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04/07/2024 | FRANCE | N°20/01768

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 04 juillet 2024, 20/01768


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°298/2024



N° RG 20/01768 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QR27













S.A.S. MATAMEX



C/



M. [I] [C]















Copie exécutoire délivrée

le :04/072024



à :Me DELATTRE

Me MARION

AGS CGEA (CCC)





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 Juillet 2024





C

OMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du pr...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°298/2024

N° RG 20/01768 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QR27

S.A.S. MATAMEX

C/

M. [I] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :04/072024

à :Me DELATTRE

Me MARION

AGS CGEA (CCC)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 Juillet 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Mars 2024

En présence de Madame [T], médiateur judiciaire,

ARRÊT :

Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 20 juin 2024

****

APPELANTE :

SELARL [B] [M] & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [M], prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société MATAMEX

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Etienne DELATTRE de la SARL HAROLD AVOCATS II, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [I] [C]

né le 13 Janvier 1979 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Géraldine MARION de la SELARL CABINET ADVIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTES :

Association [Adresse 7]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non comparante non représentée

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 06 juin 2016, M. [I] [C] a été embauché en qualité de commercial négoce grand ouest selon un contrat à durée indéterminée par la société Solumat aux droits de laquelle se trouve la SAS Matamex, société ayant pour activité le négoce de matériaux de construction.

Il était stipulé au contrat de travail une rémunération forfaitaire sur la base de 1844 heures annuelles pour un temps plein de douze mensualités de 2.990 euros brut, soit une rémunération brute de 35.880 euros, hors mutuelle + prime établie en fonction du chiffre d'affaires.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective des salariés du négoce des matériaux de construction.

Par courrier recommandé en date du 30 décembre 2016, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement prévu le 06 janvier 2017.

Les parties sont convenues d'organiser un autre entretien qui s'est tenu le 13 janvier 2017, à l'issue duquel une convention de rupture a été établie, le formulaire de rupture conventionnelle ayant été signé le 16 janvier 2017 avec fixation du terme du contrat de travail de M. [C] au 24 février 2017.

 ***

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 23 mai 2018 et a formulé les demandes suivantes :

- Rappels d'heures supplémentaires : 19 938,44 euros

- Congés payés afférents : 1 993,84 euros

- Dommages-intérêts pour manquement au devoir d'information relatif aux repos compensateurs : 5 942,40 euros

- Dommages-intérêts pour travail dissimulé : 33 061,48 euros

- Dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux temps de repos : 10 000,00 euros

- Dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux primes: 3 000,00 euros

- Article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 euros

A titre subsidiaire,

- Condamner la SAS Matamex à verser une compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux : 19 938,44 euros

- Condamner la SAS Matamex à verser à M. [C] des dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives aux temps de repos : 10 000,00 euros

- Condamner la SAS Matamex à verser à M. [C] des dommages et intérêts en raison du préjudice lié au non-respect des règles relatives aux primes : 3 000,00 euros

En tout état de cause,

- Condamner la SAS Matamex à payer à M. [C] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 euros

- Ordonner la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 60 euros par jour de retard à compter du prononcé du-jugement à intervenir.

- Ordonner l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement à intervenir.

La SAS MATAMEX a demandé au conseil de prud'hommes de débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement en date du 21 février 2020, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit et jugé que la convention de forfait annuel en heures est déclarée inopposable à M. [C].

- Condamné la SAS Matamex à verser à M. [C] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement :

- 8 500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux,

- 4 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux temps de repos,

- 3 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice lié au non-respect des règles relatives aux primes variables.

- Condamné la SAS Matamex à verser à M. [C] la somme 1 900,00 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamné la SAS Matamex aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.

***

La SAS Matamex a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 12 mars 2020.

Par ordonnance de mise en état en date du 03 mars 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Rennes a:

- Déclaré irrecevables les conclusions n°2 de la SAS Matamex, contenant appel incident et remises au greffe de la cour le 24 novembre 2020,

- Rejeté la demande de la SAS Matamex sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la SAS Matamex aux dépens de l'incident.

Par arrêt en date du 17 juin 2022, la cour d'appel de Rennes a :

- Infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 mars 2022

Statuant à nouveau,

- Débouté M. [C] de son incident tendant à l'irrecevabilité des conclusions du 24 octobre 2020 de la société Matamex en réponse à son appel incident

- Condamné M. [C] aux dépens

- L'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Par jugement en date du 05 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé le redressement judiciaire de la SAS Matamex.

