La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2024 | FRANCE | N°18/00274

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 18/00274


1ère Chambre





ARRÊT N°215



N° RG 18/00274 - N° Portalis DBVL-V-B7C-ORC5



(Réf 1ère instance : 16/02448)









M. [P] [J]

Mme [X] [B] épouse [J]

M. [W] [J]

Mme [S] [K] épouse [J]

M. [L] [J]

Mme [M] [A] épouse [J]

M. [E] [H]

Mme [T] [J] épouse [H]



C/



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

r>








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Monsieur Ph...

1ère Chambre

ARRÊT N°215

N° RG 18/00274 - N° Portalis DBVL-V-B7C-ORC5

(Réf 1ère instance : 16/02448)

M. [P] [J]

Mme [X] [B] épouse [J]

M. [W] [J]

Mme [S] [K] épouse [J]

M. [L] [J]

Mme [M] [A] épouse [J]

M. [E] [H]

Mme [T] [J] épouse [H]

C/

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre entendu en son rapport,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [P] [J]

né le [Date naissance 10] 1945 à [Localité 34]

[Adresse 19]

[Localité 13]

Madame [X] [B] épouse [J]

née le [Date naissance 14] 1948 à [Localité 39]

[Adresse 19]

[Localité 13]

Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 28]

[Adresse 20]

[Localité 26]

Madame [S] [K] épouse [J]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 29]

[Adresse 20]

[Localité 26]

Monsieur [L] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 30]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 27]

Madame [M] [A] épouse [J]

née le [Date naissance 12] 1979 à [Localité 40]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 27]

Monsieur [E] [H]

né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 42]

[Adresse 9]

[Localité 25]

Madame [T] [J] épouse [H]

née le [Date naissance 8] 1974 à [Localité 36]

[Adresse 9]

[Localité 25]

Représentés par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentés par Me Dimitri LEBOFF de C'M'S' FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉ :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, (Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique), représentant l'État, domicilié en cette qualité

[Adresse 31]

[Adresse 31]

[Localité 22]

Représenté par Me Axel DE VILLARTAY de la SCP VIA AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Bernard GRELON de l'AARPI LIBRA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Les Rentiers de l'Avenir, Société mutuelle de Retraite, société civile de prévoyance, ayant pour objet «'la formation et l'administration d'une caisse mutuelle d'épargne et de retraite pour les deux sexes'», a été constituée le 12'août 1899. Cette société avait acquis au fil des années et disposait pour les besoins de son activité d'un patrimoine immobilier relativement important, constitué de vingt cinq immeubles
1:

un immeuble situé [Adresse 38] a été cédé en 2003.

de rapport essentiellement situés dans l'ouest parisien, et de trois immeubles de bureaux acquis dans un second temps, un à [Localité 41], des lots de copropriété situés à [Localité 35] et un, dans le cadre d'un crédit bail immobilier, à [Adresse 37].

M. [P] [J] en est devenu le gérant le 12'septembre 1993.

En 1995, la société Les Rentiers de l'Avenir, qui comptait alors de l'ordre de 4'000 associés, s'est transformée en société civile immobilière de droit commun, abandonnant le caractère non lucratif initial, et a opté, à compter du 1er janvier 2016, pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Elle a simultanément changé de dénomination, prenant celle de «'Avenir et Investissement'» (ci-après société AEI).

M. [J] en a conservé la gérance.

Ce dernier avait constitué, le 8 juillet 1993, avec son épouse, Mme [X] [B], et leurs trois enfants, [W], [L] et [T], une société commerciale dénommée Dab Expansion, ayant pour objet «'toutes études, toutes prestations de conseil et de formation, ainsi que toutes opérations de prestations de service au profit des entreprises en matière de domiciliation, d'organisation et de gestion et notamment dans les domaines administratif, commercial, comptable, financier, informatique et marketing'». Les époux [J] en étaient les co-gérants.

La société Imodam a été créée le 10 septembre 1996, par la société Dab Expansion, détentrice de 99 % des parts sociales, le surplus appartenant à la famille [J], cette société ayant pour objet l'activité d'administrateur de biens et de gérance d'immeubles et ayant pour gérant, M. [P] [J].

Diverses conventions de prestations de service ont été conclues entre, d'une part, la société Avenir et Investissement et, d'autre part, les sociétés Imodam (mandat de gestion, le 27 décembre 1996) et Dab Expansion (convention de conseil et d'assistance, le 20 septembre 1993'; convention de gestion financière, le 2 mai 2002'; convention d'ingénierie financière, le 2 avril 2002).

Par ailleurs, la société Dab Expansion, bénéficiant, grâce à l'action de M. [J], de divers stratagèmes
2:

stratagèmes dont ont également bénéficié mais dans une moindre mesure M. [J] et sa famille.

, a, progressivement et par acquisition de parts sociales, pris le contrôle de la société Avenir et Investissement jusqu'à posséder, au 31 décembre 2003 51,93 %, au 31 décembre 2005 55,49'% et, en 2009, 59,1689'% de son capital (39 155 / 66 175 parts), le nombre d'associés étant concomitamment ramené de 1995 à 2003 de 4'000 à 625.

Courant 2003, la direction du contrôle fiscal d'Île de France Ouest a entrepris de procéder à des vérifications de comptabilité des trois sociétés AEI, Dab Expansion et Imodam au titre des exercices 2000, 2001 et 2002. À l'occasion de ces vérifications, l'administration fiscale a pris connaissance de certains documents concernant la transformation de la société Les Rentiers de l'Avenir et, se prévalant de la prescription décennale, a étendu son contrôle aux droits d'enregistrement.

Le 23 février 2004, la société AEI a fait l'objet d'un droit de visite et de saisie prévu par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales autorisé par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 18 février 2004.

Ce droit de visite a été effectué :

- au siège social des sociétés AEI, Dab Expansion et Imodam, [Adresse 15],

- à l'appartement du gérant de la société AEI, M. [J], [Adresse 4],

- à la résidence principale de celui-ci, [Adresse 33].

À l'issue des procédures de vérification, l'administration a notifié les 3'février 2004 et 13'décembre 2004, plusieurs propositions de rectifications ou de redressements dont deux au titre des droits d'enregistrement (sociétés AEI et Dab Expansion) et deux autres au titre de l'impôt sur les sociétés (sociétés AEI et Dab Expansion) :

- le 3 février 2004, à la société AEI, au titre des droits d'enregistrement, considérant qu'il n'y avait pas eu, en 1995 transformation d'une société mais, en raison d'un changement de nature, dissolution de la société Les Rentiers de l'Avenir et création d'une société nouvelle, la société AEI, fait supposant le payement d'un droit d'enregistrement sur les apports, estimés à la somme de 330'200'000'francs, le montant du redressement en droits et intérêts de retard s'élevant à la somme de 25'523'438'euros,

- le 13 décembre 2004, à la société Dab Expansion, au titre des droits d'enregistrement, considérant que la valeur vénale des droits acquis était très supérieure à la valeur déclarée (1'025'euros la part en 2001 au lieu de 160'euros, 1'323'euros en 2002 au lieu de 171'euros, 1'511'euros en 2003 au lieu de 170'euros), le montant du redressement en droits, intérêts de retard et majorations s'élevant à la somme de 2'216'886'euros,

- le 13 décembre 2004, à la société AEI au titre de l'impôt sur les sociétés, un redressement en droits, intérêts de retard et majorations s'élevant à la somme de 16'273'771'euros,

- le 13 décembre 2004, à la société Dab Expansion, au titre de l'impôt sur les sociétés, un redressement en droits, intérêts de retard et majorations s'élevant à la somme de 15'265'145'euros.

La société Avenir et Investissement a cédé, les 15 avril, 10 mai 2005 et 20'octobre 2006, huit des immeubles parisiens qu'elle possédait ([Adresse 6] moyennant le prix net vendeur de 9'793'849'euros
3: 15 avril 2005

, [Adresse 21] moyennant le prix de 5'937'423'euros, [Adresse 23], moyennant le prix de 5'645'317'euros, [Adresse 18] moyennant le prix de 7'071'369'euros, [Adresse 24], moyennant le prix de 8'277'042'euros
4: 10 mai 2005

, [Adresse 16], [Adresse 17] et [Adresse 7], moyennant le prix de 37'500'000'euros
5: 20 octobre 2006

), moyennant le prix global de 74'225'000 euros.

Après rejet des observations des contribuables, les impositions résultant de ces redressements ont été mises en recouvrement les 26'octobre 2005 et 26'janvier 2006 s'agissant des droits d'enregistrement et le 21'décembre 2007 s'agissant de l'impôt sur les sociétés.

Les sommes dues au titre des droits d'enregistrement ont été réglées en totalité (droits, intérêts de retard et majorations), le 10'novembre 2005 (2'216'886'euros ' société Dab Expansion) et en 2006 à une date non précisée (cf. rapport de l'expert tableau en annexe 81, 25'523'438'euros ' société AEI).

Les réclamations élevées à la suite ont été rejetées les 8'mars 2007 (société Dab Expansion, droits d'enregistrement) et 17'août 2007 (société AEI, droits d'enregistrement).

Pour ce qui est de l'impôt sur les sociétés, les sommes dues en droits, intérêts de retard et majorations par la société AEI ont été acquittées les 29 janvier 2007 (1'498'070'euros) et 10'janvier 2008 (14'747'002'euros).

S'agissant de la société Dab Expansion, la débitrice a saisi, à deux reprises, l'administration d'une demande de sursis à payement avec offre de garantie (nantissement de parts de la société AEI) que cette dernière a refusée par décisions des 11'janvier et 31'mars 2008. Ces rejets, contestés devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris, ont été confirmés par ordonnances des 14'mai et 24 juin'2008. Appel de la première de ces ordonnances a été interjeté. Celle-ci a été confirmée le 17 juin 2008. Parallèlement, elle a saisi, à deux reprises, le juge des référés du tribunal administratif de Paris de demandes de suspension de la mise en recouvrement de la somme de 15'265'145'euros, demandes rejetées suivant ordonnances du 21'avril et 7 juillet 2008.

