vibrations transmises au corps entier. En attendant une éventuelle amélioration du siège de la pelle à pneus qu'il utilise actuellement, la reprise du travail à l'issue de son arrêt actuel pourrait se faire sur une pelle à chenilles qui transmet normalement une moindre accélération au corps entier avec un siège en bon état » ;

*un avis du médecin du travail du 19 novembre 2015 qui atteste que « l'état de santé de M. [O], conducteur d'engins de chantier dans l'entreprise TP [L] à [Localité 7], requiert l'acquisition et la mise en place, sur la pelle mécanique qu'il conduit, d'un siège ergonomique à suspension pneumatique, réglable en fonction du poids du conducteur » ;

*un courrier de M. [O] à son employeur, du 22 février 2018, dans lequel il reproche à son employeur une rémunération inférieure (11,34 euros de l'heure) à celle de deux collègues ayant la même qualification professionnelle que lui (respectivement 13 euros de l'heure et 12,30 euros de l'heure), sollicitant « l'égalité de traitement de manière rétroactive » et la régularisation qui s'en est suivie à partir du mois de mars 2018, le taux horaire de base passant de 11,34 euros en février à 12,09 euros à compter de mars 2018 et pour les mois suivants ;

*un avis du médecin du travail du 27 juin 2018 déclarant M. [O] « Apte à la reprise du poste de travail de conducteur de pelle mécanique avec siège ergonomique comme défini dans la fiche de poste de 2015 ' Contrindication au port de charges lourdes » ;

*un protocole de soins conclu entre son médecin traitant et la CPAM pour la période du 1er juin 2016 au 1er décembre 2016 mentionnant les séquelles imputables à une maladie professionnelle : « Arthrodèse L5-S1 avec lombalgies chroniques » avec prescription de Fentanyl et de séances de kinésithérapie ;

*plusieurs avis d'arrêt de travail : du 20 février 2017 « Lombalgie subaigüe hyperalgique dans le territoire L5-S1 / sciatalgie ; nouvel épisode » pour une première constatation médicale de la maladie professionnelle le 27 février 2010 ; du 7 juillet 2017 : « Lombosciatalgie gauche aigüe suite à efforts de porter/manutention ' Rechute le 6 juillet 2017 » ; du 16 juillet 2017 mentionnant la même pathologie outre une « myosite paravertébrale sur IRM ' Avis spécialisé demandé ; du 14 juin 2018 prescrivant un arrêt de travail du 14 juin au 22 juin 2018 pour une « actualisation douloureuse cruralgie gauche associée à un syndrome rachidien lombaire douloureux » ;

*un courrier recommandé adressé par M. [O] à son employeur (réceptionné le 30 juin 2018) : « Profitant de mon arrêt maladie du 14 au 22 juin, vous avez d'une part sollicité pour moi une convocation à la médecine du travail et d'autre part embauché un gars pour me remplacer sur la pelle qui avait été aménagée pour moi. Le médecin du travail m'a déclaré apte au travail, mais je n'ai pu que constater ce lundi 25 à la reprise de mon travail que vous m'affectiez à [Localité 4] sur un tracto et cylindre ans siège ergonomique jusqu'à mercredi soir. Le jeudi 28 et le vendredi 29, vous m'avez affecté sur le chantier Weldom à [Localité 5] (toujours sans siège ergonomique) ; tout d'abord sur une mini pelle le jeudi, le vendredi matin dans une tranchée pour poser des réseaux souples et y étaler du sable, l'après-midi de nouveau sur la mini pelle et chargeur Bobcat. Ce dernier travail ne correspond pas à mon contrat de travail et encore moins aux conditions fixées par la médecine du travail. Je vous mets en demeure de respecter le contrat de travail et l'avis du médecin du travail (') » ;

*une attestation de Mme [B], amie du salarié, disant avoir été appelée par ce dernier pour venir constater le 28 juin 2018, sur le chantier Weldom à [Localité 5] que « M. [O] était seul à travailler avec la mini-pelle. Ensuite, avec le cylindre pour compacter des cailloux pour préparer une plate-forme pour recevoir du béton, le cylindre avait un siège cassé. [C] était assis sur un coussin de canapé ce qui provoquait beaucoup de vibrations. Donc j'ai pris des photos pour constater les conditions de travail. » Suivent une série de clichés des sièges du Bobcat (squelette de siège sans rembourrage et un coussin de canapé est posé dessus pour tenter de remédier au problème) et de la mini-pelle ;