Le redressement a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 09 novembre 2022, désignant la SELARL [B] [M] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société.

Le liquidateur judiciaire et l'AGS ont été régulièrement appelés à la cause.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 16 mai 2023, la SELARL [B] [M] et associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Matamex, demande à la cour d'appel de :

Sur la demande formée par M. [C] et son appel incident :

- Juger de l'effet dévolutif de la déclaration d'appel formée par la SAS Matamex, et se déclarer saisie par cette déclaration d'appel

- Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, principales et subsidiaires,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande indemnitaire pour travail dissimulé

Sur l'appel formé par la Société [M] et associés :

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Rennes, qui a :

- Condamné la SAS Matamex à verser à M. [C], avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent jugement :

- 8 500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux,

- 4 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux temps de repos

- 3 000,00 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice lié au non-respect des règles relatives aux primes variables

- 1 900,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Débouter la SAS Matamex de sa demande de condamnation de M. [C] à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Re-jugeant,

- Débouter M. [C] de sa demande indemnitaire au titre d'un prétendu manquement aux durées maximales de travail ;

- Débouter M. [C] de sa demande indemnitaire au titre de la contrepartie au temps de trajets ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la SELARL [M] et associés à verser une contrepartie calculée à de plus justes proportions.

- Débouter M. [C] de sa demande indemnitaire au titre du non-versement de primes ;

En tout état de cause :

- Condamner M. [C] à payer la somme de 4 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [C] aux entiers dépens.

- Débouter M. [C] de sa demande nouvelle de capitalisation des intérêts à compter de la saisine de la juridiction.

Le liquidateur judiciaire de la société Matamex fait valoir en substance que :

- La déclaration d'appel est conforme aux dispositions des articles 562 et 901 du code de procédure civile de sorte que l'effet dévolutif s'applique pleinement, contrairement à ce que soutient M. [C] ;

- Les temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constituent pas un temps de travail effectif, à l'exception des trajets excédant le temps normal de trajet ;

- M. [C] était soumis à une convention de forfait en heures qui lui est opposable ; il n'a jamais réalisé d'heures supplémentaires ; le conseil de prud'hommes n'a pas expliqué sa méthode de calcul sur la somme de 8 500 euros allouée, empêchant la société de comprendre les raisons de sa condamnation ; les déplacements professionnels de M. [C] étaient inhérents à ses fonctions de commercial itinérant et la rémunération perçue constituait une contrepartie financière suffisante ; il percevait 3 000 euros brut par mois pour 20 heures de travail hebdomadaire ;

- M. [C] a travaillé plus de 10 heures dans une même journée de façon exceptionnelle, soit à 4 reprises sur 8 mois, sans jamais dépasser 12 heures de travail ; il n'a jamais travaillé 48 heures par semaine, ni 44 heures en moyenne et il ne démontre aucun préjudice ;

- Les règles d'attribution des primes étaient prévues par le contrat de travail ; la société n'a pas modifié unilatéralement les règles d'attribution des primes qui dépendaient du taux de marge, expliquant que M. [C] n'ait perçu la prime variable qu'en septembre 2016 ;

- Aucune heure supplémentaire n'a été volontairement dissimulée par la société Matamex, aucune heure supplémentaire n'a été réalisée par M. [C] ; en tout état de cause, l'application d'une convention de forfait illicite ou inopposable au salarié ne permet pas de caractériser l'élément intentionnel du délit de travail dissimulé.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 23 février 2024, M. [C] demande à la cour d'appel de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Jugé que la convention de forfait annuel en heures est déclarée inopposable à M. [C]

- Condamné la SAS Matamex à verser à M. [C] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice lié au non-respect des règles relatives aux primes variables

- Condamné la SAS Matamex à verser à M. [C] la somme de 1900 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Et, ainsi, fixé lesdites créances de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex, soit 3000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice lié au non-respect des règles relatives aux primes variables et 1900 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le réformer pour le surplus et statuant à nouveau,

En premier lieu,

A titre principal,

- Fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex à la somme de 19 938,44 euros à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre 1993,84 euros à titre de congés payés.

- Fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex à la somme de 5 942,40 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir d'information relatif aux repos compensateurs.

- Fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex à la somme de 33 061,48 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé

A titre subsidiaire,

- Fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex à la somme de 19 938,44 euros à titre de compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux.

En deuxième lieu,

- Fixer la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives aux temps de repos.

