La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°21/03313

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 04 juillet 2024, 21/03313


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°301/2024



N° RG 21/03313 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RVXF













Mme [I] [G]



C/



S.A.S. REGINEENNE DE DISTRIBUTION - SOREDIS [8]















Copie exécutoire délivrée

le :04/072024



à :Me MARLOT

Me LE GAGNE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024


r>

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°301/2024

N° RG 21/03313 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RVXF

Mme [I] [G]

C/

S.A.S. REGINEENNE DE DISTRIBUTION - SOREDIS [8]

Copie exécutoire délivrée

le :04/072024

à :Me MARLOT

Me LE GAGNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Avril 2024 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [X] [E], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 27 Juin 2024

****

APPELANTE :

Madame [I] [G]

née le 04 Juillet 1999 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me BRIAUD, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 352380022021007709 du 25/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

S.A.S. REGINEENNE DE DISTRIBUTION - SOREDIS [8]

[Adresse 6]'

[Localité 2]

Représentée par Me Florence LE GAGNE de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substituée par Me BOIVIN-GOSSELIN, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Regineenne de distribution Soredis exploite une grande surface à prédominance alimentaire sous l'enseigne [8] à [Localité 2]( 22). Elle emploie plus de 11 salariés (73 au 31 décembre 2018) et applique la convention collective du commerce de détail à prédominance alimentaire.

Le 5 juillet 2019, Mme [I] [G] a été embauchée pendant la saison 2019 jusqu'au 31 août 2019 en qualité d'employée commerciale par la SAS Regineenne de distribution Soredis, moyennant un salaire de 1 597,27 euros brut par mois à temps complet.

Parallèlement, sa soeur, Mme [W] [G], a été recrutée dans les mêmes conditions.

A compter du lundi 12 août 2019, Mme [G] partie en voyage à l'étranger avec sa soeur n'a pas repris son poste de travail avant le terme du contrat fixé au 31 août.

L'employeur a adressé une mise en demeure de justifier de son absence suivant courrier recommandé du 16 août, resté sans réponse.

La SAS Regineenne de distribution Soredis [8] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc par requête du 16 septembre 2019 afin de voir dire que Mme [G] a rompu avec anticipation et sans cause légitime son contrat de travail et la condamner au paiement de la somme de 875 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de procédure.

Mme [G] s'est opposée aux demandes de son ancien employeur au motif que la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est intervenue d'un commun accord entre les parties.

A titre infiniment subsidiaire, elle a demande de limiter le montant des dommages et intérêts pouvant être alloués à la SAS Regineenne de distribution Soredis à l'euro symbolique ;

Elle a sollicité à titre reconventionnel:

- le paiement du solde de tout compte : 745,48 euros

- la délivrance du bulletin de salaire du mois d'août, sous astreinte, des documents de fin de contrat sous astreinte;

- le paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 29 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc a :

- Dit que Mme [G] a rompu avec anticipation son contrat de travail à durée déterminée sans se prévaloir d'une cause légitime.

- Condamné Mme [G] à payer à la SAS Regineenne de distribution Soredis:

- la somme de 700 euros au titre de dommages-intérêts

- la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la SAS Regineenne de distribution Soredis à verser à Mme [G] la somme de 745,48 euros au titre du solde de tout compte ;

- Ordonné à la SAS Regineenne de distribution Soredis la remise :

- du bulletin de salaire du mois d'août 2019 ;

- des documents de fin de contrat, attestation Pôle Emploi, certificat de travail et solde de tout compte

- Débouté Mme [G] de ses autres demandes.

- Laissé les dépens de l'instance à la charge de Mme [G] y compris les frais d'exécution

***

Mme [G] a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 31 mai 2021.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 août 2021, Mme [I] [G] demande à la cour de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que Mme [G] a rompu avec anticipation son contrat de travail à durée déterminée sans se prévaloir d'une cause légitime.

- Condamné Mme [G] au paiement de la somme de 700 euros au titre de dommages-intérêts à la SAS Regineenne de distribution Soredis.

- Condamné Mme [G] au paiement de la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté Mme [G] de sa demande de paiement de la somme de 9 127,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- Débouté Mme [G] de sa demande de paiement de la somme de 2 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

- Débouté Mme [G] de sa demande de paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Laissé les dépens de l'instance à la charge de Mme [G] y compris les frais d'exécution.

