La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | FRANCE | N°24/00309

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 10 juillet 2024, 24/00309


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 24/146

N° N° RG 24/00309 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U7DO



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Philippe BRICOGNE, président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Jul

ie FERTIL, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 09 Juillet 2024 à 17h06 par Me PRAUD pour :



M. [U] [V]

né le 20 Septembre 19...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 24/146

N° N° RG 24/00309 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U7DO

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Philippe BRICOGNE, président à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 09 Juillet 2024 à 17h06 par Me PRAUD pour :

M. [U] [V]

né le 20 Septembre 1989 à [Localité 4] (HAITI)

de nationalité Haitienne

ayant pour avocat Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 08 Juillet 2024 à 18h par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, la demande d'assignation à résidence, et ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [V] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 08 juillet 2024 à 08h57;

En présence de représentant du préfet du Finistère, pris en la personne de M. [O], muni du pouvoir,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 10 juillet 2024, lequel a été mis à disposition des parties,

En présence de [U] [V], assisté de Me Elodie PRAUD, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 10 Juillet 2024 à 10 H 30 l'appelant assisté de son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

M. [U] [V], né le 20 septembre 1989 à [Localité 4] (Haïti), de nationalité haïtienne, a été condamné à de multiples reprises pour des faits de vol, violences volontaires aggravées, viol, recel, prise du nom d'un tiers, conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance, conduite sous l'emprise de stupéfiants, menace de mort, usage et détention de stupéfiants, non-respect d'une ordonnance de protection.

Il a notamment été condamné par le tribunal correctionnel de Quimper par jugement du 1er juin 2022 pour violence sans incapacité sur conjoint ou concubin à une peine de 15 mois d'emprisonnement dont 6 mois avec sursis probatoire de 3 ans, révoqué par le juge de l'application des peines le 28 mars 2024.

La mise à exécution de cette dernière peine fixait sa libération au 6 juillet 2024.

M. [U] [V] a donc fait l'objet, par arrêté du préfet du Finistère du 5 juillet 2024, d'une obligation de quitter le territoire français.

Par arrêté du même jour, le préfet du Finistère a placé M. [U] [V] en rétention administrative pour assurer l'exécution de cette mesure. Le placement en rétention administrative a été effectué au moment de la levée d'écrou, intervenue le 6 juillet 2024 à 8h57.

Le 7 juillet 2024 à 17h24, le préfet du Finistère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en vue d'une prolongation de la rétention administrative de M. [U] [V].

Par ordonnance du 8 juillet 2024 à 18h00, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes a rejeté la demande d'assignation à résidence et ordonné la prolongation du maintien de M. [U] [V] dans des locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 28 jours à compter du 8 juillet 2024 à 8h57.

Le 9 juillet 2024 à 17h06, M. [U] [V] par le biais de son avocat a interjeté appel de cette ordonnance.

À l'audience du 10 juillet 2024 à 10h30, M. [U] [V], assisté de son avocat, a reconnu ses erreurs passées mais s'est dit déterminé à la poursuite d'un seul objectif : obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler et de subvenir aux besoins de ses 4 enfants. Il déclare souhaiter constituer son entreprise en spécialité VRD pour laquelle il a un diplôme. Il sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté en soutenant l'irrecevabilité de la requête du préfet (doute sur le jour exact du début de la mesure de rétention administrative), le défaut d'information du procureur de la République de la mesure de rétention administrative (faite la veille de la mesure) et ses possibilités d'assignation à résidence (passeport valide, offre d'hébergement de son père adoptif). Il forme une demande de 900 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Le préfet du Finistère sollicite la confirmation de l'ordonnance en relevant qu'il n'y a pas de contestation de la motivation du juge des libertés et de la détention. Selon lui, il ne peut être tiré aucune conséquence de l'erreur matérielle mentionnant la mesure de rétention administrative au 5 au lieu du 6 juillet 2024 (date non contestée par M. [U] [V]). L'intention de rester en France manifestée par M. [U] [V] et son cursus de délinquance permettent de considérer qu'il ne présente pas toutes les garanties de représentation requises.

Le ministère public demande la confirmation de l'ordonnance.

Discussion

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de M. [U] [V] a été fait dans des conditions de forme et de délais régulières. Il sera donc jugé recevable.

Sur le fond

1 - l'irrecevabilité de la requête du préfet :

L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que 'le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative'.

Aux termes de l'aticle R. 742-1, 'le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7. La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1'.

En l'espèce, M. [U] [V] fait valoir une incertitude sur le jour exact du début de la rétention administrative, ce qui rendrait la requête du préfet irrecevable comme tardive.

