La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°21/03397

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 juillet 2024, 21/03397


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°327/2024



N° RG 21/03397 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RWHW













S.A.R.L. SERVICES 3D



C/



M. [O] [E]

























Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024



à : Me FROGER

Me BOURRELIER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 20

24





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°327/2024

N° RG 21/03397 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RWHW

S.A.R.L. SERVICES 3D

C/

M. [O] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :11/07/2024

à : Me FROGER

Me BOURRELIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Mars 2024

En présence de Monsieur [V], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 06 Juin 2024, au 20 Juin 2024 puis au 04 Juillet 2024

****

APPELANTE :

S.A.R.L. SERVICES 3D

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier FROGER de la SELARL AD LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me RESTIF, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [O] [E]

né le 22 Février 1965 à [Localité 10] (61)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Estelle BATAILLER de l'AARPI KADRAN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représenté par Me Nolvenn BOURRELIER, Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Services 3d, dont le siège social est fixé à [Localité 2] (35), a pour activité la dératisation, la désinsectisation et la désinfection. Elle applique la convention collective de la désinfection, désinsectisation, dératisation et emploie plus de 10 salariés.

Le 19 octobre 2009, M. [O] [E] a été embauché en qualité de Technicien applicateur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la SARL Services 3D.

A compter du 1er septembre 2012, il a été promu Responsable Technique en Ile de France avec rattachement à l'établissement parisien moyennant un salaire fixe de 3 400 euros brut par mois et une rémunération variable ( prime 4 % du montant facturé).

Suivant avenant du 3 mars 2014, le salarié a été soumis à un forfait annuel de 213 jours de travail.

Par avenant du 1er septembre 2014, une prime de résidence en Ile de France d'un montant de 300 euros a été octroyée au salarié.

Le 1er octobre 2018, M. [E] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2018.

Le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste avec une contre-indication pour le travail en hauteur.

Le 23 janvier 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé le 4 février suivant.

Le 4 mars 2019, il s'est vu notifier un avertissement en raison de la non- réalisation de certaines de ses missions et de son comportement inadapté depuis plusieurs mois.

M. [E] a été placé en arrêt de travail à compter du 19 mars 2022.

Par requête en date du 16 avril 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes afin de solliciter l'annulation de son avertissement et la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 2 septembre 2022, le salarié a été déclaré inapte à son poste.

Le 22 septembre 2022, M. [E] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Aux termes de ses dernières conclusions devant le conseil de prud'hommes de Rennes, M.[E]:

- Annuler l'avertissement du 4 mars 2019,

- Annuler la clause de non-concurrence

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL Services 3D

- Condamner la SARL Services 3D au paiement des indemnités de rupture de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et avertissement injustifié, d'un rappel de salaire pour des heures supplémentaires, des dommages et intéréts pour manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos, pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos, au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, une indemnité de procédure et la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat.

La SARL Services 3D a demandé au conseil de prud'hommes de:

A titre liminaire

- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [E] au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [E] au titre des dommages et intérêts pour manquement a l'obIigation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

- Déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [E] au titre de l'annulation de sa clause de non-concurrence.

A titre principal,

- Dire et juger quel'avertissement du 4 mars 2019 est parfaitement justifié,

- Dire et juger que la convention de forfait en jours est valable,

- débouter M. [E] de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Si le Conseil considère que la demande d'annulation de l'avertissement notifié le 4 mars 2019 est fondée,

- Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de M. [E].

Si le Conseil considère recevable la demande nouvelle au titre de l'annulation de sa clause de non concurrence,

- Constater que la contrepartie financière n'est pas dérisoire,

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause,

- Condamner M. [E] à une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 5 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Annulé l'avertissement du 4 mars 2019 ;

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Dit et jugé recevables les demandes de M. [E] au titre des demandes relatives au non-respect de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Débouté M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

- Dit et jugé que la convention de forfait en jours de M. [E] n'est pas valable ;

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 43 763,15 euros en règlement du rappel d'heures supplémentaires, à laquelle s'ajoute la somme de 4 376,32 euros au titre de congés payés y afférents ;

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 8 184,05 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'octroi de jours de repos compensateurs ;

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamné la SARL Services 3D aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution.