L'administration a, par ailleurs, fait procéder les 17 juin et 11 décembre 2008 à la saisie conservatoire d'une part, de créances et d'autre part, des droits d'associés et valeurs mobilières détenus par la société DAB Expansion dans le capital de la société Avenir et Investissement, en garantie du payement de la somme de 10'265'003'euros. Ces mesures ont également été contestées.

Il ressort du tableau figurant en annexe du rapport d'expertise (annexe 81), qu'en exécution d'un référé fiscal non produit aux débats, les seuls règlements intervenus ont été, le 13'décembre 2010, un payement de 27'648'euros et la consignation d'une somme de 1'148'476'euros.

De nouvelles procédures de vérifications ont été engagées au titre des années 2005 à 2008 et une dénonciation pour blanchiment et abus de confiance a été adressée, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, M.'[J] étant placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête qui a été ouverte.

------------

Des contentieux ont été engagés en 2008 par les sociétés AEI et Dab Expansion devant le tribunal de grande instance et le tribunal administratif de Paris et poursuivis par la société Terreis (filiale de la société Ovalto Investissement) après cession, le 30'juillet 2009 (cf. infra), par les consorts [J] à la société Ovalto de la société Dab Expansion.

Par jugement du 17'novembre 2010, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 7'février 2013, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société AEI des droits et pénalités correspondant à certains des redressements opérés (ceux à raison de la cession de titres à la société Dab Expansion, ceux à raison de la réintégration partielle du montant des prestations facturées par la société Imodam, ceux à raison de la plus-value réalisée au titre de la vente de cinq immeubles en 2005 en tenant compte des amortissements pratiqués à hauteur de 40'% et non de 85'%), le surplus de la requête étant rejeté de même que, pour certains postes, les pénalités pour mauvaise foi.

Par jugement du 23'septembre 2011, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Dab Expansion des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, contributions additionnelles à cet impôt et pénalités y afférentes à raison de l'existence d'une activité occulte et de distributions occultes et a rejeté le surplus de la requête (charges déductibles : frais de cautionnement et frais professionnels du gérant).

Par arrêt du 29 mars 2011 rectifié le 6 mars 2012, devenu définitif après rejet le 20'novembre 2012 du pourvoi en cassation, la cour d'appel de Paris, statuant en matière de droits d'enregistrement, a prononcé le dégrèvement des avis de mise en recouvrement émis le 17 janvier 2006 à l'encontre de la société AEI de 18'269'216, euros, 2'637'899'euros, 1'974'424'euros et 2'637'899'euros (au total 25'514'438'euros).

Par arrêt du 5'novembre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal du 2 mai 2012 en ce qu'il avait partiellement infirmé la décision de rejet de l'administration et, statuant à nouveau, fixé la valeur des parts de la société Avenir et Investissement aux sommes suivantes :

- 773,10 euros pour l'année 2001,

- 1'099,80 euros pour l'année 2002,

- et 1'306,80 euros pour l'année 2003.

Enfin, les époux [J] ont été relaxés, par jugement du 9 mai 2012, pour les faits de blanchiment, M. [J] étant, en revanche, déclaré coupable et condamné pour l'un des abus de confiance qui lui était reproché (dépôt de garantie en couverture d'un acte de caution du 3'avril 2002) et relaxé pour les autres (conventions d'ingénierie financière).

--------------

Par acte sous seing privé du 30'juillet 2009, les consorts [J] ont':

- d'une part, cédé à la société Ovalto Investissement l'intégralité des titres de la société Dab Expansion (après l'acquisition auprès des consorts [J] de parts qu'ils détenaient directement dans le capital de la société AEI et la cession par la société Dab Expansion aux consorts [J] de sa participation dans la société La Tricogne ainsi que de sa créance en compte courant, d'un montant de 829'909,24'euros, inscrite dans les livres de la société La Tricogne, la cession de sa participation dans la société Parpap à la société La Tricogne et de la société Imodam à M. [F] [Y]), moyennant :

1. un prix de base de 20'589'176,40'euros (soit 1'372,61176'euros par titre Dab Expansion),

2. un premier complément de prix calculé selon la formule suivante :

[90% (M1 ' H1)] + [100 % (M2 ' H2)] + [P x (M3 ' H3)], les lettres M correspondant aux montants définitivement dégrevés par l'administration suite aux procédures en cours diminués du montant de l'impôt dû à raison du dégrèvement, les lettres H aux montants des honoraires hors taxes et hors frais diminués de l'impact fiscal lié à la déductibilité des honoraires du résultat de la société, la lettre P au ratio 39'155'/'66'175, le chiffre 1 à la société Dab Expansion, le chiffre 2 à la société Imodam et le chiffre 3 à la société AEI, ce complément étant payable dans les 20'jours calendaires de chaque dégrèvement entre les mains de Monsieur [J], ce dernier étant chargé de représenter les sociétés AEI et Dab Expansion dans le cadre des procédures engagées devant les juridictions,

3. un deuxième complément de prix calculé selon la formule suivante :

2'800'000 ' (110 % S1) ' S2 ' (P x S3), les lettres S correspondant aux montants définitifs des redressements fiscaux majorés des honoraires hors taxes et hors frais et diminués de l'impact fiscal lié à la déductibilité des redressements et des honoraires du résultat imposable, et P au ratio 39'155'/'66'175, le chiffre 1 à la société Dab Expansion, le chiffre 2 à la société Imodam et le chiffre 3 à la société AEI, ce complément étant payable au moins quatre ans après l'acquisition,

4. un troisième complément de prix correspondant au 36'501,80'/'66'175èmes du prix total de cession net des 416'500'actions détenues par la société AEI dans le capital de la société Cofitem ' Cofimur, M. [J] étant chargé de cette cession et le prix payable suivant des modalités précisées à l'article 3.4.3 du protocole de cession,

- et, d'autre part, promis de vendre à la société Ovalto Investissement les 600'parts que les membres de la famille avaient conservé dans le capital de la société AEI sur la base de 1'590'euros par action en pleine propriété et de 1'272'euros par action en nue-propriété.

------------------

Exposant que l'acharnement des services fiscaux à leur encontre est fautif et leur a causé un préjudice de 192'500'000'euros, M. et Mme [P] et [X] [J], M. et Mme [W] et [S] [J], M. et Mme [L] et [M] [J], M. et Mme [E] et [T] [H] ont saisi, par lettre du 27 octobre 2014, le Ministre des Finances et des Comptes Publics d'une demande d'indemnisation.

--------------------

En l'absence de réponse du Ministre, les consorts [J] ont, par requête du 9 décembre 2015, saisi en indemnisation le tribunal administratif de Rennes qui s'est dessaisi au profit de celui de Montreuil. Par jugement du 18 avril 2019, cette juridiction a':

- dit que les conclusions des consorts [J] tendant à la condamnation de l'État à leur verser une indemnité de 192 500 000 euros en réparation du préjudice résultant des droits d'enregistrement mis à la charge des sociétés Dab Expansion et Avenir et Investissement sont portés devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître,

- rejeté le surplus des conclusions (indemnisation des préjudices résultant de l'impôt sur les sociétés et contributions additionnelles).

La Cour administrative d'appel de Versailles a confirmé par arrêt du 24'septembre 2020 le rejet de la requête des consorts [J] et le pourvoi qu'ils ont formé contre cet arrêt, n'a pas été admis par le Conseil d'État (arrêt du 26'octobre 2021).

-----------------------

Parallèlement, et par exploit du 19'octobre 2016, les consorts [J] ont fait assigner le Ministre des Finances et des Comptes Publics devant le tribunal de grande instance de Brest en réparation de leurs préjudices et en payement de la (même) somme de 192'500'000'euros.

Par jugement du 13'décembre 2017, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes respectives.

Pour ce faire, le tribunal a considéré que s'il était établi et d'ailleurs non contesté que l'administration fiscale avait commis une faute en notifiant des redressements par la suite annulés, la preuve tant du préjudice que du lien de causalité entre cette faute et le préjudice n'était pas rapportée.

Par déclaration du 10'janvier 2018, les consorts [J] ont interjeté appel de ce jugement.

Après avoir rappelé aux parties qu'elle ne pourra apprécier les conséquences éventuelles de la faute des services fiscaux qu'à raison des impôts relevant de sa compétence, la cour d'appel a, par arrêt avant dire droit du 2'juillet 2019, notamment':

- ordonné la réouverture des débats,

- invité, à peine de radiation, les consorts [J] à déposer au greffe de la cour au plus tard le 20'septembre 2019 l'ensemble des pièces (in extenso) dont ils font état dans leurs écritures et toutes les autres pièces évoquées dans le présent arrêt et nécessaires à la compréhension du litige,

- dit que ces pièces devront être communiquées simultanément à la partie adverse,

- ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [C] [D] avec faculté de s'adjoindre tout sapiteur de son choix, notamment en matière d'évaluation immobilière,

avec la mission de :

' se faire remettre par les parties l'ensemble des pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

' rechercher quel a été l'emploi par la société Avenir et Investissement (AEI), anciennement dénommée les Rentiers de l'Avenir, de la somme de 74'225'000'euros provenant de la vente les 15'avril 2005, 10 mai 2005 et 20 octobre 2006 d'une partie de son parc immobilier,

' préciser quels ont été, par société et par nature d'impôt, :

1. le montant des sommes effectivement versées à l'État par les sociétés Avenir et Investissement, Dab Expansion et Imodam à la suite des procédures de vérification de comptabilité portant sur les exercices 2000 à 2003 et, le cas échéant, sur les exercices 2005 à 2007 et déterminer dans la mesure du possible l'origine des fonds ayant permis d'effectuer ces versements,

2. le montant des dégrèvements obtenus et des sommes effectivement restituées,

3. et le montant des redressements maintenus,

' rechercher quel a été le prix de cession, en tous ses éléments, de la société Dab Expansion par les consorts [J], en tenant compte tant des opérations énumérées au préambule du protocole du 30 juillet 2009, que de celles résultant du protocole lui même, et en tenant compte de la cession des actions AEI détenues directement par les consorts [J],

' donner son avis sur ce prix, dire s'il correspondait à la valeur de la Dab Expansion, dans la négative, en indiquer les raisons et donner son avis sur la décote,

' préciser quel aurait pu être le prix de cession en l'absence des procédures judiciaires alors pendantes devant les juridictions administratives et les juridictions civiles, et ce à raison des impositions qui ont effectivement annulées mais non à raison de celles qui ont été maintenues, et rechercher quel aurait pu être le montant de cette cession si la société AEI était demeurée propriétaire des huit immeubles cédés en 2005 et 2006,

' rechercher si au moment de ladite cession, la société Dab Expansion et/ou les époux [P] et [X] [J] étaient redevables de sommes exigibles envers l'État au titre de redressements fiscaux ou faisaient l'objet de redressements en cours.