*un courrier adressé par M. [O] à son employeur le 4 juillet 2018, avec copie à l'inspection du travail, relatant les propos tenus par ce dernier le 2 juillet 2018 : « Par courrier du 28 juin 2018, j'ai été amené à dénoncer mes conditions de travail suite à l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail sur mon poste aménagé. En effet, outre les restrictions médicales non respectées, vous êtes venu m'agresser verbalement sur le chantier Weldom de [Localité 5] en me traitant de fainéant, de bon à rien, de tir au flan et j'en passe, au point que vous souhaitiez en venir aux mains. (') Pour ma part, il est hors de question que je continue à subir vos pressions et harcèlement destinés à compromettre mon avenir professionnel au mépris de l'obligation de sécurité physique et mentale qui est la vôtre. » Etait joint un arrêt de travail du 3 juillet 2018 mentionnant un « syndrome dépressif majeur », renouvelé le 9 juillet et à nouveau le 23 juillet, le 6 août ;

*le courrier adressé par M. [O] à l'Inspection du travail le 28 juillet 2016 dans lequel il se plaint de l'agressivité de son employeur à son égard du fait de ses arrêts de travail répétés découlant de ses problèmes de santé (« Tu me fous dans la merde ! » « Tu es un boulet à traîner ! ») ;

*la réponse de son employeur, datée du 6 juillet 2018, à ses courriers des 30 juin et 4 juillet : « Vous n'êtes pas affecté à un engin de chantier spécifique, ni à un chantier ou à un client en particulier. Concernant les préconisations de la médecine du travail, le médecin du travail a effectivement précisé dans son dernier avis en date du 27 juin 2018 « apte à la reprise d'un poste de conducteur de pelle mécanique avec un siège ergonomique comme défini dans la fiche de poste de 2015 et contre-indication au port de charges lourdes. »

Nous n'avons pas pu effectivement vous affecter à votre retour dans l'entreprise, le 25 juin sur les pelles à pneu équipées de sièges ergonomiques. En effet, nos deux pelles équipées sont affectées sur des chantiers situés à [Localité 8] et à [Localité 6], réalisés pour le compte d'Eurovia, notre client. Or, Eurovia nous a informés qu'ils ne souhaitaient plus que vous interveniez sur leurs chantiers. Ils ont menacé de faire appel à un autre prestataire de services et nous avons dû dans l'urgence affecter un autre conducteur sur ces chantiers. Pour vous fournir du travail, et dans l'attente de nouvelles préconisations du médecin du travail qui puissent à la fois permettre votre reprise du travail et satisfaire l'organisation de l'entreprise, nous avons dû vous placer sur d'autres chantiers, où les sièges ne sont pas adaptés.

Dans votre second courrier, vous me reprochez mon comportement suite à notre entretien du lundi 2 juillet sur le chantier de [Localité 5]. Au cours de cet échange, je vous ai d'abord questionné sur l'origine de la panne du tractopelle que vous conduisiez (axe perdu). Ayant passé tout le week-end à réparer l'engin, je voulais comprendre comment l'axe avait pu partir. Vous m'avez indiqué que vous n'étiez pas à l'origine de cet incident. Vous m'avez ensuite fait part de votre souhait de retourner sur le chantier d'Eurovia à [Localité 8]. Comme je vous l'ai expliqué, le client refuse que vous continuiez à travailler sur ce chantier, sous peine de perdre le marché. Le ton est ensuite monté des deux côtés. Vous m'avez aussi menacé de me balancer votre rateau. Pour terminer, j'accuse réception de votre arrêt de travail et j'espère que nous pourrons trouver ensemble et avec la médecine du travail, des solutions qui vous permettent d'accomplir votre travail en préservant votre santé en garantissant le fonctionnement de l'entreprise » ;

*un avis d'arrêt de travail du 3 juillet 2018 pour « Syndrome dépressif majeur » et les prolongations d'arrêt de travail des 9 juillet, 23 juillet, 6 août 2018 ;

*l'avis du médecin du travail du 20 décembre 2018 le déclarant inapte à tout poste « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;

*la décision du 23 janvier 2019 de la CPAM, d'octroi à M. [O] d'un titre pension d'invalidité 2ème catégorie, d'un montant annuel de 11.306 euros.