***

La SARL Services 3D a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 3 juin 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 4 mars 2024, la SARL Services 3D demande à la cour de :

- Infirmant le jugement en ce qu'il a :

- annulé l'avertissement prononcé à l'encontre de M. [E] le 4 mars 2019 ;

- condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts ;

- dit et jugé recevables les demandes de M. [E] au titre des demandes relatives au non-respect de la contrepartie obligatoire en repos ;

- dit et jugé que la convention de forfait en jours de M. [E] n'est pas valable ;

- condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 43 763,15 euros en règlement du rappel d'heures supplémentaires, à laquelle s'ajoute la somme de 4 376,32 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamné la SARL Services 3D à verser la somme de 8 84,05 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'octroi de jours de repos compensateur ;

- condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Confirmant le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail;

- débouté M. [E] de sa demande pour manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

- débouté M. [E] de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- débouté M. [E] de sa demande à titre d'indemnité pour manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

A titre liminaire,

- Déclarer irrecevables :

- la demande nouvelle de M. [E] au titre de la condamnation de la SARL Services 3D à lui payer la somme de 8 184,05 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

- la demande nouvelle de M. [E] au titre de la condamnation de la SARL Services 3D à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

A titre principal

- Constater le bien-fondé de l'avertissement prononcé le 4 mars 2019 ;

- Débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'annulation de l'avertissement prononcé le 4 mars 2019 ;

- Débouter M. [E] de sa demande d'inopposabilité de la convention de forfait-jours ;

- Débouter M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL Services 3D;

- Débouter M. [E] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouter M. [E] de sa demande au titre des heures supplémentaires non rémunérées et au titre des congés payés y afférents ;

- Débouter M. [E] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

- Débouter M. [E] de sa demande formulée au titre du non-respect de l'octroi de jours de repos compensateur, ainsi que de celle au titre de contrepartie obligatoire en repos ;

- Débouter M. [E] de sa demande formulée au titre du manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

En conséquence,

- Débouter purement et simplement M. [E] de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner M. [E] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [E] aux entiers dépens

A titre éminemment subsidiaire, si la Cour de céans venait considérer que la convention forfait-jours est privée d'effet,

- Condamner M. [E] à lui rembourser la somme de 12 202,49 euros au titre des jours de repos conventionnels ;

En tout état de cause :

- Réduire à de plus justes proportions, si par impossible la Cour devait estimer tout ou partie des demandes de M. [E] bien fondées, le montant des dommages et intérêts sollicités ;

- Statuer ce que de droit quant aux dépens

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 21 novembre 2023, M. [E] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Annulé l'avertissement du 04 mars 2019 ;

- Déclaré inopposable la clause de forfait annuel en jours ;

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] les sommes de :

- 43 763,15 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 4 376,32 euros bruts à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

- 8 184,05 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

- 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Infirmer pour le surplus le jugement entrepris et le réformant :

- Juger fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL Services 3D;

- Condamner la SARL Services 3D à lui verser les sommes de :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral (avertissement);

- 47 961,72 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 5 000 euros pour manquement à l'obligation d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos ;

- 23 980,86 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 3 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la SARL Services 3D à lui remettre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard :

- Un bulletin de salaire conforme au jugement ;

- Un certificat de travail conforme au jugement ;

- Une attestation pôle emploi conforme au jugement ;

- Condamner la SARL Services 3D au paiement de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

***

Le conseiller de la mise en état le 5 mars 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 18 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'avertissement du 4 mars 2019

Les premiers juges ont annulé l'avertissement du 4 mars 2019 infligé à M.[E] en l'absence d'éléments probants suffisants et lui ont alloué la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Services 3D conclut à l'infirmation du jugement en soutenant que :

- les devis au titre des chantiers pigeons ont été effectués de manière lacunaire par le salarié, les chantiers ont dû être repris durant l'exercice 2018; ces faits antérieurs à l'arrêt de travail du salarié d'octobre 2018 ont été découverts à la fin de l'année 2018 et ne sont pas prescrits lors de l'engagement de la procédure en janvier 2019.

- le salarié en arrêt de travail continuait de se servir de sa messagerie professionnelle alors qu'il aurait dû suspendre toute consultation de sa boîte et mettre un message automatique d'absence.

- il a dénigré le travail de ses collègues devant un client la société Larnicol.

M.[E] sollicite l'annulation de l'avertissement et l'octroi d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour sanction injustifiée compte tenu de son préjudice moral du fait des accusations mensongères portées à son encontre par son employeur.