L'expert a déposé son rapport le 23'décembre 2022.

Aux termes de leurs dernières écritures (2 janvier 2024), M. et Mme [P] [J] et [X] [B] épouse [J], M. et Mme [W] [J] et [S] [K] épouse [J], M. et Mme [L] [J] et [M] [A] épouse [J], M. et Mme'[E] [H] et [T] [J] épouse [H] demandent à la cour de':

- dire irrecevable la demande de rétractation de l'arrêt avant-dire droit du 2'juillet 2019, et, par conséquent, débouter l'Agent judiciaire de l'État de sa demande de nullité de l'expertise judiciaire,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Brest,

et, statuant à nouveau :

à titre principal :

- condamner l'Agent judiciaire de l'État à leur payer une somme totale de 191,5'millions d'euros en réparation du préjudice matériel subi en raison de la faute de l'administration fiscale dans les opérations d'établissement et de recouvrement des impôts,

à titre subsidiaire :

- condamner l'Agent judiciaire de l'État à leur payer une somme totale de 27,3'millions d'euros en réparation du préjudice matériel subi en raison de la faute de l'administration fiscale dans les opérations d'établissement et de recouvrement des impôts, constitué par la cession forcée des immeubles détenus par la société AEI et de leur participation dans la société DAB Expansion, suivant les conclusions du rapport d'expertise du 22'décembre 2022,

en tout état de cause :

- condamner l'Agent judiciaire de l'État à leur payer une somme de 1'million d'euros en réparation du préjudice moral subi en raison des agissements fautifs de l'administration fiscale,

débouter l'Agent judiciaire de l'État de toutes ses demandes,

- condamner l'Agent judiciaire de l'État à leur payer une somme totale de 10'000'euros sur le fondement de l'article 700'du code de procédure civile,

- condamner l'Agent judiciaire de l'État aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et dire que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les consorts [J] rappellent la genèse de l'affaire et notamment les circonstances dans lesquelles l'administration fiscale a, en février 2004, notifié à la société AEI un rappel de 25,5'millions d'euros de droits d'enregistrement, pénalités et majorations exclusives de bonne foi, considérant que la modification des statuts de la société Les Rentiers de l'Avenir en 1995 devait être analysée comme la création d'une nouvelle société nonobstant l'étude d'un profession de droit
6:

note du 6 octobre 1994 du professeur [U] [Z]

et la doctrine de l'administration dans un dossier similaire
7:

dossier L'Avenir du Prolétariat en 1989, cf. réclamation contentieuse AEI du 16 février 2007 en matière de droits d'enregistrement.

, puis ultérieurement d'autres redressements au titre notamment de l'impôt sur les sociétés (AEI et Dab Expansion) pour un montant total supplémentaire de 32,7'millions d'euros. Ils soutiennent que l'administration s'est acharnée contre M. [J], refusant tout aménagement de payement et précisent que la société AEI a été contrainte de vendre à prix bradé en 2005 et 2006 huit immeubles pour 74,225'millions d'euros afin de régler les sommes réclamées par l'administration, puis, après de nouveaux redressements, qu'ils ont renoncé à leurs participations dans les sociétés Dab Expansion et AEI cédées en 2009 à la société Ovalto Investissement. Ils ajoutent que ces redressements ont été, par la suite, en grande partie annulés.

Ils rappellent que le juge judiciaire n'est pas lié par les décisions rendues par la justice administrative et soutiennent qu'il est compétent pour connaître de la réparation du préjudice qu'ils ont subi à raison de l'accumulation de redressements fautifs et du refus d'en aménager le payement afin de les contraindre à procéder à des cessions dans des conditions très défavorables.

Ils s'opposent à la rétractation de l'arrêt du 2 juillet 2019 laquelle n'est fondée sur aucun texte et qui pourra faire l'objet d'un pourvoi éventuel avec l'arrêt sur le fond.

Ils font valoir que les fautes de l'administration, admises par le premier juge, résultent de l'accumulation de redressements infondés puisqu'ultérieurement annulés (65'millions d'euros dont 29,5'au titre d'impôts relevant des juridictions judiciaires) et des mises en recouvrement après refus de la proposition de garantie, attestant d'une action concertée des services vérificateur et de recouvrement pour acculer la société Dab Expansion et M. [J] à la ruine ce dont plusieurs témoins des agissements des services fiscaux ont pu attester (expert comptable, notaire, salarié).

Ils exposent que la responsabilité de l'État peut être recherchée à raison des fautes, y compris simples, commises par l'administration fiscale, lorsqu'elles sont à l'origine d'un préjudice caractérisé notamment par la cession d'éléments de patrimoine dans des conditions désavantageuses.

Ils soutiennent que tel a été le cas de la société AEI acculée à céder le tiers de son patrimoine pour faire face à des redressements astronomiques notamment en matière de droits d'enregistrement, rappelant que la vente d'immeubles en bloc est une opération complexe qui demande un certain temps et qu'il convenait d'anticiper afin de faire face aux avis de mise en recouvrement et de permettre à la société Dab Expansion d'honorer sa facture fiscale. Ils précisent que faute de temps, ils n'ont pu vendre les immeubles par lots ce qui leur a causé préjudice. Ils font valoir que le lien entre la cession des actifs immobiliers et le montant des redressements notifiés est clairement établi par les pièces produites et cohérent avec l'importance des sommes à mobiliser et l'imposition liée à la cession des immeubles.

Ils ajoutent que malgré ces payements, la situation de la société Dab Expansion, déjà lourdement endettée (5,5'millions d'euros) est demeurée gravement compromise en raison de l'acharnement des services fiscaux, ce qui les a contraints à céder leur participation à un prix bradé (1'590'euros la part). Ils soutiennent que de ce fait, ils n'ont pu mener à bien le processus entrepris depuis l'acquisition des parts de la société AEI sur la base d'une valeur de rendement (170 à 200'euros / part) jusqu'à la maîtrise de l'entité permettant de porter la valeur de la participation théorique à 5'500'euros la part (valeur par lots).

À titre principal, les consorts [J] sollicitent que leur préjudice matériel soit fixé à la somme de 191,5'millions d'euros correspondant à la différence entre la valeur des immeubles de la société AEI (337,5'millions d'euros) ramenée à la fraction du capital détenue directement ou indirectement (59,9'%), soit 214,14'millions d'euros et le prix de cession convenu avec Ovalto (62,256'millions d'euros), somme à laquelle ils ajoutent une somme arbitrée à 50'millions d'euros qu'ils auraient obtenue s'ils avaient pu conduire comme ils l'espéraient le processus d'acquisition de la totalité de la société AEI à son terme.

À titre subsidiaire, ils réclament une somme de 27,3'millions d'euros correspondant à la minoration du montant de la transaction conclue avec la société Ovalto (21'millions d'euros) et à la valeur en 2009 des immeubles cédés en 2005 et 2006 (6,3'millions d'euros).

M. [J] fait également valoir qu'il a subi un préjudice considérable résultant de l'atteinte à sa réputation et à sa santé causé par le comportement de l'administration qui a gravement perturbé sa vie, laissant entendre qu'il avait profité de la faiblesse de personnes âgées. Il rappelle qu'il a fait l'objet d'une dénonciation, a été placé en garde à vue et poursuivi pour des faits de blanchiment et d'abus de confiance portant sur une somme de 42'millions d'euros faits pour lesquels il a été relaxé, n'étant condamné que pour un abus de confiance accessoire. Il ajoute que ces faits ont donné lieu à vingt ans de procédure et relève que l'Agent judiciaire de l'État conserve à son égard la même attitude que les services fiscaux.

De ce chef, il réclame une somme de 1'000'000'euros.

Aux termes de ses dernières écritures (17'janvier 2024), l'Agent judiciaire de l'État demande à la cour de':

- rétracter l'arrêt de la cour de céans du 2'juillet 2019 en ce qu'il a ordonné une expertise avant-dire droit,

- annuler par voie de conséquence l'expertise réalisée par M. [D] et ayant donné lieu au rapport du 22'décembre 2022,

en toute hypothèse,

- dire et juger que les consorts [J] ne justifient pas d'un préjudice indemnisable,

- dire et juger que les préjudices allégués sont purement hypothétiques,

- dire et juger que les consorts [J] ne justifient pas d'un lien de causalité entre les fautes et les préjudices qu'ils allèguent,

en conséquence

- dire mal fondées les prétentions des consorts [J],

- rejeter l'intégralité des demandes des consorts [J],

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Brest du 13'décembre 2017,

y ajoutant,

- condamner les consorts [J] à lui payer la somme de 10'000'euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel (article 700'du code de procédure civile),

- les condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

L'Agent judiciaire de l'État demande avant toute chose à la cour de rétracter son arrêt du 2'juillet 2019 estimant, d'une part, que les règles applicables en matière d'administration de la preuve n'ont pas été observées, la cour ayant, selon lui, ordonné une expertise en vue de suppléer la carence des demandeurs dans l'administration de la preuve, méconnaissant les dispositions de l'article 146'du code de procédure civile et, d'autre part, que la cour a méconnu la dualité juridictionnelle en matière fiscale et indemnitaire en ordonnant une expertise qui n'a pas été limitée aux seuls impôts relevant de la compétence judiciaire alors et au surplus que les juridictions administratives ont définitivement statué sur les conséquences qu'il convenait de tirer des prétendus agissements fautifs de l'État en matière d'impôts sur les sociétés, TVA,... et d'annuler l'expertise ordonnée à tort.