*une attestation du médecin traitant de M. [O], le Dr [N], du 2 août 2019 qui déclare suivre l'intéressé tous les mois « d'une part pour des lombalgies chroniques ayant débuté en 2010. M. [O] a bénéficié d'une arthrodèse L5-S1 en mai 2011. Depuis, il garde des douleurs lombaires chroniques émaillées d'épisodes de lombosciatiques aigües de survenues aléatoires. L'intensité des douleurs nécessite un traitement par morphiniques quotidien au long cours. Depuis l'arrêt de son travail en juillet 2018, les douleurs lombaires de fond sont moins fortes, mais il persiste en l'absence d'effort déclenchant, des crises douloureuses aigües. Lors de ces crises, il dit être pris de vomissements et être obligé de rester couché au lit toute la journée.

D'autre part, je le suis pour un syndrome anxiodépressif majeur apparu début juillet 2018 avec nécessité d'un traitement antidépresseur. Il a bénéficié au début d'un suivi régulier au CMP » .

Plusieurs éléments matériellement établis, à savoir l'affectation, à son retour d'arrêt de travail, le lundi 25 juin, sur le chantier « Weldom » où il a dû utiliser une pelle et un compresseur non équipés de sièges ergonomiques, lesquels se trouvaient sur le chantier « Eurovia » où il était désormais indésirable et le fait de percevoir « une rémunération inférieure à ses collègues d'environ 1 euros brut de l'heure pendant plus d'une année » ce que ne conteste pas l'employeur (ses conclusions page 12), erreur qui a entraîné une régularisation seulement pour l'avenir et non rétroactive, le tout dans un contexte sinon d'agressivité du moins d'agacement voire d'exaspération de l'employeur face aux arrêts maladie répétés de M. [O] laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé.

Il incombe dès lors à l'employeur d'établir que son comportement et ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'employeur se contente de répliquer qu' «Il n'est pas non plus sérieux de prétendre que ne pas affecter Monsieur [O] à un chantier compte tenu de l'insatisfaction exprimée par le client constitue une discrimination liée à son état de santé (') et que l'erreur sur le taux horaire est une erreur de paie qui a été régularisée et pour laquelle M. [O] ne démontre pas l'utilisation d'un critère prohibé.

Il produit aux débats :

$gt;le courrier du 6 juillet 2018 en réponse à celui de M. [O], déjà cité plus haut ;

$gt;l'attestation de M. [R] : « Depuis 2005, je collabore avec l'entreprise [L] TP dans le cadre de mon activité professionnelle en qualité de chef de chantier de l'entreprise Eurovia. L'entreprise [L] TP nous loue du matériel (pelle mécanique, tracto-pelle) avec un chauffeur qui partage le quotidien de mon équipe. La longévité de notre collaboration témoigne du professionnalisme de l'entreprise et de la compétence de son personnel. A partir du 2nd semestre de l'année 2015, j'ai donc eu M. [O] [C] comme chauffeur au sein de mon équipe. D'abord en mi-temps thérapeutique, M. [O] m'a averti de ses problèmes physiques liés à son dos, me soumettant de sa propre initiative ses radiographies, me faisant part de la nécessité pour lui d'une prise régulière de médicaments puissants afin de combattre la douleur. Au fil du temps, j'ai pu constater ses difficultés à satisfaire ses fonctions. Du repos complet lui était nécessaire durant les coupures de la mi-journée. Régulièrement, à l'embauche, M. [O] me faisait part de ses douleurs que sa démarche trahissait. Plusieurs arrêts maladie ont émaillé ces deux ans de collaboration. Je lui fait part de mon scepticisme quant à la possibilité pour lui de poursuivre son activité sur le long terme et lui ai demandé s'il ne pouvait pas envisager une reconversion. Tout ceci m'a contraint à demander à M. [L] un changement de chauffeur. La réalisation de mes chantiers devenait trop compliquée. »