Le salarié a été sanctionné le 4 mars 2019 par un avertissement ( pièce 7) pour :

- avoir procédé, alors qu'il est en charge de l'expertise des 'chantiers pigeons' à une analyse incomplète du 'chantier pigeons' situé sur le site [Adresse 8] à [Localité 5] ( 77), ce qui a engendré de lourdes conséquences financières pour son employeur et a impacté le résultat financier de l'année 2018.

- avoir informé certains des clients de son retour à son poste de travail à l'issue de son arrêt de travail le 31 décembre 2018 pour maladie, par exemple en décembre 2018 l'hôpital [9], alors que la Direction n'était pas informée de cette date.

- avoir dénigré le travail de ses collègues réalisé durant son absence, comme l'a confirmé la société cliente Larnicol lors d'un rendez-vous le 30 janvier 2019,

- avoir tenu des propos inappropriés envers un collaborateur d'une boutique du client Larnicol ' notre client nous a prévenu par un appel du 15 janvier 2019. Vous avez alors rappelé ce client pour vous excuser.'

Les articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail disposent que :

' En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments, et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.'

Aux termes de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Concernant le premier grief, la société Services 3 D se borne à communiquer des mails -du 6 au 12 juin 2019 /pièce 11)- échangés avec le salarié plus de 3 mois après l'avertissement du 4 mars 2019, et concernant un problème d'infestation de souris dans un restaurant à [Localité 6], sans lien avec le chantier pigeon du site [Adresse 7] de [Localité 5] (77) mentionné dans la lettre d'avertissement.

Elle ne fournit aucun élément utile à l'appui des deux autres griefs.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur, M.[E] a contesté par courrier du 11 avril 2019 l'absence de fondement des griefs formulés à son encontre en soulignant ' le contexte particulier' de ses conditions de travail en lien avec une surcharge importante dans le cadre de ses fonctions, ce dont il a informé son employeur depuis septembre 2018, avec des sollicitations fréquentes de la société malgré son arrêt de travail. Le salarié a précisé qu'il envisageait de saisir la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, 'cette situation ayant d'importantes répercussions sur sa santé et son moral.'

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avertissement dépourvu de fondement. Au regard des accusations injustifiées formulées à son encontre, la cour dispose des éléments permettant d'évaluer à la somme de 1 000 euros les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par le salarié, par voie d'infirmation du jugement.

Sur le forfait annuel en jours

Les premiers juges ont considéré que la convention de forfait n'était pas valable en l'absence d'organisation d'un entretien annuel, prévu par la loi et l'accord collectif, sur l'évaluation de sa charge de travail et ont fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires présentée par le salarié.

La société Services 3 D demande l'infirmation du jugement au motif que la convention de forfait est parfaitement valable, que le salarié n'a jamais signalé de difficulté dans l'adéquation de sa vie professionnelle et de sa vie personnelle étant rappelé que ce dernier avait fait le choix personnel depuis 2012 de vivre dans le Maine et Loire et de travailler en région parisienne, qu'il bénéficiait d'une grande autonomie comme salarié itinérant et faisait le choix d'arriver le lundi en fin de matinée en région parisienne et de repartir dès le vendredi midi vers son domicile; qu'il transmettait à son employeur des fiches détaillées de ses interventions permettant de vérifier sa charge de travail; que depuis la mise en place d'un système de géolocalisation en février 2019 du véhicule de service, le salarié utilisait régulièrement le mode vie privée contredisant sa surcharge de travail alléguée; que le salarié a de manière délibérée rédigé des mails soit le week-end soit le soir pour se constituer des preuves à lui-même et a contrevenu aux directives de son employeur en répondant à des mails le week-end et non pendant son temps de travail. L'employeur ajoute que l'accord collectif du 3 février 2014 assurant la garantie du respect des durées maximales de travail, des temps de repos, le principe de l'entretien annuel est opposable au salarié; que le salarié était invité régulièrement à poser ses jours de repos, qu'il échangeait régulièrement sur sa charge de travail et a bénéficié depuis 2016 d'entretiens annuels comme ses collègues en forfait-jours. L'employeur ajoute que ni la loi ni l'accord collectif du 3 février 2014 ne précise la forme que doit prendre de l'entretien annuel, qui peut résulter d'autres échanges écrits entre les parties.

