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04/07/2024 | FRANCE | N°21/04510

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 04 juillet 2024, 21/04510


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°305/2024



N° RG 21/04510 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R3ER













Mme [H] [A]



C/



Etablissement Public POLE EMPLOI















Copie exécutoire délivrée

le :04/072024



à :Me MARION

Me LHERMITTE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024





COMP

OSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°305/2024

N° RG 21/04510 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R3ER

Mme [H] [A]

C/

Etablissement Public POLE EMPLOI

Copie exécutoire délivrée

le :04/072024

à :Me MARION

Me LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Mai 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [H] [A]

née le 23 Juillet 1980 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Géraldine MARION de la SELARL CABINET ADVIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

POLE EMPLOI Etablissement public de l'Etat à caractère administratif, Pris en son établissement POLE EMPLOI BRETAGNE, Pris en la

personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie-Laure TREDAN de la SCP C/M/S BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

substitué par Me Karim BENKIRANE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

EXPOSÉ DU LITIGE

Du 3 juin 2009 au 30 novembre 2009, Mme [H] [A] a été embauchée en qualité d'agent hautement qualifié allocataires selon un contrat à durée déterminée par Pôle Emploi. Elle a d'abord travaillé en Ille de France avant d'être mutée en 2015 en Bretagne à sa demande.

A compter du 1er janvier 2010, Mme [A] a été engagée en contrat à durée indéterminée.

Mme [A] occupait en dernier lieu le poste de conseillère en gestion des droits et sa rémunération brute mensuelle s'élevait à 2.132,48 euros.

La convention collective de Pôle Emploi s'applique à la relation contractuelle.

Le 14 septembre 2015, elle a été insultée par un demandeur d'emploi.

Du 8 mars 2016 au 27 mai 2016, elle a été placée en arrêt de travail.

Le 30 septembre 2016, elle a été victime d'une agression verbale de la part d'un de ses collègues. L'employeur a procédé à une enquête interne.

A partir du 25 octobre 2016, elle a de nouveau été mise en arrêt de travail et n'a plus repris son poste.

Le 8 février 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré le 30 septembre 2016.

A la suite de ses visites de pré-reprise du 30 août et du 5 septembre 2017, Mme [A] a été déclarée définitivement inapte à son poste.

Par plusieurs courriers, Pôle Emploi a adressé des propositions de reclassement à Mme [A] qui ont toutes été refusées.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 février 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé le 16 mars suivant auquel elle n'a pu se rendre.

Par courrier en date du 23 mars 2018, Mme [A] s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement dans les termes suivants :

« (') Nous vous informons par la présente que nous avons décidé de vous licencier en raison de l'impossibilité de vous reclasser consécutivement à l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail.

En effet, vous avez été déclarée inapte par le médecin du travail en date du 5 Septembre 2017 en les termes qui suivent : « Inapte à son poste de travail. Peut occuper un poste sans contact avec le public, en Ile de France de préférence ; pas de reclassement en Bretagne ».

Face à cette situation le médecin du travail a été contacté afin d'obtenir des informations complémentaires pour envisager au mieux les recherches de reclassement et identifier des solutions susceptibles de convenir à votre situation.

Le médecin du travail a répondu en date du 10 Octobre 2017 « Je vous confirme son aptitude à occuper un poste sans contact avec le public: les postes dits « de structures» peuvent convenir avec, si besoin, une formation adaptée ».

Aussi et conformément à ses obligations légales, l'établissement a engagé une procédure de reclassement.

A la suite de ces recherches et par courrier du 10 novembre 2017, nous vous avons alors proposé un poste de Gestion des droits, basé à [Localité 4], n'impliquant aucun contact physique avec les demandeurs d'emploi, ainsi qu'un poste de Gestionnaire de recouvrement, également basé à [Localité 4], et n'impliquant aucun contact avec les demandeurs d'emploi car limité à des contacts avec les entreprises, ce qui est conforme aux préconisations du Médecin du travail.

Nous vous avons par ailleurs proposé deux autres postes basés respectivement à la Réunion (poste de conception et intégration de l'offre de service) et en Martinique (poste de gestion de projet - support aux opérations), n'impliquant, là encore, aucun contact avec les demandeurs d'emploi, conformément aux prescriptions médicales.

Le Médecin du travail nous a d'ailleurs confirmé la parfaite compatibilité du poste de Gestionnaire de recouvrement avec votre état de santé et en cohérence avec le secteur géographique préconisé, ainsi que la compatibilité des postes basés à la Réunion et en Martinique, sous réserve que vous acceptiez une mobilité géographique.

Par courrier daté du 14 Novembre 2017, vous nous avez indiqué ne pas donner de suite à ces propositions. Puis, toujours en accord avec le médecin du travail et également avec les délégués du personnel, nous vous avons proposé en date du 11 Janvier 2018 un nouveau poste qui était un poste de « Gestionnaire RH - Formation » au sein de la Direction Régionale Grand-Est (poste basé à [Localité 6]).

Par courrier en date du 16 Janvier 2018, vous avez refusé cette proposition en justifiant des éléments suivants :

- La situation géographique ne vous convenait pas ;

- Le poste vous semblait inférieur au poste que vous occupiez précédemment.

Souhaitant vous rassurer et vous apporter tous les éléments nécessaires pour que vous puissiez faire votre choix, nous vous avons apporté, le 18 Janvier 2018, des précisions complémentaires (correspondance de la proposition au poste occupé actuellement, possibilité d'évolution de carrière et garantie du maintien de votre salaire brut').

Malgré ces éléments, vous nous avez confirmé le 19 Janvier 2018 ne pas revenir sur votre choix et nous avez réitéré votre refus vis-à-vis de ce poste.

Malheureusement, suite à ces différents refus, nous n'avions plus d'autres postes à vous proposer.

Aussi et face à ces éléments, nous avons été dans l'obligation de prendre les mesures qui s'imposaient à nous et d'engager, à votre encontre, une procédure de licenciement.

Nous vous avions déjà exposé ces éléments par courrier en date du 29 Janvier 2018.

Aussi, et face à cette impossibilité de vous reclasser consécutivement à l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail en date du 5 Septembre 2017, nous sommes contraints de devoir vous notifier ce jour, votre licenciement.