Statuant à nouveau et y additant :

A titre principal :

- Juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée est une rupture du CDD d'un commun accord entre les parties ;

- Débouter la SAS Regineenne de distribution Soredis de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire :

- Limiter le montant des dommages-intérêts pouvant être alloués à la SAS Regineenne de distribution Soredis à l'euro symbolique.

En tout état de cause :

- Condamner la SAS Regineenne de distribution Soredis à lui verser :

- 2 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

- 9 127,50 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure prud'homale.

- Condamner la SAS Regineenne de distribution Soredis à verser à Me [S] la somme de 2 000 euros au titre du paragraphe 2° de l'article 700 du code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle.

- Condamner la SAS Regineenne de distribution Soredis aux entiers dépens.

- Confirmer le jugement pour le surplus.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 novembre 2021, la SAS Regineenne de distribution Soredis [8] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement dont appel.

- Débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Y additant, la condamner au paiement de la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux entiers dépens y compris d'exécution.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 mars 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 2 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée

L'article L 1243-1 alinéa 1 du code du travail prévoit que saufd accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave , de force majeure ou d'inaptitude constatée par la médecin du travail.

L'article L 1243-2 alinéa 1er du même code prévoit une dérogation en cas de rupture anticipée sur l'initiative du salarié lorsque celui-ci justifie de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.

Mme [G] maintient que la rupture anticipée a bien été convenue d'un commun accord avec la société Soredis après qu'elle lui a transmis le 9 août 2019 le justificatif de sa réservation d'un vol aérien le 11 août suivant et que l'employeur n'a manifesté aucune opposition à son message. Elle considère que l'employeur est de mauvaise foi lorsqu'il a attendu qu'elle ait quitté la France pour lui adresser des mises en demeure. Elle explique avoir averti son employeur au début du mois d'août qu'elle voulait rompre le contrat de travail pour se rendre en compagnie de sa soeur à une réunion familiale à [Localité 9] en Lituanie le 11 août, l'achat du billet d'avion étant financé par leur grand-père.

L'employeur soutient que la salariée ne justifie d'aucune cause légitime de rupture anticipée de son CDD, ni d'une faute grave de la société, d'un cas de force majeure ou d'un accord des parties; qu'il ne peut pas être déduit des courriels de la salariée que l'employeur avait manifesté son accord clair et non équivoque à la demande de rupture anticipée de Mme [G]. Rappelant que la formalisation d'une acceptation d'une rupture anticipée se fait toujours par écrit, la société observe que la salariée lui avait promis de lui transmettre la facture de ses billets d'avion pour justifier de la date d'achat mais qu'elle ne l'avait jamais fait.

Il résulte des pièces produites que :

- Mme [W] [G], soeur de la salariée, a transmis le 5 août 2019 au service administratif de la société Soredis en joignant une copie d'écran de la réservation des places d'avion pour les deux soeurs en partance le dimanche 11 août 2019 vers [Localité 9] ( Lituanie).

- le service administratif lui a répondu le 9 août ( 10h05)' afin de finaliser votre dossier, merci de nous faire parvenir une facture des billets d'avion. Sans cela, le dossier ne pourra pas être conforme. Dans l'attente'

- Mme [G] lui a transmis en soirée ( 21h06) les billets d'embarquement d'avion à partir de l'aéroport de [Localité 4] à 19h30 le 11 août vers [Localité 9].

- l'employeur a adressé une mise en demeure le 16 août 2019 à la salariée après avoir constaté son absence non justifiée sous 48 heures à son poste de travail depuis le lundi 12 août 2019.

Mme [G], sur laquelle repose la charge de la preuve de l'accord des parties pour justifier la rupture anticipée de son contrat de travail, ne produit aucune demande formalisée par écrit auprès de son employeur. Il ne résulte pas des termes des courriels échangés les 5 août et 9 août 2019 avec le service administratif de la société Soredis, que les parties aient convenu des modalités du départ anticipé de la salariée de l'entreprise. En tout état de cause, le message de la société Soredis du 9 août 2019, sollicitant la transmission de justificatifs précis, ne peut pas s'interpréter comme l'expression d'un accord, clair et non équivoque, de l'employeur à une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée à effet du 12 août 2019.

Faute de rapporter la preuve de l'accord allégué, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que Mme [G] avait rompu sans motif légitime son contrat de travail à durée déterminée avant la fin du terme fixé au 31 août 2019.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail

Mme [G] conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts de la société Soredis faute de justifier de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité avec le départ anticipé de la salariée et subsidiairement, elle propose de limiter l'indemnisation à l'euro symbolique.