En tout état de cause,

- Condamner la SELARL [M] et associés, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Matamex, à payer à M. [C] 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais et honoraires d'exécution ;

- Juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et se capitaliseront conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, jusqu'à l'ouverture de la procédure collective le 05.10.2022.

- Rappeler que les autres sommes produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir.

- Débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Juger la décision à intervenir commune et opposable à la SELARL [M] et associés es-qualité de liquidateur de la SAS Matamex et au CGEA AGS et reconnaître à M. [C] le bénéfice de sa garantie dans les conditions et limites légales.

M. [C] fait valoir en substance que :

- La convention de forfait en heures n'est pas prévue par la convention collective applicable au sein de la société Matamex ; seule la convention de forfait en jours est prévue de sorte que la convention lui est inopposable ;

- Il communique un décompte établi sur la base des relevés de géolocalisation Google qui répertorient l'ensemble des déplacements, y compris les heures et lieux de déjeuner ; ce document est incontestable puisqu'il n'a aucun contrôle sur ces données ;

- Les temps de déplacement entre son domicile et les sites des 1er et dernier client répondaient à la définition du temps de travail effectif, par exemple le temps de trajet était de 10h17 pour se rendre de son domicile au Portugal le 24 octobre 2016 ; il demeurait joignable et suivait ses mails professionnels ;

- Par ailleurs, il télétravaillait régulièrement depuis son domicile et n'avait pas de bureau au siège de la société, de telle sorte que les temps de déplacement entre son domicile et le lieu de travail correspondaient à des déplacements entre deux lieux de travail ;

- La société n'a nullement respecté son obligation d'information sur le droit à repos obligatoire de sorte qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ce droit ; il est fondé à solliciter une juste indemnisation en compensation du préjudice subi ;

- Il a effectué de très nombreuses heures de travail et l'employeur ne pouvait l'ignorer puisqu'il avait défini les objectifs et qu'il remboursait les notes de frais démontrant les horaires de M. [C] ; il est donc bien-fondé à solliciter une indemnité équivalente à 6 mois de salaire au titre du travail dissimulé ;

- À titre subsidiaire, si la cour ne retient pas les demandes présentées au titre des heures supplémentaires au motif que les temps de trajet ne doivent pas constituer des temps de travail effectif, il convient de lui allouer une compensation financière relative aux temps de déplacements professionnels anormaux ; il est incontestable que les temps de trajet de M. [C] dépassaient fréquemment 'un temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail d'un salarié' ;

- Les relevés de géolocalisation produits mettent en évidence qu'il travaillait régulièrement plus de 48 heures par semaine, avec une moyenne de travail à plus de 60 heures par semaine ; il sollicite à ce titre des dommages et intérêts pour préjudice subi ;

- Son contrat de travail prévoyait une prime versée selon le chiffre d'affaires; il n'a perçu la prime qu'une fois et du jour au lendemain, les règles d'attribution ont été modifiées de sorte qu'il n'a plus jamais perçu la prime alors qu'il atteignait les objectifs initiaux.

***

Par courrier daté du 04 janvier 2023, l'AGS-CGEA de [Localité 4] qui n'a pas constitué avocat a informé la cour de ce qu'elle ne serait ni présente, ni représentée lors de l'audience et qu'elle entendait s'en rapporter à justice.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 12 mars 2024 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 25 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs dernières conclusions régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

Aux termes de ses dernières écritures, il est demandé par la société [B] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société, de 'juger de l'effet dévolutif de la déclaration d'appel formée par la société Matamex, et se déclarer saisie par cette déclaration d'appel'.

Cette prétention est manifestement sans objet dès lors qu'il résulte du dispositif des conclusions de l'intimé qu'il ne formule aucune prétention tendant à contester l'effet dévolutif de l'appel interjeté par la SAS Matamex.

2- Sur l'inopposabilité de la convention de forfait en heures

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 04 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 applicable à la date de conclusion du contrat de travail litigieux, l'article L. 3121-38 du code du travail disposait : 'La durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois'.

Il résulte des articles L. 3121-40 et L. 3121-41 dans leur rédaction issue de cette même loi du 20 août 2008 que les conventions de forfait en heures nécessitent l'accord du salarié, qu'elles doivent être conclues par écrit et que la rémunération qui résulte de leur application doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant au forfait, augmentée des majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L. 3121-22.

