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11/07/2024 | FRANCE | N°21/03585

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 juillet 2024, 21/03585


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°324/2024



N° RG 21/03585 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXIS













Mme [O] [B]



C/



Caisse CAISSEM NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE









Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024



à :Me DANIEL

Me CHAUDET





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA

COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°324/2024

N° RG 21/03585 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXIS

Mme [O] [B]

C/

Caisse CAISSEM NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE

Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024

à :Me DANIEL

Me CHAUDET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Avril 2024 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [I] [Z], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 27 Juin 2024

****

APPELANTE :

Madame [O] [B]

née le 16 Octobre 1976 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérick DANIEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST substitué par Me TIGREAT, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE La Direction Régionale du Service Médical de Bretagne est le service de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie qui est concerné par le présent recours agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Christophe GOURET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 1er juin 2008, Mme [O] [B] était embauchée en qualité de technicienne du service médical selon un contrat à durée déterminée par la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAM), établissement public national qui gère les branches maladie (risques maladie, maternité, invalidité, décès) et accidents du travail/maladies professionnelles (AT-MP) du régime général de la sécurité sociale.

A partir du 1er décembre 2008, Mme [B] concluait un contrat de professionnalisation. A compter du 1er juillet 2009, la relation de travail se poursuivait en contrat de travail à durée indéterminée.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.

Mme [B] bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

A compter du 25 juillet 2016, date de fin de son congé parental, la salariée reprenait le travail dans le cadre d'un temps partiel sur quatre jours.

Le 6 octobre 2017, Mme [B] indiquait être victime d'acouphènes. Le 9 octobre 2017, elle était placée en arrêt de travail.

Par courrier en date du 18 décembre 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie refusait de prendre en charge les faits du 6 octobre 2017 au titre d'un accident du travail. La commission des recours amiable confirmait sa décision le 23 mars 2018.

A compter du 16 août 2018, Mme [B] bénéficiait d'un congé de présence parentale d'une durée initiale de six mois ainsi que de l'allocation journalière de présence parentale. Son employeur lui indiquait qu'elle était pendant la durée de ce congé en 'position de sans solde'.

Le 26 février 2019, elle sollicitait un renouvellement du congé de présence parentale. L'employeur lui répondait que 'le congé de présence parentale prend la forme d'un forfait de 310 jours d'absence ouvrés (soit 14 mois) à prendre pendant une période maximale de 3 ans pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap'. Il lui était précisé que son forfait serait atteint au 18 novembre 2019.

Par courrier en date du 17 octobre 2019, la Caisse d'allocations familiales (CAF) indiquait à Mme [B] qu'à compter du 30 septembre 2019, il lui restait 81 allocations journalières de présence parentale. Elle ajoutait dans un courrier du 29 octobre 2019 qu'en raison de ses mercredis non travaillés, ces journées ne pourraient être indemnisées par l'allocation journalière de présence parentale.

Le 5 novembre 2019, Mme [B] formait un recours gracieux auprès de la CARSAT de Bretagne. Par courrier du 25 novembre 2019, la CARSAT confirmait la fin du congé de présence parentale à la date du 18 novembre 2019.

Le 15 février 2020, Mme [B] formait une nouvelle demande de congé de présence parentale.

Cette demande restait sans réponse.

La salariée formait également une nouvelle demande d'allocation journalière de présence parentale auprès de la CAF.

 ***

Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 10 juin 2020 afin de voir :

- Dire et juger que la demanderesse bénéficie d'un reliquat de 63 jours de congé de présence parentale;

- A ce titre condamner la Direction régionale du service médical Bretagne à lui régler un montant de 2 766,96 euros ;

- Au titre du préjudice moral subi par le refus de la défenderesse de lui accorder la prise de 63 jours de congé parental, condamner cette dernière à verser 5 000 euros de dommages et intérêts à Mme [B]

- Condamner la Direction régionale du service médical Bretagne à payer la somme de 5 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité des employeurs

- Condamner la Direction régionale du service médical Bretagne à payer la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la Direction régionale du service médical Bretagne aux entiers dépens, y compris en cas d'exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d'huissier.