La société Soredis demande la confirmation du jugement qui a évalué à la somme de 700 euros les dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail. Elle explique que l'entreprise dont l'activité est la plus forte en août, ce qui nécessite le recours à des saisonniers, a subi un préjudice au regard de la désorganisation des équipes commerciales en ce que Mme [I] [G] était affectée au rayon charcuterie au sein duquel elle travaillait en binôme, que son collègue s'est retrouvé seul d'où un service moins efficace et une perte de chiffre d'affaire.

L'article L 1243-3 du code du travail prévoit que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative du salarié en dehors des cas prévus aux articles L 1243-1 et L 1243-2 ouvre droit pour l'employeur à des dommages et intérêts correspondants au préjudice subi.

La société Soredis verse aux débats:

- l'attestation de l'expert-comptable certifiant que le magasin a réalisé au mois d'août 2019 un chiffre d'affaires de plus de 5,2 Keuros, le plus important réalisé au cours de l'année ( 17,2 % du chiffre d'affaires annuel)

- l'attestation de M.[U] employé commercial chargé du rayon charcuterie libre service expliquant que 'le départ de Mme [I] [G] durant la plus grosse semaine de l'été a été compliqué pour moi', malgré l'aide en urgence d'une autre salariée venue d'un autre rayon poissonnerie, sans formation préalable contrairement à Mme [G] déjà opérationnelle à l'issue d'une formation de plusieurs jours début juillet lorsque l'affluence est moins forte.

Mme [G] tente de discréditer le témoignage de M.[U] au travers de l'attestation de M. [K], saisonnier durant l'été 2019 selon lequel ' il semblerait qu'il y ait toujours eu des salariés aux postes de [W] et [I] [G]'. La pertinence de ce témoignage, outre le fait qu'il emploie le mode conditionnel, est remise en cause par le poste de travail occupé par M.[K] à l'opposé de celui de Mme [G], au regard de la taille du magasin avec une surface commerciale de près de 4 000 m², et de ses plages horaires de travail distinctes de celles de Mme [G].

A l'inverse, le témoignage de M.[U] travaillant en binôme avec Mme [G] et ayant dû former dans l'urgence une remplaçante venant d'un autre rayon est plus crédible quant aux difficultés rencontrées dans son rayon en période de forte activité commerciale après le départ non programmé de Mme [G] à son poste de travail.

Au vu des pièces produites et au regard du départ précipité de la salariée en pleine saison estivale, les premiers juges ont évalué à juste titre le préjudice subi par l'employeur à la somme de 700 euros que la salariée devra régler à la société Soredis à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail et sans motif légitime. Le jugement sera donc confirmé.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [G] maintient sa demande reconventionnelle, dont elle a été déboutée par les premiers juges, de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, au motif que :

- elle n'a pas reçu à l'échéance du contrat de travail le paiement de son salaire du mois d'août 2019, ni ses documents de fin de contrat,

- l'employeur a transmis les documents à une adresse saisonnière à [Localité 5] et ne les avait pas réexpédiés à l'adresse de ses parents à [Localité 3], qu'il connaissait parfaitement et qui figurait sur le contrat de travail.

- il aurait dû effectuer un virement bancaire du salaire au lieu d'établir un chèque pour le mois d'août 2019, jamais parvenu.

- la société a agi ainsi en représailles du comportement de la salariée.

- elle a finalement demandé le paiement de son salaire d'août 2019 devant le conseil de prud'hommes qui a fait droit à sa demande.

La société Soredis s'oppose à la demande indemnitaire de la salariée dans la mesure où les allégations de Mme [G] sont erronées : en effet, l'employeur lui a transmis en recommandé le 13 septembre 2019 le chèque de 590,12 euros correspondant aux jours travaillés en août 2019 ( du 1er au 11 août), ainsi que tous les documents de fin de contrat; que la salariée bien qu'avisée n'a jamais réclamé ce pli et ne peut pas invoquer sa propre inertie alors que les documents sont quérables et non portables. La société ajoute qu'elle a rempli et adressé l'attestation destinée à Pôle Emploi et payé les charges sociales relatives au salaire d'août 2019 de Mme [G] auprès de l'Urssaf. Elle conteste avoir expédié de manière intentionnelle les documents de fin de contrat à une adresse erronée à [Localité 5], dès lors que cette adresse lui avait été communiquée en début de contrat par la salariée qui ne démontre pas qu'il s'agissait d'une adresse saisonnière de simple location.

Lors de la rupture ou la fin d'un contrat de travail, l'employeur est tenu de remettre au salarié plusieurs documents, à savoir : le certificat de travail,le reçu pour solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi.