En revanche elles n'exigent pas nécessairement pour être conclues l'existence d'un accord collectif les prévoyant, s'agissant du moins des conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Un accord collectif est toutefois nécessaire pour que soit conclues des conventions individuelles de forfait en heures sur l'année, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 10 août 2016 disposant : ' La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.'

La convention de forfait en heures sur l'année peut être appliquée:

- aux cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de leur atelier, de leur service ou de leur équipe ;

- aux salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.

Au cas d'espèce, il est constant que les relations de travail unissant le salarié et la société Matamex étaient régies par la convention collective nationale des salariés du négoce des matériaux de construction du 08 décembre 2015, laquelle ne comporte aucune stipulation relative aux conventions de forfait en heures à l'année mais prévoit uniquement la mise en place d'une convention de forfait en jours.

L'article III-Rémunération, inséré au contrat de travail régularisé le 06 juin 2016, stipule : 'En rémunération de ces services, vous percevrez une rémunération forfaitaire sur la base de 1844 heures annuelle pour un temps plein de douze mensualités de 2 990 euros bruts (deux mille neuf cent quatre-vingt-dix euros), soit une rémunération brute de 35 880.00 euros (trente-cinq mille huit cent quatre-vingt euros) bruts, hors mutuelle + prime établie en fonction du chiffre d'affaires (tableau ci-joint).' (pièce n°2 employeur)

Les bulletins de salaire établis pour la période continue de juin 2016 à février 2017 font état des mentions suivantes : 'Catégorie : employés, niveau IV, Coef. 250, Horaire 153,6600" ainsi que la désignation 'Forfait annuel 1844 heures' (pièce n°24 salarié).

Outre le fait qu'aucun élément ne permet de démontrer que M. [C], engagé en qualité de commercial négoce, statut employé, disposait d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps au sens des dispositions de l'article L. 3121-42 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, il doit être observé que l'employeur ne justifie d'aucun accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant l'aménagement du temps de travail des salariés.

En l'absence d'accord collectif d'entreprise ou d'établissement répondant aux exigences susvisées de l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi du 10 août 2016, la convention de forfait en heures doit être déclarée inopposable à M. [C], par voie de confirmation du jugement entrepris.

En conséquence de l'inopposabilité de la convention de forfait, il convient de faire application du droit commun pour l'appréciation de la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

3- Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par le salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et par l'autre des parties, dans l'hypothèses où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

L'absence de mise en place par l'employeur d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l'existence ou au nombre d'heures accomplies.

Par ailleurs, il est constant que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle que prévue par l'article L. 3121-1 du Code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code.

En cas de litige, pour qualifier un temps de trajet comme un temps de travail effectif, le juge doit vérifier, si, pendant son temps de trajet, le salarié doit se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Dans l'affirmative, ce temps de trajet doit être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées.

En l'espèce, M. [C] verse aux débats :

- Un décompte des heures supplémentaires effectuées au cours de l'année 2016, sous forme de tableau indiquant les heures réalisées chaque semaine, le taux horaire, le nombre d'heures à 25%, le nombre d'heures à 50% ainsi que les rappels d'heures correspondant, pour un total de 17 641,73 euros (pièce n°4);

- Un décompte des heures supplémentaires effectuées au cours du mois de janvier 2017, sous forme de tableau indiquant les heures réalisées chaque semaine, le taux horaire, le nombre d'heures à 25%, le nombre d'heures à 50% ainsi que les rappels d'heures correspondant (pièce n°5) ;

- Des tableaux mensuels relatant les amplitudes horaires journalières de juin 2016 à février 2017 ainsi que des relevés de géolocalisation Google, difficilement exploitables, indiquant les différents trajets effectués par M. [C], les horaires, les itinéraires suivis ainsi que la durée de ces trajets (pièces n°6 à 14) ;

- Un relevé des différents mails envoyés par M. [C] sur la période du 03 juin 2016 au 23 février 2017, indiquant des échanges professionnels à des heures très tardives, notamment un mail ayant pour objet 'Stock mort BZH vers [Localité 6]' envoyé le lundi 19 septembre 2016 à 23h11, un mail ayant pour objet 'Prix 2016" envoyé le vendredi 20 janvier 2017 à 21h06, ou encore un mail ayant pour objet 'Fournisseur de galet turc' envoyé le jeudi 16 juin 2016 à 22h25 (pièce n°15) ;

- Des relevés de géolocalisation Google des 04, 13, 20 et 21 octobre 2016, détaillant la durée des trajets, les différents itinéraires ainsi que les kilomètres parcourus (pièces n°19 à 21) ;

- Des notes de frais établies chaque semaine pour les mois de juillet, août, septembre, octobre et novembre 2016 (pièce n°23).