La rupture de votre contrat prend effet à la date de notification de ce courrier (') »

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 20 mars 2019 afin de voir :

- Condamner Pôle Emploi Bretagne à verser à Mme [A] les sommes suivantes:

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L1132-1 et suivants du code du travail

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, à titre de dommages-et intérêts sur le fondement des articles L4121-1 et suivants du code du travail

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

- Juger que le licenciement intervenu est nul, et subsidiairement, dénué de cause réelle et sérieuse

- Condamner Pôle Emploi Bretagne à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts : 40 000 euros nets de cotisations et contribution sociales

- Indemnité compensatrice de préavis : 4 264,92 euros

- Outre les congés payés y afférant : 426,49 euros

- En toute hypothèse juger l'inaptitude d'origine professionnelle et condamner Pôle Emploi à payer à Mme [A] les sommes suivantes:

- Indemnité compensatrice de préavis : 4 264,92 euros

- Outre les congés payés y afférant : 426,49 euros

- Complément d'indemnité de licenciement : 10 658,12 euros

- Condamner Pôle Emploi à payer à Mme [A] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonner la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 60 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir

- Ordonner l'exécution du Jugement à intervenir en toutes ses dispositions et fixer le salaire mensuel moyen à 2 132,48 euros

- Juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code civil

- Rappeler que les autres sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à intervenir.

Pôle Emploi a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes

- Article 700 du code de procédure civile : 2000 euros

Par jugement en date du 24 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [A] notifié le 29 janvier 2018 a une origine professionnelle.

En conséquence,

- Condamné Pôle Emploi à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

- quatre mille deux cent soixante quatre euros quatre vingt douze centimes (4 264,92 euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de quatre cent six euros quarante neuf centimes (426,49 euros) à titre de congés payés y afférents ;

- dix mille six cent cinquante-huit euros douze centimes (10 658,12 euros) au titre du complément d'indemnité de licenciement ;

- mille cinq cents euros (1 500, 00 euros) à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.

- Ordonné la remise de bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés à compter du prononcé du présent jugement ;

- Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code du travail ;

- Débouté Mme [A] du surplus de ses demandes.

- Débouté Pôle Emploi de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

- Condamné Pôle Emploi aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution du jugement.

***

Mme [A] a interjeté appel de la décision précitée par déclaration au greffe en date du 19 juillet 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 4 mars 2022, Mme [A] demande à la cour d'appel de :

- Juger Mme [A] recevable et bien fondée en son appel.

- Réformer le jugement

Et, statuant à nouveau :

- Condamner Pôle Emploi à verser à Mme [A] les sommes suivantes:

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L1132-1 et suivants du code du travail

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, à titre de dommages-et intérêts sur le fondement des articles L4121-1 et suivants du code du travail

- 30 000 euros nets de cotisations et contribution sociales, pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté

- Juger que le licenciement intervenu est nul, et subsidiairement, dénué de cause réelle et sérieuse

- Condamner Pôle Emploi Bretagne à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

- Dommages et intérêts : 40 000 euros nets de cotisations et contribution sociales

- Indemnité compensatrice de préavis : 4 264,92 euros

- Outre les congés payés y afférant : 426,49 euros

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Jugé que le licenciement pour inaptitude notifié le 29 janvier 2018 a une origine professionnelle

- Condamné Pôle Emploi à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

- 4264,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 426,49 euros à titre de congés payés afférents

- 10 658,12 euros au titre du complément d'indemnité de licenciement

- 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Ordonné la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés à compter du prononcé du jugement

- Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction (20.03.2019) et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code civil.

En tout état de cause,

- Condamner Pôle Emploi à payer à Mme [A] 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

- Juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction (20.03.2019) et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code civil.

- Débouter la partie intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 21 juillet 2022, Pôle Emploi demande à la cour d'appel de:

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rennes en ce qu'il a :

- Débouté Mme [A] du surplus de ses demandes ;

En conséquence,

- Débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes, fins, écrits et conclusions en tant qu'ils ne sont pas fondés ;

- Condamner Mme [A] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [A] notifié le 29 janvier 2018 a une origine professionnelle ;

- Condamné Pôle Emploi à payer à Mme [A] les sommes suivantes :

- quatre mille deux cent soixante quatre euros quatre vingt douze centimes (4 264,92 euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de quatre cent six euros quarante neuf centimes (426,49 euros) à titre de congés payés y afférents ;

- dix mille six cent cinquante-huit euros douze centimes (10 658,12 euros) au titre du complément d'indemnité de licenciement ;

- mille cinq cents euros (1 500, 00 euros) à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.

- Débouté Pôle Emploi de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

- Débouter Mme [A] de toutes ses demandes et notamment de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de complément d'indemnité de licenciement et des frais irrépétibles.

- Condamner Pôle Emploi aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 23 avril 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 6 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

DISCUSSION :

Il est acquis aux débats que Mme [A], a été victime, successivement, de deux agressions verbales à caractère raciste sur son lieu de travail, l'agence Pôle Emploi de [Localité 7] :

$gt;le 14 septembre 2015, par une demandeuse d'emploi qu'elle recevait, qui l'a traitée de « Sale négresse » ;

$gt;le 30 septembre 2016, à la suite d'un désaccord avec un collègue de travail, M. [T] [G], sur l'utilisation à l'égard des demandeurs d'emploi du terme « information sur les droits » de préférence à celui plus ambigu « d'ouverture de droits », par ledit collègue, qui a déclaré, que devant l'agressivité et la véhémence dont avait fait montre Mme [A], les propos rappelés ci-dessus n'étaient guère étonnants (par recoupement du témoignage de Mme [V] produit par Mme [A] [sa pièce n°10] et de la relation de l'épisode par M. [G] [pièce n°50 de l'employeur]).

Pôle Emploi a réagi d'une part en convoquant et en mettant en garde la demandeuse d'emploi incriminée, et d'autre part en notifiant un avertissement à M. [G].

A compter du 25 octobre 2016, Mme [A] s'est vue prescrire une série d'arrêts de travail et n'a plus repris son activité jusqu'à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

I.Sur la discrimination alléguée et la nullité du licenciement :

Pour infirmation du jugement, Mme [A] fait valoir que, bien qu'elle l'ait alerté sur la gravité des deux agressions verbales à caractère raciste dont elle avait fait l'objet, son employeur n'a pas mis en 'uvre la procédure idoine concernant les violences externes commises sur les agents, ni ne l'a accompagnée et n'a traité la violence interne qu'en sanctionnant trop légèrement le collègue auteur ; que rien ne peut expliquer cette différence de traitement par rapport à un autre agent, si ce n'est son sexe et sa couleur de peau, de sorte qu'une discrimination prohibée est caractérisée.

Pôle Emploi réplique qu'il est intervenu à chaque fois pour réprimer les comportements fautifs dénoncés par Mme [A] mais que sa marge de man'uvre est limitée s'agissant des personnes extérieures au service.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, en vigueur du 2 mars 2017 au 24 mai 2019 : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.»

En application de cet article et de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'appréciation par les juges du fond de la matérialité des éléments de fait fondant la demande au titre de la discrimination est souveraine (en ce sens, Soc., 23 novembre 2016, pourvoi n° 15-17.496).