$gt;le courrier de la SASU TP [L] au service de santé au travail du 6 juillet 2018 : « Comme nous l'avons expliqué à notre salarié, nous sommes actuellement dans l'impossibilité de l'affecter sur un siège ergonomique. En effet, nos deux pelles à pneus qui en sont équipées sont actuellement implantées sur des chantiers situés à [Localité 8] et à [Localité 6] réalisés pour le compte d'Eurovia, notre client. Or, Eurovia refuse que notre salarié intervienne sur ses chantiers. Par conséquent, nous souhaiterions que vous nous contactiez dans les meilleurs délais afin de faire le point sur les aménagements qui pourraient être proposés à M. [O] compte tenu de ses aptitudes médicales et de nos contraintes d'organisation » ;

$gt;le bon de commande du 22 janvier 2016 d'un kit confort pneumatique « siège haut de gamme MSG 95 à suspension pneumatique, dossier haut et accoudoirs inclinables, suspension longitudinale, siège et dossier chauffants, appui lombaire pneumatique » et le courrier de l'AGEFIPH du 29 février 2016 confirmant sa participation à hauteur de 5.090 euros pour l'acquisition d'un siège pneumatique en complément de l'apport en fonds propres de l'entreprise, pour M. [C] [O].

D'abord, l'employeur ne justifie pas que le taux horaire appliqué à M. [O] est dû à une erreur du service de paie ; en outre il ne fournit aucune explication sur l'absence de régularisation pour la période antérieure au mois de mars 2018.

Surtout, au résultat de ces éléments, alors même que la société TP [L] avait respecté l'article L5213-6 du code du travail en prenant, courant 2016, les mesures appropriées pour permettre à M. [O], qui bénéficiait de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, de conserver son emploi de chauffeur correspondant à sa qualification en équipant, avec le soutien de l'AGEFIPH, deux pelles mécaniques de siège ergonomique, elle l'a écarté du chantier Eurovia, entreprise avec laquelle il avait l'habitude de travailler et chantier sur lequel se trouvaient les seules pelles mécaniques dotées de siège ergonomique et adaptées à son handicap, en raison de son état de santé, alors qu'il venait d'être déclaré apte à la reprise du travail.

Il apparaît en effet que c'est en lien direct de cause à effet avec la demande du client Eurovia de ne plus voir intervenir M. [O] sur ses chantiers du fait de ses arrêts de travail pour maladie, que la société TP [L] a écarté le salarié du chantier alors confié par ce client, provoquant ainsi, en contrariété directe avec les préconisations du médecin du travail, l'affectation de l'intéressé sur un poste de travail inadapté.

M. [O] a donc repris le travail le 25 juin 2018 sur des engins de chantier inadaptés à son handicap et aux prescriptions du médecin du travail, ce sur quoi il a alerté l'employeur par courrier. En dépit de l'avis d'aptitude avec réserve du 27 juin 2018 « Apte à la reprise au poste de travail : conducteur de pelle mécanique avec siège ergonomique comme défini dans la fiche de poste de 2015 », l'employeur, au lieu d'attribuer à M. [O] les pelles adaptées a préféré maintenir sa décision prétendant qu'il y allait de l'intérêt supérieur de son entreprise, ce qui a conduit à un nouvel arrêt de travail du salarié dès le 3 juillet à l'issue de l'altercation avec M. [L].

Ce faisant, l'employeur échoue à établir que son comportement et ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il ne justifie pas de l'impossibilité de faire travailler M. [O] sur un autre chantier que celui d'Eurovia avec le matériel adéquat en transférant au moins l'une des deux pelles équipées de [Localité 8] ou [Localité 6] à [Localité 5].

M. [O], chez qui a été diagnostiqué un syndrome dépressif majeur, n'a jamais pu reprendre le travail ultérieurement et a été finalement déclaré inapte à tout emploi par le médecin du travail le 20 décembre 2018.

La discrimination de M. [O] en raison de l'état de santé est ainsi établie.

L'employeur ne peut se prévaloir de l'inaptitude médicalement constatée comme constituant un motif de rupture dès lors que cette inaptitude est consécutive à des faits de discrimination pour ce motif prohibé.

Il convient donc, par voie d'infirmation, de déclarer nul le licenciement de M. [O].

II. Sur les conséquences financières du licenciement nul :

Lorsque le contrat de travail a été rompu en raison d'un motif discriminatoire, le licenciement est nul et l'existence d'une discrimination est l'un des motifs autorisant le juge à écarter l'application du barème de l'article L1235-3 du code du travail.