Ces éléments sont suffisamment précis pour que s'instaure un débat contradictoire permettant à l'employeur de justifier des heures de travail effectivement accomplies par le salarié.

Le débat relatif au principe et au quantum des heures supplémentaires est en l'espèce corrélé à celui instauré par les parties sur le temps de travail effectif et les temps de déplacement.

En l'espèce, il est acquis que les temps de trajets effectués entre deux lieux de travail constituent un temps de travail effectif au sens des dispositions de l'article L. 3121-1 susmentionné.

La SELARL [B] [M] et associés ès qualités, admet d'ailleurs que 'ces déplacements professionnels étaient une contrainte inhérente aux fonctions mêmes de ce commercial itinérant' (conclusions liquidateur judiciaire page 16).

Pour autant, le liquidateur conteste la prise en compte, revendiquée par le salarié dans le cadre du décompte des heures supplémentaires, des temps de trajet entre le domicile et le travail.

Il ressort en effet des éléments susvisés produits par le salarié que de nombreuses heures supplémentaires dont il revendique le paiement résultent de la prise en considération dans son temps de travail effectif des temps de trajet entre son domicile et les sites du premier et du dernier clients.

Toutefois, il n'est pas établi que M. [C], dont les pièces 10 et 15 visées dans ses conclusions n'établissent pas qu'il ait dû rester en permanence joignable et qu'il ait dû répondre pendant ses trajets domicile-travail à des mails à caractère professionnel, ait été dans l'obligation de se tenir pendant les périodes litigieuses à la disposition de l'employeur et de se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, étant encore observé qu'aucun élément du dossier ne met en évidence une obligation de respecter des plannings prédéfinis, un contrôle rétrospectif des trajets par l'employeur ou encore un contrôle des étapes effectuées.

A cet égard, les éléments soumis à la cour à propos d'un déplacement au Portugal le 24 octobre 2016 ne permettent pas de retenir que M. [C] ait été dans l'obligation de se conformer durant le temps de trajet aux directives de son employeur, avant d'arriver sur son lieu de rendez-vous.

M. [C] ne peut donc se prévaloir utilement de l'application des dispositions de l'article L. 3121-1 du code du travail, les déplacements quotidiens entre son domicile et les sites des premier et dernier clients relevant des dispositions de l'article L. 3121-4 du même code.

Concernant les tâches administratives qu'il soutient avoir dû accomplir à son domicile, M. [C] est mal fondé à soutenir que les déplacements entre son domicile et le lieu de ses premier et dernier rendez-vous doivent être considérés comme des déplacements entre deux lieux de travail, alors qu'embauché en qualité de commercial et ayant des fonctions itinérantes, il ne précise pas en quoi consistaient lesdites tâches administratives nécessitant que son domicile soit utilisé comme lieu de travail, qu'il ne quantifie pas le temps qui aurait été dévolu aux dites tâches et que n'est d'ailleurs pas identifié le volume des heures de travail qui auraient été accomplies au domicile de l'intéressé.

Le liquidateur judiciaire de la société Matamex, qui à juste titre conteste la prise en compte des temps de trajet dans l'assiette de calcul des heures supplémentaires, verse aux débats un décompte de la durée du travail de M. [C], sous forme de tableaux mensuels, d'août 2016 à février 2017, incluant l'heure de départ du domicile, le temps de déplacement, l'heure d'arrivée sur les sites client, le temps de présence sur site, l'heure de départ du site, le temps de trajet ainsi que la durée de travail hebdomadaire (pièces n°9 et 10).

Il présente, à la page 16 de ses dernières écritures, un tableau récapitulant la moyenne des heures travaillées par semaine sur la période de septembre 2016 à février 2017, faisant état d'une durée de travail hebdomadaire systématiquement inférieure à 25 heures.

Force est de constater que le liquidateur judiciaire, alors que la convention de forfait en heures est inopposable à M. [C], procède ainsi par voie d'affirmation sans justifier des modalités de contrôle du temps effectif de travail de M. [C] sur la base desquelles les tableaux qu'il verse aux débats ont été établis, se bornant à soutenir qu'il 'semble qu'en dehors de ses déplacements, M. [C] ne soit pas très actif', éléments qui ne sont pas de nature à répondre à l'exigence prévue à l'article L3171-4 du code du travail d'une justification des horaires effectivement réalisés par le salarié.