Il soutient qu'il entre dans les pouvoirs de la cour ' qui a plénitude de juridiction ' de rétracter son arrêt avant dire droit qui est constitutif d'un abus de pouvoir.

Au fond, il relève que les consorts [J], dans leurs écritures, ignorent très largement les interrogations posées par la cour mais également les termes du rapport de l'expert de même que la compétence juridictionnelle de la cour limitée aux seuls impôts dont les contestations relèvent des juridictions judiciaires, c'est à dire s'agissant de la société AEI, les droits d'enregistrement mis en recouvrement au titre des années 1995 et 1996 (y compris pénalités et majorations afférentes) soit 25'523'438'euros totalement dégrevés en exécution d'un arrêt de 2011 et s'agissant de la société Dab Expansion, les droits d'enregistrement mis en recouvrement au titre des années 2001 à 2004 soit la somme de 2'216'886'euros (id) dégrevés à hauteur de 461'305'euros.

Il conteste toute forme de harcèlement quand bien même des dégrèvements importants sont intervenus. Il relève, à cet égard, que le juge administratif a exclu tout harcèlement nonobstant deux dégrèvements de 13 et 15 millions d'euros. Il rappelle que d'autres redressements ont été maintenus (ISF [J] et droits d'enregistrement DAB Expansion) et souligne que les consorts [J] soutenaient devant la juridiction administrative que les redressements en matière de droits d'enregistrement n'étaient pas de nature à fonder une action en responsabilité et que leur invocation n'était faite qu'à titre conservatoire.

Il rappelle qu'à la différence des redressements opérés en matière d'impôts sur les sociétés (Dab Expansion), le comptable chargé du recouvrement n'a été saisi, s'agissant de la mise en recouvrement des droits d'enregistrement incombant notamment à la société AEI, d'aucune demande de sursis, ces droits ayant été payés, à la suite d'une décision de gestion (arbitrage d'opportunité) alors qu'il était possible d'en différer le versement.

Concernant le préjudice matériel, il relève qu'il est fait un amalgame entre la vente par la société AEI d'une partie de son patrimoine immobilier et les redressements effectués dont seule une fraction concernait la société AEI, détenue non seulement par la société DAB Expansion mais également par des actionnaires minoritaires. Il observe que les ventes des immeubles de la société AEI ont été réalisées avant la mise en recouvrement des impôts en cause ce que rien n'imposait et pour un montant largement supérieur (74,2'millions d'euros), y compris en prenant en compte ceux au titre de l'impôt sur les sociétés intéressant la société Dab Expansion (59,3'millions d'euros dont 27,75'millions au titre des droits d'enregistrement). Il rappelle que la société AEI a obtenu en 2007 une ligne de crédit de 30'millions d'euros ce qui démontre qu'elle n'était pas dans l'obligation de vendre ses immeubles.

Il soutient que la vente litigieuse des huit immeubles obéit à une autre logique (réorientation de ses investissements) et fait suite à la vente en 2003 d'un premier immeuble de rapport ([Adresse 38]). Il met en avant les placements effectués par la société AEI dans des valeurs mobilières (Cofitem / Cofimur) et soutient donc que ces ventes sont sans lien avec l'action de l'administration fiscale. Il prétend donc qu'il ne peut être soutenu que la vente de ces immeubles soit à l'origine du préjudice allégué résultant de la cession en 2009 par les consorts [J] des titres de la société Dab Expansion à la société Ovalto. Il relève que la vente des huit immeubles s'est d'ailleurs faite à un prix supérieur à celui du marché et a constitué une véritable opportunité.

S'agissant de la vente des titres de la société DAB Expansion en 2009, il conteste tout lien de causalité avec l'action de l'administration et observe que les consorts [J] ont réinvesti le prix de cession, à travers la société familiale La Tricogne, dans des participations de sociétés immobilières et dans l'immobilier de bureau, l'actif brut de cette société passant de 31'millions d'euros en 2008 à 224'millions d'euros en 2022, ce qui contredit formellement le tableau qu'ils dressent de leur situation.

Concernant le préjudice moral de M. [J], l'Agent judiciaire de l'État conteste le harcèlement allégué, rappelant que les redressements opérés à l'impôt de solidarité sur la fortune ont été confirmés et que l'intéressé a été condamné pour abus de confiance, que rien ne démontre le prétendu épuisement dont il fait état.

Subsidiairement, il relève que si l'expert a considéré que les ventes d'immeubles avaient été convenues, contrairement aux dires des consorts [J], à des prix supérieurs à ceux du marché, excluant ainsi tout préjudice, il n'en allait pas de même de la vente des titres de la société Dab Expansion effectuée en dessous de leur valeur vénale (minoration de 21'millions d'euros). Il relève toutefois qu'un complément de prix de 38,3'millions d'euros avait été versé, neutralisant l'impact des redressements fiscaux.

Il conteste l'analyse de l'expert concernant tant la fiscalité latente (le taux applicable étant de 33,33'% et non de 19'%, la reprise par Ovalto et la fusion absorption avec sa filiale Terreis s'étant faite en deux temps et constituant deux opérations distinctes) que la méthode de valorisation des sociétés AEI et Dab Expansion qui doit être la valeur vénale et non la valeur de liquidation. Il estime que la valeur de la part de la société AEI en 2009 s'élevait à la somme de 1'671'euros et non à celle de 2'153'euros retenue par l'expert. S'agissant de la société Dab Expansion, il reproche à l'expert de ne pas avoir tenu compte d'une décote de holding de 10'% appliqué sur son actif net réévalué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

SUR CE, LA COUR':

Sur la demande de rétractation de l'arrêt du 22 juillet 2019 et d'annulation de l'expertise':

L'Agent judiciaire de l'État ne précise pas le fondement textuel de sa demande aux fins de rétractation de l'arrêt avant dire droit du 2 juillet 2019 (lequel arrêt pourra, le cas échéant, faire l'objet avec la présente décision d'un pourvoi en cassation ainsi qu'en disposent les articles 150 et 608 du code de procédure civile), soutenant seulement qu'ayant plénitude de juridiction, il appartient à la cour de rétracter un arrêt constitutif d'abus de pouvoir en ce qu'il méconnaît les règles qui s'imposent au titre tant de l'ordre public en matière de preuve que du respect de la séparation des pouvoirs.

Quoiqu'il en soit, il convient de rappeler que':

- 1° aux termes de l'article 146 du code de procédure civile': «'Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve'»,

- 2° l'Agent judiciaire de l'État ne discutait pas la faute commise par les services fiscaux, faute reconnue par le tribunal de grande instance de Brest, se focalisant sur les préjudices subis par les demandeurs et le lien de causalité entre la faute et ces préjudices,

- 3° les consorts [J] produisaient devant la cour un certain nombre de pièces (au nombre de 27), certaines par extraits (dont la cour a sollicité leur production intégrale quelqu'en fût le volume), qui ne pouvaient que constituer des commencements de preuve notamment du préjudice allégué, permettant donc à la juridiction saisie d'ordonner, sur le fondement de l'alinéa 2 du texte précité, une mesure d'instruction,

- 4° celle-ci était d'autant plus nécessaire que des éléments ne pouvaient être calculés (compléments de prix) ou établis (valeur théorique en 2009 des immeubles vendus en 2005 et 2006) qu'à dire d'expert,

- 5° bien loin de méconnaître la séparation des ordres juridictionnels (et non des pouvoirs), la cour d'appel a rappelé dans son arrêt du 2 juillet 2019 ''ce qu'aucune des parties, Agent judiciaire de l'État compris'' n'invoquait et alors qu'aucune d'entre elles n'avait jugé utile d'informer la cour de la procédure alors pendante devant le tribunal administratif de Montreuil (dont la décision, en date du 18 avril 2019, sera rendue pendant son délibéré) qu'elle «'ne pourra apprécier les conséquences éventuelles de la faute des services fiscaux qu'à raison des impôts relevant de sa compétence, quand bien même les agissements reprochés sont-ils indissociablement liés à des opérations d'assiette et de recouvrement plus globales puisque concernant également l'impôt sur les sociétés'»,

- 6° la cour n'a nullement demandé à l'expert dans la mission qu'elle lui a confiée d'évaluer tel ou tel préjudice ou d'établir un quelconque lien de causalité, mais seulement de lui apporter un certain nombre d'éléments exclusivement factuels ou comptables de nature à lui permettre de trancher le litige conformément au principe rappelé quant à la limite de sa compétence, d'où la nécessité absolue de disposer de données chiffrées par nature d'impôt et non de chiffres globaux afin de ne tenir compte que des seules éventuelles conséquences liées aux impôts dont le contentieux relève de l'ordre judiciaire (droit d'enregistrement, impôt de solidarité sur la fortune notamment).

Au regard de ces éléments, la demande de rétractation de l'arrêt du 2 juillet 2019, qui ne repose sur aucun élément sérieux, doit être rejetée.