Selon l'article L. 1235-3-1, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité afférente à un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Lorsque le salarié a été en arrêt maladie avant la rupture du contrat de travail, le salaire de référence à prendre en compte est celui perçu dans la période de référence précédant cet arrêt de travail

Compte tenu du salaire de référence (2.095,59 euros bruts), des circonstances de la rupture, de l'ancienneté du salarié (12 ans et 7 mois), de son âge et de sa situation de famille au moment du licenciement (50 ans, marié ' son épouse a été licenciée pour motif économique le 7 janvier 2021 -, un enfant mineur [12 ans] à charge), de l'impossibilité de retrouver un emploi, sa capacité de travail étant réduite d'au moins deux tiers, avec versement d'un pension d'invalidité à compter de janvier 2019, de la perte d'un salaire de 2.095 euros bruts par mois et de la perception d'une pension d'invalidité de 953 euros par mois, il est justifié de condamner la SASU TP [L] à payer à M. [O] la somme de 22.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Par application de article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable, issue de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018, lorsque le licenciement d'un salarié est annulé pour discrimination prohibée (L.1132-4 du code du travail), le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la Sasu TP [L] à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [O] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Il résulte des développements qui précèdent que par sa volonté réitérée d'écarter M. [O] d'un chantier en raison de son état de santé le privant ainsi de la seule possibilité d'utiliser un engin de chantier adapté à son handicap, l'employeur a commis une faute qui cause à M. [O], lequel a subi une profonde dépression, un préjudice moral distinct de celui résultant de la nullité du licenciement.

En considération des éléments de l'espèce, il est justifié d'indemniser ce préjudice par la condamnation de la société TP [L] à payer à M. [O] la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts, par voie d'infirmation du jugement.

Sur le rappel d'indemnité légale de licenciement :

L'évaluation du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat c'est-à-dire à l'expiration normale du préavis même s'il y a eu dispense de l'exécuter.

En l'espèce et conformément à l'article 10.1 de la convention collective applicable, le délai de préavis est de deux mois.

C'est donc à bon droit que M. [O] réclame que son indemnité de licenciement soit recalculée sur la base non de 12 ans et 5 mois mais sur celle de 12 ans et 7 mois, la SASU TP [L] n'opposant aucun moyen utile à cette demande.

Par voie d'infirmation du jugement, la SASU TP [L] est condamnée à payer à M. [O] la somme de 117,30 réclamée.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis en cas de nullité du licenciement

M. [O] fait valoir que, du fait de l'annulation de son licenciement il a droit à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, délai de préavis qui est de 2 mois pour les salariés justifiant de plus de 2 ans d'ancienneté porté à 3 mois en application de l'article L5213-9 du code du travail dans la mesure où il est travailleur handicapé.

De fait, le licenciement ayant été annulé, M. [O] a droit à une indemnité de compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire quand bien même il n'aurait pas été en mesure de l'exécuter, portée à 3 mois de salaire en application de l'article L5213-9 du code du travail (En cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis).

La Sasu TP [L] est condamnée à payer à M. [O] la somme de 6.286,77 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 628,77 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente, par voie d'infirmation du jugement.

III.Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude de M. [O] et sa connaissance par l'employeur :

Pour débouter M. [O] de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L1226-14 du code du travail, le conseil de prud'hommes a retenu que « la reconnaissance du caractère professionnel ou non d'une inaptitude ne relève pas de sa compétence, mais de celle de la CPAM ou du Pôle social du tribunal judiciaire. »

M. [O] sollicite l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L1226-14 du code du travail égale à deux fois l'indemnité légale, soit la somme de 7.124,60 euros déduction faite de l'indemnité légale déjà versée si la cour retient l'origine professionnelle de son inaptitude, ce qui résulte des développements précédents.

La Sasu TP [L] soutient que la maladie de M. [O] n'a aucune origine professionnelle dès lors que :

$gt;l'inaptitude de M. [O] a été prononcée à l'issue d'une période ininterrompue d'arrêts de travail indemnisés au titre de la maladie simple, à compter du 3 juillet 2018.

