7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°308/2024
N° RG 23/05056 - N° Portalis DBVL-V-B7H-UBWJ
M. [B] [Y]
C/
Organisme URSSAF DE BRETAGNE VENANT AUX DROITS DU R.S.I.
Copie exécutoire délivrée
le :
à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 JUILLET 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Avril 2024
En présence de Madame [D] [L], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [B] [Y]
né le 05 Août 1964 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me David NAHUM, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Organisme URSSAF DE BRETAGNE VENANT AUX DROITS DU R.S.I. agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en ette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 2]
Comparante en la personne de Madame [O] [W] munie d'un pouvoir daté du 21 décembre 2023
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [Y] a été affilié auprès de la sécurité sociale des travailleurs indépendants en qualité de gérant majoritaire de la SARL [5] du 18 octobre 2004 au 30 novembre 2017.
Le 13 mai 2015, l'URSSAF de Bretagne lui a adressé un courrier de « régularisation des cotisations 2014 et appel de cotisations 2015 », faisant apparaître que, du calcul des cotisations définitives au titre de l'année 2014, après déduction des cotisations provisionnelles réglées au titre de cette même année, résultait en un excédent d'un montant de 20 451 euros. Autrement dit, compte tenu de la baisse des revenus de M. [Y] en 2014, le montant des cotisations définitives 2014 de 78.450 euros était moins élevé que le montant des cotisations provisionnelles 2014 (98.901 euros).
M. [Y] a contesté l'imputation de cet excédent sur les cotisations provisionnelles dues au titre de l'année 2015, à laquelle le Régime social des indépendants a procédé sur le fondement de l'article R. 131-4 du code de la sécurité sociale.
Par décision en date du 7 septembre 2016, la commission de recours amiable du RSI Bretagne a rejeté sa contestation et a confirmé son obligation d'être affilié au RSI Bretagne ainsi que l'imputation de la régularisation 2014 sur ses dettes antérieures.
Par lettre du 24 septembre 2015, il a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc afin que le RSI Bretagne lui rembourse la somme de 20 451 euros correspondant à la régularisation 2014.
&&&&&
Par jugement du 16 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc a sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'un autre recours pendant devant la même juridiction saisie par M. [Y] d'une contestation de son affiliation au Régime social des indépendants le 17 avril 2015, M. [Y] invoquant le fait que le 22 janvier 2015, il a adhéré à un contrat d'assurance maladie, chirurgie et accident auprès de l'organisme de sécurité sociale à destination des ressortissants français [4], situé en Grande-Bretagne.
Par ordonnance de référé en date du 28 septembre 2016, la cour d'appel de Rennes a rejeté la requête de M. [Y] sollicitant l'autorisation à d'interjeter appel immédiat du jugement du TASS en date du 16 juin 2016.
Par jugement en date du 14 septembre 2017, le TASS de Saint-Brieuc a confirmé l'obligation de M. [Y] d'être affilié au RSI Bretagne. M. [Y] a fait appel de cette décision. Par arrêt en date du 23 septembre 2020, la cour d'appel de Rennes a confirmé ce jugement.
L'affaire est donc revenue devant le TASS des Côtes d'Armor afin que soit tranchée la question de la validité de la compensation opérée par le RSI.
Par jugement en date du 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a débouté M. [Y] de ses demandes. Il a alors fait appel de la décision.
Par arrêt en date du 12 mai 2021, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement du TASS de Saint-Brieuc en date du 21 mars 2019.
Pour statuer ainsi, la cour d'appel de Rennes a retenu que :
Pour prétendre être créancier du RSI, il lui [M. [Y]] appartient de rapporter la
preuve qu'il remplit la première condition : (votre compte présente un excédent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais) « si vous avez payé toutes vos cotisations antérieures ». Au 13 mai 2015, les cotisations antérieures sont au moins les cotisations dont il devait s'acquitter le 5 janvier, le 5 février, le 5 mars, 7 avril et le 5 mai 2015, pour un montant total de 39 334 euros. Force est bien de relever qu'il n'allègue pas s'être acquitté de ces cotisations.
En outre, il est mal fondé à se prévaloir des dispositions de droit commun relatives à la compensation alors que seules doivent recevoir application les dispositions particulières du code de la sécurité sociale. En cas de trop versé, le montant du crédit lui est remboursé sans délai ou imputé sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours ; dans ce cas, si le trop versé est supérieur aux cotisations provisionnelles restant à échoir, le solde, après imputation, le cas échéant, sur les dettes des périodes antérieures en remontant de la plus ancienne à la plus récente, lui est remboursé.