S'agissant de documents quérables et non portables, l'employeur n'a aucune obligation légale de les adresser au salarié par la voie postale. Sa seule obligation est de les tenir à disposition du salarié qui doit venir les chercher au siège de l'entreprise. Il lui appartient ainsi d'informer le salarié par tout moyen des modalités de la mise à disposition des documents à l'expiration du contrat de travail, pour que le salarié puisse venir les chercher.

Enfin, la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur.

Il ne fait pas débat que la société Soredis a procédé au règlement du solde de tout compte intégrant le salaire du mois d'août 2019 de 745,48 euros brut, soit 590,12 euros net, en exécution du jugement du 29 avril 2021.

Pour justifier du retard de transmission des documents de fin de contrat, la société Soredis démontre qu'elle a adressé à Mme [G] par courrier recommandé daté du 13 septembre 2019 au terme du contrat de travail les documents en cause accompagné du chèque de 590,12 euros correspondant au salaire du mois d'août 2019 et que le courrier lui est revenu avec la mention ' non réclamé'.

La société Soredis ne fournit toutefois aucune explication cohérente sur le fait qu'elle a expédié les documents à une adresse (à [Localité 5] ) distincte de celle figurant tant sur le contrat de travail ( à [Localité 3]) que sur les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat.

Dès lors que le courrier lui est revenu avec la mention ' Pli avisé et non réclamé', il appartenait à l'employeur d'informer par tout moyen Mme [G] sur les modalités de mise à disposition des documents de fin de contrat, soit par voie postale à l'adresse figurant sur les documents contractuels dont il ne ressort pas qu'il s'agissait d'une adresse erronée, soit par voie de messagerie, déjà utilisée par le service administratif dans ses contacts avec la soeur de la salariée. La société Soredis ne démontrant pas avoir satisfait à son obligation d'information a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par ailleurs, l'employeur a tardé à régulariser le salaire du mois d'août 2019 ( 590,12 euros), après que le courrier destiné à la salariée le 13 septembre 2019 lui ait été retourné avec le chèque non encaissé. Peu importe que la salariée ne justifie d'aucune démarche avant les conclusions de son conseil du 10 juin 2020 devant la juridiction prud'homale pour réclamer le solde de tout compte, il appartenait à l'employeur d'informer la salariée des modalités de mise à disposition du chèque correspondant au salaire du mois d'août 2019 et de justifier des diligences entreprises ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

L'absence d'information de la salariée sur les modalités de mise à disposition des documents de fin de contrat et du salaire du mois d'août 2019 caractérise un manquement de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail et justifie sa condamnation au paiement de la somme de 700 euros en réparation du préjudice subi par la salariée .

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221-5 du code du travail dispose : est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

...2°- de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglémentaire , ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre Iidu livre I de la troisième partie.'

Selon l'article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 du même code a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire.

Comme l'a justement retenu le conseil des prud'hommes, la société Soredis a régulièrement procédé à la déclaration d'embauche de la salariée le 25 mai 2019, régularisé le contrat de travail saisonnier le 5 juillet 2019, établi les bulletins de salaire des mois de juillet et août 2019 et procédé au paiement des charges sociales correspondantes. Elle justifie également de l'établissement de l'attestation destinée à Pôle emploi en date du 31 août 2019 au nom de Mme [G].

Il n'est pas établi au vu des circonstances de la cause et des éléments produits que quand bien même la société Soredis n'ait pas respecté l'obligation d'information de mise à disposition des documents de fin de contrat et du chèque de salaire du mois d'août 2019, l'employeur se soit soustrait intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paye au sens de l'article L 8221-5 du code du travail.

La salariée doit être déboutée de sa demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, par voie de confirmation du jugement.

Sur les autres demandes et les dépens

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [G] les frais non compris dans les dépens. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera alloué à l'avocat de la salariée bénéficiaire de l'aide juridictionnelle en cause d'appel la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile, des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l'aide juridique.

L'employeur qui sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens .

- Confirme les autres dispositions du jugement.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Condamne la SAS Regineenne de distribution Soredis à payer à Mme [I] [G] les sommes suivantes :

- 700 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SAS Regineenne de distribution Soredis à payer à Me Marlot, avocat au Barreau de Rennes, la somme de 1 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi de 1991 sur l'aide juridique.

- Rejette la demande de la SAS Regineenne de distribution Soredis sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la SAS Regineenne de distribution Soredis aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 21/03313
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.03313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award