$gt;lors de la visite médicale de reprise du 20 décembre 2018, le médecin du travail ne s'est pas positionné sur le caractère professionnel de la pathologie et de l'inaptitude et n'a pas délivré à M. [O] la documentation relative à l'indemnité temporaire d'inaptitude ;

$gt;les documents médicaux produits par M. [O] démontrent que celui-ci souffre toujours de crises de douleurs aigües, même en l'absence d'effort déclenchant ; ainsi, il n'y a pas d'aggravation ou d'apparition de nouvelles lésions dont serait responsable la Sasu TP [L], mais la poursuite de l'évolution de sa pathologie.

En vertu des articles L 1226-7 et suivants du code du travail, les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficient d'une protection particulière dans leurs rapports avec l'employeur au service duquel est survenu l'accident ou a été contractée la maladie.

Dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail ouvre droit au profit du salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du code du travail.

Cette protection joue, dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Le droit du travail étant autonome par rapport au droit de la sécurité sociale, l'application de ces dispositions protectrices n'est pas liée à la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie par un organisme de sécurité sociale . Ainsi, la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels d'un accident ou d'une maladie ne constitue qu'un élément de preuve parmi d'autres laissés à l'appréciation du juge prud'homal auquel il appartient de rechercher lui-même l'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle. Dans le même sens, une décision de refus de prise en charge ou d'inopposabilité d'une décision de prise en charge ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité.

Il appartient donc aux juges de rechercher eux-mêmes l'existence du lien de causalité et la connaissance qu'avait l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie.

En l'espèce, il découle des éléments énumérés plus haut que, quand bien même M. [O] a été arrêté pour maladie simple entre le 3 juillet 2018 et la date de son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en janvier 2019, l'inaptitude résulte au moins partiellement, de son activité professionnelle, à la fois parce que la plupart de ses arrêts de travail antérieurs au 3 juillet 2018 ont été pris en charge au titre de la législation professionnelle (les lombalgies chroniques en 2010 et l'arthrodèse L5-S1 en mai 2011 puis les rechutes successives de type lombalgies, cruralgies'), et parce que le nouvel arrêt de travail qui a débuté le 3 juillet 2018 pour syndrome anxiodépressif est immédiatement consécutif au refus de l'employeur de l'affecter sur les engins munis d'un siège adapté à son handicap et à l'altercation qui s'en est suivie, ce alors que l'employeur avait une parfaite connaissance de ces événements (la RQTH de M. [O] en 2011 renouvelée en 2016, les avis du médecin du travail en 2013 et 2015, la commande et l'installation en 2016 d'un siège ergonomique conformément aux prescriptions du médecin du travail, les courriers à M. [O] et au médecin du travail en juillet 2018), lesquels ont conduit à une déclaration d'inaptitude, de sorte qu'aussi bien l'origine professionnelle de la dite inaptitude, que la connaissance par l'employeur de cette origine professionnelle au moment du licenciement, sont caractérisées.

Par voie d'infirmation du jugement, la Sasu TP [L] est condamnée à verser à M. [O] la somme de 7.007,30 euros (6.890 euros + 117,30) sur le fondement de l'article L1226-14 du code du travail, déduction faite de la somme de 6.980 euros déjà versée.

Le jugement est confirmé ainsi que les montants alloués sur le fondement de l'article L1226-14 du code du travail.

La Sasu TP [L] succombant en son appel doit supporter les dépens. Par voie de conséquence, elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à M. [O] la charge des frais qu'il a exposés pour sa défense. La Sasu TP [L] est condamnée à lui payer une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Saint Malo le 27 mai 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare nul le licenciement notifié par la Sasu TP [L] à M. [C] [O] le 29 janvier 2019 ;

Condamne en conséquence la Sasu TP [L] à payer à M. [C] [O] les sommes suivantes :

$gt;22.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

$gt;4.000 euros en réparation du préjudice moral ;

$gt;117,30 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

$gt;6.286,77 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 628,77 euros de congés payés y afférents ;

Ordonne le remboursement par la Sasu TP [L] à Pôle Emploi devenu France Travail des indemnités chômage éventuellement versées à M. [O] dans la limite de 4 mois ;

Dit que l'inaptitude de M. [O] est d'origine professionnelle,

Condamne en conséquence la Sasu TP [L] à payer à M. [C] [O] la somme de 7.007,30 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement ;

Déboute la Sasu TP [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sasu TP [L] à payer à M. [C] [O] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sasu TP [L] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03900
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.03900 ?
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