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09/07/2024 | FRANCE | N°21/05560

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 09 juillet 2024, 21/05560


2ème Chambre





ARRÊT N°263



N° RG 21/05560

N° Portalis DBVL-V-B7F-R7SL



(Réf 1ère instance : 20/01311)









CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE



C/



M. [O] [X]





























Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me NADREAU

- Me BOIVIN-GOSSELIN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,



GREFFIER :



Ma...

2ème Chambre

ARRÊT N°263

N° RG 21/05560

N° Portalis DBVL-V-B7F-R7SL

(Réf 1ère instance : 20/01311)

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE

C/

M. [O] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me NADREAU

- Me BOIVIN-GOSSELIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame OMNES, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Décembre 2023

devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Juillet 2024, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, et signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,

****

APPELANTE :

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Xavier-Pierre NADREAU de la SELARL SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-NEYROUD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉ :

Monsieur [O] [X]

né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Anne BOIVIN-GOSSELIN, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Emmanuel TURPIN, plaidant, avocat au barreau de SAINT MALO/DINAN

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre acceptée le 20 août 2015 la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Bretagne Pays de Loire, ci-après la Caisse d'épargne, a consenti à M. [O] [X] un prêt personnel d'un montant de 40 500 euros. Les fonds ont été débloqués le 7 septembre 2015 sur le compte de dépôt de M. [O] [X] ouvert à la banque, puis le 8 septembre 2015, ils ont fait l'objet d'un virement en débit sous l'intitulé 'vir sepa [X] [Y] pour RA prêts immobiliers'.

Le [Date décès 4] 2016, M. [Y] [X], père de M. [O] [X], est décédé.

Par acte d'huissier du 6 août 2020, contestant ledit prêt personnel, et après une vaine tentative de résolution amiable, M. [X] a fait assigner la Caisse d'épargne, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Malo afin, notamment, de voir engagée sa responsabilité pour manquement à ses obligations de loyauté, de conseil, et de mise en garde et obtenir la réparation de son préjudice financier.

Par jugement du 27 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Malo a :

- dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de l'assignation délivrée le 06 août 2020,

- condamné la Caisse d'épargne payer à M. [X] la somme de 43 255,20 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la Caisse d'épargne à payer à M. [X] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la Caisse d'épargne,

- dit qu'il n'y avait lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement.

Par déclaration du 13 septembre 2021, la Caisse d'épargne a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2023, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de l'assignation délivrée le 06 août 2020,

condamné la Caisse d'épargne à payer à M. [X] la somme de 43 255,20 euros à titre de dommages et intérêts,

condamné la Caisse d'épargne à payer à M. [X] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

mis les dépens à la charge de la Caisse d'épargne,

En conséquence, statuant à nouveau,

In limine litis,

- statuer ce que de droit sur la validité de l'exploit introductif ;

A titre principal,

- juger que la Caisse d'épargne n'a commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. [X],

- juger que le préjudice allégué n'est pas caractérisé compte tenu du fait que le risque, constitué par le fait que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, ne s'est pas réalisé,

- dire et juger non fondé M. [X] en ses demandes, fins, moyens et conclusions et en conséquence, l'en débouter purement et simplement,

A tout le moins,

- dire et juger que la perte de chance de ne pas contracter justifie d'opérer une réduction sur le quantum de la demande indemnitaire, pour la ramener à une somme de pur principe, et en tout état de cause à une somme nécessairement inférieure que le coût total du crédit,

- juger que toute indemnisation mise à la charge de la Caisse d'épargne sera a minima diminuée des intérêts à échoir au jour de la décision à intervenir,

- ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties,

En tout état de cause,

- condamner M. [X] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2023, M. [X] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juillet 2021, rendu par le juge des contentieux de la protection de Saint-Malo,

- débouter la Caisse d'épargne de sa demande de compensation,

- condamner la Caisse d'épargne à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux éventuels dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 novembre 2023.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la nullité de l'assignation:

La Caisse d'épargne soutient que l'assignation serait entachée d'irrégularité pour avoir été délivrée devant le tribunal judiciaire et faire mention de l'obligation de constituer avocat, alors que le litige relevait de la compétence du juge des contentieux de la protection.