Si la couleur de peau constitue un motif de discrimination prohibée en ce qu'elle touche à l'origine ou aux caractéristiques génétiques de la personne (de sorte que l'employeur ne peut pas prendre en considération ce facteur ou certaines caractéristiques du salarié pour arrêter ses décisions), force est de constater que Mme [A] ne soumet à la cour aucun élément propre à caractériser une véritable différence de traitement par rapport à des collègues placé(e)s dans des situations semblables d'agressions verbales, étant observé que l'employeur n'est pas resté sans réaction face aux alertes, ce que Mme [A] ne discute pas (critiquant seulement la faiblesse de la réaction).

Ainsi, faute d'établir des éléments qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination liée à sa couleur de peau ou à ses origines, il convient de débouter Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

II.2.Sur la contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Pour infirmation du jugement, Mme [A] fait valoir que :

-alors que l'employeur est soumis à des obligations générales en terme de prévention des risques professionnels (information, formation, organisation) à travers divers documents (le document unique d'évaluation du risque professionnel (article R. 4121- 1), la fiche d'entreprise (articles D 4624 - 37), le rapport annuel d'activité du médecin du travail (D-4624-42), le recours à des intervenants en prévention du risque professionnel (article R4121-1), le dialogue avec le CHSCT, dont la consultation est obligatoire sur tout projet important susceptible de modifier les conditions d'hygiène de sécurité des travailleurs (article L. 4612-8), le rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail ainsi que le programme annuel de prévention des risques professionnels (L-4612-16 du Code du Travail), ou encore l'Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail en son article 2 : « Les incivilités contribuent à la dégradation des conditions de travail, notamment pour les salariés qui sont en relation quotidienne avec le public, et rendent difficile la vie en commun. Les entreprises qui laissent les incivilités s'installer, les banalisent et favorisent l'émergence d'actes plus graves de violence et de harcèlement. », les différents documents produits sont postérieurs aux agressions verbales à connotation raciste et d'incivilités de la part d'allocataires et aucune mesure n'a été mise en 'uvre pour prévenir de telles agressions ni faire en sorte qu'elles ne se renouvellent pas et cette banalisation a favorisé le comportement de Monsieur [G], collègue de Madame [A],

-plus précisément, Pôle Emploi n'a pris aucune mesure en terme de prévention des incivilités et des agressions externes à caractère raciste (absence d'information ou de mises en garde des usagers d'un service public sur de potentielles agressions des agents, pourtant simple et peu couteux à mettre en 'uvre) ; par ailleurs, s'agissant des mesures curatives, il aura fallu qu'elle soit confrontée à plusieurs situations de racisme, pour que son employeur procède à un retrait temporaire de ses activités, tout en lui demandant, à tort, d'améliorer son « attitude de service » et en lui proposant une formation sur la gestion de ses émotions, manière de lui faire porter la responsabilité de la situation et lui enjoindre de se taire lorsqu'elle est insultée ;

-s'agissant des agressions internes, en l'occurrence celle de M. [G], plutôt que de prendre la mesure de la gravité de l'événement, Pôle Emploi s'est employé à le minimiser, a sanctionné le comportement de son collège par un avertissement dérisoire alors qu'il s'agit d'une faute grave et qu'il n'a pas déposé plainte contre M. [G], alors, pourtant, que le document unique d'évaluation des risques produit rappelle que la réponse à apporter en cas d'agression consiste à « envoyer un courrier à l'auteur des faits »,

« déposer plainte » et « effectuer un rapprochement avec les instances officielles locales (police, gendarmerie ') ».

Pôle Emploi fait valoir en réplique qu'il a rempli son obligation de sécurité à l'égard de Mme [A] :

-en l'exonérant de ses tâches en contact avec le public durant deux mois puis en organisant une reprise progressive et en lui proposant une formation « Gestion des émotions et relations de service » (sa pièce n°60 : entretien d'évaluation : « [H] a vécu plusieurs situations de tension auprès des demandeurs d'emploi en ARCI et elle exprime un manque de soutien dans la gestion de ces situations. Des propositions lui ont été faites et ont été mises en place : « retrait » sur les activité sensibles telles que ARCI et AIC durant une période de 2 mois avec une reprise progressive. Il convient de travailler sur cet aspect du côté de l'ELD avec une vigilance particulière d'accompagner [H] dans la gestion des relations (formation validée sur la gestion des émotions. [H] de son côté est tout à fait consciente de la nécessité de travailler sur cet aspect dans le but d'éviter que ce type de situation se reproduise » ;

-après avoir entendu Mme [A] et M. [G], elle a sanctionné ce dernier par un avertissement, ce qui constituait la mesure adéquate au vu du contexte, M. [G] n'ayant pas à proprement parler proféré une insulte raciste, mais considéré que le propos raciste tenu par l'usager pouvait s'expliquer par l'attitude véhémente et agressive de Mme [A].

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail :

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

'Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels ;

2 Des actions d'information et de formation ;

3 La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

« L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code :

« L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1.Eviter les risques ;

2.Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3.Combattre les risques à la source ;

4.Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5.Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6.Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7.Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L.1152-1 et L. 1153-1 ;

8.Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9.Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Il lui est interdit de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

Il incombe à l'employeur de démontrer qu'il a effectivement pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité du salarié. Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Le salarié est tenu de démontrer la connaissance du risque par l'employeur, notamment en rapportant l'alerte émise sur le risque, sauf si cette connaissance est présumée. Ensuite, l'exigence probatoire est renversée. Il suffit au salarié d'alléguer la violation de l'obligation de sécurité sans avoir à la démontrer.

L'employeur qui tente de s'exonérer de sa responsabilité doit alors « justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail ». Le juge doit apprécier et analyser la rationalité, la pertinence et l'adéquation des mesures effectivement prises par l'employeur.

L'employeur est tenu d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité notamment en usant de son pouvoir disciplinaire, lequel n'est pas paralysé par l'obligation de sécurité en ce que l'engagement d'une procédure disciplinaire, même si elle affecte la santé psychologique du salarié, ne constitue pas en soi un manquement de l'employeur aux dispositions de l'article L 4121-1.

La responsabilité de l'employeur n'est en principe pas engagée pour les faits commis par un tiers à l'entreprise. Le risque résultant des relations avec la clientèle n'est toutefois pas totalement étranger à l'obligation de sécurité. L'employeur est tenu de veiller à ce que l'organisation de l'entreprise ne favorise pas les comportements violents des clients (en ce sens, Cass. Soc.18 janvier 2023, n°21-2295) et il manque à son obligation de sécurité lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements. Le résultat attendu de l'employeur est donc, en plus de la démonstration qu'il a fait cesser le trouble, la mise en oeuvre d'actions de prévention, d'information et de formation de nature à prévenir les risques d'atteinte à la santé et à la sécurité des salariés.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. Dans une telle hypothèse, le licenciement, même s'il est fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l'employeur ' étant rappelé qu'il incombe aux juges du fond de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement.