La demande d'annulation de l'expertise de M. [D] n'étant, aux termes des écritures de l'Agent judiciaire de l'État, qu'une conséquence de la rétractation de l'arrêt et aucun grief n'étant pas ailleurs développé quant au travail de l'expert sur lequel s'appuie, au demeurant et sur certains points, l'Agent judiciaire de l'État, cette demande doit également être rejetée.

Sur les fautes reprochées à l'administration fiscale':

Le tribunal de grande instance de Brest a rappelé à bon droit que la faute commise par l'administration lors de l'exécution des opérations d'établissement et de recouvrement de l'impôt est susceptible d'engager la responsabilité de l'État dans les conditions de droit commun qui supposent la démonstration, une fois la faute établie, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué.

Sur les différents redressements qu'invoquent les consorts [J] à l'appui de leur demande, six sont du ressort des juridictions judiciaires':

- le redressement notifié le 3 février 2004 à la société AEI portant sur des droits d'enregistrement 1995 ' 1996 (d'un montant de 14'867'742'euros en droits et de 10'655'695'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 17 janvier 2006,

- le redressement notifié le 13 décembre 2004 à la société DAB Expansion portant sur des droits d'enregistrement 2001 ' 2004 (d'un montant de 1'387'217'euros en droits et de 829'669'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 14 octobre 2005,

- le redressement notifié le 19 décembre 2008 à la société DAB Expansion portant sur des droits d'enregistrement 2005 (d'un montant après rectification de 17'698'euros en droits et de 9'725'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 15 décembre 2011,

- le redressement notifié le 15 juin 2009 à la société DAB Expansion portant sur des droits d'enregistrement 2006 ' 2007 (d'un montant après rectification de 101'733'euros en droits et de 49'721'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 15 décembre 2011,

- le redressement notifié le 22 décembre 2008 aux époux [J] portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune 2005 (d'un montant après rectification de 180'855'euros en droits et de 106'524'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 15 décembre 2011,

- le redressement notifié le 15 juin 2009 aux époux [J] portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune 2006 ' 2008 (d'un montant après rectification de 544'686'euros en droits et de 270'281'euros en intérêts de retard et majorations), mis en recouvrement le 15 décembre 2011.

S'agissant du redressement notifié le 3 février 2004 à la société AEI et mis en recouvrement le 17 janvier 2006, la faute commise par les services fiscaux est indiscutable puisque ce redressement de plus de 25,55'millions d'euros a été intégralement anéanti par la cour d'appel de Paris (arrêt du 29 mars 2011 devenu définitif après rejet le 20 novembre 2012 du pourvoi en cassation) qui a censuré le raisonnement suivi par l'administration (selon lequel le " groupement " Les Rentiers de l'Avenir n'avait pas, jusqu'aux modifications statutaires opérées en 1995, la nature juridique d'une société, aux motifs, notamment, qu'il était dépourvu de capital social faute d'apports rémunérés par l'attribution de droits sociaux et que sa transformation en société civile immobilière emportait donc création d'une société à laquelle les immeubles apportés devaient être soumis au droit d'enregistrement), considérant qu'il y avait eu seulement transformation d'une entité qui présentait, dès avant les modifications statutaires litigieuses, les caractéristiques essentielles d'une véritable société civile au sens des articles 1832 et suivants du code civil auxquels renvoyait d'ailleurs l'article 53 de ses statuts pour tout ce qui n'était pas régi par une disposition spéciale.

Concernant le redressement notifié le 13 décembre 2004 à la société Dab Expansion et mis en recouvrement le 14 octobre 2005 d'un montant total de 2'216'886'euros, il convient de rappeler que l'administration fiscale a considéré que le prix d'acquisition des parts de la société AEI par la société Dab Expansion en 2001 (152'euros/part), 2002 et 2003 (170'euros/part), calculée sur le prix moyen des transactions, ne reflétait pas leur valeur réelle, d'un montant bien supérieur dans la mesure où les transactions étaient, dans tous leurs éléments, maîtrisées et contrôlées par M.'[J], gérant de la société AEI, au bénéfice quasi exclusif de la seule société Dab Expansion
8: Les autres bénéficiaires étant les consorts [J] et certains administrateurs de la société.

qu'il dirigeait également (grâce à divers moyens': usage quasi systématique du droit d'agrément pour s'opposer à toute demande extérieure, absence de listing des associés laissé à la disposition de ceux d'entre eux souhaitant acquérir des parts, offres d'achat à l'attention de catégories de porteurs ciblées notamment en fonction de l'âge, publication d'un prix indicatif dans le journal interne de la société, présentation des risques liés à l'engagement des associés,...) mais devait être déterminé par une combinaison retenant la valeur mathématique (calculée à partir de la valeur vénale des immeubles) et la valeur de rendement.

Il doit être précisé que les juridictions (tribunal de grande instance de Paris, jugement du 2 mai 2012, et cour d'appel, arrêt du 5 novembre 2013) ont validé en tous points le raisonnement de l'administration fiscale quant à la détermination de la valeur des parts sociales de la société AEI, retenant toutefois, ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessous, des valeurs inférieures (de 13,5 % à 24,6 %), notamment après application d'un abattement de minorité qu'elles ont arrêté à 10 %':

valeur de la part (euros)

prix d'achat

estimation services fiscaux

tribunal 2'mai 2012

cour d'appel 5'novembre 2013

année 2001

152

1025

996,6

773,1

année 2002

170

1323

1257

1099,8

année 2003

170

1679 ramenée
9:

après observations du contribuable.

à 1511

1453,33

1306,8

Il sera également ajouté que le principe des intérêts de retard et majoration de 40'% (pénalités de mauvaise foi) calculés en conséquence a également été approuvé par la cour dans son arrêt.

Le dégrèvement accordé à la suite de cette décision (285'273'euros en droits et 176'032'euros en intérêts et majorations soit au total la somme de 461'305'euros) correspond à 20,8'% de la somme mises en recouvrement.

Au regard de ces éléments, et nonobstant la discussion sur la valeur exacte des parts laquelle est, par nature, objet de débats, il ne peut être considéré que cette procédure de redressement, qui dans son principe a été totalement approuvée, ait été fautive.

Les deux procédures de redressement notifiées les 19 décembre 2008 et 15 juin 2009 à la société Dab Expansion relatives aux droits d'enregistrement portant sur les années 2005 (11'523'euros après rectification) et 2006 à 2007 (151'454'euros après rectification) ne sont pas versées aux débats.

Les montants dus en conséquence ont été réglés le 11 janvier 2012, après mise en recouvrement le 15 décembre 2011, plus de deux ans après la cession par les consorts [J] de la société Dab Expansion en juillet 2009. Aucune réclamation contentieuse n'a été adressée et ces redressements rectifiés ne semblent pas avoir été contestés devant le tribunal de grande instance. Aucun dégrèvement n'a donc été accordé.

En l'état de ces éléments, ces redressements non contestés ne peuvent être regardés comme fautifs.

Les époux [P] et [X] [J] (ainsi que leurs trois enfants, [W], [L] et [T] [J] bien qu'il n'en soit pas fait état dans le recensement des redressements allégués) ont été destinataires les 22 décembre 2008 et 15 juin 2009 de propositions de rectification portant leurs déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune au titre respectivement des années 2005 et 2006 à 2008, fondées, d'une part, sur la remise en cause du caractère professionnel des parts de la société Dab Expansion (celle-ci, dépourvue de moyens matériels et humains propres ne présentant pas les caractéristiques d'une holding animatrice susceptible d'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune) et, d'autre part, sur la remise en cause de la valeur des parts de la société AEI et donc de celle de sa société mère, la société Dab Expansion.

Les sommes résultant, après observations des contribuables, de ces redressements (287'379'euros en droits, intérêts et majorations au titre de l'année 2005 et 814'967'euros en droits, intérêts et majorations au titre des années 2006 à 2008) ont été mises en recouvrement le 15'décembre 2011 et payées le 18 janvier 2012.

Il convient de relever, au vu des pièces produites qu'aucune réclamation ne semble avoir été adressée et que ces redressements n'ont pas été contestés devant le tribunal de grande instance de Paris (en toute hypothèse, aucune pièce n'en justifie).

Il s'ensuit que ces redressements ne peuvent (de même que ceux adressés aux enfants des époux [J]) être considérés comme fautifs.

Il résulte de ce qui précède que le seul redressement fautif relatif à un impôt, droit ou taxe relevant de la compétence des juridictions judiciaires est celui notifié à la société AEI le 3 février 2004 de 25'523'437'euros, qui, en terme de montant, est le plus important puisqu'il représente à lui seul 40,58'% de la totalité des sommes mises en recouvrement (62'900'025'euros) dont les consorts [J] font état (AEI, Dab Expansion, Immodam, Époux [J], tous impôts confondus en principal, intérêts et majorations) dans le cadre de la présente instance.

Sur le lien de causalité faute / préjudice':

Les consorts [J] prétendent que pour faire face à ce redressement, la société AEI (dont ils possédaient, directement ou indirectement par le truchement de la société Dab Expansion, à la fin de l'année 2005, 55,49 % du capital) a été contrainte de céder dans la précipitation plusieurs des immeubles dont elle était propriétaire, puis, face à l'acharnement de l'administration fiscale, qu'ils ont été contraints, toujours dans la précipitation, de céder, dans des conditions très défavorables, la société Dab Expansion et les participations qu'il détenaient personnellement dans la société AEI.

Il convient donc d'examiner ces deux événements et d'en définir les causes.

Il suffit de rappeler que les cessions d'immeubles sont intervenues globalement (et non, après ' découpe', par lots) les 15 avril (un immeuble vendu au profit de la société civile immobilière [Adresse 6]) et 10 mai 2005 (quatre immeubles vendus au profit de la société BMS Patrimoine) puis le 20'octobre 2006 (trois immeubles vendus au profit de la société UFG PixEL') moyennant les prix respectivement de 9'793'849'euros, 26'931'151'euros et 37'500'000'euros, soit au total 74'225'000 euros.