Me [E] réplique que, soumis depuis 2014 à un forfait -jours, il n'a bénéficié d'aucun entretien annuel tel que prévu par la loi ou l'accord d'entreprise afin d'évaluer sa charge de travail; que les fiches d'intervention ne permettent pas d'évaluer sa charge de travail mais seulement les temps d'intervention chez les clients ; que son décompte auto-déclaratif remis chaque mois à son employeur faisait apparaître sa charge anormale de travail au regard du nombre de jours travaillés et de l'amplitude horaire, sans réaction de la société.

Il résulte des pièces produites que par avenant du 3 mars 2014, M.[E] est soumis à une convention de forfait annuel en jours conformément aux dispositions de la convention collective des entreprises de 3 D ( Desinfection, Desinsectisation , Dératisation) et de l'accord collectif du 3 février 2014.

L'avenant du 3 mars 2014 prévoit ainsi que :

-' le salarié est soumis à un forfait annuel de 213 jours, incluant la journée de solidarité,

- le forfait annuel court sur l'année civile du 1er janvier au 31 décembre. Le forfait de 213 jours travaillés correspond à une année civile complète de travail (...) Compte tenu de la date de signature de l'avenant, ce forfait sera proratisé pour l'année 2014.

- afin d'assurer un suivi de son temps de travail, il réalise mensuellement un décompte auto-déclaratif de ses journées de travail à partir de la ' fiche auto-déclarative temps de travail', en déclarant chaque mois le nombre de journées de travail accomplies et le nombre de journées non travaillées. Cette fiche devra être transmise le 5 du mois suivant par courrier à votre supérieur hiérarchique pour validation.

- par ailleurs, un bilan sur l'exécution de la convention sera effectué chaque année avec son supérieur hiérarchique dans le cadre d'un entretien annuel. Au cours de cet entretien annuel individuel, les échanges porteront sur sa charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sur sa rémunération.

- en cas de dépassement du forfait, le nombre total de jours travaillés dans l'année ne pourra dépasser 235 jours. Les jours supplémentaires ainsi travaillés ( au-delà de 231 jours et dans la limite de 235 jours) feront l'objet d'une majoration de 10%.'

Aux termes de l'article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction alors applicable avant la loi du 8 août 2016, la conclusion d'une convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou à défaut par la convention ou un accord de branche. L'article L 3121-43 du même code dispose que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminé et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année dans la limite de la durée annuelle de travail fixé par l'accord collectif prévu à l'article L 3121-39.

L'article L3121-46 prévoit qu'un entretien annuel individuel doit être organisé par l'employeur avec le salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, qu'il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.

L'avenant au contrat de travail prévoyait des modalités de suivi du temps de travail du salarié soumis à un forfait annuel en jours, outre la transmission mensuelle à l'entreprise d'une 'fiche auto-déclarative temps de travail', un bilan chaque année sur l'exécution de la convention de forfait au travers d'un entretien annuel individuel avec son supérieur hiérarchique, les échanges devant porter sur la charge de travail, sur l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale et sur sa rémunération.

Pour justifier qu'il a satisfait à ses obligations de suivi du temps de travail de son salarié, l'employeur verse aux débats:

- l'accord collectif du 3 février 2014 ( pièce 14),

- la convention de forfait du salarié,

- l'entretien professionnel ' périodique' du salarié réalisé le 8 janvier 2016

( pièce 23) par son N+1, M.[C] Directeur Général Délégué, reprenant la description du poste occupé, le bilan de l'année écoulée, les formations suivies, l'évolution professionnelle. Il n'est fait mention d'aucun entretien précédent. Ce document n'est pas signé par le salarié et ne comporte aucun paragraphe relatif à l'organisation de son temps de travail.

- les attestations de M.[W] et [R], technico-commerciaux respectivement depuis 2010 et 2015 selon lesquels ils rencontraient chaque année en entretien individuel leur N+1 M.[C] sur les sujets de charge de travail, organisation de travail, jours de repos, rapport vie privée/travail, tout comme les autres collaborateurs, comme M.[E].

- un mail du Directeur général du 20 septembre 2018 sollicitant de ses salariés soumis à un forfait annuel qu'ils posent leurs derniers jours de repos JDR au titre de l'année 2018.