Pôle Emploi produit de très nombreux documents, notamment :

*la « Charte de la diversité » du 16 novembre 2011, qui a pour objet de témoigner de l'engagement de Pôle Emploi en faveur de la diversité culturelle, ethnique, sociale,

*le Plan de prévention des risques professionnels pour la région Bretagne pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 (le dernier recensant notamment les agressions subies par les agents, les suites judiciaires ou non qui y ont été données, la création d'un groupe de travail sur les mains courantes, le suivi des fiches de signalement'),

*la mise en place d'un module « lutter contre les discriminations et promouvoir la diversité » composé de 3 modules suivi par plusieurs dizaines d'agents en 2018,

*le Duer qui identifie précisément le risque d'agression qui mentionne les moyens de maîtrise suivants : « Afficher les recommandations de courtoisie dans les zones d'accueil, appliquer les consignes définies en cas d'agression, envoyer un courrier à l'auteur des faits et/ou dépôt de plainte selon les cas, réaliser une formation à la gestion des situations difficiles à l'accueil en fonction des besoins identifiés, diffuser le livret de sécurité Pôle Emploi ('),

*différentes affichettes placardées sur les murs des agences de Pôle Emploi

« En toutes circonstances, restons courtois », « Quel que soit le terrain, respectons les règles », « Quel que soit le souci, soyons polis », « Restons dans les limites et marquons un point », « Gardons notre calme, c'est la bonne posture » toutes les affiches comportant la mise en garde suivante : « Toute agression physique ou verbale envers le personnel de Pôle Emploi est passible de poursuites judiciaires (article 433-3 et 222-12 du code pénal) » ;

*le guide « Violences internes au travail » rappelant : « Si vous êtes victime », « Il ne vous est pas demandé de qualifier la forme de violence identifiée, mais de vous appuyer sur les faits, propos ou actes précis pour réagir. Dans tous les cas, un certain nombre d'acteurs sont là pour vous écouter ou vous conseiller (voir la liste des interlocuteurs concernés sur l'intranet). Voici quelques conseils à suivre : ne pas rester isoler, se protéger et se faire conseiller : prendre contact avec son supérieur hiérarchique quand c'est possible, le responsable des conditions de travail et santé au travail (') ; Que peut-il se passer ensuite : des mesures sont prises pour protéger la victime ; selon le niveau de gravité des faits, le manageur ou un acteur du service RH recevra en entretien les personnes concernées. En cas de besoin, il y aura une enquête pour analyser les faits. Un entretien de recadrage de l'agresseur est également envisageable. Le cas échéant une sanction disciplinaire adaptée sera prise à l'égard de l'auteur des violences (voir l'échelle de sanction sur l'intranet). Il est possible qu'il y ait ensuite une communication auprès des collègues soit pour souligner la gravité des faits, soit réhabiliter le collègue et souligner la gravité de la diffamation mais sans aborder les sanctions envisagées. » [pièce 54] ;

*l'Instruction du 26 mars 2015 « Prévention et gestion des violences internes à Pôle Emploi », recensant les actions de prévention à mettre en place (implication de la ligne managériale en prévention de façon à éviter les climats de travail tendus et favoriser une ambiance de travail sereine pour atténuer les risques de violences entre collaborateurs, la formation des acteurs, le travail en pluridisciplinarité, la sensibilisation et l'information, la mise en place d'espaces de dialogue) et définissant le processus de recueil et de traitement des alertes dans des termes identiques à ceux rappelés ci-dessus [pièce 55];

Pôle Emploi justifie en outre avoir pris les mesures suivantes :

$gt;avoir fait remonter l'information de l'agression verbale de Mme [A] par une demandeuse d'emploi à M. [X], directeur des ressources humaines, les 15 et 16 octobre 2015 : « (') J'ai reçu [H] la semaine dernière car elle avait alerté sa REP sur sa situation tant professionnelle que personnelle. Elle m'a fait part de son regret d'avoir quitté l'Ile-de-France, tant elle souffre en Bretagne d'un racisme primaire. Je lui ai demandé de me signaler systématiquement et de consigner dans le registre de sécurité toute attitude injurieuse.

Je lui ai confirmé la proposition faite par sa REP de tutorer une collègue en cours de CDFRG pour l'extraire de l'accueil pendant quelques temps, elle a décliné vendredi dernier cette opportunité. Une proposition de l'alléger de l'accueil durant quelques temps, avec ou sans prescription médicale, lui fut également proposé.

Il faudra à son retour envisager une prise en charge par le service social pour l'aider dans cette situation qui mêle étroitement professionnel et personnel. (') »

Reçue par sa hiérarchie, « (') Elle met en cause le manque d'écoute de l'ELD tout en admettant qu'il n'y a pas de solution pour prévenir les injures raciales dont elle est victime. Le problème dépasse le cadre professionnel, elle évoque, en effet, des agressions de ce type dans sa vie privée et ce, depuis qu'elle est en Bretagne (') », et sera ensuite déclarée apte par le Médecin du travail lors de la visite de reprise du 21 juin 2016 ;

$gt;à la suite de l'altercation entre M. [G] et Mme [A], le 30 septembre 2016, avoir appliqué l'instruction du 26 mars 2015 qui a défini les procédures pour le recueil et le traitement des alertes de violences internes au travail [ses pièces 54 et 55] et avoir procédé aux auditions respectives des protagonistes les 7 octobre 2016, avoir organisé une rencontre le 11 octobre 2016 avec M. [J], responsable des relations sociales et Mme [M], chargée des relations sociales, leur avoir proposé un temps d'échange individuel par courriel du 21 octobre 2016 ;

$gt;avoir adressé à Mme [A] le courriel suivant le 2 novembre 2016 : « Le 30 Septembre 2016 vous avez eu une altercation verbale avec Monsieur [T] [G]. Cette situation a fait l'objet, dans le cadre de notre procédure dite de violence interne, de différents échanges avec deux représentants du service RH. En effet, le 11 Octobre 2016, Monsieur [I] [J] (Responsable des Relations Sociales) et Madame [B] [M] (Chargée de Relations Sociales) se sont déplacés sur le site de [Localité 7] sud afin d'entendre chacune des parties, suite à cette situation de conflit. Lors de ces entretiens vous nous avez fait part de votre version des faits. Monsieur [G] en a fait autant, dans le cadre d'un entretien individuel. La situation semble avoir été la suivante :