Si l'Agent judiciaire de l'État conteste tout lien de causalité entre les premiers redressements fiscaux notifiés et la vente de ces immeubles, soutenant que celle-ci résulte d'une politique d'entreprise (investissement dans l'immobilier de bureaux, plus rentable), initiée en 2003 avec la vente d'un premier immeuble (situé [Adresse 38], moyennant le prix de 5 500 000'euros) et confirmée par la souscription en 2007 d'un prêt de 30'000'000'euros (auprès de la société BECM'' cf. infra) destiné à financer l'acquisition de titres Cofitem ' Cofimur, il résulte, s'agissant des cessions de 2005, tant du rapport du gérant à l'assemblée générale ordinaire des associés de la société Avenir et Investissement du 3 avril 2005 : qu'au regard des besoins financiers générés par les redressements portant tant sur les droits d'apport et les intérêts de retard
10:

la mention des majorations de 40 % pour mauvaise foi a été omise par le gérant

(25,5 millions d'euros) que sur l'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard (16,3 millions d'euros), le conseil permanent de surveillance a donné son accord pour vendre un premier groupe de cinq immeubles pour une valeur à dire d'expert de 33,175 millions d'euros, que du commentaire sur les résultats inséré dans le bilan de la société arrêté au 31 décembre 2005 que le résultat de l'exercice (déficit de 6'229'889'euros) se caractérise par les éléments ci-après':

«'' 2 ' comptabilisation de droits d'enregistrement réclamés par l'administration suite à l'émission d'un avis de recouvrement en 2006, soit un montant de 25'553'214 euros (y compris intérêts) porté en charges exceptionnelles,

3 ' cession de 5 immeubles pour un montant global de 36'725'000'euros afin de faire face aux charges réclamées par l'administration fiscale, soit une plus-value de 21'553'214'euros figurant dans le résultat 2005. Cette cession intervenue en cours d'exercice explique, pour l'essentiel, la variation des recettes de loyers et les variations significatives enregistrées dans les charges d'exploitation'».

L'Agent judiciaire de l'État fait certes valoir qu'à la date de ces cessions (avril et mai 2005), les sommes résultant des redressements n'étaient pas mises en recouvrement. Cependant l'Administration ne peut faire grief à un contribuable devant régler, dès l'avis de mise en recouvrement, des sommes d'un tel montant d'anticiper et de se mettre en situation de les payer en procédant à des cessions.

S'agissant des cessions intervenues en 2006, le rapport du gérant à l'assemblée générale ordinaire du 2 avril 2006 précise': «'L'enjeu fiscal obère fortement notre dynamique de développement et les perspectives dressées l'an passé ne peuvent être maintenues. La société doit s'adapter à la réduction de son nouveau périmètre d'exploitation. De même, il reste plus que jamais nécessaire de disposer d'actifs liquides pour pouvoir répondre aux diverses exigences, de conserver la confiance de nos différents partenaires, comme de tenir la politique de rachat viager à l'avantage des associés qui le souhaitent. Pour répondre à tous ces besoins, notamment fiscaux, un deuxième train d'arbitrage portant sur les trois immeubles Poissonnière-[Localité 32] est en cours de décision...'».

Les comptes arrêtés au 31 décembre 2006 font état de la cession de ces immeubles mais sans corrélation avec les redressements fiscaux.

Dans son rapport à l'assemblée générale du 1er avril 2007, le gérant de la société AEI, M. [J], fait état de la vente en octobre 2006 du bloc faubourg Poissonnière au prix de 37,5 millions d'euros et s'interroge (§ Perspectives) sur l'habitation comme support financier normal évoquant notamment la loi SRU et le droit au logement opposable': «'En d'autres termes le marché du logement par sa nature morale singulière appartient-il toujours au secteur de l'investissement financier ou par destination exclusivement à celui des particuliers et de l'autorité étatique''... Que faire pour donner à la structure de nos actifs une optimisation suffisante'' Fonds d'investissement, il nous appartient de nous adapter au contexte moral, politique et économique et de nous diversifier en tentant de tenir un taux de croissance acceptable. Dorénavant, il nous faut élargir notre champ d'actions et utiliser les techniques de levier par endettement pour acquérir des actifs mobiliers de placement et de participation. Les premiers pas se trouvent en 2002 dans l'offre de rachat viager et la reconstruction d'un portefeuille de valeurs mobilières. C'est cette dernière voie qu'il nous faut renforcer'».

Le rapport d'expertise de M. [D] apporte les éléments suivants':

- fin 2004, alors que les principaux redressements tant en matière d'impôt sur les sociétés (16,28 millions d'euros) qu'en matière de droits d'enregistrement (25,52 millions d'euros) lui avaient été notifiées, mais n'étaient pas encore mis en recouvrement, la société AEI disposait de 1'121'198'euros de valeurs mobilières de placement et de 75'288'euros de liquidités, et était endettée auprès d'établissements de crédit à hauteur de 11'749'343'euros, de sorte qu'elle n'était pas en mesure de régler les sommes en jeu,

- les ventes d'immeubles conclues en avril et mai 2005, moyennant le prix de 36'725'000'euros lui ont rapporté, après payement des impôts afférents, une somme nette de 32'600'000'euros, cette somme ayant été, pour l'essentiel, placée (provisoirement ' actif circulant) en valeurs mobilières de placement émises par la société BNP Paribas (30'000'000'euros) et, pour partie, employée dans le cadre d'une avance en compte courant consentie à la société Dab Expansion (2'200'000'euros),

- la somme due par la société Dab Expansion au titre des droits d'enregistrement (2'216'886'euros), mise en recouvrement le 14 octobre 2005, a été payée en totalité, grâce à l'avance en compte courant que lui a consentie la société AEI, avant la clôture de l'exercice (en fait dès le 10 novembre),

- fin 2005, la société AEI disposait de 26'222'euros de liquidités, de valeurs mobilières de placement BNP Paribas d'un montant de 30'083'020'euros
11:

Le bilan arrêté au 31 décembre 2005 fait apparaître dans l'actif circulant un poste intitulé autres créances comportant une ligne : "autres débiteurs divers" pour un montant de 2 095 584 euros (pièce n° 40 des appelants).

, son endettement bancaire étant ramené à la somme de 5'013'380 euros,

- la société AEI a réglé les sommes dues au titre des droits d'enregistrement (intérêts de retard et majorations compris soit la somme de 25'523'438 euros) en début d'année 2006 (à une date non précisée), après mise en recouvrement le 17 janvier 2006,

- les ventes d'immeubles conclues le 20 octobre 2006 moyennant le prix de 37,5 millions d'euros ont, après impôts, rapporté une somme nette de 32,4 millions d'euros. Une somme globale de 33'000'542'euros a été placée en valeurs mobilières de placement BNP Paribas (cf. bilan arrêté au 31 décembre 2006).

- au cours de l'année 2006, la société AEI a acquis, principalement grâce à l'emprunt, pour un montant de 5'001'500'euros de titres de la société de la société Cofitem-Cofimur
12:

Portant ainsi ses immobilisations financières de 2 124 351 euros au 31 décembre 2005 à 7 303 959 euros au 31 décembre 2006.

. Son endettement bancaire s'élevait fin 2006 à la somme de 4'658'662'euros,

- la société AEI a réglé, le 29 janvier 2007, la somme de 1,5 million d'euros correspondant au redressement notifié le 19 décembre 2003 (impôt sur les sociétés 2000) mise en recouvrement le 21 décembre 2006 et provisionnée. La somme de 14,7 millions d'euros correspondant aux redressements notifiés le 13 décembre 2004 en matière d'impôt sur les sociétés (années 2001 à 2003), mise en recouvrement le 21 décembre 2007, a été provisionnée et payée le 10 janvier 2008,

- au cours de l'année 2007, la société AEI a acquis, grâce à un emprunt de 30'000'000'euros contracté auprès de la société Banque Européenne de Crédit Mutuel (BECM), 300'000'actions supplémentaires de la société Cofitem-Cofimur
13: Le bilan de la société AEI arrêté au 31 décembre 2007, fait apparaître à l'actif immobilisé des immobilisations financières comprenant les titres Cofitem-Cofimur pour un montant total de 32 066 084 euros.

, les consorts [J] ayant expliqué à l'expert que cet investissement s'inscrivait dans le cadre d'une stratégie de diversification, leur souhait étant de diversifier leur portefeuille en investissant dans une foncière détenant des actifs d'immobilier de bureaux (confirmant ainsi l'orientation exposée le 1er avril 2007, cf. supra). À la fin de l'exercice 2007, la société AEI disposait en actif circulant de 107'842'euros de liquidités et de 34'543'673'euros de valeurs mobilières de placement (VMP) BNP Paribas et BECM
14:

cf. état de l'actif circulant : VMP BNP Paribas : 14 854 364 euros ; VMP BECM : 19 953 459 euros.

,

- la société Dab Expansion à laquelle l'administration fiscale a notifié le 17 décembre 2007 un avis de mise en recouvrement des sommes dues au titre de l'impôt sur les sociétés 2001 ' 2003 a provisionné la somme de 15,3'millions d'euros, cette société disposant à la clôture de l'exercice 2007, de 280'983'euros de disponibilité et présentant un endettement financier de 4'763'614'euros,

- les autres redressements (d'un montant très inférieur) ont été mis en recouvrement en 2011, postérieurement à la cession par la famille [J] de ses titres Dab Expansion et AEI au groupe Ovalto (30 juillet 2009).