M. [X] soutient, au contraire, que l'assignation comportait toutes les indications précisant le juge devant lequel la Caisse d'épargne était convoquée et ne faisait pas mention d'un délai pour constituer avocat.

Cependant, alors qu'elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 6 août 2020, la Caisse d'épargne ne verse pas cet acte aux débats.

Mais, à supposer que l'acte d'assignation soit entachée des irrégularités invoquées par l'appelante, la nullité encourue est, comme l'a relevé le premier juge, une nullité de forme de sorte qu'elle ne peut être prononcée qu'autant qu'elle a causé un grief à la partie qui l'invoque. Or, la Caisse d'épargne qui a comparu devant le juge des contentieux de la protection et a pu faire valoir ses moyens de défense, n'établit nullement que les prétendues irrégularités dont elle se prévaut, lui ont fait grief de quelque façon que ce soit. C'est donc à juste titre que le tribunal a dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 6 août 2020.

Sur le manquement de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde:

Le tribunal a retenu un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, soulignant que M. [O] [X], jeune étudiant de 19 ans, au moment de l'octroi du prêt, devait être considéré comme un client profane. Il a condamné la Caisse d'épargne à payer à M. [O] [X] la somme de 43 255,20 euros à titre de dommages-intérêts,.

Critiquant le jugement dont appel, l'appelante conteste avoir recherché à se faire rembourser les prêts immobiliers contractés par M. [Y] [X] en faisant souscrire un prêt étudiant à son fils, sans s'assurer de ses perspectives de remboursement. Elle souligne que M. [O] [X] n'a contesté ni le paiement effectué, ni aucun de ses relevés de compte pendant cinq ans. Elle soutient par ailleurs avoir vérifié la situation de M. [O] [X] et le montant de ses charges ainsi qu'en atteste la fiche de renseignements qu'elle lui a fait remplir. Enfin, rappelant que M. [Y] [X] s'était porté caution du prêt contracté par son fils, elle considère que le risque d'endettement excessif n'était pas caractérisé et souligne que l'intimé est à jour du paiement des échéances du prêt.

Il résulte des pièces produites aux débats que le 20 août 2015, la Caisse d'épargne a édité une offre de prêt personnel au nom de M. [O] [X] d'un montant de 40 500 euros au taux effectif global de 0,90 % l'an, avec un différé de soixante mois, remboursable en 120 mensualités. Cette offre a été acceptée le jour même par l'emprunteur qui, renonçant au délai de rétractation de 14 jours, a sollicité le déblocage des fonds le 8ème jour suivant l'acceptation. Bien que l'offre de prêt ne le mentionne pas expressément, il est incontestable que le prêt octroyé à M. [O] [X] par la Banque Populaire Grand Ouest, compte tenu de l'existence d'un différé de 60 mois et d'un taux effectif global de 0,90 %, est un prêt étudiant.

Si M. [O] [X] est mentionné comme emprunteur sur l'offre de prêt, figure toutefois sur l'acceptation de l'offre, outre le nom de [O] [X], celui de son père, [Y] [X] qui s'est porté caution. La personne adhérant à l'assurance facultative et signant le formulaire est identifiée et mentionnée par la banque comme étant M. [Y] [X] alors que le seul emprunteur indiqué est [O] [X]. La signature apposée au bas de l'adhésion à l'assurance facultative est cependant la même que celle figurant sur l'acceptation de l'offre de prêt.

M. [X] conteste avoir jamais sollicité l'emprunt qui lui a été accordé. Il reconnaît toutefois avoir accompagné son père à un rendez-vous dans les locaux de la banque en août 2015 et admet avoir apposé sa signature sur l'offre de prêt. Il soutient avoir signé sous la pression de l'établissement bancaire et de son père. Il y a lieu de constater cependant, qu'il ne sollicite pas la nullité du contrat de prêt pour vice du consentement, alors qu'une telle action n'était pas encore prescrite au moment de la délivrance de l'assignation. De surcroît, il n'est pas anormal que M. [X] ait été accompagné de son père pour l'octroi d'un prêt personnel qui s'avère être un prêt étudiant, ni que ce dernier se soit porté caution.