La Caisse nationale d'assurance maladie a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Dire et juger que la CNAM n'est pas redevable d'un solde de jours de congé de présence parentale,

- Dire et juger que la CNAM n'a pas violé son obligation de sécurité,

En conséquence,

- Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Recevoir la CNAM en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- Condamner Mme [B] à verser à la CNAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [B] aux entiers dépens.

Par jugement en date du 14 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

- Dit que Mme [B] ne bénéficie pas d'un reliquat de 63 jours de congé de présence parentale

- Débouté Mme [B] de l'ensemble de ses demande

- Débouté la Caisse nationale d'assurance maladie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

***

Mme [B] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 14 juin 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 28 novembre 2023, Mme [B] demande à la cour d'appel de:

- Déclarer Mme [B] recevable et bien fondée en son appel ;

- Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper le 14 mai 2021 en ce qu'il a :

- débouté Mme [B] de sa demande visant à faire condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne à lui payer la somme due au titre d'un reliquat de 63 jours de congé de présence parentale;

- débouté Mme [B] de sa demande visant à faire condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié au refus de lui accorder le bénéfice des 63 jours de congé de présence parentale ;

- débouté Mme [B] de sa demande visant à faire condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre du manquement à l'obligation de sécurité des employeurs;

- débouté Mme [B] de sa demande visant à faire condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne à lui payer les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- Condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne à lui payer les sommes suivantes:

- 2 766,96 euros au titre d'un reliquat de 63 jours de congé de présence parentale ;

- 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié au refus de lui accorder le bénéfice des 63 jours de congé de présence parentale;

- 5 000,00 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre du manquement à l'obligation de sécurité des employeurs;

- 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne aux entiers dépens ;

- Débouter la Caisse nationale d'assurance maladie - Direction régionale du service médical Bretagne de toute demande.

Mme [B] fait valoir en substance que:

- Elle a constaté que la CNAM comptait 5 jours de congé de présence parentale (CPP) à chaque fois qu'elle prenait une semaine complète ; or, elle ne travaillait pas le mercredi et le compte du 27 août 2018 au 18 novembre 2019 était donc de 247 jours et non 310 jours de CPP ; 63 jours de CPP restent dus;

- Alors qu'elle connaissait le handicap auditif dont souffrait la salariée, la CNAM n'a pris aucune mesure d'aménagement de poste ; le médecin du travail a établi un dossier de sensibilisation à l'intention des collègues et responsables de la salariée ; une réunion a eu lieu le 9 avril 2018 mais rien n'a changé à part une prise de contact avec le Sameth et l'Urapeda.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 1er décembre 2021, la Caisse nationale d'assurance maladie demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement rendu le 14 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Quimper en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes de solde de jours de congé de présence parentale et d'indemnisation pour manquement à l'obligation de sécurité,

En conséquence,

- Débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Recevoir la CNAM en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- Condamner Mme [B] à verser à la CNAM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [B] aux entiers dépens

La CNAM fait valoir en substance que:

- Mme [B] opère une confusion entre le droit du travail et le droit de la sécurité sociale ;

- En matière de congés payés, le décompte des droits à absence en jours ouvrés se fait sur les jours habituellement ouvrés dans l'établissement et non sur les seuls jours ouvrés qui auraient été travaillés par le salarié concerné s'il avait été présent ; il convient donc de déduire un jour ouvré de congé pour chaque journée d'absence sans tenir compte des jours non travaillés par le salarié ; il n'est pas justifié qu'il en aille différemment pour le CPP ;

- Le raisonnement suivi par Mme [B] aboutirait à une inégalité entre les droits du salarié à temps plein et ceux du salarié à temps partiel en matière de CPP ; elle confond en outre les modalités de décompte des jours de CPP et les modalités de décompte des jours d'absence devant donner lieu au versement de l'AJPP;