A supposer que M. [Y] s'était effectivement acquitté des cotisations provisionnelles appelées en 2014, puis des cotisations provisionnelles appelées en 2015, en sorte qu'aucune imputation sur dette antérieure ne pouvait lui être opposée, il restait devoir des cotisations d'un montant de 39 891 euros au titre des cotisations provisionnelles appelées en 2015, supérieur au montant de la régularisation comptable, en sorte qu'il est mal fondé à prétendre à la condamnation de l'organisme au versement de cette somme. »
M. [Y] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 22 juin 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :
- Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
- Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyé devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée;
- Condamné l'Urssaf de Bretagne, venant aux droits du régime social des indépendants, aux dépens;
- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par l'Urssaf de Bretagne, venant aux droits du régime social des indépendants, et l'a condamné à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Pour statuer ainsi, elle a relevé d'office un moyen tiré de l'article R. 131-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2012-1550 du 28 décembre 2012, c'est-à-dire de sa version applicable au litige, et de l'article 29 du décret n° 2014-1690 du 30 décembre 2014 qui a modifié l'article R131-4 :
Selon le premier de ces textes, le travailleur indépendant peut demander à bénéficier de la régularisation anticipée des cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année précédente lorsqu'il souscrit la déclaration de revenus mentionnée à l'article R. 115-5 par voie électronique. En cas de trop versé, il peut demander que le montant lui soit remboursé sans délai ou imputé sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours. Dans ce cas, si le trop versé est supérieur aux cotisations provisionnelles restant à échoir, le solde lui est remboursé. Il en résulte que l'imputation du trop versé sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours ne peut intervenir que sur demande du travailleur indépendant.
Selon le dernier de ces textes, les dispositions du décret du 30 décembre 2014 qui modifie l'article R. 131-4 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1 janvier 2015.
Pour débouter le cotisant de son recours, l'arrêt fait application des dispositions de l'article R. 131-4 dans leur rédaction issue du décret n° 2014-1690 du 30 décembre 2014.
En statuant ainsi, alors que le litige portant sur la régularisation anticipée des cotisations dues au titre de l'année 2014, l'article R. 131-4 dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1550 du 28 décembre 2012 était applicable, de sorte que l'imputation du trop versé en résultant sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année 2015 ne pouvait intervenir en l'absence de demande du cotisant en ce sens, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application, et l'article R. 131-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1690 du 30 décembre 2014, par fausse application.
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M. [Y] a saisi la cour d'appel de Rennes, juridiction de renvoi après cassation par déclaration au greffe en date du 3 août 2023.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 6 mars 2024, M. [Y] demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, en ce qu'il a :
- Débouté M. [Y] de son recours,
- Constaté le bien fondé des avis d'appel de cotisations adressés par le RSI Bretagne,
- Condamné M. [Y] à payer au RSI la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [Y] à payer à l'Urssaf la somme de 300 euros au titre de dommages et intérêts,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné M. [Y] aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Statuant à nouveau,
- Condamner l'Urssaf de Bretagne venant aux droits du RSI à rembourser à M. [Y] la somme de 20 451 euros avec intérêts capitalisables au taux légal à compter du 24 septembre 2015,
- Condamner l'Urssaf de Bretagne venant aux droits du RSI à verser à M. [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter l'Urssaf de Bretagne venant aux droits du RSI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner l'Urssaf de Bretagne venant aux droits du RSI aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions du 1er février 2024, l'Urssaf Bretagne demande à la cour d'appel de :
- Infirmer l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation 22 juin 2023
Statuant à nouveau,
- Confirmer le jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en ce qu'il a :
- Débouté M. [Y] de son recours
- Constaté le bien-fondé des avis d'appel de cotisations adressés par le RSI Bretagne
- Condamné M. [Y] à payer à l'organisme la somme de 300 euros d'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [Y] à payer à l'Urssaf la somme de 300 euros au titre de dommages et intérêts
- Ordonné l'exécution provisoire
- Condamné M. [Y] aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019
Y ajoutant,
- Condamner M. [Y] au paiement de la somme de 5000 euros d'article 700 du code de procédure civile
- Rejeter toute autre demande émanant de M. [Y]
La présente affaire a été fixée à l'audience du 8 avril 2024.