L'examen des comptes de la société AEI au 31 décembre 2008 (sous pièce n° 40 des appelants) permet de constater qu'au cours de cet exercice, la société a porté sa participation dans la société Cofitem-Cofimur à 416'000'titres (d'une valeur de 43'977'026'euros), qu'en fin d'exercice son actif circulant comprenait des disponibilités à hauteur de 53'661'euros et 5'859'059'euros de valeurs mobilières de placement et dépôts à terme (BECM), que son endettement auprès des établissements de crédit s'élevait à la somme de 31'632'813 millions d'euros (- 2,9 millions d'euros par rapport à la date de clôture de l'exercice précédent).

M. [D] indique en page 23 de son rapport que «'la cession des immeubles en 2005/2006 pour un montant global de 74 millions d'euros a permis au groupe Dab Expansion de payer les redressements pour 44 millions d'euros, de payer l'imposition liée à la cession des immeubles pour environ 10 millions d'euros et couvrir les provisions constituées au titre de certains montants mis en recouvrement (15 millions d'euros). En conséquence, il est établi que pour procéder au règlement des redressements, les seules ressources dont disposaient les sociétés étaient les actifs immobiliers détenus par AEI dont certains ont été cédées'».

Cette analyse n'est pas totalement convaincante. En effet, s'il est indéniable que les premières cessions (32,6 millions d'euros après règlement des impôts afférents) ont servi à régler les redressements dus au titre des droits d'enregistrement (dont intérêts et pénalités) par les deux sociétés AEI et Dab Expansion, soit 27'740'324'euros, le solde étant placé en valeurs mobilières de placement BNP Paribas (environ 4,86 millions d'euros) et l'avance en compte courant étant progressivement remboursée (cf. bilans AEI aux 31/12/2005, 31/12/2006 et 31/12/2007), et si la société AEI a bien réglé, en janvier 2007 et janvier 2008, la totalité du redressement mis en recouvrement en matière d'impôt sur les sociétés, intérêts et majorations comprises (16'245'072'euros), la totalité des impositions ainsi payées à quelque titre que ce soit s'élève à la somme de 43'985'396'euros (dont à déduire l'avance consentie à Dab Expansion et remboursée), cette dernière somme est très inférieure aux cessions immobilières nettes d'impôts (65'millions d'euros), la différence étant a minima de 21 millions d'euros.

Il sera ajouté que si la société Dab Expansion a provisionné la somme de 15,3 millions d'euros (15'265'145'euros) ' ce que la cour ne peut vérifier puisque les comptes de cette société ne sont pas produits aux débats, cette somme ne provient, en tout état de cause, pas de la cession des immeubles de la société AEI (il apparaît, au demeurant, que la dite somme n'a, en fait, jamais été payée abstraction faite d'un règlement de 27'648'euros le 13 décembre 2010, seule une toute petite fraction ' 7,5'%, soit 1'148'476 euros ayant été consignée, cf. tableau en annexe 81 du rapport d'expertise).

En réalité, le second train de cessions a servi, pour partie, au règlement de l'impôt (en l'espèce le solde de l'impôt sur les sociétés de la société AEI), pour partie, au financement de l'acquisition, à hauteur du tiers environ, des titres de la société Cofitem-Cofimur, les deux autres tiers, soit 30'000'000'euros étant financé par le prêt BECM, et ce conformément à l'orientation prise par la gérance de la société et, pour le solde, soit environ 6 millions d'euros, à l'acquisition de valeurs mobilières de placement que l'on retrouve à l'actif du bilan clos au 31 décembre 2008 (VMP BECM et dépôts à terme BECM).

Au regard des éléments qui précèdent, il est établi, s'agissant des impositions relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, que seule la cession de biens immobiliers a permis à la société AEI de faire face aux redressements qui lui ont été notifiés. Il sera toutefois observé que le train de cessions des mois d'avril et mai 2005 a été d'un montant largement suffisant pour y faire intégralement face. Dès lors, seules ces cessions peuvent donc être prises en considération dans le cadre de la présente action comme ayant un lien de causalité avec le préjudice matériel allégué.

Concernant tant la cession consentie le 30'juillet 2009 par les consorts [J] de la société Dab Expansion à la société Ovalto Investissement, que la promesse de vente qu'ils ont simultanément acceptée de leurs participations personnelles dans le capital de la société AEI, cessions, dont il convient de rappeler que le montant global s'est, en définitive, élevé, après perception des compléments de prix, garantie de passif, reliquats divers et prix des titres AEI, à la somme de 82'088'759'euros (cf. rapport d'expertise page 25), il est utile de rappeler le contexte dans lequel cet acte a été signé.

Il résulte des explications données par les consorts [J] à l'expert (cf. leur pièce PC n°'59), que la décision de céder la société Dab Expansion a manifestement été prise fin 2008 et que les négociations avec le groupe Ovalto, seul candidat selon eux à la reprise, ont été entamées dès le mois de janvier 2009.

Il sera observé, d'une part, que tout au long de l'année 2008, les consorts [J] et leur société Dab Expansion ont poursuivi l'achat, au prix moyen de 172,61 euros la part en 2005, 219,11 euros la part en 2006 et 246,53 euros la part en 2007, de parts de la société AEI portant leur participation dans le capital de cette société de 55,12 % au 31 décembre 2004, à 56,34 % au 31 décembre 2006, 57,80 % au 31 décembre 2007 et 59,17 % au jour de la cession (30 juillet 2009) et, d'autre part, que, sous l'impulsion de son gérant, M. [J], la société AEI a poursuivi en 2008 sa réorientation vers l'immobilier de bureau en portant sa participation dans la société Cofitem-Cofimur à environ 44'millions d'euros (416'000'titres alors que seuls 500 titres seront acquis en 2009), ce qui tend à démontrer la confiance qu'ils conservaient dans leur investissement (et leur projet) nonobstant les redressements effectués en matière notamment de droits d'enregistrement.

À la fin de l'année 2008, la situation était la suivante':

- l'ensemble des redressements de la première vague (2003 ' 2004) notifiés aux trois sociétés AEI, Dab Expansion et Imodam, mis en recouvrement entre la fin de l'année 2005 et la fin de l'année 2007, pour un montant total de 59,8 millions d'euros, avait été réglé à l'exception du seul redressement de 15'265'145'euros mis en recouvrement le 17 décembre 2007, réclamé à la société Dab Expansion au titre de l'impôt sur les sociétés concernant la période 2001-2003,

- les différentes initiatives prises par les consorts [J] et la société Dab Expansion pour s'opposer au recouvrement de cette somme avaient échoué': les offres (en l'occurrence le nantissement des titres AEI au profit du Trésor Public) présentées par la société Dab Expansion en garantie du payement de cette somme ayant été rejetées à deux reprises (11'janvier et 31 mars 2008) par l'administration dont les décisions ont été confirmées par la juridiction administrative en première instance (14'mai et 24 juin 2008) comme en appel (17'juin 2008), les demandes présentées au juge des référés du tribunal administratif aux fins de suspension de la mise en recouvrement de la dite somme ayant également été rejetées par ordonnances des 21'avril et 7 juillet 2008,

- des actions avaient été entreprises au fond devant les juridictions civile et administrative compétentes pour contester les redressements notifiés,

- les 19 et 22 décembre 2008, plusieurs propositions de rectifications avaient été adressées tant aux sociétés AEI (impôt sur les sociétés 2005 ' 971'945 euros et TVA 2005 ' 20'098'euros), Dab Expansion (taxe sur les salaires 2005 ' 17'252'euros, droits d'enregistrement 2005 ' 31'552'euros, impôt sur les sociétés 2005 ' 0'euro compte du déficit fiscal) et Imodam (impôt sur les sociétés 2005 ' 91'695'euros) qu'aux époux [J] (impôt de solidarité sur la fortune 2005 ' 791'581'euros), soit au total la somme de 1'924'123'euros dont 823'133'euros intéressent la présente juridiction,

- d'autres procédures de vérifications étaient en cours pour les années 2006 à 2008 (qui donneront lieu à des notifications de redressement le 15 juin 2009).

Face à cette situation, les consorts [J] ont pris la décision, plutôt que de décapitaliser (ce qui était parfaitement possible mais remettait en cause leur objectif d'acquérir la totalité du capital de la société AEI) et de procéder au règlement de la somme de 15'265'145'euros, de céder la société Dab Expansion, après avoir repris les titres des sociétés La Tricogne et Parpap qu'elle détenait.

Si cette cession a pu intervenir sous la pression et dans des conditions moins favorables que dans un autre contexte, ce n'est à l'évidence pas en raison d'impositions relevant des juridictions de l'ordre judiciaire.

En effet, la somme de 15'265'145'euros correspond à un redressement notifié à la société Dab Expansion effectué en matière d'impôt sur les sociétés et, s'agissant des redressements notifiés les 19 et 22 décembre 2009 en matière de droit d'enregistrement et d'impôt de solidarité sur la fortune, aucune faute ne peut être reprochée à l'administration ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, ces redressements étant la conséquence de la sous-évaluation manifeste des parts de la société AEI (droit d'enregistrement ' ISF) et de la déqualification du caractère professionnel des parts de la société Dab Expansion (ISF), et étant devenus (après éventuelle rectification) définitifs sans contestation ni a fortiori dégrèvement.

Il n'existe donc pas de lien de causalité entre la faute commise par l'administration concernant le redressement de 25,5 millions d'euros notifié à la société AEI (seul élément retenu) et la décision des consorts [J] de céder, en juillet 2009, la société Dab Expansion et leurs participation au sein de la société AEI.

Sur le préjudice résultant de la cession du premier train d'immeubles':

S'il est établi que la cession des cinq premiers immeubles, intervenue en avril et mai 2005, est notamment la conséquence du redressement notifié le 3 février 2004 en matière de droits d'enregistrement et de ses suites, les consorts [J] ne peuvent sérieusement prétendre que ces cessions sont intervenues dans la précipitation, à des prix inférieurs à la valeur vénale des immeubles.