- Mme [B] ne démontre pas le préjudice qu'elle invoque ; la CNAM n'a commis aucune faute justifiant l'octroi de dommages-intérêts ;

- La CNAM a pris les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de Mme [B] ; aucun lien n'est établi entre l'environnement de travail de la salariée et une perte d'audition ; la demande de reconnaissance d'accident du travail a été rejetée ; en outre, l'employeur est intervenu auprès du médecin du travail dès le mois de décembre 2017 ; ce dernier a pris contact avec l'Urapeda ; l'employeur est activement intervenu pour accompagner la salariée dans le cadre des difficultés résultant de son handicap.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 9 avril 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 16 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur les demandes relatives au congé de présence parentale:

L'article L1225-62 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, disposait:

'Le salarié dont l'enfant à charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale et remplissant l'une des conditions prévues par l'article L. 512-3 du même code est atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants bénéficie, pour une période déterminée par décret, d'un congé de présence parentale.

Le nombre de jours de congés dont peut bénéficier le salarié au titre du congé de présence parentale est au maximum de trois cent dix jours ouvrés. Aucun de ces jours ne peut être fractionné.

La durée initiale du congé est celle définie dans le certificat médical mentionné à l'article L. 544-2 du code de la sécurité sociale. Cette durée peut faire l'objet d'un nouvel examen dans les conditions fixées au second alinéa du même article L. 544-2.

Au-delà de la période déterminée au premier alinéa du présent article, le salarié peut à nouveau bénéficier d'un congé de présence parentale, dans le respect des dispositions du présent article et des articles L. 1225-63 à L. 1225-65 du présent code, dans les situations mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 544-3 du code de la sécurité sociale'.

Aux termes de l'article D1225-16 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, la période maximale pendant laquelle un salarié peut pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap bénéficier des jours de congé de présence parentale est fixée à trois ans.

L'article L544-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au présent litige disposait:

'La personne qui assume la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants bénéficie, pour chaque jour de congé prévu à l'article L. 122-28-9 du code du travail, d'une allocation journalière de présence parentale.

Ces dispositions sont également applicables aux agents publics bénéficiant du congé de présence parentale prévu par les règles qui les régissent.

Un décret précise les modalités d'application du présent article'.

En vertu des articles L544-4 et D544-4 du même code, le nombre d'allocations journalières versées au titre d'un même enfant au cours d'un mois civil ne peut être supérieur à 22.

Il résulte des dispositions susvisées de l'article L1225-62 du code du travail que le décompte des jours de CPP s'effectue en jours ouvrés, dans la limite d'un maximum de 310 jours ouvrés.

Il est constant que sauf accord collectif prévoyant, sans discrimination, un autre mode d'acquisition et de décompte des droits à congés payés annuels en jours ouvrés, le décompte des droits à absence en jours ouvrés au titre des congés payés annuels ne peut se faire au profit des salariés à temps partiel que sur les jours habituellement ouvrés dans l'établissement, et non sur les seuls jours ouvrés qui auraient été travaillés par le salarié concerné, s'il avait été présent.

Ainsi, tous les jours ouvrés compris dans la période de congé (y compris ceux habituellement non travaillés du fait de l'organisation du temps partiel) s'imputent sur la durée des congés.

A l'instar des règles régissant le décompte des congés payés, il importe que les règles de décompte des jours de CPP soit les mêmes pour les salariés à temps complet et ceux à temps partiel.

En l'espèce, à réception du courrier de Mme [B] du 2 août 2019 sollicitant la poursuite du CPP entamé le 27 août 2018, la CNAM lui a précisément répondu le 6 septembre 2019 en intégrant à sa réponse un décompte des jours pris à ce titre, parvenant à la conclusion que le forfait de 310 jours d'absence ouvrés serait atteint le 19 novembre 2019.