Le 30 Septembre 2016 Monsieur [G] est en situation d'accueil de premier niveau et il reçoit dans ce cadre un demandeur d'emploi pour lequel il estime qu'une ouverture de droit est possible. Il l'oriente vers l'ARCI en expliquant qu'il va y avoir pour lui une ouverture de droits ». Lorsque vous recevez le demandeur d'emploi en ARCI vous calculez le nombre de jours de cotisations et vous n'obtenez pas le nombre nécessaire de jours pour une ouverture de droit. La situation se tend avec le demandeur d'emploi qui ne comprend pas un discours différent d'un agent à un autre. A l'occasion de votre pause, qui se déroule dans la même temporalité que celle de Monsieur [G], vous vous expliquez l'un avec l'autre. Vous demandez alors à Monsieur [G] de ne plus dire qu'il va y avoir une ouverture de droits, mais une étude des droits. Il n'est pas d'accord avec vous. Le ton reste maitrisé de part et d'autre. Pour autant, vous lui exprimez la difficulté dans laquelle votre discours met les agents GDD et les risques pour ceux-ci en ce qui concerne l'énervement des demandeurs d'emploi et ainsi le risque de "violences" qui en découle. Monsieur [G] vous dit alors que vous avez une attitude agressive avec les DE et il vous rappelle un épisode qui s'est déroulé il y a un an. Lors de cet évènement vous étiez à l'accueil et aviez expliqué à une demandeuse d'emploi les conditions d'ouverture de droits. La demandeuse d'emploi ne comprenant pas, le ton était monté et la demandeuse d'emploi avait alors prononcé à votre encontre, des propos racistes, par ailleurs totalement inacceptables. Lors de cette altercation du 30 septembre dernier, Monsieur [G] vous a rappelé les propos tenus par cette personne.

A l'issue de l'analyse réalisée par la Direction des Ressources Humaines, un retour vous a été fait en date du 24 Octobre 2016, à l'occasion duquel il vous a notamment été fait part des éléments suivants :

Les représentants de la Direction des Ressources Humaines vous ont expliqué, qu'après analyse des éléments en leur possession, il leur apparaissait que Monsieur [G] n'avait fait que rappeler les propos d'un demandeur d'emploi sans vouloir se les attribuer pour les prononcer à votre encontre. A ce titre, nous ne considérons pas que Monsieur [G] a tenu des propos racistes à votre égard.

Pour autant, il n'en demeure pas moins que ses propos étaient déplacés, volontairement blessants et que sa manière de s'exprimer au cours de cette altercation était inacceptable. En effet nous considérons que la reprise textuelle des propos de la demandeuse d'emploi lors de cette altercation était totalement inappropriée et aurait dû être évitée par Monsieur [G]. Nous lui avons indiqué cela au cours de son entretien et un courrier a été rédigé en ce sens qui prend la mesure de la nature des propos tenus.

Par la suite les représentants de la Direction des Ressources humaines vous ont rappelé que les propos de la demandeuse d'emploi exprimés à l'époque de cet évènement étaient totalement intolérables. Il s'agissait de propos racistes et blessants à l'encontre de votre personne et ce genre de propos ne doit aucunement rester sans conséquence.

Ces éléments ont fait l'objet d'un échange avec l'ELD afin de perfectionner la procédure existante face à ces situations.

Par ailleurs, le sujet de la réception des demandeurs d'emploi en accueil a été abordé lors de l'entretien du 24 Octobre 2016. En effet nous vous avons informée de notre demande auprès de Monsieur [G] d'utiliser dès maintenant et pour l'avenir la notion « d'étude de droit » et non pas « d'ouverture de droit » en présence des demandeurs d'emploi. En effet cette nuance dont vous nous avez fait part peut mettre en difficulté les collègues en ARCI si les conditions de l'ouverture de droit ne sont finalement pas réunies.

Face à ces explications, vous nous avez dit être en total désaccord avec notre appréciation des faits, considérant que Monsieur [G] avait tenu à votre endroit des propos racistes, et « avoir d'autres témoins » pour le prouver. Vous avez refusé de nous communiquer les noms de ces personnes, pourtant susceptibles d'éclairer le débat, afin de les « garder pour le tribunal ».

Comme nous vous l'avons affirmé le 24 octobre 2016 : la position que nous vous avons exprimée a été prise avec les éléments dont nous disposions.

Depuis cet entretien, vous avez quitté le jour même le site de [Localité 7] Sud expliquant que « vous ne pouviez continuer à travailler pour une société qui cautionne les propos racistes », propos que vous avez repris dans le SMS adressé à votre supérieur hiérarchique le 26 Octobre 2016.

Nous ne partageons pas davantage votre position selon laquelle vous vous trouviez dans une situation de danger grave et imminent pour votre vie ou votre santé le 24 octobre dernier. Vous êtes depuis lors en arrêt de travail pour maladie.

Nous vous invitons à votre retour à rencontrer la Direction des Ressources Humaines afin d'échanger à nouveau sur ces éléments et sur votre reprise afin que celle-ci se déroule pour le mieux. Nous vous invitions tout particulièrement d'ici là ou lors de ce prochain échange à nous apporter tout élément complémentaire dont nous n'aurions pas connaissance afin que nous puissions, le cas échéant, prendre les mesures complémentaires qui s'imposeraient. Dans cette perspective, M. [U] [Y], adjoint au Directeur des Ressources Humaines, se tient à votre disposition ».

$gt;avoir notifié un avertissement à M. [G] le 2 novembre 2016 dans les termes suivants : «(') A l'issue de l'analyse réalisée par la Direction des Ressources Humaines, un retour vous a été effectué le 24 Octobre 2016 et il vous a été fait part des éléments suivants :

La Direction des Ressources Humaines vous a affirmé avoir entendu votre position, à savoir que, ce 30 Septembre 2016, vous n'aviez aucunement souhaité tenir des propos racistes à l'encontre de Madame [A] et que vous n'aviez fait que rappeler les paroles de cette demandeuse d'emploi dans votre récit sans vouloir vous les attribuer. Pour autant, si nous avons bien entendu votre explication, nous vous avons rappelé lors de notre entretien que cette manière de s'exprimer n'était pas tolérable. En effet, comme nous vous l'avons indiqué vous n'auriez pas dû reprendre les propos de cette demandeuse d'emploi, ces propos présentant un caractère blessant à l'encontre de Madame [A]. Cette manière de vous exprimer a été vécue comme une provocation et comme une injure par Madame [A].

Ainsi, si nous ne retenons pas de volonté de tenir à son encontre des propos racistes, nous déplorons que vous ayez tenu volontairement de tels propos blessants et injurieux à l'encontre de votre collègue. En agissant ainsi, de manière provocatrice, vous lui avez manqué de respect et l'avez délibérément blessée.