Il doit, en effet, sur le premier point être observé que ces cinq cessions sont intervenues une quinzaine de mois après la notification le 3 février 2004 de la proposition de rectification et environ neuf mois avant l'avis de mise en recouvrement du 17 janvier 2006. Ce laps de temps de quasiment deux ans permettait, contrairement à ce que prétendent les consorts [J] (et Me [N], le notaire de la société, dans l'attestation qu'il a établie le 13 mars 2018, pièce n° 27 des appelants, « Je vous avis suggéré de recourir à des ventes à la découpe afin d'optimiser les prix de vente, et nous avions commencé à travailler cette possibilité, mais il est apparu que nous n'aurions matériellement pas le temps de mettre en oeuvre le processus avant que n'interviennent les mises en recouvrement consécutives aux propositions de rectification. La Dircofi, fidèle à sa ligne de conduite, avait refusé toutes les garanties proposées...», ce qui est factuellement inexact puisqu'à ce stade aucune demande en ce sens n'avait été présentée...) de céder ces immeubles par lots (c'est à dire par appartements) et non globalement (en bloc).

Il sera, à cet égard, observé, comme le souligne l'Agent judiciaire de l'État, que la cession, en 2003, dans un tout autre contexte et sans la moindre pression, de l'immeuble situé [Adresse 38] est intervenue globalement et non par lots, la société AEI ayant, à l'évidence, fait le choix d'une cession d'ensemble donc sans procéder à un état descriptif de division et à l'établissement d'un règlement de copropriété.

L'expert relève, à juste titre, que les immeubles cédés, tous d'habitation, étaient loués à des particuliers et que les cessions par lots ne pouvaient intervenir, sauf départ des locataires, qu'occupés ce qui aurait minoré très largement l'écart de prix dont les appelants font état dans leurs écritures.

Par ailleurs et également contrairement à ce qu'exposent les consorts [J], ces cessions ont eu lieu, comme le note M. [D], à un prix tout à fait raisonnable puisque supérieur de plus de 10'% (10,70'%) à l'estimation qui avait été faite par expert à la demande de la gérance de la société AEI (cf. page 37 du rapport de l'expert judiciaire et pièce PC 43), étant précisé que lesdites cessions ont été consenties au prix global de 36,725'millions d'euros pour une estimation expertale de 33,175'millions d'euros.

Au regard de ces éléments, l'expert judiciaire a considéré, ce qui doit être approuvé, que les cessions intervenues en avril et mai 2005, n'ont pas été effectuées dans des conditions défavorables à la société AEI.

En revanche, l'Agent judiciaire de l'État ne peut sérieusement reprocher à la gérance de la société d'avoir pris la décision de payer l'impôt (exigible dès l'avis de mise en recouvrement) plutôt que de présenter une demande de sursis de payement et parier sur le différentiel entre les intérêts de retard (4,80 % l'an) et le taux de rendement des actifs immobiliers de la société. En effet, et quand bien même cette différence aurait-elle été positive, l'administration ne peut tirer argument de ce qu'à tort, un contribuable a payé l'impôt qu'elle lui a réclamé, alors et surtout que la demande de sursis est aléatoire comme la société Dab Expansion a ultérieurement pu le constater.

Il résulte de ces différents éléments que le préjudice matériel subi par les consorts [J] ne peut consister que dans l'incidence de la cession contrainte de ces cinq immeubles, limitée à la fraction consacrée au payement des droits d'enregistrement, dans la valeur des parts de la société Dab Expansion au moment de leur cession, c'est à dire le 30 juillet 2009.

À la demande de la cour, l'expert judiciaire a recherché quelle aurait été la valeur théorique, en 2009, des cinq immeubles cédés en 2005 s'ils n'avaient pas été vendus, cette vente étant la conséquence des procédures de redressement notamment en matière de droits d'enregistrement.

Il ressort du tableau figurant en page 38 du rapport de M. [D] que ces cinq immeubles auraient eu, en 2009, compte tenu de l'évolution des prix de l'immobilier une valeur théorique globale de (9'073'000 + 7'495'000 + 7'127'000 + 12'302'000 + 9'984'000) 45'981'000'euros, soit, par rapport au prix de cession (36'725'000'euros), une différence brute de 9'256'000'euros et, après fiscalité au taux de 19 %, de 7'497'360'euros.

Il convient de rappeler que sur le prix net de cession, soit 32'600'000 euros, seule une partie, en l'occurrence 78,29'%, a été consacrée au payement des droits d'enregistrement, intérêts et majorations au taux de 40 % dus par la société AEI (25'523'438'euros) et ultérieurement annulés.

La société Dab Expansion ' dont les consorts [J] étaient associés à hauteur de 100'%'' et ces derniers détenaient au 30 juillet 2009, 59,1689 % des parts de la société AEI de sorte que leur préjudice matériel théorique est égal à (7'497'360*0,7829*0,591689) soit la somme de 3'473'027'euros.

L'Agent judiciaire de l'État fait valoir que ce préjudice est compensé par les intérêts moratoires qu'il a versés ce qu'il convient de vérifier en limitant le calcul à la période considérée.

Entre les mois de janvier 2006 et de juillet 2009, les intérêts moratoires versés par l'Etat en application des articles L 208 du livre des procédures fiscales et 1727 du code général des impôts (dans sa rédaction issue des décrets du 24 mars 2006, 30 mars 2007 et 31 décembre 2008) sont restés constants au taux de 0,40 % par mois (soit 4,80 % l'an).

Il ressort du contrat de cession [J] / Ovalto que, s'agissant du complément de prix n° 1 relatif aux droits d'enregistrements de la société AEI [P * (M3 - H3)]
15: cf. supra en page 7 pour la détermination des compléments de prix

les intérêts moratoires versés par l'Etat sont intégralement pris en compte dans le calcul après déduction des honoraires payés diminués de l'impact fiscal lié à leur déductibilité.

Ces honoraires se sont élevés à la somme de 94 909 euros (cf. pièce n° PC 37 annexe D1) soit diminué de l'impact fiscal (33,33 %), un montant déduit de 63 276 euros.

Les intérêts moratoires versés limités à la période prise en compte (c'est à dire de la fin janvier 2006 au 30 juillet 2009) s'élèvent donc à la somme de 4 287 937 euros soit ramené à la fraction de capital détenue par les consorts [J], à la somme de 2 537 125 euros dont il convient de déduire la part d'honoraires en définitive supportée par ces derniers (35 489 euros), soit un solde 2 501 636 euros.

Le préjudice effectivement subi par les consorts [J] s'élève donc à la somme de (3'473'027 - 2 501 636) 971 391 euros que l'Etat pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'Etat sera donc condamné à leur payer.

Le surplus des demandes des consorts [J] au titre du préjudice matériel doit être rejeté, le jugement du tribunal de grande instance de Brest étant infirmé.

Sur la demande au titre du préjudice moral':

M. [J] sollicite, en réparation du préjudice moral qu'il expose avoir subi, une somme de 1'000'000'euros et à l'appui de sa demande, fait valoir la violence des contrôles dont attestent l'expert comptable DBF Audit, Me [N], notaire de la société, et M. [R], directeur de la société Imodam.

Dans le cadre de la présente instance, la cour ne peut prendre en compte que les seules conséquences du redressement fautif qu'elle a retenu et non l'ensemble des redressements dont les consorts [J] font état dans leurs écritures.

Or, il n'est nullement démontré que le redressement litigieux, notifié à une société civile immobilière, société foncière propriétaire d'un parc de 600 logements et de quelques immeubles de bureaux, ait causé à son gérant un préjudice moral dont, au demeurant, il ne rapporte nullement la preuve.

Les quelques témoignages produits, qui attestent d'une incontestable tension compréhensible au regard des enjeux financiers de ce dossier, ne démontrent pas l'existence d'un tel préjudice.

Il est, en tout état de cause, établi que, nonobstant ce redressement, M. [J] et sa société ont poursuivi leur politique d'acquisition des parts de la société AEI et de diversification des investissements de cette société vers l'immobilier de bureaux afin d'en accroître la rentabilité financière ce qui permet d'écarter l'existence en 2004, comme en début 2007, d'un découragement et d'une atteinte à l'état psychique du demandeur. Si la dégradation de son état a pu survenir ultérieurement, aucun lien n'est démontré avec le redressement fautif.

La demande de M. [J] de ce chef doit, en conséquence, être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles':

L'Agent judiciaire de l'État supportera la charge des dépens de première instance et d'appel à l'exception toutefois des frais d'expertise qui seront supportés à hauteur de moitié par les consorts [J] et de moitié par l'Agent judiciaire de l'Etat, étant observé qu'il n'a été fait droit que très partiellement aux demandes des consorts [J].

Une somme de 5'000'euros leur sera allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

Statuant par arrêt rendu publiquement et contradictoirement,

Rejette la demande de rétractation de l'arrêt du 22 juillet 2019 et d'annulation subséquente de l'expertise de M. [D].

Infirme le jugement rendu le 13 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Brest.

Statuant à nouveau':

Condamne l'État pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'État à verser aux consorts [J] la somme de 971 391'euros en réparation de leur préjudice matériel.

Rejette le surplus de la demande.

Déboute M. [J] de sa demande au titre du préjudice moral.

Condamne l'État pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'État aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais d'expertise qui seront supportés à hauteur de la moitié par les consorts [J] et de la moitié par l'Agent judiciaire de l'État.

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre l'État pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'État ceux des dépens dont ils auraient pu faire l'avance sans demander provision.

Condamne l'État pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'État à verser à M. et Mme [P] [J] et [X] [B] épouse [J], M. et Mme [W] [J] et [S] [K] épouse [J], M. et Mme [L] [J] et [M] [A] épouse [J], M. et Mme'[E] [H] et [T] [J] épouse [H], unis d'intérêts, une somme de 5'000'euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

27


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18/00274
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;18.00274 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award