Mme [B] a opposé à ce chiffrage son propre décompte dans lequel, ainsi qu'elle l'explique dans ses écritures, elle n'a pris en compte que les jours durant lesquels elle travaillait normalement dans le cadre de son temps partiel.

Comme l'ont justement retenu les premiers juges, ce mode de calcul est erroné au regard des règles susvisées régissant le congé de présence parentale dont le décompte se fait en jours ouvrés, de telle sorte que Mme [B] ne peut utilement soutenir, pour solliciter la réparation d'un préjudice lié au manque à gagner équivalent à 63 jours de CPP, que ne devraient être décomptés que les jours pendant lesquels elle travaillait à temps partiel.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de cette dernière demande ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié au refus de l'employeur de lui accorder 63 jours de CPP.

2- Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité:

L'employeur, tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en vertu des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail, est à ce titre tenu de protéger la santé physique et mentale des salariés, ce qui impose de mettre en 'uvre des actions d'information et de formation, de mettre en place une organisation et des moyens adaptés et de veiller à leur adaptation pour tenir compte du changement des circonstances.

Il appartient donc à l'employeur d'assurer l'effectivité de son obligation de sécurité en assurant la prévention des risques professionnels.

Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a effectivement pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié.

En l'espèce, Mme [B] soutient que la CNAM n'a pas tenu compte du handicap auditif dont elle souffrait et qu'il est résulté de ce manquement un préjudice devant être réparé.

Elle soutient que la CNAM était parfaitement informée de cette situation, ainsi que de son statut de travailleur handicapé et qu'elle avait d'ailleurs été saisie par le médecin du travail au travers d'un dossier de sensibilisation.

Mme [B] produit:

- Une décision de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en date du 22 août 2011.

- Un courrier adressé à l'employeur le 18 mai 2012 dans lequel elle demande notamment que '-sa- surdité soit enfin prise en compte sur -son- lieu de travail'.

- La réponse de l'employeur datée du 21 juin 2012, l'assurant de '- sa - vigilance quant au respect de - ses - conditions de travail eu égard à - son - handicap'.

- Un certificat médical initial d'accident du travail du 9 octobre 2017 mentionnant 'Acouphènes +++ chez une personne mal-entendante, déclenchés par des travaux au travail depuis 1 mois - maux de tête - problème de concentration'.

- Un courrier de la CPAM en date du 13 novembre 2017, sollicitant des précisions de la salariée sur les circonstances de l'accident du travail et évoquant des réserves émises par l'employeur sur son caractère professionnel.

- Un courrier adressé le 17 novembre 2017 par Mme [B] à la CPAM indiquant que son employeur et ses responsables hiérarchiques 'sont parfaitement informés de mon handicap (...). Les particularités de mon handicap dans mon travail sont connues puisque je les ai exprimées en demandant des aménagements adaptés pour me permettre notamment d'accéder aux informations à mon poste de travail et lors des réunions. Un casque auditif et un ergonome auraient pu me permettre d'avoir plus d'aisance dans mon activité (...)'.

- Un courrier de la CPAM en date du 18 décembre 2017 refusant la prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

- La décision de la Commission de recours amiable en date du 22 mars 2018 confirmant le refus de prise en charge.

- Un courrier recommandé avec avis de réception adressé à l'employeur le 31 mai 2018 dénonçant notamment le fait 'qu'aucun aménagement pour l'amélioration de mes conditions de travail n'a été fait à mon poste ou dans les réunions malgré des demandes récurrentes depuis plus de 2 ans (...)'.

- La réponse de l'employeur datée du 27 juin 2018 indiquant: '(...) Je vous précise que l'aménagement de votre poste de travail est en cours:

Le 09/04/2018: Une réunion a été organisée sur le site de [Localité 5] à laquelle ont participé le médecin du travail, vous-même, le référent handicap de la DRSM Bretagne [D] [N], l'équipe de travail, le responsable administratif, le manager opérationnel.