Toutefois, la société Services 3 D sur laquelle repose la charge de la preuve de la tenue d'un entretien annuel répondant aux prescriptions légales et conventionnelles, ne fournit pas les éléments permettant de vérifier qu'elle a organisé au profit de M.[E] et à échéances régulières l'entretien spécifique prévu par l'article L 3121-46 du code du travail et à celles de l'accord collectif du 3 février 2014. Le seul compte rendu de l'entretien professionnel en date du 8 janvier 2016 dont elle verse la copie n'est pas signé par le salarié et ne comporte aucune référence prévue par la loi quant à l'évaluation de sa charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et la rémunération. Les témoignages des deux technico- commerciaux ne permettent pas de pallier à l'absence de retranscription par l'employeur des entretiens individuels annuels de M.de [K] . Le fait que la Direction de l'entreprise assure un suivi de la charge de travail dans le cadre du forfait au travers des fiches d'intervention et des relevés de géolocalisation du véhicule professionnel de M.[E] et que le salarié ne se plaigne pas d'une surcharge de travail ne dispense pas la société de s'affranchir des règles impératives en la matière.

L'inobservation des règles légales dont le respect vise à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis à un forfait en jours, prive ainsi d'effet la convention individuelle de forfait qui doit lui être déclarée inopposable par voie de confirmation du jugement.

Sur les heures supplémentaires

M.[E] maintient sa demande de rappel de salaires de 43 763,15 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées entre avril 2016 et septembre 2019 outre les congés payés, à laquelle le conseil des prud'hommes a fait droit.

La société Services 3D a conclu au rejet de cette demande au motif que le salarié n'est pas en mesure de démontrer qu'il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, qu'il tente de duper la cour en englobant dans son décompte des temps de trajet qu'il effectuait à titre personnel notamment les trajets domicile (Maine et Loire)- lieu de travail ( région parisienne) le lundi et le vendredi, que ses décomptes de ses fiches auto-déclaratives ne correspondent pas aux relevés du système de géolocalisation mis en place dans son véhicule professionnel utilisé en 'mode vie privée'. Elle ajoute que le salarié ne peut pas réclamer un rappel pour des heures à défaut de fournir son agenda 2017, qu'il déclare avoir perdu. L'employeur a critiqué le jugement en ce qu'il a validé le montant demandé par le salarié sur la base d'un sondage sur une semaine prise au hasard au cours des mois de mars 2016,mai 2016 et octobre 2019.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La convention de forfait étant déclarée inopposable, M. [E] était soumis au régime général des 35 heures de travail par semaine et produit:

- la copie de ses agendas pour les années 2016,2018 et 2019, récapitulant jour par jour, semaine par semaine, ses rendez-vous professionnels, avec l'indication des clients visités, le lieu, les formations, ses jours de congés et de RTT. Le salarié ne dispose plus de l'agenda 2017 (perdu).

- les fichiers d'activité 2017( Pièce 28)

- un décompte de ses heures supplémentaires (pièce 29) pour la période allant du 4 avril 2016 au 8 septembre 2019, faisant apparaître 245,15 heures supplémentaires en 2016, 508,85 heures en 2017, 376,50 heures en 2018 et 267,25 heures en 2019, avec le détail des majorations (25 % et 50 %) pour un montant total de 43 763,15 euros.

Il se réfère en ce qui concerne l'année 2017 aux fiches auto déclaratives transmises à son employeur (pièce 35 de la société ) et soutient que ces documents ne comptabilisent ni ses temps de trajet, ni son travail administratif de devis, reporting et d'échanges avec les clients.

Le salarié présente des éléments suffisamment précis auxquels l'employeur peut répondre grâce notamment aux documents périodiques transmis par M.[E].

L'employeur se garde de produire des éléments contredisant les tableaux de temps de travail fournis par le salarié. Les fiches auto-déclaratives transmises mensuellement par le salarié pour validation à son supérieur hiérarchique mentionnent l'heure d'embauche et l'heure de débauche du salarié, ainsi que le nombre de jours travaillés et les jours de repos( pièce 35).

La comparaison des fiches auto déclaratives ( pièce 35) avec les horaires figurant sur le décompte et les agendas du salarié ne fait que confirmer l'amplitude horaire importante de travail de M.[E], même après déduction d'une pause méridienne . Le salarié démontre au travers de ses agendas ( 2016-2018-2019) et de son fichier d'activité en 2017 qu'il se déplaçait principalement dans toute la région parisienne et de manière ponctuelle dans l'ouest de la France.

Contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur, il ne résulte pas des pièces produites que le salarié, dont il n'est pas contesté qu'il disposait en semaine d'un logement à [Localité 6] et de sa résidence familiale qu'il rejoignait une fois par semaine dans le Maine et Loire, a englobé dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre sa résidence familale et son lieu de travail à [Localité 6] le lundi matin et pour rejoindre son domicile familial le vendredi après-midi. Les agendas du salarié versés aux débat, à l'exception de celui de l'année 2017, contredisent les allégations de la société Services 3 D et démontrent à l'inverse une activité professionnelle de M.[E] à la fois le lundi matin et le vendredi après-midi, sauf en période de congés lorsqu'il était en déplacement sur des chantiers ou en rendez-vous.

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [E] a effectué, entre avril 2016 et septembre 2019, des heures supplémentaires non payées à hauteur de 43 763,15 euros brut. Il convient en conséquence de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 43 763,15 euros brut euros bruts, outre 4 376,31euros bruts de congés payés afférents, par voie de confirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement des jours de repos conventionnels

La société Services 3 D a présenté une demande reconventionnelle de remboursement de la somme de 12 202,49 euros au titre des jours de repos conventionnels octroyés au salarié dont la convention de forfait a été déclarée inopposable.

Le salarié n'a formé aucun moyen opposant à cette demande.

Dès lors que la cause des jours de réduction de temps de travail litigieux trouve son origine dans la convention de forfait, déclarée inopposable au salarié, la société Services 3 D est fondée à réclamerà titre reconventionnel le remboursement de la somme , dont le quantum n'est pas remis en cause , de 12 202,49 euros correspondant aux jours de repos dont il a bénéficié en vertu de la convention déclarée inopposable.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos

M. [E] maintient sa demande, à laquelle il a été fait droit par les premiers juges, de 8 184,05 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Le salarié qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de formuler une demande de repos compensateur obligatoire au titre des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires défini par la convention en application de l'article L 3121-11 du code du travail, a droit à l'indemnisation du préjudice subi.

Le salarié a fourni, dans ses conclusions (en page 15) un décompte précis des heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel fixé par la loi à 220 heures par an en l'absence de dispositions contraires de la convention collective applicable.

Ce décompte établi au titre de la valorisation des heures supplémentaires au titre des années 2016 à 2019 n'ayant pas donné lieu à repos compensateur n'est pas contesté dans son montant par l'employeur.

Au vu de ce tableau, eu égard à l'effectif de l'entreprise, inférieur à 20 salariés, il sera fait droit à la demande d'indemnisation des repos compensateurs non pris pour les années 2016 à 2019 à la somme globale de 8 184,05 euros, s'agissant de dommages-intérêts intégrant le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour défaut d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos

M.[E] demande l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande indemnitaire de 5 000 euros pour défaut d'information sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

L'article D 3171-11 du code du travail dispose qu'à défaut de précision conventionnelle contraire, le salarié doit être tenu informé du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à son crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce document atteint 7 heures, ce document comportant une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de 2 mois après son ouverture.

Les premiers juges ont à juste titre considéré que le salarié ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité concernant le non-respect de la contrepartie obligatoire en repos.

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée par voie de confirmation du jugement.

Sur le travail dissimulé

Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M.[E] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, au visa des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, faute d'intention coupable établie de la part de l'employeur qui a fait application mais à tort de la convention individuelle de forfait judiciairement déclarée inopposable à l'intéressé. En l'absence d'autres éléments, le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule application d'une convention illicite.

Sur la résiliation judiciaire

M.[E] maintient sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur au motif que la société Services 3 D n'a pas respecté ses obligations en matière de durée du travail et les préconisations du médecin du travail en ce que:

- son rythme de travail lui imposait de prendre ses fonctions très tôt le lundi matin à [Localité 6] pour se rendre chez ses clients, il travaillait en moyenne 10 heures par jour, soit 15 heures supplémentaires par semaine.

- il ne bénéficiait d'aucun entretien annuel sur sa charge de travail depuis la mise en oeuvre d'un forfait annuel en jours en mars 2014,

- l'employeur était parfaitement informé de l'amplitude horaire au vu des fiches auto-déclaratives que son supérieur hiérarchique validait en fin de mois.