A l'audience du 8 avril 2024, l'URSSAF a, sur interpellation de la cour, indiqué qu'elle sollicitait, non pas l'infirmation de l'arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 22 juin 2023, mais, en réalité, exclusivement la confirmation de la décision du TASS de Saint Brieuc du 21 mars 2019.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] fait valoir, à titre principal que, alors que le litige portait sur la régularisation des cotisations dues au titre de l'année 2014, l'imputation du trop versé en résultant sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année 2015 ne pouvait en aucun cas intervenir en l'absence de demande du cotisant en ce sens, conformément aux dispositions de l'article R131-4 al.2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du décret n°2012-1550 du 28 décembre 2012, et encore moins une « imputation sur dette antérieure » de 1.410 euros, comme indiqué sur le courrier de l'URSSAF du 13 mai 2015, laquelle imputation n'est en aucun cas prévue par le texte ; en tout état de cause, l'URSSAF ne lui a jamais laissé la possibilité d'activer l'option conférée par les dispositions de l'article R.131-4 al.2 du code de la sécurité sociale.
Subsidiairement, sur le mécanisme de la compensation, il soutient que l'URSSAF et le TASS de Saint Brieuc ont également violé les articles 1289 et suivants du code civil : en effet, les premiers juges ne sont pas placés au jour où la compensation est intervenue pour déterminer si, à cette date, ladite compensation pouvait être opérée, mais au 14 septembre 2017, date à laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale avait rendu une décision rejetant sa demande de « désaffiliation » du Régime Social des Indépendants, jugement dont il avait interjeté appel, de sorte que la créance n'était pas certaine en son principe.
L'URSSAF de Bretagne réplique que :
$gt;que l'article R 131-4 dans sa version applicable ne dispose pas que l'organisme ne pouvait pas effectuer d'imputation du trop versé sans que le travailleur l'ait préalablement demandé ni que cet article lui imposait de demander l'autorisation au cotisant avant d'imputer son versement sur les cotisations à échoir ; cet article offre seulement la possibilité au travailleur indépendant de demander à l'organisme en cas de trop-versé, soit de lui rembourser le montant, soit de l'imputer sur les versements à échoir ;
$gt;par courrier du 13 mai 2015, l'URSSAF a informé M. [Y] que compte tenu de la baisse de ses revenus en 2014 (263.247 euros contre 342.751 euros en 2013 et 363.862 euros en 2012) le montant de ses cotisations définitives 2014 (78.450 euros) était moins élevé que ses cotisations provisionnelles (98.901 euros) déjà appelées (et non pas payées) ; cela ne signifie pas que M. [Y] détient une créance sur l'organisme, mais seulement qu'un recalcul a été effectué afin que son échéancier soit réajusté compte tenu des revenus qu'il a déclarés ; du reste, M. [Y] ne rapporte pas la preuve que, par ses versements provisionnels, il s'est effectivement acquitté d'une somme supérieure aux cotisations définitives ;
$gt;aucune compensation n'a eu lieu sur le compte de M [Y] :
*en 2013, il a effectué des virements à hauteur de 90.737 euros alors qu'il était redevable de la somme de 92.147 euros, de sorte qu'il reste 1.410 euros à recouvrer et cette dette antérieure n'a pas été imputée sur la régularisation de 20.451 euros de l'année 2014 ;
*en 2014, les paiements de M. [Y] ont permis de solder l'intégralité des échéances ;
*en 2015, le compte de M. [Y] a été débiteur de 38.130,93 euros ;
$gt;ainsi, il n'a payé que les cotisations définitives 2014 [78.450 euros] + la régularisation 2013 exigible en 2014 [2.708 euros de régularisation maladie/maternité et d'allocations familiales] soit la somme totale de 81.158 euros ; mais le débiteur ne détient une créance sur l'organisme que s'il est en mesure de rapporter la preuve que, par ses versements provisionnels, il s'est effectivement acquitté d'une somme supérieure aux cotisations définitives ; or M. [Y] ne démontre pas avoir acquitté l'intégralité de ses cotisations: d'ailleurs il est débiteur à l'égard de l'URSSAF de Bretagne de 183.262 euros en 2024.
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Issu du décret n°2012-1550 du 28 décembre 2012 relatif à la simplification des procédures applicables aux cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants, l'article R. 131-4 du code de la sécurité sociale (transféré à devenu l'article R. 613-1-3 par le décret n 2021-686 du 28 mai 2021) prévoit, en cas de trop versé, un mécanisme de compensation entre l'excédent de cotisations résultant de la régularisation et les cotisations versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours.
Le dispositif a évolué dans le temps.