Toutefois, il est constant que les fonds débloqués n'ont fait que transiter sur le compte de M. [O] [X] avant d'être virés sur le compte de son père. L'intimé dit n'avoir aucun souvenir d'avoir passé un tel ordre et ne pas avoir de justificatif de cet ordre de virement. Il souligne que le mouvement bancaire est classé dans la catégorie 'prélèvements' ce qui laisserait entendre, selon lui, qu'un tiers serait à l'origine de ce prélèvement.

Mais, M. [X] procède par allégations et ne rapporte pas la preuve de ce qu'une autre personne que lui aurait procédé à ce virement. La banque fait valoir, à juste titre, qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans les différents échanges familiaux et personnels entre M. [X] et son père. Au surplus, rien n'interdisait à M. [O] [X] de faire bénéficier son père des fonds issus du prêt accordé. Il n'est en tous cas pas démontré que la Caisse d'épargne ait été au courant de la destination finale des fonds au moment de l'offre ni qu'elle ait consenti sciemment ce prêt à M. [O] [X] pour qu'il bénéficie en définitive à M. [Y] [X]. Les circonstances dans lesquelles l'offre de prêt a été acceptée ne révèlent donc aucune manoeuvre de la banque.

Par ailleurs, la Caisse d'épargne justifie que les informations précontractuelles relatives au prêt ont été portées à la connaissance de M. [O] [X] qui les a paraphées comme elle justifie avoir pris des renseignement sur la situation de M. [O] [X] et s'être assuré de sa qualité d'étudiant par une attestation de scolarité pour son inscription en première année du brevet de technicien supérieur en management des unités commerciales en contrat de professionnalisation.

S'agissant du manquement à l'obligation de mise en garde, celle- ci n'est due par la banque que s'il apparaît que le prêt sollicité est excessif et fait courir un risque d'endettement à l'emprunteur non averti. Ainsi la banque doit vérifier si le crédit consenti est adapté aux capacités financières déclarées et ne présente pas un risque pour l'emprunteur, notamment celui de ne pouvoir faire face aux échéances, et seulement si tel est le cas et l'emprunteur non averti, attirer alors son attention sur le risque, afin qu'il puisse accepter ou refuser l'offre de crédit en connaissance de cause.

L'objet d'un prêt étudiant étant de permettre le financement des études en différant le remboursement de la somme empruntée à la date escomptée de l'entrée dans la vie active de l'emprunteur, et de pallier ainsi l'absence de ressources pendant la durée des études grâce auxquelles il doit trouver un emploi lui permettant de faire face aux échéances du prêt, l'existence d'un risque d'endettement s'apprécie non pas au jour de l'offre mais au regard des capacités financières prévisibles de l'emprunteur à l'issue de la période de franchise.

Or, si effectivement M. [O] [X] n'avait pas entrepris des études longues, il convient de noter que le différé octroyé par la banque était de cinq ans. Il s'ensuit que pendant cinq ans, M. [X] ne remboursait que des échéances modiques d'un montant de 30,37 euros au titre des intérêts, ce qui lui laissait le temps, une fois son diplôme obtenu en deux ans, de mener ses recherches d'emploi sans avoir à faire face à une mensualité de remboursement plus élevée avant trois ans. La durée du différé permettait d'augurer des perspectives salariales suffisantes, au bout de ces trois années, pour payer une mensualité de remboursement de 690,55 euros.

Il n'est d'ailleurs pas discuté que M. [X] soit à jour du remboursement des échéances du prêt. Il s'ensuit que le prêt octroyé par la Caisse d'épargne ne faisait naître aucun risque d'endettement excessif pour l'emprunteur.

En conséquence, la banque dont il n'est pas démontré qu'elle ait manqué à son obligation de conseil lors de l'octroi du prêt, n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de M. [O] [X]. Le jugement sera donc infirmé, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de l'assignation délivrée le 6 août 2020, et M. [X] débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

M. [X] qui succombe en ses demandes supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse d'épargne l'intégralité des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance d'appel. Aussi, M. [X] sera condamné à lui régler la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Malo sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de l'assignation délivrée le 6 août 2020,

Déboute M. [O] [X] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [O] [X] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne - Pays de Loire la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/05560
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.05560 ?
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