Le placement de M. [U] [V] en rétention administrative n'a pu être effectué qu'au moment de la levée d'écrou, intervenue le 6 juillet 2024 à 8h57, ce que confirment toutes les pièces de procédure, comme la notification de l'obligation de quitter le territoire français (6 juillet 2024 à 8h45), de la mesure de rétention administrative (6 juillet 2024 à 8h57), de ses droits à l'arrivée au centre de rétention administrative de [Localité 5] (6 juillet 2024 à 9h20) ou du règlement intérieur du (6 juillet 2024 à 9h30), la fiche de transfert ayant quant à elle été improprement datée du '5 juillet 2024 à 9h30'.

Le préfet du Finistère ayant saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en vue d'une prolongation de la rétention administrative de M. [U] [V] le 7 juillet 2024 à 17h24, sa requête, effectué dans les 48 heures du début de la mesure de rétention administrative, est recevable.

Ce moyen, inopérant, sera écarté.

2 - le défaut de notification de la mesure de rétention administrative au procureur de la République :

L'article L. 741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que 'le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention'.

En l'espèce, M. [U] [V] n'a pas à justifier d'un grief à l'appui de son moyen, cette formalité étant d'ordre public.

Par arrêté du 5 juillet 2024, le préfet du Finistère a placé M. [U] [V] en rétention administrative pour assurer l'exécution de la mesure d'obligation de quitter le territoire français.

M. [U] [V] s'est vu notifier cet arrêté de placement en rétention administrative le 6 juillet 2024 à 8h57, c'est-à-dire au moment de sa levée d'écrou.

Le fait, pour le préfet, d'avoir anticipé l'effectivité du placement en rétention administrative en informant le procureur de la République dès le 5 juillet 2024 à 17h37 alors que la mesure était déjà prise (5 juillet 2024) et que son exécution n'attendait plus que la levée d'écrou devant intervenir quelques heures plus tard (le 6 juillet 2024 à 8h57) permet de considérer que la formalité de l'article L. 741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été remplie.

Ce moyen, inopérant, sera écarté.

3 - l'assignation à résidence :

L'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que 'le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale'.

Aux termes de l'article L. 612-3, 'le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 (soustraction à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet) peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5'.

En l'espèce, M. [U] [V] a pu remettre aux autorités un passeport en cours de validité. Il est en France depuis l'âge de trois ans et bénéficie d'une offre d'hébergement chez son père adoptif, [Adresse 1], datée du 28 mai 2024, ce qui est suffisamment récent. Il a la charge de quatre enfants mineurs.

Lors de son audition administrative du 18 juin 2024, M. [U] [V] a indiqué ne pas souhaiter retourner à Haïti parce que son souhait est de rester vivre en France auprès de ses enfants. C'est en ce sens qu'il souhaite déposer une nouvelle demande de titre de séjour. Il conviendra également de relever que le 'non' mentionné un peu plus loin dans le procès-verbal répond de façon lapidaire à une question des plus complexes : 'dans l'optique où le préfet déciderait de vous reconduire dans votre pays d'origine ou dans tout autre pays susceptible de vous accueillir, consentez-vous à suivre cette décision et exécuter la mesure d'éloignement ' Sinon pourquoi ' Avez-vous des observations à formuler à ce sujet ''. Cette réponse ne peut pas être entendue comme la manifestation claire d'une intention de se soustraire à l'exécution de toute mesure d'éloignement ni comme un risque au regard de sa garantie de représentation.

Il conviendra en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner l'assignation à résidence de M. [U] [V].

Dit n'y avoir lieu à condamner le préfet du Finistère sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Sur les dépens

Il conviendra de laisser les dépens à la charge du trésor public.

PAR CES MOTIFS

Philippe BRICOGNE, président de chambre délégué par le premier président, greffier, statuant publiquement et en dernier ressort,

DÉCLARE recevable l'appel interjeté par M. [U] [V],

INFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté les exceptions soulevées,

Statuant à nouveau,

ORDONNE l'assignation à résidence de M. [U] [V], chez M. [S] [E], [Adresse 1],

RAPPELLE qu'en application des dispositions de l'article L. 743-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 'l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 743-13 se présente quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation, en vue de l'exécution de la décision d'éloignement',

DÉSIGNE le commissariat de [Localité 2], [Adresse 3] pour compétence dans l'éxécution de l'assignation à résidence,

REJETTE la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.

Fait à Rennes, le 10 Juillet 2024 à 15h

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE PRÉSIDENT,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [U] [V], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 24/00309
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;24.00309 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award