Dans sa rédaction issue du décret n°2012-1550 du 28 décembre 2012, il énonce:
« Le travailleur indépendant peut demander à bénéficier de la régularisation anticipée des cotisations et contributions sociales dues au titre de l'année précédente lorsqu'il souscrit la déclaration de revenus mentionnée à l'article R. 115-5 par voie électronique.
En cas de trop versé, il peut demander que le montant lui soit remboursé sans délai ou imputé sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours. Dans ce cas, si le trop versé est supérieur aux cotisations provisionnelles restant à échoir, le solde lui est remboursé.
Lorsqu'un complément de cotisations résulte de la régularisation conformément au I de l'article R. 131-5, le travailleur indépendant peut s'en acquitter immédiatement.
A défaut, le complément est recouvré dans les mêmes conditions que les versements provisionnels de l'année en cours restant à échoir. »
Dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1690 du 30 décembre 2014, il énonce:
« La régularisation mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 131-6-2 est effectuée et les cotisations dues par le travailleur indépendant au titre de la dernière année civile écoulée sont appelées dès que celui-ci souscrit la déclaration de revenu d'activité mentionnée à l'article R. 115-5 au titre de cette dernière année écoulée.
En cas de trop versé, le montant du crédit lui est remboursé sans délai ou imputé sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année en cours.
Dans ce cas, si le trop versé est supérieur aux cotisations provisionnelles restant à échoir, le solde, après imputation, le cas échéant, sur les dettes des périodes antérieures en remontant de la plus ancienne à la plus récente, lui est remboursé.
Lorsqu'un complément de cotisations résulte de la régularisation, il est recouvré dans les mêmes conditions que les versements provisionnels de l'année en cours restant à échoir. »
En application de l'article 29, I, du décret n° 2014-1690 du 30 décembre 2014, ces dispositions sont applicables aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2015.
En l'espèce, le litige porte sur le remboursement au cotisant du trop versé de cotisations issu de la régularisation anticipée effectuée au titre de l'année 2014, imputé par l'URSSAF sur les cotisations provisionnelles dues au titre de l'année 2015. A cet égard, l'URSSAF de Bretagne ne peut sérieusement soutenir dans ses dernières conclusions que M. [Y] ne démontre pas avoir payé, en 2014, davantage que ses cotisations définitives, dès lors que, d'une part, par courrier du 13 mai 2015, elle lui a expressément indiqué par lettre du 13 mai 2015 que « après déduction de vos cotisations provisionnelles 2014, votre compte présente un excédent qui vous sera remboursé dans les meilleurs délais, si vous avez payé toutes vos cotisations antérieures », le détail joint en annexe faisant apparaître un solde créditeur en faveur de M. [Y] de 20.451 euros et que, d'autre part, l'organisme ne justifie pas de quelque retard que ce soit de M. [Y] dans le paiement de ses cotisations provisionnelles durant l'année 2014 (absence de toute mise en demeure en ce sens).
Il en découle que c'est l'article R. 131-4 dans sa rédaction issue du décret n° 2012-1550 du 28 décembre 2012 qui était applicable, de sorte que l'imputation du trop versé en résultant sur les versements provisionnels restant à échoir au titre de l'année 2015 ne pouvait intervenir en l'absence de demande du cotisant, M. [Y] en ce sens. Or l'URSSAF n'a pas informé celui-ci de l'option existante.
C'est donc à tort que l'URSSAF a imputé le trop versé de 20.451 euros résultant de la différence entre les cotisations provisionnelles versées en 2014 [98.901 euros] et les cotisations définitives dues pour l'année 2014 [78.450 euros] sur les cotisations provisionnelles de l'année 2015.
Par voie d'infirmation du jugement, l'URSSAF de Bretagne venant aux droits du RSI, est condamnée à payer à M. [Y] la somme de 20.451 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2015, date de la requête du cotisant devant le TASS de Saint Brieuc. En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée.
Par application des dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
Partie perdante, l'URSSAF de Bretagne est condamnée aux dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux afférents à la décision cassée.
Il serait inéquitable de laisser à M. [Y] la charge de ses frais irrépétibles. L'URSSAF de Bretagne est condamnée à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
-Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint Brieuc le 21 mars 2019 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
-Condamne l'URSSAF de Bretagne venant aux droits du régime social des indépendants à payer à M. [Y] la somme de 20.451 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2015 ;
-Prononce en application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;
-Condamne l'URSSAF de Bretagne à payer à M. [Y] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne l'URSSAF de Bretagne aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux afférents à la décision cassée.
Le Greffier Le Président