Nous évoluons dans un milieu de travail commun, qui nécessite un savoir vivre ensemble pour travailler dans une ambiance sereine. Votre manière de vous exprimer envers vos collègues n'est pas tolérable. Ainsi, et pour avoir volontairement tenu à l'encontre de Madame [A] de tels propos, nous sommes contraints de prononcer à votre encontre un avertissement et ce, conformément à l'article 38 de la convention collective nationale.

Nous vous demandons d'adopter à l'avenir, un comportement adéquat en toutes circonstances et une manière de vous exprimer favorisant un dialogue constructif, dénué de toute provocation.

Par ailleurs et concernant la réception des demandeurs d'emploi en accueil : nous vous avons demandé d'utiliser dès maintenant et pour l'avenir la notion « d'étude de droit » et non pas « d'ouverture de droit » en présence des demandeurs d'emploi. En effet cette nuance peut mettre en difficulté les collègues en ARCI si les conditions de l'ouverture de droit n'étaient finalement pas réunies. Nous espérons voir cette situation s'apaiser et comptons sur votre professionnalisme pour être vigilant à l'avenir, sur ces points d'amélioration indispensables».

Il ne peut être reproché à Pôle Emploi de n'avoir pas pu ou su éviter le risque d'agressions verbales à caractère raciste concernant Mme [A], qui s'est matérialisé à au moins deux reprises, dès lors qu'il justifie avoir mis en place des mesures de préventions nombreuses et adéquates (telles que répertoriées notamment dans le Duer) et avoir réagi rapidement pour protéger la salariée conformément au protocole défini dans l'Instruction du 26 mars 2015, en recueillant ses doléances, en recadrant la demandeuse d'emploi fautive, en organisant son retrait temporaire de ses activités en contact direct avec le public en 2015, en menant une enquête puis en convoquant et en sanctionnant sans délai (en moins de 6 semaines) le collègue auteur de la remarque à connotation raciste de manière à éviter toute réitération (sans qu'il puisse être reproché à Pôle Emploi de n'avoir pas licencié l'intéressé pour faute grave), puis en proposant à la salariée victime un accompagnement dont elle ne s'est pas saisie.

Par ailleurs, Mme [A] n'est pas fondée à reprocher à Pôle Emploi de n'avoir pas porté plainte contre M. [G], alors qu'elle ne l'a pas fait elle-même (le document « Je dépose plainte en cas d'agression » [pièce n°78] rappelle à cet égard et à juste titre que « Seule la victime peut déposer plainte ; ainsi Pôle Emploi ne peut déposer plainte à la place du collaborateur victime d'une agression. Pour pouvoir déposer plainte, Pôle Emploi devra démontrer un préjudice propre, distinct de celui du collaborateur. Le collaborateur ne peut se faire accompagner par un membre de l'ELD lors de son dépôt de plainte à titre personnel. »)

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [A] de sa demande en dommages et intérêts et déclaré non fondée sa demande tendant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

III.Sur le respect de l'obligation de reclassement :

L'article L1226-2 du code du travail dispose :

'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.(...)

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

L'article L1226-2-1 du même code dispose :

'Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre'.

La recherche de reclassement doit être sincère et loyale et la proposition de reclassement de l'employeur doit être précise et contenir la qualification du poste, les horaires de travail et la rémunération.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II d.

u titre III.

L'employeur doit recueillir l'avis du CSE s'il existe, après lui avoir fourni toutes les informations nécessaires quant à l'état de santé du salarié et la recherche de son reclassement, y compris les conclusions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié, pour lui permettre de fournir un avis en toute connaissance de cause, qui ait un effet utile : à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L1226-2 du code du travail, l'avis des délégués du personnel est préalable à la proposition de reclassement qui doit être faite par l'employeur et qui prend en compte tout à la fois les conclusions du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Cependant, lorsque l'avis a été recueilli alors que des offres de reclassement avaient déjà été transmises au salarié, l'obligation de consultation est satisfaite dès lors qu'un poste a de nouveau été proposé au salarié après la consultation des élus (en ce sens, Cass. soc., 15 janv. 2020, nº 18-24.328 D).

En l'espèce, pour soutenir que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dont elle a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse, Mme [A] invoque successivement que les propositions de poste n'ont pas été exhaustives, qu'elles n'ont pas été soumises au CSE avant de lui être transmises, qu'aucune nouvelle offre ne lui a été proposée après la consultation du CSE le 9 janvier 2018, qu'alors qu'elle reprochait aux propositions de reclassement sur un poste de gestion des droits et sur un poste de gestionnaire de recouvrement de n'être pas conformes aux préconisations du médecin du travail, l'employeur s'est abstenu de réinterroger le médecin du travail, qu'aucune formation n'a été envisagée pour la reclasser et que seules des mutations (5) lui ont été proposées.

En l'espèce, sont versés aux débats les éléments suivants :

$gt;l'avis du médecin du travail du 30 août 2017 qui indique que l'état de santé de Mme [A] « est incompatible avec une reprise de son poste de travail et nécessite un changement d'affectation sans contact avec le public, à distance de la Bretagne, l'Ile de France conviendrait » ;

$gt;le second avis du médecin du travail, du 5 septembre 2017 qui précise : « Inapte à son poste de travail » et reprend les termes de l'avis précédent, ajoutant : « En Ile de France de préférence, pas de reclassement en Bretagne ; étude du poste de travail le 1er septembre 2017 ; échanges avec l'employeur : 30 août, 31 août et 1er septembre 2017 » ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi à Mme [A] du 18 septembre 2017 l'informant que la DRH met en 'uvre la procédure nécessaire suite à la décision du médecin du travail et lui communiquant les coordonnées de Mme [M], chargée de relations sociales ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi au médecin du travail du 20 septembre 2017 lui précisant que « la très grande majorité des postes nécessite un contact, même restreint avec le public (') Nous vous contactons afin d'obtenir toute précision complémentaire nous permettant d'envisager au mieux les recherches de reclassement pour Mme [A] (') Nous souhaitons savoir si cette absence de contact est essentielle et si certaines conditions favorables pourraient permettre éventuellement ce contact (agence de taille limitée') Dans le cas contraire, nous avons bien noté que l'Ile de France était une « préférence » (') et nous étendrons nos recherches à l'intégralité de nos établissements en France où la problématique de travail en agence se posera néanmoins de la même manière » ;