- il sollicitait son salarié même durant ses arrêts de travail

- le médecin du travail a le 18 janvier 2018 lors de sa visite de reprise émis une contre-indication pour le travail en hauteur mais la société persistait à lui demander de réaliser des devis pigeons jusqu'en août 2019.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et que le licenciement intervient ultérieurement en cours de procédure, le juge doit rechercher au préalable si la demande de résiliation était justifiée en raison de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Le salarié, licencié le 22 septembre 2022 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, invoque à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire présentée le 16 avril 2019, les manquements graves de l'employeur à ses obligations résultant du contrat de travail.

A l'appui, M.[E] verse aux débats:

- ses arrêts de travail du 1er octobre 2018 au 31 décembre 2018 ,

- l'avis d'aptitude rendu lors de la visite de reprise le 18 janvier 2019 par le médecin du travail avec une contre indication ' travail en hauteur contre-indiqué'

- des échanges de mails en février et en mars 2019 avec l'assistante de la société avec copie au Directeur Général ( M.[P]) sollicitant diverses interventions et des expertises du salarié pour résoudre des nuisances avec des pigeons ( pièces 14-1 à 14-5)

- les échanges de mails entre le salarié et la Direction en août 2019, aux termes desquels M.[E] a rappelé qu'il ne pouvait pas effectuer un travail en hauteur en raison de la contre-indication médicale et ce, malgré les demandes d'intervention et la demande expresse de M.[P] ' c'est toi qui la réaliseras' .

L'employeur ne fournit aucune explication sérieuse et cohérente aux instructions persistantes données à M.[E] de procéder à des missions en méconnaissance de l'avis du médecin du travail du 18 janvier 2019. Un tel comportement est fautif au regard des risques encourus en matière de préservation de la sécurité physique et morale du salarié.

Il résulte en outre des développements précédents que la société Services 3 D n'a pas respecté les modalités de suivi du forfait annuel en jours auquel M.[E] était soumis depuis le 4 mars 2014, s'agissant de dispositions résultant de la loi, de l'accord collectif et de l'avenant au contrat du 4 mars 2014, de telle sorte que l'intéressé a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées en temps et en heure.

L'addition de ces manquements leur confère un caractère de gravité qui ne permettait plus, du fait de l'employeur, la poursuite de la relation contractuelle, justifiant le prononcé de la résiliation du contrat de travail aux torts de la société appelante, laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de la résiliation judiciaire, elle prend effet au jour du licenciement prononcé. En l'espèce, le licenciement étant intervenu entre-temps le 22 septembre 2022, la date de la résiliation du contrat de travail prend effet à cette dernière date.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, le juge octroie au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris avec une ancienneté de 12 ans, entre 3 mois et 11 mois de salaire. M.[E] âgé de 57 ans à la date de la rupture, percevait un salaire moyen de 3 996,81 euros brut par mois. Il ne justifie pas de sa situation réactualisée depuis la rupture.

Dans ces conditions, la cour dispose des éléments permettant d'évaluer le préjudice subi par le salarié à la somme de 35 000 euros par voie d'infirmation du jugement sur le quantum.

Sur les autres demandes et les dépens

Aux termes de l'article R 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient d'ordonner à l'employeur de délivrer à M. [E] le bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M.[E] les frais non compris dans les dépens en appel. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement en ce qu'il a :

- Annulé l'avertissement du 4 mars 2019 ;

- Dit et jugé que la convention de forfait en jours de M. [E] n'est pas valable

- Condamné la SARL Services 3D à verser à M. [E] les sommes suivantes:

- 43 763,15 euros en règlement du rappel d'heures supplémentaires,

- 4 376,32 euros pour les congés payés y afférents ;

- 8 184,05 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'octroi de jours de repos compensateurs ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté M.[E] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- Rejeté la demande de M.[E] de dommages et intérêts pour défaut d'information sur l'octroi de repos compensateur,

- Condamné la SARL Services 3D aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution.

- Infirme les autres dispositions du jugement.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre M.[E] et la Sarl Services 3D aux torts de l'employeur,

- Dit que la date de la résiliation est fixée au 22 septembre 2022 et que la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Condamne la Sarl Services 3D à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injstifié,

- 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonne à la société Services 3 D de délivrer à M. [E] le bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt,

- Condamne M.[E] à payer à la Sarl Services 3 D la somme de

12 202,49 euros en remboursement des jours de repos dont il a bénéficié en vertu de la convention déclarée inopposable.

- Rejette la demande de la société Services 3 D fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société Services 3 D aux dépens de l'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03397
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.03397 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award