Suite à cette réunion, il a été convenu que le Docteur [G], médecin du travail, contacte l'URAPEDA afin d'établir des préconisations et convenir d'un rendez-vous.

Le 29/05/2018, L'URAPEDA a contacté le référent handicap afin de déterminer les modalités d'interventions.

Le 31/05/2018, le référent handicap a pris contact avec le SAMETH 29 afin de coordonner les différentes interventions relatives à votre aménagement de poste de travail. De plus, le référent handicap a également pris contact avec la CNAM afin de déterminer les modalités de prise en charge du FIPHFP.

Le 22/06/2018, le bilan du SAMETH 29 nous a été transmis, proposant de solliciter l'intervention de L'URAPEDA.

A ce jour, la date du rendez-vous avec l'URAPEDA est en cours. Vous serez tenue informée de cette date.

La coordination de ces différents acteurs est indispensable à la prise en compte appropriée et individualisée de votre besoin (...)'.

- Des audiogrammes réalisés en 2015 et en 2020.

- Deux fiches de synthèses émanant de l'AGEFIPH en date du 11 octobre 2020, intitulées 'Evaluation et développement des techniques de compensation' et 'Evaluation des capacités fonctionnelles dans le cadre d'un projet professionnel'.

En réponse, l'employeur observe en premier lieu que Mme [B] avait saisi le défenseur des droits auprès duquel elle faisait valoir une discrimination au travail à raison de son handicap.

Or, dans un courriel daté du 19 mars 2021, le défenseur des droits informait l'employeur de ce qu'il clôturait le dossier, non sans observer, après avoir fait l'historique des échanges intervenus à ce sujet entre la salariée et l'employeur, que:

'(...) Vous avez communiqué à nos services diverses explications relatives à cette réclamation qui ont été relayées à Mme [B].

Enfin, vous avez également organisé une rencontre entre les divers protagonistes de cette affaire le 12 février 2021 dont bien-sûr la réclamante afin notamment de renouer le dialogue et en vue de mettre en place diverses mesures pour permettre à la réclamante de retrouver des conditions de travail sereines (...)'.

En second lieu, il résulte des échanges de correspondances versés aux débats que bien avant l'accident déclaré au mois d'octobre 2017 et non pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, l'employeur n'avait pas laissé sans réponse la réclamation de Mme [B] et qu'il l'assurait par lettre du 21 juin 2012 de sa vigilance quant au respect de ses conditions de travail eu égard au handicap de la salariée.

Il résulte en outre de la chronologie des événements telle qu'elle est rappelée dans un message de la responsable de gestion du personnel en date du 12 novembre 2020, que c'est l'employeur lui-même qui a pris attache avec le médecin du travail au mois de décembre 2017, puis de nouveau au mois de janvier 2018 pour que ce dernier effectue finalement sur site, le 9 avril 2018, une intervention de sensibilisation au handicap.

Cette intervention a permis une sensibilisation du personnel à la question du handicap auditif qui a donné lieu à une note élaborée par le médecin du travail le 9 avril 2018 contenant des conseils pratiques à l'attention des membres de l'équipe de travail sur la posture à adopter face à ce type de handicap afin d'améliorer la communication.

Il est également établi par la production de divers échanges de courriels que l'employeur est intervenu auprès du Service d'Appui au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (SAMETH) du Finistère et de l'association URAPEDA, structure d'accompagnement des personnes sourdes et malentendantes, afin qu'il soit procédé à une étude spécialisée du poste de travail de la salariée et à un suivi des aménagements préconisés, Mme [S], conseillère maintien dans l'emploi du Cap Emploi-Sameth 29 ayant à cette fin adressé à l'employeur le 22 juin 2018 un compte rendu qui rappelle que 'la situation de Mme [B] est accompagnée par le Cap-emploi Sameth, en accord avec le médecin du travail, l'entreprise et la salariée bénéficiaire (...)', l'objectif de cette démarche concertée étant 'd'accompagner la recherche et la mise en oeuvre d'une solution de maintien dans l'emploi'.