$gt;la réponse du médecin du travail du 10 octobre 2017 : « En réponse à vos propositions de reclassement pour Mme [A], je vous confirme son aptitude à occuper un poste sans contact avec le public : les postes dits « de structures » peuvent convenir, avec, si besoin, une formation adaptée (') » ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi au médecin du travail du 13 novembre 2017 : « Deux postes nous semblent correspondre aux préconisations faites par vos soins : un poste de gestionnaire du recouvrement basé à Pôle Emploi Services et un poste de gestion des droits, tous les deux basés à [Localité 4] (92) ; ces deux postes ne sont pas des postes en agence mais bien en structure. Tous les contacts nécessaires se font donc uniquement par téléphone, évitant ainsi tout contact physique avec les demandeurs d'emploi. Pour que vous ayez une idée plus précise des attendus de ces postes, vous trouverez en pièce jointe les fiches emplois associées. Par ailleurs, nous avons identifié deux autres postes : un poste de conception et intégration de l'offre de service basé à la Réunion et un poste de gestion de projet-support aux opérations basé à la Martinique. Nous souhaitons également recueillir votre avis sur ces postes envisageables ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi à Mme [A] du 10 novembre 2017 proposant les 4 postes mentionnés ci-dessus accompagnés de leur fiche descriptive avec les activités exercées, les missions et responsabilités et les informations nécessaires à la prise de décision (coefficient, lieu d'exercice'), lui impartissant un délai jusqu'au 20 novembre pour faire connaître sa position et lui indiquant qu'en cas de refus, il serait contraint d'envisager la rupture du contrat de travail ;

$gt;un courrier de Mme [A] du 14 novembre 2017 dans lequel elle fait valoir que les propositions de poste à [Localité 4] ne respectent pas les recommandations du médecin du travail qui a voulu écarter tout le stress engendré par des relations avec le public, qu'elles soient physiques ou non ; or « que ces agressions soient faites face à face ou par téléphone, elles génèrent un stress indubitable », que les deux autres postes sont très éloignés et qu'aucune formation n'est évoquée, la piste de mutations étant seule explorée, alors qu'elle est intéressée par les postes liés à la communication ou au juridique ; elle ajoutait avoir sollicité la reconnaissance de son accident du travail et avoir saisi à cette fin la commission de recours amiable de la CPAM ;

$gt;un courrier du médecin du travail à Pôle Emploi du 15 novembre 2017 ainsi libellé : « En réponse à vos propositions de poste pour Mme [A], je retiens en priorité le poste Gestion de recouvrement à [Localité 4] (92). Le poste gestion des droits nécessite une relation avec les demandeurs d'emploi et risque de poser problème à Mme [A]. Quant aux deux autres postes, si le contenu convient, la situation géographique ne répond pas aux propositions. Toutefois, si les destinations sont acceptées par Mme [A], l'activité est compatible » ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi à Mme [A] du 27 novembre 2017 qui rappelle les différents échanges et conclut : « Nous sommes donc particulièrement surpris de votre refus, surtout concernant le poste de gestionnaire de recouvrement, totalement compatible avec la préconisation médicale, votre état de santé et vos capacités professionnelles. Nous poursuivons néanmoins nos recherches sur d'autres postes éventuels qui pourraient s'ouvrir et correspondre tant aux préconisations du médecin du travail qu'à vos aptitudes professionnelles étant précisé qu'aucune disposition légale ne nous impose de vous dispenser une formation initiale dans un domaine ne relevant pas de vos compétences » ;

$gt;trois courriels de Pôle Emploi des 4, 8 et 22 décembre 2017 adressés aux différents directeurs régionaux adjoints en charge de la performance sociale de chaque région leur demandant d'effectuer les recherches adéquates de postes de reclassement pour Mme [A] conformes aux préconisations du médecin du travail et précisant : « Mme nous a informés lors de ses derniers courriers être très intéressée par un changement d'orientation en lien avec la communication ou le juridique » [en annexe le CV de Mme [A]], et les réponses négatives tout au long des mois de décembre 2017 et janvier 2018 des 11 destinataires ;

$gt;la convocation des délégués du personnel du 4 janvier 2018 pour le 9 janvier 2018 aux fins de consultation sur la procédure de reclassement en cours pour Mme [H] [A] ;

$gt;le compte-rendu de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 10 janvier 2018 qui reprend l'intégralité des démarches évoquées ci-dessus et indique : « Face à ce refus de Mme [A] de postes pourtant compatibles, l'établissement a fait le choix d'enclencher de nouvelles recherches, sollicitant les directeurs régionaux adjoints en charge de la performance sociale de chaque région afin qu'ils étudient de près la situation de Mme [A] et qu'ils indiquent si un poste actuel ou à venir pourrait correspondre aux préconisations médicales, à ses aptitudes professionnelles voir à son souhait de réorientation (communication ou juridique). Lors de ces échanges, les DRAPS/DRH n'ont pas pu identifier de poste compatible avec les activités actuelles de Mme [A] et en lien avec les préconisations médicales. En Ile de France, notamment, à ce jour, aucun poste compatible avec les préconisations médicales et les compétences de Mme [A] n'a été identifié. Les délégués du personnel étaient consultés ce jour afin d'envisager la poursuite de la procédure et notamment de se prononcer sur une éventuelle nouvelle proposition de reclassement à Mme [A]. Suite à de nombreux échanges avec la Direction, il a été décidé à l'unanimité de poursuivre la procédure et de proposer à Mme [A] le poste suivant : Poste de gestionnaire RH-Formation, poste basé à [Localité 6], région grand Est. » Suivent les signatures de 13 délégués du personnel et du représentant du directeur régional.

$gt;la proposition de ce poste à Mme [A] par courriel daté du 11 janvier 2018 avec la fiche de poste, doublé d'un courrier par LRAR du 10 janvier 2018 précisant que « ce poste ne nécessite pas de formation initiale dans le domaine des ressources humaines. Aussi nous pensons que vos compétences professionnelles ainsi qu'un parcours de formation en interne vous permettraient de mener à bien les activités de ce poste. En amont de ce courrier, nous avons eu un contact téléphonique avec le médecin du travail qui nous a confirmé que le contenu du poste correspondait à ses préconisations [ce que le médecin du travail confirmera par écrit le 17 janvier 2018]. Quant à l'emplacement géographique, le docteur nous a indiqué laisser ce choix à votre main » ; un délai de réponse jusqu'au 16 janvier 2018 lui était imparti ;

$gt;un courrier de Pôle Emploi du 17 janvier 2018 en réponse à un courrier de la veille de Mme [A], exposant qu'il ne s'agit pas d'un poste inférieur à celui qu'elle occupe actuellement, que si le poste est ouvert au coefficient 170, cela signifie que tous les agents de Pôle Emploi qui ont ce coefficient ou au-delà peuvent postuler à cette annonce, qu'étant positionné à 210 actuellement, son coefficient ne changerait pas et que son salaire brut était garanti et que son évolution sera similaire au poste actuellement occupé ;

$gt;le refus de Mme [A] du nouveau poste proposé par courrier du 19 janvier 2018.