Tel que cela résulte des précédents développements et de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, la cour a la conviction que M. [C] a accompli 239,02 heures supplémentaires entre son embauche et la rupture conventionnelle intervenue (210,91 heures supplémentaires en 2016 et 28,11 heures supplémentaires en 2017), de telle sorte qu'il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex la somme de 6.646,15 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et celle de 664,61 euros brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il sera également infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de M. [C] à titre de dommages-intérêts pour compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux.

En effet, M. [C] sollicite l'infirmation de ce chef et la cour statuant dans les limites des prétentions telles qu'elles sont énoncées au dispositif des dernières conclusions, dès lors que la demande formée par M. [C] 'à titre de compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux' n'est formée qu'à titre subsidiaire, étant de surcroît observé qu'il est expressément indiqué dans les motifs des dites conclusions que cette prétention est formée 'à supposer même que la cour ne retienne pas les demandes présentées par M. [C] au titre des heures supplémentaires (...)', il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande subsidiaire dès lors qu'il est fait droit à la demande principale à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires.

4- Sur l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail partiellement ou totalement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose notamment qu'' Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur:

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il est constant que cette indemnité forfaitaire n'est due qu'en cas de rupture du contrat de travail.

En l'espèce, l'inopposabilité au salarié de la convention de forfait en heures qui avait été prévue au contrat de travail et la connaissance par l'employeur de notes de frais mentionnant les horaires de M. [C], ne sont pas, à elles seules, de nature à caractériser une volonté de la société Matamex de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Dans ces conditions, l'intention requise par l'article L. 8221-5 du code du travail n'étant pas établie, la demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé doit être rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

5- Sur les dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée maximale de travail

Il résulte de l'article L. 3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf en cas de dérogation accordé par l'inspecteur du travail, en cas d'urgence ou dans les cas prévus à l'article L. 3121-19 du même code.

L'article L. 3121-20 du même code dispose que la durée hebdomadaire de travail effectif par salarié ne peut excéder quarante-huit heures, sauf en cas circonstances exceptionnelles telles que prévues à l'article L. 3121-21 du même code.

Le droit à la santé et au repos étant au nombre des exigences constitutionnelles, le respect des dispositions relatives à la durée du temps de travail s'inscrit dans un objectif général de protection de la sécurité et de la santé du salarié par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 04 novembre 2003, relative à l'aménagement du temps de travail.

Il en résulte que le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvre, à lui seul, droit à réparation.

En l'espèce, l'article 4.2 - Organisation et modes d'aménagement du temps de travail (hors forfaits en jours) de la convention collective des salariés du négoce des matériaux de construction dispose que : 'L'aménagement du temps de travail peut revêtir différentes formes dont le choix appartient aux entreprises.

Pour rappel, en matière de temps de travail, la loi a posé le principe de la primauté de l'accord d'entreprise.

Les parties signataires rappellent que l'entreprise doit veiller au respect des règles légales en matière de durée du travail :

' 10 heures en durée maximale journalière ;

' 48 heures en durée maximale du travail au cours d'une même semaine ;

' 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives. (...)'

La SELARL [B] [M] ès qualités, produit des tableaux mensuels, d'août 2016 à février 2017, incluant l'heure de départ à domicile, le temps de déplacement, l'heure d'arrivée sur les sites client, le temps de présence sur site, l'heure de départ du site, le temps de trajet ainsi que la durée de travail hebdomadaire (pièce n°9).

En réplique, le salarié verse aux débats des tableaux relatant les amplitudes horaires journalières de juin 2016 à février 2017 ainsi que des relevés de géolocalisation Google, difficilement exploitables, indiquant les différents trajets effectués par M. [C], les horaires, les itinéraires suivis ainsi que la durée de ces trajets (pièces n°6 à 14).

Si M. [C], allègue qu'il travaillait en moyenne 60 heures par semaine et environ 14 heures par jour, il convient de rappeler que les temps de trajet entre le domicile du salarié et le lieu d'exécution du contrat ne constituant pas des temps de travail effectif, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de les prendre en compte pour le calcul des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail.

Il résulte des éléments produits par les parties, que déduction faite des temps de trajet et des temps de pause, sur la période d'août 2016 à février 2017 l'amplitude journalière maximale de travail a été dépassée à quatre reprises, M. [C] ayant travaillé :

- 11h14 la journée du 22 août 2016,

- 11h37 la journée du 22 septembre 2016,

- 10h15 la journée du 14 novembre 2016,

- 10h20 la journée du 1er décembre 2016.