Il est encore indiqué dans ce compte-rendu que Mme [B] qui présente une déficience auditive bénéficiait du statut de travailleur handicapé lors de son embauche, que le médecin du travail est intervenu pour sensibiliser l'équipe et l'encadrement au handicap de l'intéressée et que: '(...) D'ores et déjà, sous les conseils du médecin du travail, l'employeur a réalisé des adaptations:

- la photocopieuse a été éloignée de Mme [B] en raison du bruit

- la responsable directe de Mme [B] se déplace pour lui donner des informations

-l'écrit est utilisé pour donner les consignes de travail (...)'.

La conseillère en maintien dans l'emploi ajoute que nonobstant ces interventions, des difficultés persistent et nécessitent de rechercher de nouvelles adaptations du poste de travail en lien avec l'URAPEDA, ce dont il s'évince que l'employeur n'est pas resté inactif et que des interventions de sa part ont bien été effectuées avant qu'il ne saisisse, en lien avec le médecin du travail, le Service d'Appui au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (SAMETH) du Finistère.

Les échanges de courriels ultérieurs démontrent que ces travaux de recherche aux fins d'adaptation du poste de travail de Mme [B] se sont poursuivis activement et dans la durée.

Ainsi, le 31 juillet 2020, M. [U], manager opérationnel, écrivait à la responsable adjointe de la Direction régionale du service médical Bretagne pour l'informer qu'une nouvelle visite de Cap Emploi sur site avait eu lieu ce même jour afin d'examiner l'évolution des conditions de travail de Mme [B], que s'en était suivie une réunion en visio-conférence et qu'avait notamment été examinée la possibilité pour la salariée de télétravailler et à ce titre, les activités télétravaillables.

Mme [R], responsable de service, écrivait le 22 octobre 2020 à Mme [N], référent handicap de l'entreprise, pour l'informer d'un nouvel échange avec Cap Emploi, proposant une nouvelle réunion associant le médecin du travail, l'URAPEDA, Cap Emploi et Mme [B] 'pour avoir une présentation des solutions envisagées par L'URAPEDA pour adapter le poste de Mme [B]', invitant la référente handicap à être présente à cette réunion.

Ces échanges faisaient suite aux préconisations du médecin du travail contenues dans une fiche d'aptitude du 5 février 2020, en termes d'aménagement du poste de travail.

Il est encore établi que les démarches entreprises en vue de l'adaptation du poste de travail se poursuivaient et que le 9 décembre 2020, Cap Emploi notait dans un compte rendu de réunion qu'à l'occasion d'une nouvelle rencontre intervenue la veille, avaient été proposée par l'employeur 'des adaptations complémentaires pour compenser le handicap de Mme [B] et favoriser la communication' (information sensibilisation surdité auprès du collectif de travail, tutrice chargée de relire les notes prises par Mme [B], changement de place au sein de l'open space, emplacement de l'interlocuteur face à Mme [B], utilisation de la transcription spontanée sur le smart phone, sous-titrage sur le power point lors des réunions techniques, étude d'un système lumineux ou vibratoire pour l'alarme incendie etc.).

Au résultat de l'ensemble de ces éléments, il est justifié par la CNAM de ce qu'elle a pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité de Mme [B] dont elle n'a pas méconnu la situation de handicap auditif, prenant au contraire l'initiative d'un travail collaboratif associant le médecin du travail et des associations spécialisées, afin que soient définies les adaptations de poste les plus opportunes eu égard à l'état de santé de la salariée.

Il convient dès lors, par voie de confirmation du jugement entrepris, de débouter Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

3- Sur les dépens et frais irrépétibles:

Mme [B], partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter la CNAM de sa demande d'indemnité fondée sur ces dernières dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris, excepté sur la charge des dépens ;

Déboute Mme [B] et la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03585
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.03585 ?
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