$gt;le courrier de Pôle Emploi du 29 janvier 2018 l'informant de l'engagement d'une procédure de licenciement faute de pouvoir identifier d'autres solutions de reclassement ;

$gt;la convocation du 9 février 2018 à l'entretien préalable du 16 mars 2018.

$gt;le courriel de Mme [A] du 1er mars 2018 informant Mme [M] qu'elle ne se rendrait pas à l'entretien préalable pour raisons médicales (certificat médical du Dr [N] du 1er mars 2018 à l'appui) ;

$gt;le courrier du 23 mars 2018 de Pôle Emploi notifié à Mme [A] expliquant que du fait de l'avis d'inaptitude, des refus opposés aux 5 propositions de reclassement et devant l'impossibilité de la reclasser, il était procédé à son licenciement.

Il s'en déduit, contrairement à ce que soutient Mme [A] que :

$gt;Pôle Emploi a scrupuleusement respecté les préconisations du médecin du travail en proposant des postes dans lesquels les contacts avec le public étaient sinon inexistants (physiquement), du moins limités (téléphone, courriels) et a systématiquement associé le médecin du travail aux recherches de reclassement ;

$gt;une nouvelle offre de reclassement lui a été proposée le 11 janvier 2018, soit après la consultation des délégués du personnel, de sorte que l'obligation de consultation a été satisfaite ;

$gt;Mme [A] s'est vue proposer des postes outre-mer (poste de gestion de projet-support aux opérations et poste de conception et intégration de l'offre de service) avec accompagnement et formation à la clef.

En définitive, Pôle Emploi a procédé à une recherche sérieuse et loyale d'un poste de reclassement.

Dès lors, le licenciement de Mme [A] qui a répondu par la négative aux propositions de reclassement et ne s'est pas présentée à l'entretien préalable, confirmant ainsi son refus, reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit fondé le licenciement pour inaptitude de Mme [A] et débouté la salariée de ses demandes indemnitaires subséquentes.

IV.Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [A] et sa connaissance par l'employeur :

En vertu des articles L 1226-7 et suivants du code du travail, les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficient d'une protection particulière dans leurs rapports avec l'employeur au service duquel est survenu l'accident ou a été contractée la maladie.

Dans le cas d'une inaptitude d'origine professionnelle, l'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail ouvre droit au profit du salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9 du code du travail.

Cette protection joue, dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Le droit du travail étant autonome par rapport au droit de la sécurité sociale, l'application de ces dispositions protectrices n'est pas liée à la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie par un organisme de sécurité sociale. Ainsi, la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels d'un accident ou d'une maladie ne constitue qu'un élément de preuve parmi d'autres laissés à l'appréciation du juge prud'homal auquel il appartient de rechercher lui-même l'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle. Dans le même sens, une décision de refus de prise en charge ou d'inopposabilité d'une décision de prise en charge ne suffit pas davantage à écarter ce lien de causalité.

Il appartient donc aux juges de rechercher eux-mêmes l'existence du lien de causalité et la connaissance qu'avait l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie.

Pour infirmation du jugement, Pôle Emploi fait valoir que la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré le 25 octobre 2016, de sorte qu'il n'existe aucun lien entre les conditions de travail de Mme [A] et son licenciement.

Mme [A] soutient que son inaptitude a incontestablement une origine professionnelle, ce qui se déduit à la fois des circonstances qui ont présidé à son arrêt de travail et du fait que le médecin du travail a préconisé un poste sans lien avec le public.

Il est acquis aux débats que :

$gt;Mme [A] a été victime de deux agressions verbales à connotation raciste, le 14 septembre 2015, par une demandeuse d'emploi qui l'a traitée de « Sale négresse » et le 30 septembre 2016, par un collègue de travail, M. [T] [G], qui a déclaré que les propos de la demandeuse d'emploi étaient justifiés ;

$gt;Pôle Emploi a été informé de ces deux agressions verbales ;

$gt;Pôle Emploi a complété une déclaration d'accident du travail le 25 octobre 2016 en mentionnant : « en pause. Agressivité verbale d'un collègue » [M. [G]], pour un accident indiqué comme survenu le 30 septembre 2016 à 15h00, et a ensuite transmis la déclaration à l'organisme social ;

$gt;un certificat médical initial a été établi le 26 octobre 2016 faisant état des éléments suivants : « Angoisse, pleurs, troubles du sommeil secondaire à 'des insultes racistes de la part d'un collègue' selon les propos de la patiente » et renvoyant à un accident du travail en date du 30 septembre 2016.

$gt;une enquête a été réalisée par un inspecteur assermenté de la CPAM d'Ille-et-Vilaine qui a déposé son rapport le 13 janvier 2017 ;

$gt;par courrier du 8 février 2017, la CPAM d'Ille-et-Vilaine à notifié à Mme [A] un refus de prise en charge de l'accident déclaré au titre de la législation sur les risques professionnels au motif que « les événements qui se sont déroulés le 30/09/2016 ne peuvent être qualifiés de fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail » ;

$gt;Pôle Emploi a mené une enquête interne à l'automne 2017 au cours de laquelle elle a entendu Mme [A] et M. [G], et a sanctionné ce dernier en prononçant un avertissement pour les propos qu'il avait tenus à l'égard de Mme [A] ;

$gt;Mme [A] s'est vue prescrire un arrêt de travail à compter du 25 octobre 2016, arrêt qui a été renouvelé sans discontinuer jusqu'à son licenciement, le 23 mars 2018 ;

$gt;le médecin du travail a déclaré Mme [A] inapte à son poste le 5 septembre 2017 en ces termes : l'état de santé de Mme [A] « est incompatible avec une reprise de son poste de travail et nécessite un changement d'affectation sans contact avec le public, à distance de la Bretagne, l'Ile de France conviendrait».

Il en découle que, quand bien même la CPAM d'Ille-et-Vilaine a refusé de prendre en charge l'accident du 30 septembre 2016 déclaré le 25 octobre 2016 au titre de la législation professionnelle, l'inaptitude de Mme [A] résulte au moins partiellement des agressions verbales dont elle a été victime les 14 septembre 2015 et 30 septembre 2016, l'employeur ayant eu connaissance de ces événements qui se sont déroulés au temps et au lieu du travail et ont conduit à une déclaration d'inaptitude, de sorte que l'origine professionnelle de la dite inaptitude est caractérisée.

Le jugement est confirmé ainsi que les montants alloués sur le fondement de l'article L1226-14 du code du travail, que Pôle Emploi ne critique pas dans le cadre d'un subsidiaire.

Mme [A] succombant en son appel doit supporter les dépens. Par voie de conséquence, elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à Pôle Emploi la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 24 juin 2021 ;

Déboute Mme [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Pôle Emploi de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [A] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/04510
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.04510 ?
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