En outre, c'est à tort que l'appelante qui admet que M. [C] a travaillé 'de manière très exceptionnelle plus de 10 heures dans une journée', soutient dans le même temps qu' 'il [M. [C]] échoue à démontrer l'existence d'un préjudice découlant du dépassement très exceptionnel de la durée maximale de 10 heures de travail.' (pages 17 et 18).

Le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail, causant nécessairement un préjudice au salarié, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée maximale de travail.

Il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, par voie d'infirmation du jugement entrepris s'agissant du quantum.

6- Sur la demande relative au défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos:

L'article L. 3121-30 alinéa 1er du code du travail dispose que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

En application de l'article L. 3121-33 du même code, la contrepartie obligatoire en repos ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Enfin, le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de l'employeur, de demander la prise de la contrepartie obligatoire en repos, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, indemnisation qui comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos visée à l'article D. 3121-19 du code du travail et le montant des congés payés afférents.

L'article 4.1.2 de la convention collective des salariés du négoce des matériaux de construction, applicable en l'espèce, fixe le contingent annuel d'heures supplémentaires à 220 heures par an et par salarié.

Il stipule également que : ' Le paiement des heures supplémentaires et des majorations y afférentes peut être remplacé, en tout ou partie, par un repos compensateur équivalent.

Il est convenu que les modalités de compensation, en paiement ou en repos, des heures supplémentaires réalisées sur l'année sont définies comme suit :

' jusqu'à 130 heures : le choix relève exclusivement de l'employeur ;

' au-delà : le choix appartient au salarié.

Le repos compensateur peut être pris par journée entière ou par demi-journée, d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, dans le délai maximum de 6 mois suivant l'ouverture du droit. L'absence de demande de prise de repos par le salarié ne lui fait pas perdre son droit à repos.

Les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent conventionnel et/ ou de celui de l'entreprise ouvrent droit, en sus, à une contrepartie obligatoire en repos dans le respect des articles L. 3121-38 et suivants du code du travail. (...) '

En l'espèce, les deux derniers bulletins de salaire de janvier et février 2017 comportent :

- Une rubrique 'heures travaillées' répartie en deux lignes : période et année,

- Une rubrique 'heures supplémentaires' répartie en deux lignes : période et année,

- Une rubrique 'Repos compensateur' répartie en trois colonnes : Pris, restant et acquis.

Étant précisé que les compteurs des rubriques heures supplémentaires et repos compensateur sont à 0 et que le compteur de la rubrique heures travaillées est à 307,32 heures pour l'année 2017 et 153,66 heures pour le mois de février 2017. (pièce n°24 salarié).

Au regard des heures supplémentaires effectuées sur l'ensemble de la période litigieuse, soit 210,91 heures supplémentaires en 2016 et 28,11 heures supplémentaires en 2017, aucun dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires n'est intervenu, de telle sorte que la demande doit être rejetée, par voie de confirmation sur ce point du jugement entrepris.

7- Sur les dommages et intérêts au titre du non-respect des règles relatives aux primes

Il résulte des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

À ce titre, l'employeur est tenu d'un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en 'uvre du contrat que l'application de la législation du travail.

L'employeur est lié par les conditions fixées au contrat de travail quant aux règles d'attribution d'une prime.

Il est constant que dans le cas d'une prime prévue au contrat de travail, toute modification de son montant ou des règles d'attribution doit faire l'objet d'une modification du contrat. A défaut, une modification des règles d'attribution n'est pas opposable au salarié.

En l'espèce, l'article III - Rémunération, inséré au contrat de travail stipule que 'En rémunération de ces services, vous percevrez une rémunération forfaitaire sur la base de 1844 heures annuelle pour un temps plein de douze mensualités de 2 990 euros bruts (deux mille neuf cent quatre-vingt-dix euros), soit une rémunération brute de 35 880.00 euros (trente-cinq mille huit cent quatre-vingt euros) bruts, hors mutuelle + prime établie en fonction du chiffre d'affaires (tableau ci-joint).'

Le tableau annexé au contrat de travail intitulé 'Palier prime mensuel Matamex' est composé d'une colonne comprenant 21 paliers de chiffre d'affaires (de 50 000 euros à 250 000 euros) et de 4 colonnes comprenant le taux de marge réalisée par l'entreprise par tranches (de 20 à 25%, de 25 à 30%, de 30 à 35% et +35%) (pièce n°1 salarié).

M. [C] produit également son bulletin de salaire pour le mois de septembre 2016, indiquant le versement de la somme de 389,25 euros à titre de 'Prime sur CA' (pièce n°24), ainsi qu'un relevé des factures et commandes émises entre juillet et octobre 2016, sous forme de tableau, indiquant les totaux suivants :

- 76 608,78 euros de chiffre d'affaires pour le mois de juillet 2016,

- 32 802,40 euros de chiffre d'affaires pour le mois d'août 2016,

- 103 032,34 euros de chiffre d'affaires pour le mois de septembre 2016,

- 57 558,68 euros de chiffre d'affaires pour le mois d'octobre 2016.

Soit : 289 972,20 euros de chiffre d'affaires au total (pièce n°16).

L'appelante soutient que les chiffres avancés par M. [C] ne révèlent pas les taux de marge réalisés.

Si la SELARL [B] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Matamex, conteste toute modification unilatérale des règles d'attribution de la prime variable et allègue que : 'c'est le taux de marge réalisé qui détermine le taux de prime versé à Monsieur [C]' (page 20), il doit être observé qu'elle ne produit strictement aucun élément permettant à la cour de connaître les taux de marge effectivement réalisés et qui, selon elle, seraient donc insuffisants pour ouvrir le droit au versement de la prime contractuelle, hormis pour le mois de septembre 2016.

Il apparaît en outre une imprécision dans le montant alloué par l'employeur au mois de septembre 2016 par rapport au tableau annexé au contrat de travail, puisque le bulletin de paie du mois de septembre mentionne une prime sur chiffre d'affaires d'un montant de 389,25 euros brut qui ne correspond à aucun des montants visés au dit tableau, tandis que le salarié revendique pour cette même période un chiffre d'affaires de 103.032,34 euros qui correspondrait à une prime comprise entre 700 et 850 euros selon le taux de marge applicable.

Il résulte de ces éléments que l'employeur a manifestement failli au respect de la clause contractuelle relative au versement d'une prime sur chiffre d'affaires, en s'abstenant de justifier des taux de marge devant être appliqués à chaque type de transaction, alors que dans le cadre de la présente instance il ne justifie nullement de ce que le chiffre d'affaires réalisé par M. [C] lui interdirait de prétendre au versement de la prime litigieuse.

Il est résulté de ce manquement fautif de l'employeur un préjudice qui sera réparé par la fixation d'une créance d'un montant de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, par voie d'infirmation du jugement entrepris.

8- Sur les intérêts au taux légal:

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 27 mars 2019 pour celles qui étaient exigibles au moment de sa saisine.

En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de leur prononcé. Toutefois, en vertu l'article L. 622-28 du code de commerce rendu applicable en liquidation judiciaire par l'article L641-3 du même code le prononcé du jugement d'ouverture emporte l'arrêt du cours des intérêts.

Il convient dès lors de dire que seules les condamnations à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Matamex de sa convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, jusqu'au 05 octobre 2022, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la dite société.

Il n'est pas justifié d'ordonner la capitalisation demandée sur les condamnations à caractère salarial, par application des dispositions susvisées de l'article L. 622-28 du code du travail.

9- Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SELARL [B] [M] et associés ès qualités, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En raison des circonstances de l'espèce, il n'est pas contraire à l'équité de laisser M. [C] supporter la charge de ses frais irrépétibles et il convient donc de le débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L 3253-6 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus à l'article D 3253-5 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires et en ce qu'il a condamné la société Matamex à payer la somme de 8 500 euros à M. [C] pour compensation financière en raison des déplacements professionnels anormaux;

Le confirme pour le surplus, excepté sur le quantum des sommes allouées ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y additant,

Fixe comme suit la créance de M. [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Matamex:

- 6 646,15 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

- 664,61 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect de l'amplitude journalière maximale,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des primes variables non-perçues.

Déboute M. [I] [C] du surplus de ses demandes ;

Dit que seules les condamnations à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Matamex de sa convocation devant le Bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, jusqu'au 05 octobre 2022, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la dite société ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la capitalisation demandée sur les condamnations à caractère salarial, par application des dispositions susvisées de l'article L. 622-28 du code du travail ;

Dit que pour le surplus des condamnations, les créances de nature indemnitaire ne produiront pas intérêts ;

Dit que le présent arrêt sera opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4] dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code;

Déboute la SELARL [B] [M] et associés ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Matamex et M. [C] de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL [B] [M] et associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Matamex, aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/01768
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;20.01768 ?
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